Je viens de laisser Jack dans la salle, en tête à tête avec son siège. J’ai cependant une étrange impression, comme si Jack  avait eu besoin de me retenir mais pas pour un dernier baiser volé.  C’est peut-être l’énervement, il voulait sans aucun doute me demander de transmettre un mot pour Olivia.

Cette dernière est prête. Magnifique dans son costume, cette petite est visiblement faite pour la scène. Et si son arme première est le chant, je ne doute pas le moins du monde qu’elle tirera son épingle du jeu ce soir avec son jeu. En répétition, elle a démontré une rigueur exemplaire et la complicité évidente avec Julian, un acteur en devenir, selon moi, me donne confiance dans ce qui se déroulera ce soir.

J’aide un peu en coulisses mais mes jeunes sont bien disciplinés, ils savent quoi faire et quand le faire.  Je les regarde aller,  le regard fier et les bras croisés sur ma poitrine. Pour une fois depuis le début de toute cette aventure je sens que je peux laisser aller les choses et ce sentiment est aussi bénéfique que de me retrouver dans les bras de Jack.

C’est plus fort que moi, dès que je pense a lui, mon esprit part en tout sens et je revis les moments for de notre dernière – et unique – nuit ensemble.  J’en ai les jambes molles, les mains moites, le cœur qui bat à un rythme inégal. C’est l’ivresse de l’amour tout beau, tout nouveau.

Je vogue tellement loin dans mes pensées que je sursaute presque trois mètres de haut quand on tapa sur mon épaule en m’interpellant pour des fleurs.

- Oh, oui c’est ma cous… Maria !!, dis-je en me retournant et découvrant qu’il s’agit de ma cousine.

J’ouvre grand les bras pour l’enlacer précautionneusement et l’embrasser sur chacune de ses joues.

Maria, malgré les dures épreuves, a trouvé le temps et l’énergie de me surprendre et de me faire rire et je ne peux que l’admirer pour ça.

- C’est une si belle attention !  J’avais dans l’idée de t’inviter pour boire un café demain et te raconter ma soirée, mais je ne savais pas si tu en aurais la force. Je suis tellement heureuse de te voir !

Maria est comme ma sœur. Non en fait, elle n’est pas « comme », elle l’est. Aussi simple que ça. Alors de la voir ici et costumée en livreur de fleurs est d’un réconfort  incroyable.  Les fleurs qu’elle me tend, des fleurs des champs, est un magnifique clin d’œil à notre enfance au Texas.

- Si tu veux un siège dans la salle, je peux t’en trouver un mais tu peux rester avec moi en coulisse si tu veux… J’ai mon fauteuil à roulettes. Moi de toute façon, je me connais, je serai trop énergique pour rester assise.

Si elle reste, si elle s’en sent capable, elle pourra rencontrer Jack avec la pièce. L’occasion est trop belle pour être remise à plus tard.

@ Billy Lighter

Nous n’en avons peut-être pas l’air mes les femmes Watson sommes de vraies guerrière et sommes capable de soulever des montagnes par la seule force de notre volonté de fer.  Maria en est bien la preuve ce soir alors que, en pleine convalescence, elle a réussi à trouver l’énergie nécessaire pour non seulement me surprendre, mais en ajoutant une touche d’humour.

Je la reconnais bien là ! Rien pour la faire reculer !

D’aussi loin que je me souvienne, je l’ai toujours admiré pour sa détermination et sa force de caractère. Sa présence ce soir ne me fait que l’aimer encore plus, ma sœur de cœur !

- Oh ! Mais tu sais, tout repose sur mes élèves ! Tu verras, ils sont grandement talentueux ! Ne lâche pas des yeux ma Juliette et mon Roméo, tu auras un coup de foudre assuré !

Je ne peux pas prendre tout le mérite de la pièce sous prétexte que j’aurai fais un bon boulot de mise en scène. Toute cette entreprise est un immense travail collectif qui a même mis à contribution les parents – Jack entre autre... -  et quand bien même aurais-je été la plus douée des metteurs en scènes, si mes étudiants n’avaient pas travaillé d’arrache pieds, je me serais singulièrement cassé la figure.

Je ne peux m’empêcher de plonger le nez dans le bouquet de fleurs.  Elles sentent si bon ! Je dois cependant les mettre de côté le temps d’aider un étudiant à se démêler dans les cordons de son pourpoint et y aller de deux ou trois dernières recommandations.

Maria et moi avons du temps a rattraper. Étrangement, depuis que je suis officiellement résidente de Los Angeles, nous n’avons jamais été aussi éloignées l’une de l’autre.  Je crois que nous nous parlions plus souvent que ça quand j’étais au Texas.  Mais il faut dire que depuis mon arrivée, je n’ai jamais été autant occupée et que ma cousine, de son côté, avec les hauts et les bas de sa carrière de manager,  ceux de sa vie de couple et sa maladie, il lui est difficile de caser du temps dans son agenda pour autre chose.

Vivement un rétablissement complet ! J’ai hâte de me retrouver emmitouflé en pyjama avec elle, avec un pot de glace et pleins de trucs à se raconter pendant toute une nuit. Nos soirées de filles à se vernir les ongles d’orteils ou en essayant des mises en plis qui, au final, ne nous vont pas du tout.

J’accepte avec joie son invitation à casser la croûte après la pièce.

- Ce sera avec joie ! Immédiatement après la pièce, les parents et les étudiants sont conviés à une petite fête mais après, je suis libre…enfin plus ou moins…  

Je m’en mordis la lèvre avec un petit sourire rêveur. J’aurais voulu attendre et le lui présenter en même temps que je lui apprenais la nouvelle mais comme je compte aller dormir chez Jack, ce serait un peu bête de le laisser en plan après la pièce ici pour le retrouver que plus tard… chez moi !

- J’ai rencontré quelqu’un et, en fait il doit dormir chez moi ce soir alors, si tu n’y vois pas d’inconvénient, il pourrait se joindre à nous ?  Ton amoureux, pourrait venir nous y rejoindre aussi ?  Je n’ai pas encore eu l’honneur de rencontrer ce rare spécimen qui a su décrocher ton cœur !

Je dis ça en la taquinant. Maria et moi avions si souvent rêvé de nos vies futures.  Idéalisé nos mariages et imaginer notre marmailles quasi parfaite.  Parfois, quand j’y pense, j’ai peine à croire que toutes ces années ont passées et que je ne suis toujours pas officiellement casée.
Mais qui sait, avec  Jack, j’ai bon espoir d’avoir trouvé le bon.

La pièce va bientôt commencer et je ne veux pas tasser Maria dans un coin. En fait, j’aimerais bien la savoir avec moi derrière la scène. Comme le support moral qu’elle a toujours été.  Mais  ma raison me fait lui proposer de lui dénicher un siège dans la salle, parce que je me dis qu’elle y sera plus confortable. Mais elle préfère, pour ma plus grande joie, de rester avec moi à l’arrière.

- Chouette ! Comme lorsque nous étions gamines, tu te souviens ? Et que nous montions des pièces de théâtre avec nos poupées !  

Et quand elle ajouta que j’ai l’air heureuse, je ne peux qu’hocher de la tête avec un large sourire sur les lèvres.

- Si tu savais, Maria ! C’est du bonheur qui entre à la tonne en ce moment !

@ Billy Lighter

La présence de Maria est rassurante parce qu’elle me connait et sait ce dont je suis capable pour avoir mainte et mainte fois monté des projets avec elle. Je n’ai jamais échoué en sa présence et ce n’est pas aujourd’hui que je compte créer un précédent.

Je la vois suffisamment en forme pour qu’elle accepte de passer la pièce en ma compagnie et, qui plus est, elle m’invite à manger un morceau avec elle quand tout sera terminé. Comment refusé ?  Et ce serait une occasion pour moi, si elle pouvait le rejoindre, d’inviter son amoureux à nous accompagner.

Ce serait sympa et un bon timing de rencontrer l’homme qui fait battre le cœur de ma presque sœur puisque j’ai moi même envie de lui présenter Jack comme étant mon coup de foudre.

- Et non, je n’ai pas eu le temps de te l’annoncer encore puisque je dois t’avouer que c’est très récent. Mais tu sais, je ne doute pas une seule seconde qu’il est le bon… Oh, Maria si tu le voyais ! Il est beau… à tout point de vu et…

Et j’allais lui dire qu’il embrassait merveilleusement bien mais je suis encore trop timide au sujet de ma relation naissante pour me laisser aller à ce point dans mes confidences.

Ma cousine espère que je lui annonce m’être entichée d’un homme de l’ombre. Je veux dire par là qu’il ne fait pas partie de la Jet Set et  j’hoche de la tête de l’affirmative parce que… bah Jack est derrière les projecteurs, pas vrai ?

- Tu dois le connaître, toi qui fus secrétaire de ton petit ami avant de te lancer. Enfin, j’en sais rien je m’avance peut-être…

Parce que je ne sais pas depuis combien de temps Jack est manager pour BSC et si en fait il était en poste quand ma cousine était elle-même encore à l’emploi de cette maison de disque.

- Il est manager pour BSC, lui aussi… Je l’ai rencontré… tu vas rire ! Figure toi qu’il sert de tuteur à l’une de mes étudiantes et c’est lui qui s’est pointé à la réunion de parent… Comme quoi, les hasards de la vie !

Maria est tout sourire quand elle me parle de  son petit ami, du moins de sa rencontre avec son père et je ne peux qu’abonder en ce sens moi aussi.

- En effet ! Tu n’as jamais été aussi rayonnante que depuis que tu es en couple avec lui. J’ai bien hâte de le rencontrer d’ailleurs pour lui dire qu’il fait un bon boulot !, dis-je en éclatant de rire.

Et la pièce, sur le point de commencer, Maria me propose un coup de main que j’accepte volontiers en lui tendant  quelques accessoires.

- Tu es la meilleure Maria ! Merci de m’aider ! Les étudiants avant d’entrer sur scène vont passer devant toi tu n’as qu’à leur donner moi je vais aller de l’autre côté une petite minute pour voir si ça va avec Julian puis je reviens !

Je m’éclipse donc quelques  minutes le temps de retrouver mon Roméo d’un soir, enfin pas « mon » à proprement parler mais dans le sens où il est celui de ma pièce, enfin, vous m’aviez compris, et, une fois que tout est en place, de retourne côté jardin en coulisse rejoindre Maria qui a distribué ce qu’elle devait donner.

- Tu vois, c’est ce qui me rend fière dans mon métier d’enseignante. L’accomplissement qu’ils auront quand la pièce sera terminé, imagine un peu leur fierté !

Et qui de mieux qu’une manager pour comprendre ce que cela veut dire ?

@ Billy Lighter

Avec ma cousine pour me soutenir, je me sens invincible. Elle et moi avons passé au travers de tant de choses, bonnes et moins bonnes, qu’il est normal de trouver ça réconfortant que de l’avoir avec moi alors que je fais mes preuves devant une salle comble pour ma première entreprise d’envergure en tant que professeure de Fairfax High School.

Les vacances de Noël vont commencer officiellement dès ce soir quand la pièce prendra fin et que cette belle aventure sera derrière nous. Je pourrai reprendre un peu le temps perdu avec ma cousine et parler un petit plus en profondeur de nos vies.

Car si je lui annonce avoir fait la rencontre d’un homme, manager de BSC et tuteur d’une de mes étudiantes, l’endroit n’est pas plus propices que cela à la confidence. J’aimerais lui parler de ce que j’ai ressentis quand nous sommes allés diner Jack et moi après la réunion. Les papillons qui m’ont habités  toute la semaine durant et l’effet  atomique qu’à eu notre second rendez vous. Un coup de foudre comme on en voit que dans les films.

A défaut d’en parler  immédiatement, et ne pouvant certainement pas attendre après Noël,  un petit détour dans un gueuleton du coin après la pièce serait à la fois une occasion pour moi de rencontrer Daniele Ricci, celui qui si brillamment conquis le cœur de ma cousine et, pour ma part, présenter celui qui fait batte le mien. Nous ferions d’une pierre deux coups.

Maria accepta ma proposition en  ajoutant qu’elle passerait un coup de fil à Daniele, question de voir s’il a envie de se pointer le bout du nez.

Il faut s’activer, la pièce va commencer et Maria, toujours volontaire, accepte de me donner un coup de main. J’ai l’impression d’être un petit poulet pas de tête qui court dans tous les sens  sans trop savoir ce qu’il fait mais, quand la pièce commence et que mes premiers acteurs disent leurs répliquent, je me sens tout de suite plus détendu.

À partir de maintenant, tout est entre leur main.

Je partage avec Maria ce sentiment si grisant de fierté qui me chauffe le cœur en voyant tout ça se dérouler sous mes yeux.  Je sens un peu de nostalgie quand elle me parle de l’album d’Atticus Fetch. Album dont le chanteur n’aura pas savouré le succès.

- J’imagine bien, oui que tu devais être fière et tu peux l’être encore. Avec tous tes projets à venir. Ton parcours n’est pas banal, Maria, t’as eu plus de couilles que bien des hommes n’en auront jamais !

Je souris à ma cousine avant de lui replacer une mèche de cheveux derrière l’oreille puis, je passe mon bras sous le sien pour regarder la pièce.  C’est comme quand nous étions petites… mais en beaucoup mieux !

@ Billy Lighter