J'ai toujours su. Le tout c'est de l'assumer. On ne peut pas être douée en tout, ce qui nous pousse dans les premiers temps ce sont nos parents. Ils dictent un avenir dans lequel nous ne nous reconnaissons pas. Alors, pour éviter que les barreaux ne soient trop étrécis, on suit. On suit, oui. Mais en apparence. C'est d'ailleurs ça qui me donnait un minimum d'intérêt. Mon apparence. Au début, on se dirige vers les amphithéâtres avec nonchalance, on fait tout comme on nous l'a dicté.
Le seul intérêt que j'avais à m'y rendre, c'était mon égo. J'irai même jusqu'à dire, mon égo de femme. Je n'ai pas toute suite fait attention. Non, je ne voyais pas ces regards qui glissaient, des regards dont l'attraction émanait de moi. Les hommes y prenaient goût, les femmes ne voyaient là que de la séduction mal placée. Je l'ai su lorsque la haine a fait surface. Là où j'aurais dû la subir, je l'ai observée. Je l'ai observée car je la trouvait attractive. C'est comme si les yeux du monde m'avait offert la possibilité d'être la personnification même, de la Haine. N'est-ce pas ironique lorsqu'on s'appelle Aimée ? D'une certaine manière ça l'est, mais c'est atrocement plaisant.
Malheureusement je n'en étais pas encore consciente.
Une souffrance m'habitait. N'est ce pas normal, pour la Haine ? Elle n'était pas un problème, c'était mon incapacité à la traduire qui l'était. Je me suis enfermée pour qu'on arrête de me dévisager. Pas chez moi.
J'ai toujours cru que si quelqu'un allait vers moi, c'était pour de bonnes intentions. Il est clair que mon visage angélique était à l'image de mon innocence. Du moins, à ce moment là. Et par conséquent, il était simple d'en user. C'est avec lui que j'étais. Du moins physiquement. Il me répétait combien j'étais belle et s'amusait à me dire que je devrais être mannequin. C'est con mais ça semble doux à nos oreilles quand on est jeune.
Mais la beauté on s'en lasse. On couche avec, on en use tant qu'on le peut puis on la jette. La beauté, c'est ce qui te définit en un premier regard. Au bout de plusieurs, elle devient quelconque.
Sauf dans le mannequinat.
Je n'étais douée de rien, ou je ne le savais pas encore. J'en souffrais, bien moins que ma souffrance indéchiffrable, mais tout de même. Alors ma petite gueule d'ange, mon corps dont on avait usé pour sa beauté...C'était ça, ma particularité. C'était ça qui faisait ce que j'allais devenir.
Quelques temps après, je me trouvais, dévêtue, en talon, assise sur une chaise. J'avais appris qu'il fallait garder la tête haute et ne pas regarder les autres car dans ce milieu, l'autre est ton ennemi. Je me sentais fière et gênée à la fois. Je ressemblais aux mannequins des boutiques qu'on matte pour acheter telle ou telle robe.
Jusqu'à ce moment.
Je les aient regardées défiler, les unes après les autres. C'est fous comme les gens sont prêts à tout pour être regardable. Puis je me suis mise à marcher, comme ces femmes qui ne font que ça de leur journée. J'étais maladroite, bien que droite. Et sans doute mon visage à la fois enfantin et innocent et l'uniformité de ma chevelure m'ont été favorable. Car jamais je n'ai aimé avoir un regard masculin comme celui-ci sur moi.
J'étais désormais dans l'arène.
@ Billy Lighter
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L'origine de la Sublimité. (1980) [Solo]
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