David…

Retiens-toi…

Avale.

Oh oh…

Je bave ?

Non.

Un peu…

Oh…

Merde.

Il est quelle heure ?

David.

Fait noir, non ?

Je levai les yeux au ciel qui me narguait.

Les nuages gris disaient : « Derrière toi ! »

Je me retournai mollement.

-Hey… Scotty…

Le roadie posa la main sur mon épaule.

Il était avec un autre type.

Je passai mon avant-bras sur mes lèvres un peu mouillées.

Le Leponex fait baver.

J’aime pas ça.

On est où encore ?

-David… il faut que je te laisse avec Abel.

Je hochai la tête, mais pas pour Scott…

A la voix qui me disait…

Show dans… j’en sais rien et je m’en bats les couilles !

MOUAHAHAHAHAH !

-je suis bien avancé avec ça…

Scott claqua des doigts devant ma figure et mon regard revint sur lui.

-Je reste avec Howard.

Scott soupira.

-Non. Avec Abel, David. Je sais pas où est Howard.

Je haussai les épaules.

-Tant que c’est pas avec Kayden.

Ce serait con.

Qui te dit que Timmy est pas en train de l’enterrer ?

Mes yeux s’écarquillèrent dans le vide, ma gorge se serra et un fin gémissement m’échappa, un peu ramolli par le Leponex.

-Oh !... David… Reste avec nous… On est là, tout va bien. Tu veux bien rester avec Abel ?

Je regardai le Abel puis hochai la tête.

Scott me récompensa par une tape sur l’épaule.

-Ok, super ! Aucune raison de flipper… Faut que j’aille dans la tour de régie pour les balances de son.

Puis, il ajouta à l’attention d’Abel :

-Et j’ai aucune envie qu’il saute par-dessus bord.

Je regardai Abel, enfouissant mes mains dans mes poches.

-Je vais pas faire de crise. Je suis calme… Je vais bien…

J’ai pris mes médocs…

Ouais, mais ça marche pas toujours…

Je souris.

-Je suis pas dangereux. Je ne veux tuer personne. Je suis juste malade, je suis pas un serial killer…

@ Billy Lighter

Scott était venu me chercher alors que je terminais le montage des grilles qui tenaient les spots au-dessus de la scène. Il avait un service à demander et pensait trouver en moi le type qui lui fallait. Alors j’étais descendu en rappel une fois mon installation terminée et en étant sûr que ça n’allait pas tomber sur la tronche de The Burning Fire en plein concert, pour aller le rejoindre.

J’étais sacrément curieux sur ce qu’il pouvait me demander parce qu’entre son domaine, le son, et le mien, le montage-démontage, il y avait comme un gouffre.

Il m’annonça avec un sourire qu’il avait besoin de quelqu’un de calme pour un peu de babysitting. Et là, j’avais fait de grands yeux parce que je n’avais aucune idée d’où il voulait en venir.

Il m’avait dit que j’allais vite comprendre… Et en effet, j’avais eu vite compris.

Il m’avait guidé, dans les coulisses en plein air, à l’arrière de la scène, jusqu’à David McAvoy. Je savais depuis Londres, comme tout le monde, qu’il était revenu dans le groupe et ses prestations étaient vraiment bien au-dessus de ce que le claviériste de session de MTI, qui n’était pourtant pas dépourvu de talent, avait pu faire depuis le début de la tournée et sur le dernier album.

Mais je n’avais pas encore eu l’occasion d’approcher le vrai claviériste de The Burning Fire de près. Et pourtant, ça jasait chez les roadies ! Il y en avait qui racontaient des histoires qui frisaient le vieux roman fantastique, presque. Mais la plupart disait surtout que ces histoires de dépression, c’était juste du bluff et que l’état de McAvoy était bien au-delà de ça.

Bon Dieu… Il y en avait qui étaient persuadés que McAvoy répétait ce qu’ils pensaient parfois !

Bref, je n’avais pas encore eu l’occasion de me faire ma propre opinion sur le sujet et c’était probablement en ça que Scotty avait vu en moi l’homme de la situation. J’y allais sans préjugés… même si je devais admettre que certaines choses que d’autres roadies avaient pu dire étaient sacrément intrigantes.

Scotty me présenta au claviériste… Grand, plus ou moins blond et le regard… Un peu absent… Puis présent… Puis absent…

Là… Pas là… Là… Et ainsi de suite.

Et il ne nous regardait jamais, aucun des deux, dans les yeux. Toujours vers le sol ou… comme s’il tentait de nous regarder sans jamais y arriver. C’était étrange comme sensation.

Et il me fit frissonner quand, après avoir demandé où était Howard et que Scott lui ait dit qu’il n’en savait rien, il affirma que « tant qu’il n’était pas avec Kayden… ». Réplique digne d’un film d’Halloween.

Et Scotty d’en ajouter, me faisant encore plus écarquiller les yeux, si c’était possible, en disant qu’il n’avait aucune envie que David saute du haut de la tour de régie.

-Pardon ?

Mais Scotty me planta là, face à McAvoy qui, mains dans les poches, déclara qu’il allait bien et qu’il n’était pas un serial killer…

Je le regardai, interloqué…

-Et bien tu m’en vois ravi, David…

Je regardai autour de moi… Espérant presque apercevoir Delfino pour avoir du renfort.

Merci, Scott… Mais je fais quoi, maintenant ? Ça voulait dire quoi « pas de crise » ? Des crises de quoi ?

-Euh… Qu’est-ce que tu veux dire, tu es malade ?

Je ne savais pas où me mettre ni quoi dire, en réalité… Et j’avais la sensation que j’étais à deux doigts de dire une connerie…

Je passai une main dans mes cheveux…

-Il y a quelque chose que tu voudrais faire ?

Déjà… Pourquoi je dois surveiller un adulte ? Sérieusement ? Enfin, si j’avais bien compris Scott… Je devais surtout veiller à ce qu’il ne se tue pas lui-même.

@ Billy Lighter

Scotty s’en va !

David !

Rattrape-le !

Idiot !

Ne le laisse pas partir.

Non.

Il a dit de rester avec Abel…

C’est qui Abel ?

Je posai mes yeux sur le roadie…

Enfin sur son ventre.

Je n’aime pas regarder les gens dans les yeux.

Pas de crise.

On ne tue personne par inadvertance.

Je gardai mes mains dans mes poches.

Et restai planté face à Abel.

Mon regard balayant un peu le sol.

Il va vite être propre à ce rythme-là.

Je pouffai de rire.

-Ah… C’était drôle ça.

Qu’est-ce que tu veux dire, tu es malade ?

Je relevai les yeux vaguement vers le roadie.

-Je… Je suis schizophrène… J’ai… un traitement pour ça.

Je haussai les épaules.

Souris vaguement.

-Mais tout est ok, hein…

Tu es tellement con !

Un attardé mental, David !

-Tout est sous contrôle… Total…

Mon regard vrilla sur le côté, un sourcil levé…

L’autre froncé…

Shhh !

Me faites pas mentir !

Abel attira à nouveau mon attention.

Il y a quelque chose que tu voudrais faire ?

Je passai ma main dans mes cheveux.

Exactement comme il venait de le faire.

Sauf que les miens restèrent ébouriffés en l’air.

-Heu… Il y a quelque chose que tu voudrais faire ?

Il y a quelque chose que tu voudrais faire, David ?

Concentre-toi !

Leponex…

Les médicaments m’empêchent de penser.

-Voudrais… faire… Ouais… Jouer du piano…

Je balançai ma tête de gauche à droite.

-Mais… je dois attendre l’heure du concert… Alors… Peut-être…

Je regardai autour de moi…

Pinçai mes lèvres.

Sortis une main de ma poche.

Et fit un moulinet de la main à hauteur de ma tempe.

-Peut-être que je pourrais… Faire sortir la chanson que j’ai dans la tête.

Je remis ma main dans ma poche.

-Pas le piano… Les… paroles… J’ai des paroles…

@ Billy Lighter

Merci, Scotty… David McAvoy n’avait pas l’air vraiment dangereux, ce n’était pas ça le problème, mais s’il était réellement schizo, comme il le déclarait lui-même, j’avais intérêt  à ne pas dire ou faire quelque chose qui pourrait  lui déclencher une crise.

Enfin… je pensais que ça fonctionnait comme ça, mais j’étais bien loin d’être un expert en la matière.

Et en l’occurrence, pour l’instant, je pensais bien avoir beaucoup plus la trouille que David.

David qui semblait comme attendre quelque chose, planté là, les mains dans les poches… Mais moi, je ne savais pas quoi faire là… Je n’allais quand même pas le regarder explorer son petit monde en attendant que Scott revienne. Il aurait pu au moins me donner des pistes sur ce que le musicien pouvait ou aimait faire, en attendant !

A défaut, et bien, autant poser la question au principal intéressé, ce que je fis.

J’eus l’impression de le faire revenir de très très loin et sa réponse, forcément, tomba sous le sens au point que je me disais que c’était quand même con de ma part de poser la question.

Et lui-même savait que jouer du piano, pour l’instant, ça n’allait pas être possible. J’eus un sourire désolé pour lui. J’avais tendance à vouloir capter son regard, mais il le fuyait tout le temps.

Il fit un geste au niveau de sa tempe et mon visage s’illumina quand il affirma qu’il voulait faire sortir une chanson de sa tête. Des paroles… McAvoy avait des paroles.

-On peut aller dans le container de repos des roadies, si tu veux ! Tu me suis ? On va bien trouver là de quoi écrire pour toi…

Je commençai à avancer doucement dans en direction du container, attendant qu’il m’emboîte le pas.

-On pourra même trouver quelque chose à boire aussi, si tu as envie… Un peu de coca ne me fera pas de mal, en ce qui me concerne.

Je souris à David.

-Et ça me plairait beaucoup de voir comment tu écris… Si je peux…

@ Billy Lighter

J’ai des paroles.

Ah c’est nouveau ça, Daveeeeeeey !

Tu sais pas parler.

Je fronçai les sourcils.

Fis la moue.

-Ecrire, c’est pas parler.

J’enfouis plus profondément mes mains dans mes poches…

Et ma tête dans mes épaules.

Tu me suis ? On va bien trouver là de quoi écrire pour toi…

Je relevai les yeux vers le roadie.

Et souris.

-Ok…

Et le suivis.

Et ça me plairait beaucoup de voir comment tu écris… Si je peux…

Je haussai les épaules.

-J’écris avec un bic… Mais un… un crayon ça marche aussi… normalement.

C’est un piège, David !

Tu vas te retrouver comme la fois au Hollywood Mental Health Center…

Quand tu as suivi le mauvais gars.

-Sssh ! On…

Je grognai.

-On ne parle pas de ça.

Je portai la main à mon cœur.

Qui cognai fort.

Et secouai ma tête vers le côté.

Pour faire partir les flashes.

Je regardai Abel qui marchait devant.

Et me mordis la lèvre.

Ouais enfin, j’espère que ce sera pas pareil.

Peut-être c’est un psychopathe aussi.

On entra dans un bloc où il y avait d’autres roadies.

Des qui buvaient.

Des qui parlaient.

Des qui lisaient.

Des qui écoutaient de la musique.

Des qui jouaient avec un spot cassé.

Ok…

On est pas tout seul.

C’est ok.

Je m’assis à la table.

Les roadies me regardaient avec un air surpris.

Et moi je les regardais avec un air surpris aussi.

-Bah quoi ?

Alors ils reprirent où ils en étaient.

Et moi, j’eus de quoi écrire et du coca.

-Ok…

Et je me mis à dessiner.

Des formes un peu abstraites…

Un bonhomme…

Avec plein d’autres bonhommes dedans.

Et la chanson jouait dans ma tête.

@ Billy Lighter

Je n’étais pas sûr que c’était toujours à moi que David s’adressait… Il lançait parfois des phrases en réponses à… rien. Pareil pour ses mimiques et expressions faciale ou même certains gestes. Ce qui était perturbant, c’était que c’était limite s’il ne faisait pas ça tellement bien que je me demandais si ce n’était pas moi qui était aveugle à des choses que j’aurais pourtant dû voir.

J’avais donc décidé de l’emmener dans la salle de repos improvisée des roadies, puisqu’il avait dit vouloir écrire. Il finit par me suivre, à quelques pas derrière moi… Il regardait le sol, marmonnait son regard ne tenait pas en place… mais il me suivait, je n’en demandais pas plus.

Histoire de faire la conversation… ou de tenter de le faire, je lui déclarai que ça me plairait beaucoup de voir comment il écrivait et sa réponse me laissa bouche bée… avant de me faire rire… Un rire un peu incertain… Parce que sa réplique était d’une telle logique que j’avais l’impression que c’était moi qui n’avait plus toutes mes cartes…

Encore une peu et je serai convaincu que c’est moi, et pas lui, qui doit me faire soigner.

-Effectivement, David… Je suppose qu’on te trouvera un bic ou un crayon… Du coup…

Qu’est-ce que vous vouliez que je dise ? D’intelligent, je veux dire…

Je continuai d’avançai et tournai la tête vers lui à nouveau, un peu inquiet quand il s’exclama… On ne parle pas de ça ? Mais de quoi ?

Il avait porté la main à son cœur et semblait un peu paniqué d’un coup.

-Hé… Ça va aller, David. On y est presque…

Intérieurement, je priais pour qu’il n’ait pas de crise parce que s’il le faisait, je n’avais aucune idée de comment réagir.

Ce fut presque un soulagement d’arriver dans le container et d’aller dans le frigo piocher du coca pour David et pour moi. Je lui ramenai aussi de quoi écrire alors qu’il avait pris place à une table, faisant se taire quelques secondes l’assemblée de roadies papoteurs qui se trouvaient là.

Je m’assis à côté de David, gardant une distance raisonnable pour ne pas entrer dans sa zone de confort…

Et il se mit non pas à écrire, mais à dessiner.

Le genre de dessins d’enfant un peu flippant qu’on voit parfois dans les films d’horreur, juste avant que ça ne merde et que ce soit le bain de sang. Ou que les esprit commencent à envahirent une maison… Ce genre là… un bonhomme, deux bonshommes, pleins de petits bonshommes dans la tête d’un gros bonhomme.

Je tapotai le plus grand du doigt, celui qui contenait tous les autres.

-Est-ce que c’est toi ?

@ Billy Lighter

♫

Coca.

Feuille.

Bic.

Et la chanson qui jouait dans ma tête.

Abel à côté de moi.

Et tous les autres.

Avaient disparu.

All around me…

C’était une vieille radio.

Qui jouait dans ma tête.

Un radio qui crachotait un peu.

All around me are…

Je me souviens…

Je me souviens de l’école.

Beaucoup de monde.

Beaucoup de bruit.

Les cris.

Les rires.

Ma tête cachée entre mes mains.

Trop de monde.

Trop de bruit.

Puis d’autres choses…

Qui s’ajoutaient à ça.

Réelles ?

Ou pas ?

Syd…

Les crises.

Je voulais être tout seul.

Les voix.

Mal à la tête.

Trop de choses.

J’étais mieux tout seul.

Dans une trop petite tête.

Et ça voulait sortir.

Mais ça ne sortait jamais…

Les petites-amies, c’est beaucoup de stress…

Sans faire beaucoup de dégâts.

The dreams in which I’m dying…

-Est-ce que c’est toi ?

Je relevai la tête.

Tournai mes yeux mi-clos vers Abel.

Secouai doucement.

Très doucement la tête.

-Non.

Enlarge your world…

Je soulevai la feuille.

-Je suis la feuille de papier.

@ Billy Lighter