Je faisais les cent pas dans la pièce qui me servait à la fois de bureau et d’espace de stockage pour les armes du QG des New Soldados. Il était 3h du matin et hormis moi, il n’y avait personne. Les autres étaient soit chez eux, soit dans les rues à dealer. Tant que j’étais là, je n’avais besoin de personne pour monter la garde… De toute façon, en théorie, personne ne savait  où se trouvait ce QG.

En théorie…

Je ne dormais de toute façon pas, ce soir, alors on peut dire que je montais la garde. Je réfléchissais à un prochain gros coup qui montrera, à nouveau, à Reed que les Los Diablos avaient une sacrée concurrence.

Mais alors que mes réflexions menaient sur plusieurs idées, je m’arrêtai devant la fenêtre d’où je pouvais voir ma voiture garée dans la rue devant le QG. Des gamins tournaient autour… Et pas n’importe quels gamins.

Trois Pequeñas Manos… Ugo, Alejandra et Guillermo… Pas les plus âgés du lot… Pas les moins violents. Ce qu’il foutait là ? Simple… Ils commençaient à s’en donner à cœur joie en rayant la carrosserie de ma Mustang.

Je fronçai les sourcils sentant mes muscles se contracter.

-Sales gosses…

Je n’haussai pas le ton mais je disais ça d’une voix tellement profonde que ma haine pouvait s’entendre. En temps normal, je serais sortis et j’aurais gérer l’affaire à ma manière… Mais je ne pouvais pas. Ces trois-là savaient exactement qui j’étais et sortir reviendrait à lever le voile sur l’identité d’El Lider…

Alors je regardais, les bras croiser et si de l’extérieur je paraissais calme, à l’intérieur, je bouillonnais.

Ugo et Alejandra semblaient rire et s’amuser… Quant à Guillermo, il restait silencieux mais c’est quand même lui qui s’empara d’une pierre qu’il utilisa pour éclater l’un de mes phares avant.

Ils n’étaient pas discret… Pourtant, je croyais bien avoir appris à Guillermo à être discret, entre autre, pendant la période où j’avais été proche de sa mère.

Ces gosses ne retiennent rien…

Mon regard se détourna du carnage pour momentanément se poser sur le flingue qu’il y avait sur la petite table.

J’ai hésité…

Je ne l’ai pas pris… J’ai fermé les yeux soufflant tous l’air que j’avais dans les poumons avant de les rouvrir et de regarder à nouveau par la fenêtre. Les gamins avaient terminé leur carnage et, déjà, les deux garçons s’étaient enfuis alors qu’Alejandra, un peu à la traine, lança vers l’entrepôt des mots que je réussi à capter à travers le simple vitrage.

-Crève, El Lider !

Et elle s’enfuit en courant cette petite garce me laissant avec au moins une certitude : les Los Diablos savaient maintenant où était notre QG… Et ils savaient aussi quelle était ma voiture. C’était bon à savoir… Je savais maintenant que j’allais devoir renforcer la sécurité ici.

Quant à ce que venais de faire ces trois gamins… La vengeance est un plat qui se mange froid.

Je m’étais laissé tomber dans un fauteuil soufflant d’agacement. J’aurais bien passé mes nerfs sur A.J. (ça lui aurait plu) mais je n’avais pas envie de faire le chemin jusqu’à Downtown… Alors, j’avais simplement passé mes nerfs sur le punching-ball installé non loin du ring imaginant très facilement que je frappais sur la tête d’Alejandra.


Le matin à la première heure, j’avais fait le tour de ma bagnole constatant les dégâts. Un phare cassé, un rétroviseur en moins, de griffes sur toute la carrosserie… Ces sales gosses n’avaient pas fait le travail à moitié. Toujours furieux, j’entrai dans ma voiture pour me rendre au garage… Celui du père de Robson, un garage de l’Eastside. Je savais que ma manœuvre était dangereuse mais c’était le seul endroit où j’étais sûr qu’aucun Los Diablos n’y travaillait… Puis l’heure matinale à laquelle je me rendais dans l’Eastside limitait les risques de tomber sur un Los Diablos.

Mais il fallait que je répare cette voiture. Je n’en avais pas d’autres.

Je ma garai devant le garage avant de sortir de ma voiture pour aller à la rencontre d’un mécanicien au l’autre. J’enlevai mes lunette de soleil une fois dans le bâtiment et j’avais à peine fait trois pas que je trouvai ce que je cherchais.

-Bonjour… Des gamins ont vandalisé ma voiture… Il y a pas mal de dégâts…

On pouvait encore sentir que j’avais la haine… En fait, depuis l’incident, j’avais dans ma tête que des images où je les tuais tous les trois de diverses façons…

@ Billy Lighter

La tournée était terminée. J’avais eu le temps de me remettre du jet lag et autres cuites que j’avais pu vivre en voyage. Seigneur ! Si ça n’avait pas été l’expérience la plus géniale et la plus éreintante de ma vie, je ne savais pas ce que c’était !

J’avais aussi rencontré des gens intéressant et hauts en couleur, comme la jeune Kenzie qui était aussi la sœur d’Howard Stone et la petite-amie de Nathan. Pour faire simple, je m’étais vraiment bien amusé.

Et maintenant que j’étais de retour à Los Angeles et que j’avais pu dormir un peu, j’avais repris mon second travail, en parallèle avec celui que j’avais chez MTI, au garage du vieux Robson, pour arrondir mes fins de mois. Ce n’était pas comme si j’étais ingénieur du son. Les ingénieurs du son étaient nécessaires tout le temps. Mais pour le montage-démontage, c’était autre chose. Mes journées les plus remplies n’étaient que lorsqu’il y avait des concerts live à préparer.

J’avais été ravi de retrouver mes collègues et j’avais été prié de raconter tout ou presque, de ce que j’avais pu voir en tournée. Il y avait quand même certaines choses que je voyais en tant que roadie et que je gardais pour moi, par respect pour les stars que je côtoyais. Mais de toute façon, la plupart des anecdotes que je racontais, c’était des trucs qui se passaient entre roadies comme cette fois où Delfino avait dû me ramener à ma chambre après un concours de shots que j’avais lamentablement perdu.

J’avais été aussi content de remettre les mains dans le cambouis, de faire ronronner des moteurs. J’aimais la belle mécanique et la puissance des chevaux moteurs. Et j’espérais aussi un peu que Sonny pointerait le bout de son nez pour nous raconter l’une ou l’autre course, ou venir nous montrer une de ses voitures, s’il en avait gagné de nouvelles.

Mais ce ne fut pas Sonny qui arriva au volant d’une Mustang noire. Mais un homme plutôt grand et qui avait des marques sur le visage. Des blessures déjà vieilles mais il avait dû en prendre plein la tronche. Je m’avançai vers lui, attiré surtout par la voiture que je découvrais largement vandalisée.

-Bonjour… Abel Hudson… Qu’est-ce que je peux faire pour vous ?

Formule de politesse pure et simple parce que je voyais plutôt bien ce que je pouvais faire pour lui. Il m’annonça que son véhicule avait été vandalisé par des gamins. Je m’en approchai et en fit le tour…

-Je vois ça… Ils n’ont pas été tendre, ces gosses…

Je regardai le gars…

-Vous avez porté plainte ? Ne serait-ce que pour l’assurance…

Puis je pinçai mes lèvres, passai mes doigts sur les griffes de la carrosserie…

-Il va y en avoir pour des jours, rien que pour les travaux de carrosserie… Elle a été repeinte, votre voiture… Elle est rouge d’origine, non ?

@ Billy Lighter

Le mécanicien s’avança vers moi et me salua en se présentant. Abel Hudson. Ce nom ne me disait rien du tout et c’est tant mieux. Le pire qui pourrait m’arriver, pour l’instant, c’est que quelqu’un me reconnaisse alors que je suis censé être mort. Il demanda ce qu’il pouvait faire pour moi et j’expliquai mon cas non sans réussir à cacher ma totale mauvaise humeur.

Trois gamins avaient vandalisé ma voiture. Voilà mon foutu problème. J’aurais pu être d’une humeur un peu moins massacrante si j’avais pu leur foutre leur raclée aux trois gosses. Je n’aurais pas hésité dans d’autres circonstances. J’aurais commencé par descendre Ugo pour laisser Alejandra pleurer un peu avant de la descendre à son tour. Quant à Guillermo… Il est encore jeune. J’aurais peut-être pu en tirer quelque chose. Ne pas lui donner d’autres choix que de me rejoindre et en faire une arme anti-Los Diablos. Gonzalez aurait certainement aimé voir son neveu nous rejoindre.

Voilà les images que j’avais en tête alors qu’Abel s’approcha de ma voiture pour en faire le tour. Il déclara que les gosses n’avaient pas été tendres. Je n’avais pas remarqué… Je croisai les bras.

-Les gamins de l’Eastside, c’est des plaies…

Le mécanicien me demanda si j’avais porté plainte pour l’assurance. Non, je n’ai pas porté plainte. Etant donné ma situation, ce n’était pas forcément intelligent de porter plainte. Quand on avait une carrière comme la mienne on devait faire un trait sur ce genre de choses et s’amuser à faire justice soi-même.

-Non. Je n’ai pas porté plainte.

Et je ne donnai pas d’explications. Je n’étais pas obligé de le faire. J’aurais pu dire « oui » mais Hudson aurait très vite compris que ce n’est pas le cas quand viendra le temps de payer… De toute façon, c’était mon affaire, après tout.

Il passa ses doigts sur la carrosserie endommagée. Je voyais d’avance que tous ces foutus dégâts allaient me coûter un pont. Je devrais peut-être voler une autre cargaison aux Los Diablos pour rembourser les dégâts. En tout cas, ils allaient payer d’une façon ou d’une autre.

Je soupirai d’exaspération quand Hudson déclara qu’il en aura pour des jours de réparation. Je m’y attendais un peu mais l’entendre ne me faisait pas plaisir du tout. Il remarqua aussi que ma voiture avait été repeinte. Je le regardai toujours avec mon air contrarié.

-Oui, elle est rouge à l’origine. Je l’ai fait repeindre récemment. Elle est veille, cette Mustang. Il lui fallait un coup de neuf. Mais j’y tiens.

Elle en avait déjà vécu des belles mais je crois que ce qu’avaient fait ces trois gosses, c’était le pire.

C’était aussi ma seule voiture et j’avais besoin de me déplacer. Je devais éviter le taxi, le bus et tous ces trucs-là. Moins on avait l’occasion de me voir, mieux je serais à l’abri.

-J’aurais le droit à une voiture de remplacement ? Parce que j’ai besoin d’une bagnole. Et les dégâts, ils me reviendront à combien à peu près ?

Que je sache combien je dois aller voler aux Los Diablos.

@ Billy Lighter

L'homme l'avait clairement mauvaise. Ça se voyait sur son visage et il faisait limite peur quand il affirma que les gosses de l'Eastside étaient des plaies. Putain, je crois qu'il en aurait tenu un entre ses mains au moment où on parlait, il l'aurait réduit en charpie.

D'un autre côté, si la même chose était arrivée à mon Impala... Je n'aurais probablement pas été beaucoup plus engageant. Oh que non... Je n'avais même aucune idée de ce que je ferais tellement c'était impossible pour moi de m'imaginer pétant complétement les plombs...

Bon, je ne tuerais personne mais l'envie de manquerait certainement pas, à chaud.

Je grattai l'arrière de ma tête en regardant la voiture vandalisée.

-Ouais... Et le pire, c'est qu'il n'y a même aucun bon conseil à donner pour éviter ça, malheureusement. Parce que je me doute bien que si vous disposiez d'un garage, vous en auriez fait usage...

Et s'il habitait l'Eastside, ce genre de chose n'était pas donné... De même que son véhicule avait très bien pu être vandalisé en pleine journée pendant qu'il allait faire une course dans l'un ou l'autre commerce. Dans l'Eastside, tout était possible... J'y avais même repêché Olivia Cortez, les pieds en sang, c'était dire!

Le propriétaire de la voiture n'avait pas porté plainte, malgré sa colère. A sa place, ça aurait été la première chose que j'aurais faite, ne fut-ce que pour calmer un peu ma frustration et ma colère en allant tout balancer aux flics... Mais ici, en tant que mécano, je posais la question simplement pour une question d'assurance.

-Ah... Ok... Ça va être difficile de faire fonctionner votre assurance pour un cas de vandalisme alors... Parce qu'eux vont vous demander la copie de votre plainte... il est encore temps de le faire, si vous voulez. On peut vous faire un petit dossier photo ici même...

Je haussai les épaules.

-Et si vous ne voulez pas faire marcher l'assurance, les réparations seront à vos frais.

Il n’était peut-être tout simplement pas assuré, mais ça, c'était pas mon problème, vu que j'étais pas flic.

En faisant le tour de la voiture, je constatai que celle-ci avait été repeinte... Elle était rouge à l'origine.

-Ok, c'est une voiture que vous avez remise à neuf vous-mêmes?

Je lui souris sincèrement. Moi qui adorais les bagnoles...

-Il faut dire que c'est un très beau véhicule. Je m'en chargerai et je vous ferai ça bien... On ne peut pas la laisser comme ça, la pauvre.

Mais plus pragmatique, le client se tracassait surtout de savoir s'il allait pouvoir se déplacer.

-Oh oui, on vous trouvera un véhicule de remplacement, on en a quelques-uns... Mais c'est un peu comme pour le reste... Sans assurance, vous devrez payer ce service de votre poche...

Je passai mes doigts sur les griffes du flanc côté conducteur et grimaçai...

-Putain, ils vous ont fait ça avec quoi, ces gosses?...

Je me redressai, grimaçant toujours...

-A vue de nez, et rien que pour les dégâts, y en a pour 1000 dollars de carrosserie... Et je dirais 500 pour le rétro pété. Main d'œuvre comprise, mais sans compter le véhicule de remplacement...

@ Billy Lighter

Si j’avais pu, je les aurais tués… C’est ce que je pensais alors qu’Hudson disait qu’il n’y avait pas de bons conseils pour éviter ce qui m’était arrivé hormis celui d’avoir un garage. Moi j’avais un bon conseil : dégommer tous ces petits gamins de merde. Eradication du problème.

-Ouais… Je l’aurais placée dans un garage qui j’en avais eu un…

Je disais ça toujours sur le même ton agacé. Je crois que tant que je n’aurais pas réduit quelqu’un en charpie (n’importe qui) je resterais à cran. Je pourrais peut-être m’occuper moi-même du prochain petit abruti qui essayera d’avoir une place dans mon gang. Le réduire en bouille… J’en crevais d’envie en tout cas.

Mais je revins à la réalité quand il parla de plainte. Je déclarai que je n’avais pas porté plainte. Allez dans un commissariat aurait été le pire mouvement que j’aurais pu faire aujourd’hui. Et puis, de toute façon, cette voiture n’était même pas assurée. J’avais fraudé pour me la payer au temps au j’étais encore mal payé chez les Los Diablos.

Le mécanicien disait que j’avais encore le temps de porter plainte et qu’il pouvait faire un dossier photo. J’hochai négativement de la tête.

-Non... Ça ne sera pas nécessaire.

Les réparations seront donc à mes frais. Je savais d’avance que ça allait me coûter cher ce qui n’arrangeait pas vraiment mon humeur massacrante. Quant à être suspect par rapport à ma non-plainte ? Il pourra toujours croire que je n’ai pas d’assurance ce qui est le cas… Pour le reste, je doute qu’il en parle. Il ne voudrait pas un client en moins. Ça ne plairait sûrement pas au vieux Robson.

Il regarda ma voiture alors que je n’avais pas changé d’attitude. J’affirmai qu’elle avait été repeinte et il demanda si je l’avais fait moi-même.

-Non. Je l’ai fait faire. C’est pas vraiment mon truc de m’occuper d’une bagnole. Je préfère rouler à tout l’aspect mécanique.

Rouler apporter plus d’adrénaline que de repeindre une carrosserie. Surtout s’il s’agissait d’une course. Voilà encore quelque chose qui allait me manquer à cause de ce foutu anonymat. Mais il fallait que je tienne le plus longtemps possible déjà pour assurer ma sécurité et le temps que mon gang prenne de l’ampleur. Après ça, mon gang me servira de protection contre ceux qui voudraient m’éliminer.

Hudson trouvait ma voiture très belle et j’hochai la tête pour confirmer. Elle en avait bavé, cette bagnole, depuis le temps que je l’avais. J’aurais fait le listing à Hudson je crois qu’il aurait été encore plus mal pour ma voiture parce qu’il semblait en parler comme si c’était un être humain.

-Merci.

Il confirma que j’aurais le droit à une voiture de remplacement. Mais qu’elle sera à mes frais, si je n’avais pas d’assurance. Mes lèvres se pincèrent.

-Super…

C’était un « super » ironique. Même si le mécanicien d’en pouvait rien ce n’était pas pour ça que j’allais cacher ma frustration.

Il passa sa main sur la carrosserie avant de demander avec quoi les gosses avaient esquinté me caisse. J’haussai les épaules non sans montrer encore une fois mon agacement.

-Je n’en savais rien… Je n’ai pas vu comment ils s’y sont pris. Croyez-moi que si je les avais vus, il n’aurait pas eu le temps de faire autant de mal à ma caisse. Mais j’ai juste eu le temps de les voir s’enfuir alors qu’ils avaient déjà terminé. Sinon, je leur aurais foutu la branlée que leur parents ont oublié de leur foutre.

Ils n’avaient pas de parents. Mais des branlées, ils n’en avaient pas assez souvent, à mon avis. Faudra peut-être leur rappeler que faire les malins, c’est dangereux, surtout quand on fait partie d’un gang et qu’on attaque le leader du gang ennemi.

Hudson commença à estimer les dégâts. J’en avais déjà pour 1500 dollars sans compter le véhicule de remplacement. J’avais l’argent… Mais les Los Diablos ne prendraient rien pour attendre.

-Putain, plus de 1500 dollars…

Il faudra que je trouve un moyen de ne plus laisser ma voiture à portée des sales mômes…

-J’imagine que je n’ai pas le choix de toute façon. Je payerais ce qu’il faut payer… Et je veux bien la voiture de remplacement. Le taxi, ce n’est pas bon marché non plus.

La facture allait être salée. Cette petite victoire des Los Diablos me laissait un goût sacrément amer.

Bon maintenant, il fallait que je m’assure d’un autre truc. Ce type, Hudson, n’était pas un Los Diablos. Mais ça ne voulait pas dire qu’il ne connaissait pas de Los Diablos :

-Vous venez de l’Eastside ? Je vous ai jamais vu dans le coin… Vous travaillez ici depuis longtemps ?

Le garage du vieux Robson n’était pas mon garage de prédilection… Alors peut-être que ce type y travaillait depuis longtemps.

@ Billy Lighter

Ce n'était vraiment pas le jour de ce pauvre gars et je ne lui tenais pas rigueur de son ton agacé et de ses paroles acerbes envers ceux qui lui avaient esquinté sa voiture. Une belle voiture comme ça, ça m'aurait fait mal aussi...

Et puis, il valait mieux qu'il parle tout haut de ce qu'il pensait faire à ces gosses que de le faire tout court.

D'autant que l'homme n'avait pas porté plainte. La raison ne me regardait pas. Ce n'était pas non plus comme s'il était le premier client dans le cas. Nous étions dans l'Eastside, après tout. Et moi, j'étais mécano, j'étais pas là pour faire une enquête. Les questions que je posais ne visaient pas à démasquer quoi que ce soit ou qui que ce soit. Ce que je faisais ou ce que je demandais n'était que dans le but d'aider et de réparer au mieux la bagnole.

Même si... Il disait ne pas avoir vu les vandales mais savait qu'il s'agissait d'enfants... Cela dit, ça ne prouvait rien parce que si, dans son quartier, il était bien connu qu'une bande de jeunes sévissait, les liens pouvaient être très vite fait dans la tête des gens.

Je ne manquai pas de montrer non seulement ma compassion, limite plus pour la voiture que pour son propriétaire. Ce à quoi il me répondit que la mécanique, la voiture en soi, l'intéressait moins que le fait de rouler. Je souris à cette déclaration...

-Je croirais entendre le fils du boss...

Bien que Sonny, lui, combinait les deux aspects. C'était non seulement un sacré pilote, paraissait-il, d'ailleurs, il avait mis cette capacité au service des gens puisqu'il était ambulancier, mais en plus, il vous aurait démonté et remonté une bagnole en moins de temps qu'il n'en aurait fallu pour le dire.

En regardant la voiture de plus près, je fus quand même curieux de savoir avec quoi les vandales avaient réussi à lui faire autant de mal, à cette pauvre caisse. Mais mon client répondit qu'il n'en savait rien, en envoyant une nouvelle salve de venin au passage.

-Ouais, je peux comprendre. J'ai moi-même une Chevy Impala de 64 et ça me ferait mal que ce genre de chose lui arrive.

D'autant plus que cette voiture avait appartenu à mon père...

A vue de nez, les dégâts allaient coûter bonbon... Comme j'en informai le pauvre homme puisqu'il posait légitimement la question. Je pinçai un peu les lèvres en le regardant, sincèrement désolé, mais comme il le remarqua lui-même, à défaut d'assurance, il n'avait pas fort le choix, s'il voulait rouler avec une voiture en état.

-Vous pourrez échelonner le paiement, je pense. Faudra que je vois avec le boss... Pour ne pas avoir à tout payer d'un coup. Et ok pour la voiture de remplacement... Suivez-moi, on va aller en choisir une.

Je l'invitai à me suivre, pour traverser le garage. Les voitures à disposition étaient stockées à l'arrière du bâtiment... Et je souris quand mon client s'étonna de ne m'avoir jamais vu dans le coin.

-Je ne suis pas originaire de l'Eastside. Ni de L.A., d'ailleurs. Je viens du Kansas. Mais ça fait quelques années déjà que je travaille ici. Et je ne vous ai jamais vu non plus. Même si en réalité, je ne suis pas tout le temps au garage. C'est un job complémentaire pendant les périodes creuses.

On arriva dans la cour extérieure alors que je continuais.

-Je cumule avec un job de roadie chez MTI, ça me permet de voir des concerts et d'être payé pour ça. Et puis de voyager à l'œil, c'est vraiment pas mal.

Je poussai la conversation un peu plus loin... Mais vraiment pour faire la conversation.

-Vous, vous bossez dans quoi? Si c'est pas indiscret...

@ Billy Lighter

Alors que j’étais toujours en train de tuer les gamins dans ma tête, je déclarai au mécanicien que je n’avais pas repeint ma voiture seul mais que je l’avais fait faire. Je préférais conduire à la mécanique. Ce qui me plaisait c’était l’adrénaline de la vitesse et, surtout, de mettre une branlée aux autres coureurs. D’ailleurs, parlant des autres coureurs, Abel déclara qu’il croyait entendre le fils du boss qui n’était autre que Sonny Robson. Je le regardai d’un air neutre sans rien dire mais n’en pensant pas moins. Sonny aimait bien courir aussi, c’est vrai. Mais contrairement à moi, lui ne savait faire que ça.

Même si je ne vais pas trop en dire sur Sonny Robson aujourd’hui. Parce que si je suis en vie, c’est en partie grâce à lui.

Abel posait quelques questions qui concernaient la voiture. Je lui répondais chaque fois non sans montrer ma haine pour ces petits gamins de merde au passage. Il comprenait disant que si ça serait arrivé à sa propre voiture, il n’aurait pas été content non plus. Il avait une Chevy Impala de 64.

-C’est un beau modèle…

Ma marmonnai ça mais ma mauvaise humeur ne me permettait pas de vraiment m’extasier sur la marque de voiture d’Abel. J’aimais bien ma Mustang mais c’est vrai que les Impala, c’était des belles voitures aussi.

On passa ensuite aux frais des dégâts et me mauvaise humeur s’amplifia devant les plus de 1500 dollars que je devrais. C’était une somme énorme et même si je pouvais échelonner le paiement, ça me faisait quand même bien chier.

-Ok, je ferais ça…

Je n’avais pas forcément envie de voir le boss… Si je pouvais éviter le boss, c’était mieux. Parce que le père de Robson devait avoir entendu parler de moi étant donné que j’étais en primaire avec son demeuré de fils.

Mais je verrai ça plus tard. En attendant, je suivis Abel vers les voitures de remplacement lui posant quelques questions au passage. Il ne venait pas de l’Eastside, ni même de L.A. mais du Kansas. Mais ce job au garage n’était pas son premier job, en réalité, il était roadie pour MTI.

MTI… Samantha… C’est le chemin qui se fit dans ma tête.

-MTI…

Je dis ça le regard sombre avant de regarder Abel.

-Vous avez de la chance. Vous pouvez côtoyer des stars. Vous en avez déjà vu, je suppose ? Et des managers aussi ? Ricci est là-bas, non ? Non, il est chez BSC, c’est juste.

La seule Italienne chez MTI, c’était Samantha.

Je manquais d’enthousiasme en disant ça alors que d’autres auraient sautés sur l’occasion pour avoir des anecdotes. Mais je n’avais pas les nerfs, aujourd’hui, pour feindre l’enthousiasme.

Il me renvoya une question. Si mon job. Je lui dis que c’est indiscret ? Non. Je préférais répondre, ça faisait moins suspect.

-Je suis électricien… Ça rapporte pas énormément mais ça paye les factures. Et ça me permet de payer mon appartement miteux aussi. Etre roadie, ça rapporte bien plus, je suppose. De quoi s’acheter une Impala, en tout cas.

J’esquissai un sourire en coin. Je ne devais pas paraitre des plus sympathiques aujourd’hui mais je devais avouer que j’avais un peu de mal à me contrôler là…

@ Billy Lighter

Malgré mes efforts, je n’arrivais décidément pas à dérider mon client. Dommage, j’aurais voulu essayer de calmer un peu sa mauvaise humeur parce que je compatissais pleinement à sa douleur. Comme je lui en fis part, j’étais moi-même un amateur de belle mécanique et si on avait fait ça à la voiture que j’avais héritée de mon père, j’aurais aussi envie de tuer… Au moins pendant dix minutes. Mais j’avais la chance de savoir que je pourrais réparer les dégâts moi-même et à moindre coût en bénéficiant des infrastructures du vieux Robson.

Tout en allant voir pour sa voiture de remplacement, il me sembla qu’il essayait d’éloigner la conversation des dégâts qu’il avait subis et de ce que ça allait lui coûter. Alors j’embrayai dans la même direction et répondis à ses questions. Ce n’était pas vraiment comme si j’avais quelque chose à cacher.

Je parlai donc de mes origines, et de mes deux emplois dont l’un m’amenait à faire des déplacements très intéressants autour du globe. Et comme il le souligna lui-même, à rencontrer des stars et… oui… oui, des managers aussi même si la remarque me fit lever un sourcil.

-Oh oui… Sur le Dynamite Tour, j’ai eu l’occasion de côtoyer les membres de BleedingHeart et The Burning Fire. Tous très sympas. J’ai pu aussi apercevoir Sniper et Lola. Et oui, des managers aussi, comme Timmy Evans.

Je souris à mon client.

-C’est étrange, les gens ne pensent jamais aux managers d’habitude. On pense surtout aux stars en premier. Mais c’est sûr qu’ils n’y sont pas pour rien dans la renommée des artistes.

Certains seraient même complètement paumés sans leurs managers.

-Et oui, Ricci est chez BSC. Le manager que je vois le plus souvent, c’est Timmy Evans. Ah, et je croise aussi très souvent Lenny Knowles et la petite nouvelle dont j’ai oublié le nom. Qui gèrent The Lightening.

Mais je me demandais bien ce que lui faisait dans la vie. Tant qu’à faire d’avoir une conversation sur tout et sur rien. L’homme affirma être électricien.

-Ah, indépendant, donc… ça ne doit pas être facile tous les jours. Vous payez limites plus de taxes que vous ne gagnez d’argent. Et pourtant, Dieu sait qu’on a besoin d’électriciens…

Je rigolai.

-Si roadie payait si bien que ça, je ne devrais pas cumuler deux jobs. C’est plutôt saisonnier comme travail. Mais c’est clair que quand on part en tournée, la somme est non négligeable. De quoi bien vivre quand même. Mais l’Impala, c’est un héritage. Elle appartenait à mon père.

Et enfin, il s’était décidé à sourire. Ce n’était pas plus mal. Je lui désignai les voitures exposées dans la cour.

-Bon, voilà, j’ai surtout des Ford et des Dodge à vous proposer en remplacement… C’est moins clinquant que votre Mustang mais avec un peu de chance, ce ne sera l’affaire que de deux ou trois semaines.

@ Billy Lighter

Donc cet Abel travaillait chez MTI comme roadie. De quoi encore me ramener à Samantha malgré moi… Malgré mes efforts pour arrêter de l’aimer. Pourtant, j’essayais de me repasser en boucle les derniers gestes qu’elle avait eus envers moi. Cette trahison. Tout pour essayer de ne plus l’aimer mais, d’au contraire, la haïr. Mais je n’y arrivais pas.

Pas encore en tous cas.

Bref, Abel était donc roadie et je ne tardais pas à lui poser des questions parlant de stars… Et de managers. Ouais, je sais que ce n’est pas la première chose à laquelle les gens pensent quand on parle de musique. Mais moi si… Sûrement par que je n’étais pas « comme tous les gens ».

C’est ce qu’ils disaient tous. C’est ce qu’ils pensaient tous.

Donc, il avait eu la chance de côtoyer des stars comme les membres de BleedingHeart et de The Burning Fire. Le seul membre de The Burning Fire que j’avais approché de près, c’était Stone… Mais c’était avant qu’il ne devienne un batteur connu. Stone était l’incarnation même du looser qui avait réussi par chance… Un peu comme son ami Robson, sauf que Robson, lui, n’avait pas réussi.

-C’est un bon palmarès ça… Sniper ! C’est pas rien de rencontrer Sniper…

Je jouais au type qui envie Abel… Mais en réalité, je ne voyais rien de transcendant au fait de rencontrer des gens connus. Ça ne me faisait rien… Il faut dire que ce n’était pas ce genre de chose qui m’apportait de la fierté ou de la satisfaction…

Et Abel me fit la réflexion sur les managers. J’haussai simplement les épaules.

-Je suis fan de musique… Mais très fan… Alors je m’intéresse à tous les aspects même les managers. L.A.People parle souvent de certains alors c’est un peu comme des stars pour moi.

Non, je suis obsédé par Samantha et Ricci, ces derniers temps. C’est tout.

Abel confirma que Ricci était chez BSC. Et Abel voyait plus souvent Timmy Evans. Il parla de The Lightening et de Lenny Knowles vu qu’il avait oublié le nom de celle qui travaillait avec Lenny Knowles… Je le regardai répondant du tac au tac.

-Samantha Mancini. C’est comme ça qu’elle s’appelle.

Je savais son nom parce que je l’avais dans la peau. Et le dire pour soigner Abel de son ignorance me semblait indispensable si bien que je n’avais pas hésité une seule seconde.

Je m’inventai, ensuite, un job. Celui d’électricien. Et Abel déclara que ça ne devait pas être facile avec les taxes et tout. J’imagine, oui… C’est pour ça que je ne suis pas électricien mais chef de gangs ce qui me permet de payer le loyer de mon bel appartement de Santa Monica… Comme quoi suivre les règles ne permet pas souvent de vivre bien.

Sauf si on est né riche comme des Reed ou des Ricci… Bien que ça ne les empêche pas de ne pas toujours suivre les règles non plus. D’ailleurs, Reed était lui-même chef de gang…

-Je ne vous le fait pas dire… Mais bon, j’aime assez bien mon métier alors ça aide.

Et roadie, ça ne payait pas non plus. Ce n’était pas étonnant. Reed n’est pas spécialement un bon payeur… Je sais de quoi je parle. Même si ici c’était surtout parce que roadie est un travail saisonnier… Quant à l’Impala, il ne se l’était pas payé mais il en avait hérité.

Même les pauvres héritent apparemment… Même si moi, je n’avais rien hérité de mes parents. Rien de matériel en tout cas.

-Le principal, dans le travail. C’est d’aimer ce qu’on fait.

Voilà ma conclusion avant qu’il ne me montre les voitures de remplacements. Des Ford ou des Dodge. J’haussai les épaules. Ouais, c’était moins bien que ma Mustang mais j’avais pas vraiment le choix.

-Va pour un Dodge… Je survivrais bien deux ou trois semaines avec une Dodge.

Je n’avais pas vraiment les choix et les Ford que j’avais devant moi ne me plaisaient pas. Alors la Dodge, ça ira…

-En espérant que ces gamins ne vont pas la casser aussi…

Je ne leur en laisserais pas l’occasion cette fois. S’ils récidivaient, j’allais en faire de la bouillie.

-C’est là, elle est bien.

Je montrai l’un des voitures du doigt.

@ Billy Lighter

Mon client était un grand fan de musique et parler un peu de son hobby sembla le faire redescendre un peu dans les tours. Il connaissait encore mieux les noms des managers de MTI que moi qui y travaillait. Je hochai la tête, impressionné. Samantha Mancini. Jamais je ne serais retombé sur son nom tout seul. Pourtant, c’était une très belle femme et j’espérais que l’expérience The Lightening n’allait pas la décourager… Bien qu’elle ne semblait pas femme à se laisser faire.

Et c’était peut-être ce dont le groupe avait besoin. En duo avec Lenny Knowles, même si je n’y connaissais pas grand-chose en management, je me disais que ça pouvait marcher. Le tout était d’éviter de se faire mordre par Cash le serpent et de ne pas provoquer de « crises de réclusion » chez Billy Lighter.

Je souris à mon client.

-Si je la croise, je lui demanderai un autographe pour vous. Vous n’avez qu’à me dire à quel nom… Avec un peu de chance, je pourrai vous donner ça en même temps que de vous rendre votre voiture.

De quoi peut-être alléger le mal que lui fera la facture quand il la recevra. D’ailleurs, je me demandais ce qu’il faisait dans la vie et annonça être électricien. J’imaginais que ça ne devait pas être simple tous les jours s’il était à son propre compte. Il m’avoua que c’était bien le cas mais que l’amour de son métier rendait tout plus facile.

J’approuvai d’un mouvement de la tête.

-Je ne pourrais être plus d’accord avec vous. J’ai deux métiers, j’aime autant l’un que l’autre. C’est ici au garage que j’ai ma famille désormais. Ici et chez MTI.

Parce qu’autrement, je n’avais plus personne… Ou bien seulement des membres plus éloignés de ma famille mais que je ne connaissais pas et que je n’avais jamais vus.

Mon client choisi une Dodge, finalement, comme véhicule de remplacement en attendant que les réparations soient faites sur sa Mustang.

-Ok. Venez avec moi, on va remplir les papiers à l’intérieur.

@ Billy Lighter