Je m’étais suffisamment longtemps tenu loin de la salle de sport pour qu’il y ait prescription en ce qui concernait mon petit moment de perdition dans les douches avec la petite-amie de Ward. Et si même il était là, si même il voulait en découdre, et bien nous n’aurions qu’à arranger nos bidons sur le ring...

La boxe me manquait trop pour que j’évite plus longtemps cet endroit, en tout cas. Et advienne que pourra.

C’était un beau samedi après-midi et à peine étais-je arrivé que j’étais accueilli en grande pompe par Vern, l’homme à qui la salle appartenait et celui qui m’avait entraîné à mes débuts ici. Il était content de me revoir, se demandait pourquoi j’avais été absent si longtemps. Et je lui avais répondu que parfois, vu les gens qui trainaient ici lors des matches illégaux, il fallait faire profil bas.

Surtout quand on baise pour le fun une fille dont on ne sait rien et qu’on se rend compte par après que c’est la petite amie du caïd du coin.

Bref, j’étais de retour, Vern en était ravi, et m’expliqua pourquoi autant d’enthousiasme : il y avait là quelques jeunes gens, des gosses, qui avaient besoin de partenaires d’entraînement. Certains étaient venus avec leur parents, d’autre avaient simplement été déposés là.

-Choisis en un et fais-en un bon petit combattant.

Je hochai la tête à l’attention de Vern et lui affirmai que ce serait un plaisir d’entraîner un de ces môme et je me dirigeai vers eux.  

Je me postai devant l’un d’eux, accompagné de celui qui devait être son père… Ce qui voudrait donc dire que sa mère était probablement une latina, avec ses cheveux noirs et ses yeux bruns alors que son père était au contraire plutôt blond aux yeux bleus.  

-Salut, je m’appelle Amon.

Et je tendis la main à l’enfant pour qu’il la serre.

Pourquoi je l’avais choisi lui ? Pour l’avidité avec laquelle il regardait d’autres boxeurs frapper les sacs de sable et le fait qu’il était un peu plus grand que les autres. J’étais grand moi-même alors il ne fallait pas que je choisisse un enfant trop petit.

-Si tu veux, je peux devenir ton entraîneur.

Je jetai un regard vers le père qui hocha la tête en signe d’approbation, mais je devais aussi et avant tout avoir l’accord du gamin. Sinon, j’en prendrais un autre.

@ Billy Lighter

La seule chose que j’aimais bien dans ma nouvelle vie c’était que je n’allais pas à l’école. Jordan n’en avait pas parlé alors ça voulait dire que je n’irais jamais. Tant mieux. Je préférais rester dans ma chambre ou dans le jardin pour lire mes Comics. Surtout que Jordan en avait aussi chez lui et que j’avais déjà commencé à les lire.

Mais le reste… Je n’aimais pas. On ne mangeait pas des pizzas tous les jours ce qui m’avait énervé un peu. Ok, avec Maman on n’en mangeait pas tous les jours non plus… Mais c’est parce que Maman voulait parfois manger autre chose et que j’aimais bien Maman. Jordan, il pouvait bien manger des pizzas aussi…

Mais non… Parfois il faisait autre chose…

Puis, je ne pouvais pas escalader les palmiers… J’ai essayé… Je n’y suis pas arrivé… Et je n’aimais pas ça…

Et puis, il y avait le bruit… Je dormais pas bien la nuit à cause du bruit. Il y avait trop de voiture qui faisaient du bruit. Je devais dormir avec mon coussin sur ma tête pour entendre moins. Jordan disait qu’il pouvait rien faire contre ça… Si. On peut partir dans le Maine et y vivre… Il n’y a pas autant de voiture dans le Maine.

Donc, pas d’école, c’était bien… Le reste, j’aimais pas. Mais aujourd’hui, je crois que j’allais aimer quelque chose en plus parce que Jordan a décidé de m’emmener à la boxe. Je lui avais souris quand il avait dit ça. Je voulais boxer comme je l’avais déjà vu à la télé.

Alors on alla à la boxe après avoir encore traversé la laide ville. Jordan m’avait acheté des gants bleu et blanc, un short bleu et un débardeur noir. Je n’avais rien dit pendant le voyage. J’attendais juste d’arriver pour faire de la boxe.

Quand on arriva, je sortis de la voiture et je suivis Jordan jusqu’à l’intérieur du bâtiment pas beau. Je ne disais toujours rien. Je regardais autour de moi et je vis très vite le ring au milieu de la pièce. Je penchai légèrement la tête sur le côté. Je voulais me battre dessus. Comme dans la télé.

Puis, mon regard se posa sur les gens qui tapaient sur les gros sacs. Ils frappaient fort. Je voulais frapper sur ça aussi… Mais encore plus sur les autres enfants qui étaient là et qui attendaient habillé, comme moi, en tenue de boxe. Ils étaient petits. Je pourrais vite les battre. Après avoir un peu regardé les autres enfants, je regardai à nouveau les boxeurs plus grands. Je voulais taper maintenant comme eux ! Tout de suite ! Et je levai le regard vers Jordan prêt à lui dire que je voulais commencer maintenant.

Mais j’eus pas le temps de le dire qu’un homme s’arrêta devant nous. Mon regard se leva vers lui. Il était très grand. Jordan était tout petit à côté. C’était qui ce type ? Je levai un sourcil et il disait qu’il s’appelait Amon. Il me tendit la main. Je regardai sa main avant de le regarder lui.

Je serrai sa main.

-Je suis Grant.

Je disais ça pas très fort et en marmonnant un peu. Je savais pas ce que voulais le type. Moi, je voulais juste me battre…

J’allais le dire au type et à Jordan… Mais le type, il disait qu’il voulait être mon entraineur. Comme dans Rocky ? Moi, j’avais vu Rocky… Et Rocky avait un entraineur.

Je voulais bien… J’hochai la tête.

-Oui. Si tu es fort, je veux bien. Si tu es nul, je veux un autre.

Mais il semblait pas nul. Il était pas petit et il avait des muscles. Je fis descendre mon sac de mon épaule et je sortis mes gants bleus. J’avais déjà le reste de la tenue mais pas les gants. Alors, je mis les gants et puis, je regardai Amon.

-Je suis prêt…

Et je montrai les enfants du bras.

-Je me bas tout de suite contre un d’eux ? Je veux me battre contre le plus gros. Les autres ont l’air nul.

Il y en avait un vraiment très gros. Plus petit que moi mais très gros. Il devait être plus fort.

Puis, je montrai les gens qui tapaient sur les sacs.

-Ou alors, je dois taper sur les gros sacs ? Je veux bien faire ça aussi. En fait, je veux devenir le plus fort et taper. C’est tout.

Je relevai la tête vers Amon.

-Tu es mon entraineur alors j’écoute.

Mes yeux étaient braqués sur lui. J’écoutais vraiment. Ce n’était pas pour rire.

@ Billy Lighter

Le petit Grant me serra la main. Il avait déjà une bonne poigne pour un si petit homme. Je l’avais choisi parce qu’il se tenait un peu à l’écart des autres et avait un regard à la fois dur et triste qui devait cacher toute une histoire. Peut-être qu’en l’entraînant, j’arriverais à mettre un peu de bonheur dans ces yeux-là. Après tout, la boxe m’avait pas mal aidée, moi aussi, ne fut-ce que pour évacuer l’énergie que j’avais en trop.

J’espérais qu’il en irait de même pour le jeune Grant.

Je lui proposai donc d’être son entraîneur et sa réflexion me fit rire. Il voulait bien de moi si j’étais fort, pas si j’étais nul. Je hélai alors Vern un peu plus loin…

-Hey Vern ! C’est qui le plus fort ?

Et Vern de comprendre un peu ce qui se passait de répliquer :

-Toi, Amon… A tel point que je me demande pourquoi tu t’obstine à n’être qu’un scribouillard people.

Le petit sortit alors sa paire de gant. Inutile de faire courir ce petit-là pour qu’il séchauffe, il trouverait ça ennuyeux. Ce qu’il voulait, c’était taper. Alors j’allais lui donner l’occasion de frapper.

Je lui souris.

-Non, tu ne vas pas combattre tout de suite contre l’un d’entre eux. Vous avez tous besoin d’entraînement, d’acquérir les bases avant de pouvoir être mis les uns contre les autres. Peut-être que toi, tu sais déjà frapper… Mais pas les autres.

Je lui fis signe de me suivre.

-Tu veux taper ? Tu vas pouvoir taper.

Je me dirigeai vers un sac adapté à sa taille et à son poids et lui expliquai, sous l’œil attentif de son père.

-En boxe, tu dois toujours rester en mouvement… Alors je veux que tu sautilles et que tu donnes des bonnes droites au sac à chaque fois que je te dirai « go »… Et n’oublie pas de garder ta garde, c’est-à-dire tes deux mains, bien hautes pour protéger ton visage, ok ?

Je me plaçai derrière le sac par rapport à lui pour le lui soutenir et pour pouvoir sentir la puissance de ses coups.

-Alors, Grant… Je vais te faire parler pendant que tu boxes, pour faire connaissance et ça entraînera ton souffle en même temps. Tu habites où ?

@ Billy Lighter

Amon riait alors que j’étais sérieux. Moi, je voulais un entraineur pas nul. Je voulais le meilleur entraineur. Je restais sérieux quand il riait. Il appela alors un autre type pour lui demander qui était le plus fort. Je regardai vers l’autre type qui s’appelait Vern et qui disait que c’était Amon le plus fort. Je sais pas c’est quoi un scribouillard people… Je crois pas que c’est un vrai métier… C’est sûrement un truc qu’on trouve qu’ici… Comme les palmiers.

Je reposai mon regard sur Amon.

-Je veux bien, alors.

S’il est le plus fort, je le voulais comme entraineur parce que je voulais être le plus fort moi aussi.

Je pris alors mes gants et les mis avant de dire que je voulais me battre contre un des autres enfants ou taper sur les gros sacs. Comme c’était mon entraineur, je l’écoutais. Je voulais savoir ce qu’on allait faire oubliant complètement Jordan qui m’accompagnait.

Amon disait que j’allais pas combattre les autres enfants et je fronçai un tout petit peu les sourcils. Juste un tout petit peu… J’écoutais quand même ce qu’il expliquait. Il disait qu’on devait tous, d’abord, avoir les bases… Et que les autres enfants savaient pas encore frappé. D’accord. Je préférais attendre qu’ils sachent pour montrer que je sais faire encore mieux.

J’hochai de la tête.

-D’accord. Je veux pas me battre contre des gens nuls alors je veux bien attendre avant de combattre les autres.

Je suivis Amon quand il me fit signe de le suivre. Il disait que j’allais pouvoir taper alors j’étais intéressé. D’habitude, on me disait de pas frapper. Mais ici, je pouvais, alors j’aimais bien.

Il m’amena près d’un sac. Je regardai le sac et écoutai Amon. Je devais rester en mouvement. Ok. J’hochai la tête. Et je devais frapper quand il disait « go ». J’hochai de la tête. Facile. Et je devais aussi garder mes mains hautes. Ok. J’hochai de la tête.

-Facile.

Je fis ce qu’il dit. Je sautillai et je mis mes mains bien hautes pour protéger mon visage. J’attendais les « go » mais Amon ajouta que j’allais devoir parler… Pour faire connaissance. Je fis la moue en continuant de sautiller… C’était pour le souffle qu’il disait… Je veux bien parler pour le souffle. M’en fiche de faire connaissance…

Il me demanda où j’habitais…

-Dans le Maine.

Non, j’habitais plus là… Et quand je me rendis compte que j’avais pas dit la bonne réponse, je frappai sur le sac très fort de frustration alors qu’Amon avait pas dit « go »… Je continuai de sautiller en regardant le sac.

-J’habitais dans le Maine avant… Puis, Maman est morte…

Je frappais à chaque « go » d’Amon, très fort… C’était pas si facile de parler en même temps et je devais m’arrêter de parler chaque fois que je frappais sur le gros sac.

-Alors, on m’a envoyé ici chez Jordan… Maman le connaissait. Mais c’est pas mon père… C’est juste un type que Maman aimait bien. Et je vis ici dans une laide maison à Los Angeles.

Je frappai encore mais plus fort cette fois et en disant :

-J’aime pas Los Angeles.

Je m’arrêtai pas. J’aimais bien taper sur le sac. J’aimais mieux ça que parler… Mais il y avait d’autres trucs que j’aimais pas, en dehors de parler : c’était pas savoir des trucs et qu’on se moque de moi parce que je le savait pas… Comme Jordan avec les palmiers… Alors je demandai :

-C’est quoi un scribouillard ?

Je voulais savoir c’était quoi pour pas qu’on pense que je suis bête. Parce que je suis pas bête.

@ Billy Lighter

J’avais emmené le petit Grant près d’un sac de frappe. Le petit avait dans les yeux quelque chose de déterminé. Il avait bien compris qu’il ne pouvait pas encore se battre contre les autres enfants de son âge parce qu’il leur faudrait à tous acquérir les bases avant de pouvoir monter sur le ring. Grant comprenait ça et surtout, il semblait assez enclin à écouter mes consignes, ce qui n’était pas un mal.

Je lui proposai alors de faire connaissance tout en frappant dans le sac. Mais quand il me répondit qu’il habitait dans le Maine, je levai un sourcil. Ce n’était pas la porte à côté… Mais je vis frapper Grant assez fort, de frustration et de colère, juste après qu’il m’ait donné cette réponse… le tout alors que je n’avais pas donné le « go ».

Je compris alors que le Maine n’était plus son lieu d’habitation, mais ses origines étaient là-bas. Et sa mère était morte… j’eus un regard compatissant.

-Moi aussi, je viens de loin et je n’avais pas envie de vivre à Los Angeles…

Ce petit était un peu comme moi. Sauf que j’étais déjà grand, du haut de mes 19 ans, quand j’avais débarqué ici. Et ma mère était morte aussi, quand j’étais petit, même si ça n’avait rien à voir avec mon exil.

J’appris aussi que l’homme qui l’accompagnait n’était pas son père, mais plus que probablement son tuteur puisqu’il disait que c’était quelqu’un que sa maman aimait bien.

Et je ponctuai son petit discours de « go », le sentant frapper bien fort. Et de temps en temps, je lui donnais l’un ou l’autre conseil comme :

-Ramène plus vite ta main à ton visage. N’oublie pas que dès que tu donne un coup, quelques parties de ton corps deviennent vulnérables.

Le petit n’aimait pas Los Angeles.

-Tu vas t’y faire… Même les grosses chaleurs n’ont jamais réussi à me faire fondre alors elle n’arrivera pas à faire plier un petit gars aussi fort que toi.

Parce que c’était vrai qu’il était fort, et plutôt que de faiblir un peu plus à chaque coup, j’avais l’impression qu’il frappait plus fort encore.

-Ouais ! C’est bien, Grant ! Continue comme ça. Essaye plus vite. N’oublie pas de sautiller.

Je rigolai quand il demanda ce qu’était un scribouillard, pas pour me moquer de lui, mais surpris par la question qui tombait un peu comme un cheveu dans la soupe.

-C’est « journaliste » qu’il a voulu dire. Je suis journaliste chez L.A.Poeple… Si tu ne sais pas encore ce que c’est, tu le sauras bientôt, si tu restes à L.A.

Je lui donnai un autre « go ».

-Et tu me fais des gauche droite très rapide maintenant. Go !

Et je continuais à lui parler, pour voir après combien de temps il commencerait à s’essouffler.

-Parles-moi du Maine. Je n’y suis jamais allé. Il parait qu’il pleut tout le temps là-bas. Et pourquoi tu n’aimes pas la maison de Jordan ?  

J’aurais pu lui demander dans quelle école il allait, mais choisi tout à fait autre chose, tout simplement parce que dans mon chef, l’école était source de stress et je n’étais pas là pour stresser le petit Grant, mais bien pour l’entraîner.

@ Billy Lighter

Je n’aimais pas Los Angeles ! Et je frappai très fort sur le sac parce que je préférais ma vie avant. Mais Amon aussi venait pas d’ici et lui aussi il avait pas envie, au départ, d’aller à Los Angeles. Il comprenait. Au moins, il me dira pas que Los Angeles c’est mieux. Parce que c’était pas du tout mieux.

Je frappai à tous les « go ». Je frappais fort. Avec les gants, ça faisait pas si mal comme quand je frappais les autres à l’école. Parce quand, sans gants, ça fait plus mal quand on frappe. J’aime bien la boxe. Parce que j’aime pas trop avoir mal. Ça me met en colère quand j’ai mal ; Et j’écoutai les conseils de mon entraineur. Je devais aller plus vite pour ramener ma main devant ma figure. Je le fis plus vite. Je voulais être le plus fort alors je faisais ce qu’Amon disait.

Il parlait toujours en même temps. Il disait que j’allais m’y faire à Los Angeles parce que j’étais fort et que même le chaud pourra pas me tuer.

-Oui. Je suis fort. J’aime pas le chaud mais je suis plus fort que lui.

Et je frappai encore et encore chaque fois qu’Amon disait le « go ». Il trouvait que je frappai bien et voulais que j’aille plus vite. Je le fis. J’allais plus vite et je sautillai plus aussi.

En même temps, je demandai c’était qui un scribouillard et Amon disait qu’il était journaliste. Moi, je sais c’est quoi. C’est le gens qui écrive les journaux que Maman lisait. Amon écrivait dans L.A.People. Je sais pas ce que c’est…

-Je sais c’est quoi un journaliste. Ils écrivent les mots dans les journaux. Mais je saurais peut-être pas c’est quoi L.A.People parce que je veux pas rester à L.A.

Il voulait que je tape avec mes deux mains maintenant. Alors je le fis d’abord la gauche et puis la droite. Je respirais plus vite. C’était plus trop facile de parler en même temps.

Il voulait que je parle encore, pourtant. Il voulait que je parle du Maine et de la maison de Jordan.

-Oui, il pleut parfois… Mais c’est mieux. Il fait moins chaud et…

Je reprenais un peu mon souffle et frappai encore. Je voulais pas m’arrêter.

-C’est plus beau. Ici, il y a pas beaucoup d’arbres et de l’herbe. Il y a pas des rivières. Dans le Maine, si… Ici, ça pue et il y a trop de bruit… Et…

Je ralentissais sans le savoir… Enfin, si j’ai vu que j’ai ralentis alors j’ai frappé plus fort parce que je voulais pas ralentir. Alors j’arrêtai de parler deux secondes pour plus ralentir. Puis, je repris :

-La maison de Jordan est pas belle… Je préférais celle de Maman. Elle était plus haute et le jardin était grand. J’avais une cabane dans un arbre. Ici, il y a que des palmiers et on peut même pas grimper dessus. J’ai…

Essayé… Mais j’arrivai pas à achever ma phrase parce que j’avais mal d’un seul coup au-dessus de mon ventre. C’est parce que j’avais trop fait des efforts que j’avais mal. J’ai ça quand je cours trop vite et trop longtemps… Maman disait que c’était normal, que ça fait mal quand on fait trop d’effort. Je m’arrêtai alors et mis mon gant là où j’avais mal. Je fronçai les sourcils. J’étais essoufflé. Mais j’ai arrêté et je voulais pas. J’étais fâché.

-Pourquoi j’ai mal ! Moi, je veux…

Je reprenais mon souffle entre les mots dans mes phrases.

-Je veux continuer à frapper le sac.

Et je le fis d’un gros coup parce que j’étais fâché. Puis, j’arrêtai de faire ça pour regarder Amon.

-Je veux plus parler de L.A. et du Maine… J’aime pas L.A., c’est tout…

C’était moi qui voulais poser des questions. J’aimais mieux dans ce sens-là. Je me redressai un peu. Je frappai plus parce que j’avais encore mal.

-Toi, tu viens d’où ?

Il avait dit qu’il venait pas de L.A..

@ Billy Lighter

Je souris quand Grant affirma qu’il n’aimait pas le chaud, mais qu’il était plus fort que lui, comme s’il s’agissait d’un ennemi à abattre.

-Ouais, t’as pas l’air d’être le genre à te laisser abattre. Continue.

Il continuait à frapper quand je le lui disais, il n’oubliait pas de sautiller et même s’il avait un peu de lenteur à ramener sa garde bien haut, il avait déjà une sacrée psychomotricité.

Il me demanda de lui dire ce qu’était un scribouillard et je lui déclarai être journaliste. Ça, il savait ce que c’était mais qu’il n’aurait peut-être pas le temps d’apprendre ce qu’était L.A. People parce qu’il ne comptait pas rester à L.A.

-Oh crois-moi, il ne faudra pas longtemps avant que tu saches ce que c’est. Même si tu ne restes ici qu’une semaine tu risques fort de tomber sur l’un ou l’autre numéro. Pas beaucoup de blabla, mais beaucoup de photos.

Je sentais bien que Grant n’avait pas envie qu’on lui parle comme à un môme, alors je lui parlait comme s’il avait été un adulte.

Afin d’entraîner son souffle, je lui demandais de parler, de me parler du Maine où il semblait vouloir retourner, par exemple. Pour lui, cette tranche de pays pluvieux semblait être le Nirvana. C’était clair qu’à côté des paysage du Maine, L.A. devait lui sembler bien désertique, et ce alors que pour beaucoup, c’était justement un endroit de rêve, avec l’océan et les palmiers à perte de vue.

Et en plus, la maison de son tuteur ne semblait pas lui plaire non plus.

-Ok… mais tu sais quel est la plus grande qualité pour un boxeur ? L’adaptation. Parce que tu dois sens cesse t’adapter à ton adversaire. Tu devrais aussi essayer dans la vie de tous les jours. S’adapter, c’est un vrai challenge. Tout ce que tu apprendras ici, et pas que taper, peut t’aider dans ta vie au quotidien.

Je ne savais pas si mon petit discours allait l’aider à quoi que ce soit… Il commençait à s’essouffler, mais n’en tapait pas moins fort dans le sac, que du contraire.

-Ta garde !

Par contre, il avait tendance à baisser sa garde. Il s’exclama qu’il avait mal avant de frapper un grand coup… mais le dernier coup… Après, tout son corps réclama de l’air et il avait un bon point de côté, apparemment.

-Ok, relaxe… Et tiens-moi le sac, c’est à mon tour de frapper.

J’attendis qu’il se mette en place avant de sautiller à mon tour et me mettre à frapper, rapidement mais pas trop fort pour ne pas l’envoyer valser de l’autre côté. De tous petits coups secs.

Et comme je l’avais fait avec lui, il chercha à me faire parler.

-Je viens du Danemark. C’est vraiment loin d’ici. Un pays où il y a de la neige et de grande étendue de nature… Et puis les fjörd, des endroits où la mer vient manger la terre d’une eau bleue magnifique. J’ai quitté le Danemark quand j’avais 19 ans… Parce que j’avais frappé quelqu’un trop fort. C’est pour ça que je viens ici, pour canaliser ma force… et ma colère aussi.

@ Billy Lighter

Oui, j’allais battre le chaud ! Moi, je suis plus fort que Los Angeles et tout ce qu’il y a dedans. Je me sentais encore plus fort en frappant sur le sac et en entendant Amon dire que je devais continuer à pas me laisser abattre.

Mais même si je suis fort, je comptais pas rester à L.A.. Je voulais retourner dans le Maine quand même… Alors, j’aurais sûrement pas le temps de savoir ce que c’est L.A.People mais Amon disait qu’il faudrait pas une semaine pour que je le sache. Il y avait beaucoup de photos dans L.A.People. Et pas beaucoup de mots…

-Je crois que les Comics, c’est mieux.

Les Comics c’était mieux que tout le reste. Je lisais que ça… Le reste, c’était trop naze.

Je continuais de frapper et encore plus fort quand je parlai du Maine. J’aimais pas L.A.. Je disais que ça à Amon depuis le début. Je savais pas comment tous les gens, ils pouvaient aimer vivre ici. Je comprenais pas comment Maman avait pu vivre aussi longtemps ici.

Et puis, chez Jordan, j’aimais pas non plus…

Mais mon entraineur disait qu’un bon boxeur devait s’adapter. Je continuais de frapper. J’entendais ce qu’il me disait. Pour être plus fort, je dois m’adapter… Je dois m’adapter à L.A. alors ? Je crois que c’est ça qu’il veut dire. Je veux bien le faire pour être plus fort. Je veux juste m’adapter pour battre tout le monde.

-D’accord. Je ferais… Je ferais ça…

Et je frappais encore mais frapper et parler me faisait trop mal maintenant. Et j’arrivais plus à lever les bras haut comme voulait que je le fasse Amon.

Et je n’aimais pas ça ! Ni la douleur, ni ralentir ! Mais j’arrivais plus à rien et je m’arrêtai de frapper pour respirer vite et fort. Je voulais continuer… Mais Amon disait que c’était à son tour de parler.

Alors, ça sera à mon tour de poser des questions.

-D’accord…

Je tenais le sac. Mon front était tout mouillé. J’aimais pas trop ça… Mais je dis rien… Je demandai juste à Amon d’où il venait alors qu’il commençait à frapper.

Il allait très vite et il baissait pas les bras comme je l’avais fait moi. Il avait pas menti. Il était bien fort. Alors, je voulais bien le garder comme entraineur.

Amon disait qu’il venait du Danemark… Je connaissais pas… Mais j’écoutais… C’est un endroit où il y a de la neige. Dans le Maine, il neigeait en hiver et j’aimais bien ça. Il y avait la mer chez lui aussi… Mais il a dû partir un jour alors qu’il voulait pas vraiment.

Comme moi…

Mais lui c’est pas parce que sa Maman était morte mais parce qu’il a frappé quelqu’un trop fort. Je penchai légèrement la tête sur le côté en tenant toujours bien le sac. Je devais forcer fort pour qu’il tienne bien.

-Pourquoi tu as dû partir pour ça ? Moi, j’ai déjà frappé des gens fort mais j’ai pas dû partir loin…

Je comprenais pas ça dans son histoire…

-Tu as fait très mal au type que tu as frappé ? C’est pour ça que tu as dû partir loin ? Tu l’as frappé parce qu’il était méchant ? Parce que si, oui, alors tu pouvais. On peut frapper les gens méchants parce qu’ils sont méchants. Moi, je fais ça aussi… J’aime pas les gens méchants alors, je les frappe… Les gens disent que je peux pas mais je m’en fiche.

Oui, Amon était peut-être comme moi. Il frappait les gens méchants et les autres gens étaient pas content alors ils l’ont envoyé ici.

@ Billy Lighter

Je rigolai quand le petit affirma que les comics, c’était probablement mieux que L.A.People.

-Tu as raison… Les comics valent mille fois mieux que L.A.People.

Pour le reste, je lui parlai d’adaptation, en boxe comme dans la vie de tous les jours. Et il semblait que je tenais le bon bout avec ce petit gars qui approuva et affirma qu’il ferait ce que je disais : qu’il s’adapterait à Los Angeles.

-très bien ! Tu me diras tes progrès au fur et à mesure que tu viendras ici. J’espère que tu viendras encore, en tout cas. Tu as de bonnes frappes.  

Et je ne disais pas ça juste pour lui faire plaisir, ni même pour l’encourager quoi que je faisais d’une pierre deux coup. Non. Je disais ça parce que c’était sincère. Je ne savais pas si ce petit avait déjà fait de la boxe avant mais si ce n’était pas le cas, il avait déjà une belle endurance… Et comme une technique innée.

Quand il fut trop essoufflé, on échangea les rôles. Lui tenait le sac de frappe et c’était à mon tour de sautiller et de frapper… Et à lui de poser les questions. Je lui parlai du Danemark, mon pays natal, le pays où ma sœur était restée… Un pays dont, après 12 ans, je n’avais plus que de vagues échos par téléphone de temps en temps.

Un pays qui me manquait, mais pas au point de quitter Los Angeles à laquelle je m’étais adapté.

Je racontai mon histoire en l’édulcorant un peu. Mais on ne la fait pas, même à un gamin qui avait quoi ? 10 ans ?

Il déclara avoir frappé des gens, mais que jamais il n’avait dû partir loin pour ça. Je me retins de dire : « C’est parce que tu n’as pas frappé assez fort. » Loin de moi l’idée d’être un mauvais exemple pour ce gosse, que du contraire !

Je frappai et commençai tout doucement à transpirer, sans que je sache si ça venait de l’effort que je fournissais ou si c’était à cause de la conversation qui me semblait devenir dangereuse.

-J’ai vraiment frappé très fort… Trop fort…

Je me mordis la lèvre et frappai plus fort dans le sac, envoyant un peu Grant voler avec le sac. Et je me promis intérieurement de faire attention.

-Ouais, je lui ai fait très mal. Et…

Je hochai la tête et me rendis compte que j’avais arrêté de sautiller alors je m’y remis. Incroyable comme l’exercice me semblait aussi difficile pour moi qu’il ne l’avait été pour un novice comme Grant.

-Ouais… Ouais, ce type était méchant et avait failli faire une très très mauvaise chose… S’en prendre à une fille. Je suis arrivé et je l’ai frappé. Malheureusement, ce n’était pas la chose à faire.

Je frappai deux coups d’affilée.

-J’aurais du juste l’arrêter… Le maintenir et le livrer aux profs… Mais mon réflexe a été de frapper encore et encore, jusqu’à ce qu’il ne bouge plus.

Je regardai Grant.

-C’est pour ça que je viens ici maintenant. Je peux frapper et canaliser ma colère… Dans un cadre bien défini… Et comme ça, dans ma vie de tous les jours, je suis beaucoup plus calme, je n’ai plus besoin de frapper pour tout et pour rien et je peux réfléchir et être plus malin que les gens méchants.

Je m’arrêtai de frapper et échangeai à nouveau les rôles.

-Et toi, t’aimerais bien apprendre ça ? A ne frapper qu’ici pour devenir plus malin que les gens méchants ?

@ Billy Lighter

Oui, les Comics c’était mieux que tout. Amon était d’accord. Il aurait pas été d’accord, tant pis pour lui. Moi, je savais que j’avais raison.

Puis, il me parla de s’adapter. Je comprenais ça… Et comme je voulais être plus fort, j’allais faire ça. Il voudra que je lui parle de mes progrès chaque fois que je viens ici. Maman faisait ça aussi… Elle voulait chaque fois que je lui parle de mes progrès. Mais pour en parler à Amon, il faudra que je revienne ici.

-Oui, je reviendrais. J’aime frapper.

Et Amon trouvait que je frappais bien. D’habitude on me disait que c’était mal alors j’aimais bien qu’on me dise que je le fais bien et que ce n’est pas mal.

Mais j’aimais pas du tout ne plus savoir frapper et être essoufflé. J’étais un peu fâché mais Amon voulait aussi frapper. Alors, je le laissai frapper en tenant bien fort le sac. Et comme il m’avait posé des questions, je posai aussi des questions. J’aimais pas qu’on me pose des questions… Alors, je le faisais à Amon aussi vu qu’il me l’avait fait.

Il parla de là où il venait et du type qui avait frappé trop fort. Il avait dû partir ce que je comprenais pas trop… Je voulais comprendre et savoir. Et Amon disait qu’il avait vraiment tapé trop fort. Je fis la moue et levai un sourcil. Quoi ? Il est mort ? Je réussi pas à poser la question parce qu’Amon frappa très fort le sac et je failli tomber par terre. Je grommelai un peu. J’aimais pas ça. Alors je tenais plus fort le sac encore.

Il avait pas tué, je crois… Juste fait très mal. J’écoutais toujours. Amon aussi coupait ses phrases mais il semblait pas trop essoufflé.

Il raconta la suite. Que le type était très méchant. Il voulait faire mal à une fille. Mais frappé c’était pas la chose à faire. Je fronçai les sourcils. Il fallait faire quoi alors ? Le super-héros, ça frappe pour arrêter les méchants. Mais Amon disait qu’il aurait dû le livre au profs.

Non, je crois pas ça… Les profs auraient rien fait. Les profs sont des loosers et les autres enfants aussi ! Amon a bien fait de frappé jusqu’à-ce qu’il bouge plus… Il est mort alors ? Je savais plus trop… Parfois il a l’air mort et parfois non, le type dans l’histoire d’Amon.

J’écoutai encore quand il expliquait qu’il venait ici pour canaliser sa colère comme ça, il frappe plus les autres. Et que vu qu’il a moins de colère, il peut être plus intelligent.

Je comprenais enfin.

Je pouvais venir ici pour faire comme Amon et contrôler la colère pour être plus malin et combattre mieux les méchants. Je frapperais plus et on m’engueulera plus. Je ferais mieux que ça.

Il arrêta de frapper et je pris sa place. Mais avant de frapper le sac, je répondis à Amon.

-Oui, je veux apprendre ça. Je veux devenir plus malin que les gens méchants.

Même si je le suis déjà un peu.

-Je veux faire mieux que les frapper. Alors, je viendrais ici tous les jours pour apprendre ça.

Je voulais faire ça. J’avais du temps pour venir ici. J’allais pas à l’école de toute face.

Je me remis à frapper le sac.

-Même si moi, je pense que les profs, ils auraient pas arrêté le gens méchants. Les profs, c’est de loosers… Et la police, ils ont des lois stupides. Ils peuvent pas attraper les méchants comme ils veulent.

Jordan l’a dit… Et mon père, il est dehors.

Je frappai très fort le sac. Plus fort qu’avant. J’étais pas fâché mais je voulais devenir plus fort.

-Mais Amon… Le type dans l’histoire… Il est mort ?

Je voulais savoir s’il était mort.

@ Billy Lighter

Je souris quand Grant dit avec détermination qu’il reviendrait car il aimait frapper. A force de parler avec lui, je comprenais que ce petit n’avait pas la vie facile. Rien que le fait que sa mère était morte n’était déjà pas facile à vivre. Je le savais, ma mère était morte aussi quand j’étais enfant, j’avais juste quelques années de moins que Grant.

La seule différence, c’était que moi, j’avais encore un père, même si son affection pour moi était toute relative. Mais Grant, si j’avais bien compris, n’avait pas de père puisqu’il avait un tuteur dont il avait bien insisté en précisant que ce n’était pas son père.

Il avait donc pas mal de violence en lui et je la ressentais à chaque coup qu’il portait au sac. C’était de la rage qu’il exprimait… De la rage contre le monde, mais contre lui-même aussi quand il se senti essoufflé.

Alors je pris le relais, lui montrant du même coup un peu comment moi je frappais. Et ce fut mon tour de lui raconter mon histoire. J’y allais à demi-mots sur le sort que j’avais réservé à celui qui avait été à l’origine de mon exil… Et je terminai en disant que je venais ici pour canaliser cette violence, ce qui me permettait d’être plus réfléchi face aux méchants. D’être plus intelligent qu’eux. Et je vis la lumière se faire sur le visage du petit.

Fallait croire que je me démerdais vraiment pas mal parce que le petit conclu que c’était ça qu’il voulait faire : apprendre à être plus intelligent que les gens méchants. Il était même prêt à venir tous les jours pour apprendre ça.

-Tous les jours ? Il faut que je travaille aussi. Mais je m’arrangerai avec Jordan pour qu’on se fixe des dates, autant que possible, ça te dit ça ?

Je voulais toujours éviter le sujet de l’école, ce n’était pas à moi, mais bien à son tuteur de se charger de lui parler de ça. Et là, je me disais qu’il n’y allait pas parce qu’il venait de débarquer… Et qu’il lui fallait peut-être s’accoutumer d’abord à L.A. et à Jordan avant de le jeter dans un monde aussi stressant et hostile que l’école.

On avait quand même un pied dans le sujet parce que Grant affirmai que, selon lui, les profs n’auraient rien fait au type que j’aurais pu arrêter et leur livrer… Je l’écoutais tout en lui tenant à nouveau le sac pour qu’il se remette à frapper.

Et à vrai dire, c’était un peu ce que je m’étais dit à l’époque… Que personne ne lui ferait jamais assez de mal pour lui faire payer ce qu’il avait tenté de faire.

Grant ajouta que la police, c’était un peu pareil : qu’ils étaient limités par les lois…

Et il n’avait pas tort.

-Ouais… Le problème, c’est qu’en faisant justice nous-même, on finira plus vite en prison que ces méchants… C’est pour ça qu’il faut être plus malin.

Grant frappait fort, jusqu’à ce qu’il fasse une petite pose en levant son regard vers moi… Pour me poser une dernière question.

-Oui… Il est mort. Tiens ta garde.

@ Billy Lighter