Adossée contre le mur des coulisses, je scrute la salle et analyse le comportement du genre humain. Il y a un enterrement de vie de garçon ici ce soir et ça semble suffire à ce que le futur marié et ses acolytes se croient Rois et Maîtres du Wild Wild Beaches. Monsieur sera un homme fidèle dès demain mais ce soir, il se donne le droit d’agripper toutes les filles qui dansent près de lui, pour lui.  Je voudrais bien à mon tour être à ta table je pourrais l’empoigner par la cravate qu’il porte fièrement autour de sa tête et l’étrangler avec.

Une image, un fantasme.

J’ai dansé, ce soir. Avant que ce petit groupe de joyeux fêtards n’investissent l’endroit. Si j’en crois ce que disent les filles quand elles reviennent dans les loges, ils ont les mains beaucoup trop baladeuses pour leur maigre moyen. Madame sait-elle qu’elle va épouser un Séraphin ?

Je n’éprouve pas de dédains pour ces hommes qui fréquentent l’endroit. Ce serait stupide d’en éprouver puisque grâce à eux, j’ai un job, qui paie et qui me permets de danser.  Loin de danser le ballet, ma véritable passion, au moins je danse et on me regarde danser, n’est-ce pas ce qui compte ?

Si, bien sûr que c’est ce qui compte.

Marty sort un type un petit peu trop entreprenant.  J’adore les scènes dans ce genre. En fait, j’imagine le mec tellement shooté prendre sa voiture et devenir  un possible pensionnaire temporaire du Los Robles Hospital. Ça n’est jamais arrivé encore que j’ai à babysitter un corps mort d’un client du Wild Wild Beaches, ni même personne que je connais, ce qui est fort dommage, je trouve.

Je ne souhaite de malheur à personne, ça ferait différent de tous ces inconnus et des histoires que je leur invente.

J’entortille distraitement une mèche de mes cheveux autour de mon index, scrutant toujours les hommes dans la salle.

Puis je le vois.

Et je souris.

Il y a longtemps que je ne l’ai pas vu trainer ici. Faut dire aussi… plusieurs rumeurs ont circulées à son sujet. J’y ai cru, hey ! Je suis humaine !  Et puis un mec comme lui, c’est du genre à tout passer à la trappe en mode dépressif et hurler ‘’ ça passe ou ça casse!’’ en sachant très bien que tout va se casser.

Ça, ce n’est que mon interprétation, je ne suis pas psychiatre ni même dans la confidence du grand Billy Lighter.  Mais j’ai quand même eu certains privilèges, il n’a jamais été en reste.  Avec lui c’est du win-win.

Pour une petite seconde, je pourrais croire qu’il cherche après moi. Enfin, peut-être pas, je ne suis pas dans sa tête mais… ça m’a fait l’impression qu’il regardait un peu partout en passant au travers des tables, jusqu’à venir s’échouer dans la banquette tout au fond de la salle, emplacement discret, dans un alcôve, parfait pour les échanges plus… intimes.

Inutile d’attendre d’avantage pour sortir de ma planque et le rejoindre.

- Un visage que je n’ai pas revu depuis longtemps. J’ai cru même que je ne te reverrais plus.

En affichant une moue faussement triste, j’appuie mon menton dans les paumes de mes mains, mes coudes  contre la table et je le regarde.

@ Billy Lighter

The Lightening avait pris un nouvel envol. Les choses reprenaient tout doucement du sens et j’avais la tête bourrée de parole et de mélodies. Des mélodies qui étaient le reflet de la mauvaise passe de The Lightening. De ce moment où les femmes se sont moquées de nous au point de nous abandonner par deux fois.

Maintenant, on était chez MTI… Chez Lenny et avec Samantha. Une Samantha à qui j’avais laissé une chance parce que je la trouvais différente des deux autres. Plus mature… Ou bien c’était simplement son histoire qui m’avait touché. Mais ce qui était sûr c’était que Lenny serait là de toute façon. Comme un filet de sauvetage.

Pour l’instant c’était comme ça. Une sorte de stabilité que nous permettait de créer.

Et j’aimais créer. J’aimais expulser ce que j’avais dans la tête à travers le chant. C’était plus efficace que le lithium que je ne prenais plus depuis mon overdose. J’étais en roue libre mais j’étais libéré. Libéré de mes démons et de la réclusion. Libéré de ces femmes de pouvoir qui avaient essayé de nous détruire. Libéré de tout.

Tout du moins… Pour l’instant. Parce que je savais que rien n’était immuable. Tout bougeait… Tout le temps et très vite.

Je regardais les filles danser au Wild tout en fumant. Je m’étais reclus dans un coin du club et je cherchais du regard la seule fille qui comptait ici. April. C’était pour elle que j’étais ici. C’était chaque fois pour elle. Dansera-t-elle ce soir ? Je l’espérais. Parce qu’April qui danse ici, c’était une constante… Et il me fallait de la constance.

J’en avais besoin !

Ma recherche prenait du temps parce que certaine personne s’arrêtait près de moi pour que je signe des autographes. Je l’ai fait échangeant quelques brefs mots avec des fans sans répondre aux questions auxquelles je n’avais pas envie de répondre. Ce petit exercice que je n’avais plus fait depuis des mois me fit rater les prouesses du sorteur qui envoya dehors un homme trop entreprenant. Je l’aurais vu… Mon esprit se serait perdu dans des réflexions contradictoires. Mais je ne le vis pas alors mon regard reparti à la recherche de celle que je désirais voir danser.

Parce que les autres ne m’intéressaient pas.

Et à force de regarder… Je la vis. Sensuelle dans chacun de ses mouvements, elle s’avançait vers moi. Je ne la quittai plus de regard jusqu’à ce qu’elle arrive à ma hauteur et s’installe près de moi. Ses yeux bruns, sa peau halée et ses cheveux aux divers tons à la fois foncés et clairs la rendait, à mes yeux, la plus magnifique fille du Wild Wild Beaches. Chacun de ses mouvements montrait son talent pour la danse.

Elle ouvrit la bouche pour me rappeler que j’avais été absent longtemps. Je m’étais enfermé dans ma villa pendant plusieurs mois. Plusieurs mois où je n’avais eu aucune visite.

-Les choses changent. Tout est cyclique mais en mouvement. Je suis là, maintenant. J’ai décidé de sortir et de remettre The Lightening sur les rails. On prépare un nouvel album.

Cash et moi, on avait décidé. Il avait fallu une overdose pour ça. Il avait fallu que je me rende compte que je ne voulais pas vraiment mourir pour ça.

Il y avait encore trop à dire. Trop à crier pour mourir.

Je soufflai ma fumée évitant de l’envoyé dans la figure de ma danseuse préférée.

-Mais apparemment, il y a quand même des choses qui demeurent les mêmes. Tu es là. Tu as toujours été là.

Je souris un peu content que ça n’ait pas changé. Le Wild Wild Beaches aurait perdu de son intérêt sans April.

-Je veux que tu danses pour moi. Comme avant. Juste pour moi.

J’étais venu pour la voir danser.

@ Billy Lighter

Mon menton appuyé dans les paumes de mes mains, je regarde Billy en relevant les yeux, me donnant un petit air faussement innocent. C’est surtout pour dissimuler la surprise de le revoir, après tout ce temps ans l’apercevoir, lui qui venait de façon soutenue. Je m’ennuyais de sa voix de miel et de son regard envoûtant.

De l’entendre dire qu’il est de nouveau là, pour remettre son groupe sur les rails et qu’il prépare même un nouvel opus, ça me fait sourire. Billy m’a montré bien des facettes de sa personnalité au fil des ans.

Je préfère sa phase créative.

Elle sera riche, ça ne fait aucun doute. Le simple fait qu’il soit sortit de sa tanière et qu’il se trouve ici ce soir laisse présager que le chanteur est dans une période d’accalmie. Je ne peux que lui souhaiter que cette énergie nouvelle lui soit favorable.

- J’ai très hâte d’entendre les nouvelles créations.

Billy tire sur sa cigarette et envoie plus loin sa fumé qui plane juste au dessus de nos têtes, parmi toute celle des autres clients. Je ne fume pas mais depuis le temps que je travail ici, ça doit être comme si !

- Bien sûr que je suis encore là. Fallait bien que j’y sois pour quand toi tu reviendrais, non ?

C’est surtout qu’à force, ce qui devait être un petit boulot temporaire est devenu mon identité et que je n’arrive plus à m’en défaire. Ça aurait pu être pire.

Vraiment pire.

Je m’en sors quand même plutôt bien avec mes deux boulots, il faut parce que la vie ce n’est pas donné !

Billy a envie que je danse pour lui. J’acquiesce d’un geste de la tête en me redressant et en venant passer ma main dans ses cheveux tout en approchant mon visage du sien. Je le regarde un moment, yeux dans les yeux,  front contre font puis l’embrasse sur le bout du nez.
Billy… c’est Billy.

Une fille comme moi n’intéressera jamais un mec comme lui pour autre chose que ce que je suis, mais ça va. Quand il est là, je prends ce qu’il me donne, je lui donne ce que j’ai droit de lui donner, sans jamais aller au-delà.

Je lui prends la main et l’amène jusque dans un isoloir où nous serons plus tranquilles, encore plus en fait, que là dans les alcôves ou malgré la disposition des immenses banquettes on peut quand même nous voir en les contournant.

Sa demande requiert un peu plus d’intimité. Il veut que je danse pour lui, comme je dansais avant, comme il aimait que je le fasse, avant.

La porte de l’isoloir refermée derrière nous, Billy s’installe sur le banc inconfortable et je le laisse choisir la chanson du petit jukebox, une chanson pour une danse, que pour nous.  Je pourrais danser pour lui sur n’importe quelle chanson pour lui.  Parce que ce sont ses yeux qui me donnent le rythme, les palpitations de son cœur marquent le temps.

- Where Do We Go Now…, excellent choix.

Je fais bouger mon bassin,  en tournant sur moi-même. Dos à lui, je fais bouger mes cheveux, les laissant voler sur mon dos nus sauf pour les deux fins cordons qui attache mon haut derrière mon cou et au milieu de mon dos.  Je me tourne à moitié en relevant ma cuisse droit et en appuyant mon pied contre le mur et j’y laisse trainer ma main jusqu’à ma cheville, puis en remontant sur ma cuisse, relevant ma jupe jusqu’à ma hanche. Enfin, si  on peu vraiment appeler ça une jupe.

Petit à petit, je lui dévoile certaines parties de mon corps sans pour autant les lui montrer franchement, jusqu’à ce que, face à lui, je tire lentement sur une corde qui retient mon haut pour en défaire la boucle et laisser pendre le tissure que je relève et passe par-dessus ma tête avant de m’assoir sur ses cuisses et de me pencher vers l’arrière non sans avoir placer l’une de ses mains derrière mon  dos.

Billy est l’un des rares que je laisse me toucher.

Quand je me redresse, au moment où la chanson se termine, j’hésite un moment. Il a bien dit ‘’ Comme avant. Juste pour moi’’.  C’était là, avant, qu’il m’embrassait.  Un baiser chaste, rien de déplacer mais c’était quand même  ça que j’attendais, chaque fois, sans savoir s’il l’attendait lui aussi, avant de partir.

@ Billy Lighter

April avait hâte autant que moi. J’avais envie de montrer au monde ce que The Lightening à encore à montrer. J’avais envie de raconter ce que j’avais à raconter. J’avais envie de montrer qu’on était à nouveau vivant !

April, elle, était encore là. Chose immuable dans un monde en constant changement. C’était quelque chose de très rassurant. Je m’accrochais à ce genre de détails. Parce que ce n’était pas de détails pour moi.

Elle disait qu’il fallait bien qu’elle soit là quand j’allais revenir ce qui me fit sourire de mon sourire angélique.

-Oui. Il le fallait.

Parce que c’était mieux ainsi. Sans April, le Wild Wild Beaches ne serait plus pour moi que le dernier endroit où j’avais vu Gaïana Dugopoliac avant sa mort. Et je ne voulais pas rester là-dessus. Je préférais penser à la vie et à April quand je venais ici. Parce sa façon de danser représentait la vie et l’art.

Et j’avais envie de voir cet art à l’action. Je voulais reprendre mes habitudes. Parce que The Lightening devait renaitre de ses cendres. Pour cela, il fallait rassembler les cendres et les anciennes habitudes en faisaient parties.

April accepta d’un hochement de tête avant de passer sa main dans mes cheveux. Ça faisait des mois que je n’avais plus eu ce genre de contacts. Des mois sans avoir vu la moindre âme. Hormis celles des démons qui vivaient dans ma tête. Du coup, je profitai de ce simple contact plongeant mon regard dans celui d’April qui laissa un baiser sur le bout de mon nez. Je frissonnai même si mon regard ne cilla pas.

Je me laissai conduire jusqu’à l’isoloir. Le même que les autres fois. Chaque fois le même. Je me laissai tomber sur la banquette, mon regard braqué sur April. Il fallait de la musique pour accompagner la danse d’April et je choisi un titre de The Lightening. Elle aimait le choix. Je souris. Il fallait du The Lightening pour marquer la renaissance de The Lightening. Puis, j’aimais voir April danser sur la mélodie de la guitare de Cash.

Et elle se mit à danser. Ses cheveux caressaient son dos alors que sa danse sensuelle m’envoutait. Je me laissais emporter par la mélodie et par les gestes d’April qui remonta sa main de sa cheville jusqu’à sa jupe qu’elle remonta jusqu’à sa hanche. Je la regardais d’un air impassible. Mais c’est à l’intérieur de moi que ça bouillonnait de voir April si sensuelle.

Elle continua à danser dévoilement doucement des parties de son corps sans aller trop loin. C’était toujours à l’extrême limite. Et le plus loin de cette limite était là, quand elle dénuda le haut de son corps pour, ensuite, s’asseoir sur mes cuisses. Je la laissai poser ma main dans son dos. Le bout de mes doigts la caressait. Doucement. Sensuellement.

Je profitai de chaque instant mon regard fixé sur April jusqu’à la fin de la chanson. Au moment où elle se redressa, je la regardai encore avant de me lever. April était le symbole de la constance. Je devais lui montrer que je pouvais faire preuve de constance. Je la regardai avant de poser mes lèvres sur les siennes en fermant les yeux.

Je le brisai le baiser passant deux doigts le long de sa joue.

-J’aime retrouve des choses que je connaissais. Comme toi et ta danse. Tu n’as fait que t’améliorer.

Je continuais de la regarder parlant de ma voix grave.

-Mais The Lightening renait. Il me faut quelque chose de nouveau. Quelque chose qui change dans cette pseudo-routine.

Je continuai de la regarder sans plus la touchée restant toujours de l’autre côté de cette limite.

-Je veux te payer un verre. Pas ici… Ailleurs. Je veux te connaitre mieux. Tu acceptes ?

J’avais envie de parler, d’échanger, de discuter. J’en avais besoin et je crois avoir trouvé l’interlocutrice qu’il me fallait.

@ Billy Lighter

Il y a quelque chose de particulier à danser pour Billy Lighter. Je ne saurais expliquer clairement ce que c’est mais j’ai l’impression qu’il ne me regarde pas avec ses yeux mais avec son âme. Il voit au-delà de mon corps, de mes mouvements provocateurs. Il ne vulgarise pas la sexualité comme s’il n’y avait rien de plus là dedans qu’un moyen de prendre du plaisir. Ça se sent, que pour lui, c’est quelque chose de précieux.

Voilà pourquoi je n’ai encore jamais fait l’amour.  J’ai envie de le faire avec une personne qui saurait me regarder de la même manière que le fait Billy. Qui ne vois pas en moi qu’un objet d’excitation mais une femme avec une âme et un cœur.

Billy n’en déroge pas à ses habitudes, cependant, j’ai l’impression que le baiser est plus froid, plus automatisé qu’il ne l’a déjà fait. Puis il se lève et me laisse un peu surprise, debout dans l’isoloir.
Je sais pas…

J’ai cru qu’il voudrait une autre danse, faire durer le moment, pousser jusqu’aux limites, les siennes comme les miennes.

- Ben…heu… merci, Billy.

Je ne m’attendais pas à ce qu’il me dise que je m’étais ‘’améliorée’’.  On peut vraiment s’améliorer à se vendre en se dandinant dans un tout petit isoloir, à se frotter sur des hommes en sueurs, bedonnant et pervers, pas Billy, bien sûr mais comme la majorité qu’on rencontre ici. On peut ?

Sa voix, grave, est comme une caresse. Elle me fait frissonner, agréablement. C’est comme s’il passait sa main sur ma nuque, comme s’il murmurait à mon oreille, l’effleurant de ses lèvres douces et charnues.

- Je peux changer quelque chose.

J’ai peur qu’il me dise qu’il ne reviendra plus. Il parle de changement, je fais partie de ses habitudes, du moins celles d’avant. C’est peut-être là que ça va changer. Je soutiens son regard en nouant mon haut derrière mon dos et mon cou, question de me couvrir alors que je suis prête à entendre ce que je ne veux pas entendre.

Et il sort un chat de son chapeau, me laissant à moitié bouche bée… ok complètement bouche bée.

- J’accepte, bien sûr.

Je n’ai aucune idée de l’heure exact qu’il peut être mais je n’en ai sincèrement rien à foutre que mon chiffre de ce soir soit terminé ou non. Quand Billy Lighter vous invite à prendre un verre, vous le suivez sans dire un mot.

À moins que…

- Là, maintenant ? Je peux aller m’habiller, prendre mon sac et je suis prête en 5 minutes.

J’aurais vraiment l’air stupide s’il ajoutait pour spécifié qu’en fait c’était pour un de ces quatre, pas maintenant mais un bon jour, quand il en aura de nouveau envie… Je suis de nouveau suspendue à ses lèvres, attendant de savoir si je lui offre une nouvelle danse pour faire durer le plaisir de sa compagnie ou si je cours en coulisse m’habiller et ramasser mes trucs pour découvrir une nouvelle facette de sa personnalité.

@ Billy Lighter

Je venais de briser la routine. Je venais de casser les repères d’April. Moi, qui avais été tant rassuré par la stabilité qu’elle offrait, je venais de casser cette stabilité.

Mais c’était pour en faire quelque chose de mieux. Offrir une autre routine légèrement différente. Comme The Lightening. L’âme sera la même mais l’énergie sera différente parce qu’elle n’était plus fournie par la même chose. C’est les échecs passés et l’envie de renaissance qui sera le moteur du prochain album. La routine devait aller avec ça… Même âme, énergie différente. Et ça pour former un tout uni. Un endroit régit par des règles strictes où je pourrais vivre cette renaissance.

Elle me remercia malgré sa surprise alors que je disais qu’elle s’était améliorer. Je voulais dire par là que sa danse était encore plus pure, qu’elle avait encore plus de sens. Qu’elle me parlait encore plus.

Elle déclara qu’elle pouvait changer quelque chose ce qui fit fleurir mon sourire angélique sur mes lèvres. Mais je voyais qu’elle était troublée et que quelques choses la perturbaient. Non, je ne le voyais pas… Je le sentais. Parce que c’était ça mon fardeau. Tout sentir trop fort. Mes émotions… Celles des autres… Et je sentais les inquiétudes et la perplexité d’April… Parce que j’avais brouillé ses repères par mon envie d’un changement.

Alors, je lui expliquais ce dont j’avais envie. Voir April en dehors d’ici, c’est ce que je voulais. Elle accepta et je souris. Mais, toujours perdue, elle se demanda si on partait maintenant.

-Oui, maintenant. Rejoins-moi à la sortie.

Je souris et la laissai aller se rhabiller pendant que je me dirigeai vers la sortie après avoir prévenu le gérant qui était à l’arrière que j’emmenais une de ses filles. Le simple fait d’être Billy Lighter l’avait fait accepter. Il n’aurait pas accepté, les choses auraient été… Différentes !

Je rejoignis la sortie et April arriva juste après. Je lui souris et on rejoignit ma Lamborghini jaune. On y prit place et je roulai jusqu’à un tout petit bar que je savais presque désert. Autrefois, à mes débuts à L.A., ce bar accueillais pas mal de monde mais The Lightening avait ramené pas mal de vie au Crazy Ginger qui attirait, maintenant, tous les gens du quartier et d’ailleurs.

-Ici, c’est bien. C’est l’un des premiers bars où j’ai atterri quand je suis arrivé à Los Angeles.

On y entra… Comme je l’avais supposé, il n’y avait personne hormis un très jeune barman qui écarquilla les yeux en nous voyant entrer. Il ne fit pas de commentaire et on s’installa à une table. Je sortis une cigarette et me mis à fumer tout en regardant April.

-Tu n’es pas grandi à L.A., n’est-ce pas ? Toi aussi tu es un enfant adopté par L.A….

Son léger accent. Ce n’était pas un accent californien. Tout comme le mien ne l’était pas non plus. J’avais déjà parlé à April les autres fois qu’on s’était vu. Mais je lui parlais souvent de l’instant présent et de The Lightening. Surtout quand j’étais en phrase de création. Dans d’autres phases, je parlais peu voir pas du tout me contentant d’apprécier sa danse. Ici, ça serait une conversation dans les deux sens parce que je voulais connaitre April et pas seulement April la danseuse du Wild Wild Beaches.

@ Billy Lighter

Ma petite escapade imprévue avec Billy Lighter n’est pas sans me rappeler une sortie, dans un passé pas si lointain que ça, avec Howard Stone. C’était, à peu de chose près, la même histoire à la différence que Billy, lui, il n’aurait pas besoin de déployer de grands efforts pour me faire dire oui à presque tout.

Je cours en coulisse pour me changer, rassembler mes trucs  et me regarder dans la glace, question de voir si je suis à mon avantage.  Je prends le temps d’appliquer un peu de gloss, de brosser ma tignasse et de mettre une petite touche de parfum, légèrement vanillé.  Je veux être parfaite… je veux que le moment soit parfait.

Sans prendre le temps de saluer mes collègues, je passe en coup de vent, sortant du bar puisque je dois le rejoindre à la sortie.  Billy est là, il m’attend, son petit minois absolument trop craquant et désinvolte me fait signe de le suivre jusqu’à sa voiture, une somptueuse Lamborghini jaune.

Je n’ai pas le souvenir de m’être promené souvent dans ce genre de bagnole de luxe.

Le son du moteur, j’adore ! On dirait un petit bijou sur roues c’t’engin !  Je dois avoir souris bêtement tout le long du trajet.  Et je souris encore en sortant de la voiture sous l’œil des passants qui ont arrêtés leur promenade pour voir, curieux comme l’est le genre humain, à qui appartenait ce bolide.

Y’a pas de mal à prendre plaisir à ça, non ?

Billy m’entraîne dans un tout petit bar, limite désertique sauf pour un ou deux habitués qui sont accoudés au comptoir, devant leur grosse bière tablette depuis probablement des heures, je connais un petit peu trop bien ce genre de posture, vous savez, quand le dos s’arrondit. Nous prenons place à une table, pas besoin de la prendre en retrait, peu importe où nous aurions choisis de nous installer, nous aurions eu tout l’inimitié voulue.

- C’est très bien comme endroit.

Tenant le bar, un jeune homme continu d’essuyer le même verre qu’au moment où nous avons franchi la porte, comme s’il se demandait si c’était bel et bien Billy Lighter qui venait d’entrer ou s’il était victime d’hallucination.

- Ça parait tant que ça ? Je ne pensais pas… depuis le temps. Je viens de Boston, Massachussetts.  Mes parents sont morts, j’étais très jeune et c’est ma tante qui réside ici, à San Fernando qui m’a élevée.

Histoire triste, si on veut mais je n’ai pas eu une mauvaise vie pour autant. Oh, bien sûr il y a de ces moments dans la vie où mes parents m’ont manqués, c’est pire surtout à mon anniversaire, ou à Noël. Mais ma tante a fait tout en son pouvoir pour compenser, alors plutôt que de tomber sur un foyer d’accueil tenu par des pervers, j’ai pu garder un lien avec mon passé et grandir avec quelqu’un de ma famille.

- Tu as dit ‘’toi aussi’’ donc je présume que c’est également ton cas ?

Je demande une bière et des chips, s’il en a au barman qui a choisi précisément ce moment pour nous interrompre. On dirait qu’ils choisissent toujours le pire moment, c’est comme au restaurant quand ils te demande si tout est parfait alors que tu as la bouche pleine !

- Tu n’as pas d’accent, en tous les cas je ne l’entends pas.

@ Billy Lighter

Le voyage n’avait pas été long et je vis le sourire d’April tout du long. C’était un sourire qui mettait en valeur un visage magnifique. Je ne l’avais jamais vu habillée de cette manière et j’aimais beaucoup son style à la fois simple et rock n’roll.

Mais le trajet fut trop court pour engager la conversation. On arriva au bar que je venais de choisir. Un bar vide de presque toute âme. Un bar calme. Un bar où je savais que les esclaves de Sorensen n’allaient jamais. Un endroit où on sera tranquille.

Le barman était nouveau. Sinon, il n’aurait pas été aussi surpris de me voir entrer ici. J’espérais que sa curiosité n’allait pas le pousser à intervenir dans ma conversation avec April.

On s’installa à une table alors que la danseuse déclara qu’elle trouvait l’endroit bien. Je souris et hochai la tête pour confirmer. Et pour engager la conversation, je mis en avant le très léger accent que j’entendais dans la voix d’April. C’était très subtil mais j’avais une bonne oreille. Elle fut surprise que je le remarque et m’expliqua qu’elle venait de Boston et que ses parents étaient morts quand elle était très jeune. Elle vivait à L.A. presque depuis toujours. Mais on pouvait encore entendre des toute petites touches de ses origines dans sa voix.

-Il y a des petites choses dans ta voix qui ne viennent pas de Los Angeles. C’est pour ça que j’ai pensé que tu venais d’ailleurs.

Je souris légèrement regardant April.

-Je n’ai jamais visité Boston… J’y aie déjà fait des concerts mais je n’ai jamais visité la ville.

April avait été élevée par sa tante. Une vie bien différente de la mienne. Mais il y avait une tonne de mélancolie dans les deux. April, orpheline malgré elle… Moi, qui avait toujours mes parents et qui aurait tellement désiré qu’il en soit autrement.

Elle découvrit, sans difficulté, que je venais aussi d’ailleurs. J’hochai la tête alors que mon sourire disparut comme à chaque fois que je me rappelais de Lafayette. Un endroit morose perdu dans les endroits les plus sombres du Midwest où vivaient des gens sans rêves…

-Oui. Je viens de l’Indiana… A Lafayette… Je ne conseille à personne d’aller se perdre là-bas.

Le barman arriva à ce moment-là pour prendre la commande. Je demandai une bière alors que le type ne cessait de me regarder. Je soutenais son regard et il finit par le détourner pour aller nous chercher ce qu’on venait de commander.

April finit par ajouter qu’elle n’entendait pas mon accent. Je souris.

-Moi, je l’entends, mon accent…

Il ne disparaitra jamais vraiment. L’Indiana m’avait marqué et continuera de me marquer à tout jamais.

Je fumais machinalement tout en regardant April. Ce soir, il n’y aura qu’elle et moi… Personne d’autre.

-Tu danse bien. Tu es probablement la meilleure danseuse du Wild Wild Beaches. Tu n’as jamais espéré mieux que de danser là ? C’est un art… Tu pourrais l’exporter ailleurs que dans un club de strip-tease. Tu pourrais danser sur des scènes. Je te vois très bien sur scène.

J’étais bien placé pourquoi savoir que si on avait un but, il y avait moyen d’y arriver peu importait d’où on partait. J’étais parti de nulle part et j’étais arrivé ici en faisant du stop. Mon but était de devenir rockstar. J’y étais arrivé.

@ Billy Lighter

Assise dans ce petit bar, Billy en face de moi, je pourrais l’écouter me parler pendant des heures alors qu’il n’a fait que me poser quelques questions. Mais sa voix, le grain particulier de son ton, à la fois rauque et doux, m’enchante et m’envoûte.

Si moi c’est le grain de sa voix qui me plait, lui c’est mon accent que je ne pensais pas ou plus avoir qu’il remarque.  Ça me gêne mais me fais aussi sourire. D’un côté j’ai l’impression que ça peut-être quelque chose qui l’agace puis après, je me dis que Billy est à ce point attentif, quand je parle, pour l’avoir décelé et c’est remarquable en soit.

- De ce que je me souviens, Boston c’était génial. Il y a 4 saisons là-bas. Je crois que c’est ce qui me manque le plus. Ça et…

Comme à chaque fois où je repense à ma vie là-bas, bien que ça remonte à loin dans ma tête et que je ne peux pas jurer que ce sont tous des souvenirs réels ou des fantaisies nées de mon imagination,  je deviens un petit peu nostalgique.

- …et le Quincy Market. C’est un immense centre commercial  mais il y a là-bas une ambiance particulière. Il y a des boutiques autant à l’intérieur que tout le tour à l’extérieur, sous des auvents et  j’adorais aller là-bas avec mon père le week-end.

Billy est déjà allé à Boston mais comme il le mentionne, il y était pour des concerts il n’a donc pas eu le temps de visiter, ce qui est dommage.

- Si l’envie te prends d’y retourner, en mode touriste, dit le moi, j’irais bien avec toi. Ça me fera du bien de revoir la ville et je pourrai te servir de guide…enfin, si je me souviens où sont les endroits !

Est-ce que je viens de proposer un week end au chanteur de The Lightening ?  Ça ressemble à ça en tous les cas.  Je dois être rouge comme une pivoine, merci, éclairage de merde de me rendre service en étant tamisé !

Je ne suis pas la seule, cela dit, à avoir un accent et, tout comme moi, celui de Billy est très subtile.  Je me risque à lui retourner la question sur sa provenance mais je sens par sa réponse que ce n’est pas un sujet sur lequel il désire s’étendre et je respect ça. Pas besoin de questionner d’avantage pour comprendre, ça lui appartient.

Après avoir chacun commandé à boire,  Billy reprend la parole et dirige la conversation cette fois sur mes talents de danseuse.  Plusieurs le disent, que je suis la meilleure danseuse du Wild Wild Beaches je veux dire, et ce genre de compliment n’en est pas tout à fait un à mes yeux. Parce que c’est loin de ce que je rêverais de faire.

Pour de vrai.

- On n’a pas toujours la chance de faire ce que l’on veut. C’est pour ça que je danse au Wild.

Nos bières nous sont servies  et j’en prends une gorgée.

Une longue gorgée.

D’abord parce que j’ai très soif puis aussi parce que ça me laisse le temps  de penser mes mots.

- J’ai une formation de ballet.  Tu sais, les pointes, le tutu et tout ça ?  Mon rêve était de devenir une ballerine, de danser pour de grands ballets, partout dans le monde.

Parfois, les choses ne vont pas là où nous avions planifié de les amener.  Je ne peux pas en vouloir à ma tante d’avoir été malade et je ne pouvais pas l’abandonner, la placer dans une résidence pour personne en perte d’autonomie et la laisser dépérir là dedans pendant que je vivais de notre rêve aux 4 coins de la planète.

Parce que c’était son rêve à elle aussi, de me voir danser.

- As-tu déjà eu l’impression, en faisant quelque chose, que cette chose là en particulier était ce pourquoi tu étais  destiné ? Que si tu n’avais pas ça dans ta vie, ton existence serait vide de sens ?

Probablement que oui.

Et fort probablement aussi qu’il me dira que le chant, son groupe est ce qui donne un sens à sa vie…    Je ne danse plus, sauf chez moi, quand je me laisse aller. Où à l’hôpital. Là-bas, la nuit, je danse autant que je veux et personne pour me déranger.  Mais ce n’est pas ce à quoi je me destinais.

- Le Wild, c’est un peu pour me permettre de continuer de danser. Pour me faire croire que je peux encore le faire. C’est… un leurre. Tu comprends ?

@ Billy Lighter

Elle avait de bons souvenirs de sa ville natale même si elle n’y avait vécu que quelques années. Des souvenirs où il y avait son père. Je l’imaginais dans une famille heureuse et simple. A l’opposée totale de ce que j’avais eu. Je souriais en l’écoutant se remémorer de vagues souvenirs.

April voulait bien jouer les guide touristique si j’avais l’envie me prenait d’aller visiter Boston. Mon sourire s’agrandit alors que je soufflai la fumée sur le côté avant de répondre.

-Avec plaisir. Ça faisait longtemps que je ne suis plus parti en vacances.

Je ne me rappelle plus de mes dernières vacances. Ma vie était une suite de tournées, de période de création et de réclusion. L.A. était mon refuge depuis des années. Un refuge que je ne quittais que pour les tournées. Et en tournée, je restais dans le monde fermé de The Lightening essayant de ne pas me brûler avec des choses extérieures. Rien que de penser à ça, ça me ramena à Saint-Louis et aux morts. Une idée que je réussis à chasser de ma tête en me concentrant sur le visage et sur la voix d’April.

J’eus l’impression que le visage d’April vira au rouge et ça me fit récupérer mon sourire. Je réussis à brièvement parler de là où je venais. Mais je revins vite à April et à son talent de danseuse. Je me demandais pourquoi elle ne se contentait que du Wild… Avec son talent, elle pourrait aspirer à mieux. Mais elle déclara qu’on pouvait pas toujours faire ce que l’on voulait chose qui fit faner mon sourire. Quelque chose l’empêchait d’aspirer à mieux. Mais je n’arrivais pas à déterminer quoi alors je la laissai enchainer.

Je bus une gorgée de la bière qu’on venait d’amener. Je n’avais pas regardé le serveur. Je me concentrai uniquement sur April. Elle avait un rêve… Celle de devenir ballerine. C’était un beau rêve. Mais triste en même temps parce qu’elle était danseuse au Wild… Alors qu’elle pourrait danser sur scène devant un vrai public. Et ses questionnements qui suivirent me firent hocher la tête.

-Oui… Ce que je fais, j’ai l’impression que j’y étais destiné. Je suis né avec ses voix comme toi tu es née avec la capacité de danser. Le travail n’à fait qu’entretenir et améliorer ce talent. Chacun est destiné à quelque chose. Chacun a du talent pour quelque chose. Si je n’avais pas fait de la musique. Si je n’avais pas pris mon sac à dos pour venir à L.A… Je ne serais devenu personne.

Hormis William…

-Je serais resté William Lighter… Je serais soit mort, soit en prison…

Ou les deux.

Mon talent m’avait sauvé. Mon envie de devenir rockstar m’avait sauvé. Poursuivre mon rêve avait fait de moi quelqu’un. Et si le voyage jusqu’ici m’avait apporté son lot de mauvais souvenirs, j’avais eu la récompense : j’avais réussi.

J’étais devenu Billy Lighter.

April m’expliqua que danser au Wild lui permettait de continuer à danser. C’était un leurre. C’était comme si j’étais resté dans l’Indiana à jouer dans un garage miteux. C’était poursuivre sa passion sans poursuivre son rêve. Je la regardais droit dans les yeux.

-Pourquoi ?

Ma question était vaste et je soufflai ma fumée avant de la préciser.

-Pourquoi ne pas essayer de poursuivre ton rêve ? Qu’est-ce qui t’empêche de tenter le coup comme ballerine. Nous sommes à L.A…. Tout est possible ici. Qu’est-ce qui empêcherait April Fox de devenir ce qu’elle veut être ?

Il devait il y avoir une raison valable. On ne renonce pas sans raison valable.

@ Billy Lighter

Jamais avant je n’avais vraiment repensé à Boston et aux souvenirs que je conserve de cette époque là. Ça me fait drôle de replonger là dedans tout en discutant avec Billy, c’est comme si c’était hier alors qu’en fait, c’était alors que je n’étais pas plus haute que trois pommes. C’est aussi légèrement troublant de me rendre compte que certaines choses sont encore très claires dans ma tête alors que je n’arrive même plus à me souvenir du son de la voix de mon père, ni de l’odeur du parfum de ma mère.

Peut-être est-ce portée par ces souvenirs que je propose sans trop y penser de servir de guide à Billy si un jour il désir visiter Boston à nouveau.  Ça me fait rougir, j’en suis certaine mais malgré tout, je ne regrette pas d’autant plus qu’il n’est pas contre l’idée.

Ma vie n’a pas prit la tangente souhaité. Est-ce que je suis malheureuse pour autant ?   J’ai des regrets mais je ne suis pas malheureuse.  Je crois avoir fait ce que je devais faire pour donner à ma tante, une qualité de vie et les soins nécessaire à son état. En d’autres mots, j’ai fait ce que les parents font pour leurs enfants en mettant de côtés des rêves et des ambitions personnelles pour prendre soin d’eux.  C’est n retour de balancier, ma tante elle-même ayant mis sur glace plusieurs choses pour m’accueillir chez elle.

Pour Billy, il lui était vital d’aller au bout de son rêve pour devenir quelqu’un, pour s’en sortir. Ce n’était pas possible pour lui de continuer dans sa ville natale et c’est tout aussi louable. S’il a su le faire, alors je suis heureuse pour lui mais moi, je ne peux pas partir comme ça.

J’ai conscience que je ne suis pas claire avec mes explications. Billy veut savoir ce qui m’empêche de tenter le tout pour le tout.  Avant ce soir, je n’ai jamais parlé de ça à qui que ce soit. Jamais je n’ai parlé de ma tante et de sa maladie, préférant garder ça pour elle et moi.  C’est surtout que jamais je n’ai voulu qu’elle croit que j’ai pu  sacrifier mon rêve pour elle, je sais qu’elle en serait chagrinée.

J’éclaircis ma voix puis je joue avec mes cheveux avant de les replacer derrière mes oreilles et de regarder Billy dans les yeux.

- Il y a quelques années de cela,  ma tante a fait un malaise. Je l’ai retrouvé sur le sol de la maison et, en fait, c’est un miracle qu’elle ait pu être sauvée.  Je m’occupe d’elle maintenant et de danser au Wild c’était un moyen rapide de faire de l’argent.

J’hausse des épaules, je ne suis pas défaitiste, j’ai fait ce que je devais faire et je ne le regrette pas.  On dit que rien n’arrive pour rien dans la vie et j’y crois. J’ai vécue de belles choses ces dernières années, ma rencontre avec Billy en est une. Je ne l’aurais pas connu si j’avais quitté Los Angeles.

- Tout est possible mais de recommencer le balais impliquerais que je quitte le Wild et sans le Wild, pas d’argent pour les soins de ma tante, pas d’argent non plus pour payer le balais donc au final, ça revient à moi qui ne danse pas plus le balais.

En fait, c’est un peu comme si je m’étais volontairement engagée dans un cercle vicieux et que je ne pouvais plus en sortir puisque peu importe quand et comment, je laissais tomber quelque chose de vitale et dans toutes les possibilités qui s’offrent, jamais je ne pourrais sacrifier le bien être de ma tante pour satisfaire une ambition personnelle.

Tout ceci m’a appartenu en entier jusqu’à maintenant. Ça me fait tout drôle de le partager et à Billy, en plus, au point ou je deviens émotive et que j’essuie le coin de mes yeux, troquant un sanglot inutile par un éclat de rire  en haussant des épaules.

- Wow…parfois ce n’est pas facile non plus de lâcher le morceau. Pardon, je ne pensais pas que ça me ferais cet effet là de me confier à toi.

@ Billy Lighter

April avait des rêves. Celui d’être danseuse en était un. Elle l’était déjà, en quelque sorte, mais elle méritait bien mieux que le Wild. On pourra dire ce qu’on veut. Valoriser ce qu’on veut. Voir le beau là où on voulait. Le Wild restait un club de strip-tease. Et April méritait mieux que de se déhancher devant des gens qui ne venaient pas pour apprécier sa danse mais pour la voir à moitié nue.

April pouvait produire de l’art mais été cantonné à ce style et ne pouvait en exploiter d’autres. Mais elle se contentait, pourtant, de ça et disait qu’elle ne pouvait pas aspirer à plus. Je me demandais pourquoi elle ne cherchait pas à aller au bout. Je me demandais ce qui la bloquait. Ce n’était pas un manque de motivation. Ça se voit tout de suite ce genre de chose. Non, c’était autre chose.

Elle leva alors le voile là-dessus tout en jouant avec ses cheveux. Je la regardais mon regard bleu-vert cherchant le sien. Le problème venait d’un sale coup de la vie. Sa tante avait été frappée par le sort et se retrouvait, maintenant, à la charge d’April.

Le problème… C’était l’argent…

Mais pas parce qu’April désirait un minimum de confort et ne voulait pas tenter le tout pour le tout mais parce que sans cet argent, sa tante ne pourrait pas recevoir les soins qu’il lui faut.

L’histoire me toucha et ça se vit directement sur mon visage. Elle ne pouvait pas se permettre de quitter le Wild qui était sa source de revenu. Combien de temps devra-t-elle payer tous ses frais et rester à vivre de la même manière sans possibilité de changement ? Je l’ignorais… Tout le monde l’ignorais même la principale concernée.

Et elle était sur le point de pleurer. Elle combattait ses sanglots par un éclat de rire. Chose que je n’arrivais jamais à faire. Mais je voyais que la situation dans laquelle elle était la touchait. Je ressentais ses émotions. Elle m’envahissait jusqu’à me faire mal au cœur. Et elle s’excusa. Je la regardais. Des gens m’ont déjà dit que parler des choses difficiles à quelqu’un enlevait un poids.

Mais je voulais faire plus.

Parce que je pouvais faire plus.

Je pouvais donner à l’histoire d’April une tournure plus joyeuse. Je pouvais lui enlever un plus gros poids encore.

Et je n’hésitai pas une seule seconde.

-Je vais payer les frais.

Je venais de dire ça d’un seul coup en regardant la danseuse droit dans les yeux.

-Peu importe à combien s’élèveront les frais de soins pour ta tante, je les payerais. Autant de temps qu’il le faudra, je les payerais.

J’avais les moyens. Je voulais le faire. Ma voix était grave et encore touchée par l’histoire d’April.

-Je payerais tes cours de ballet aussi.

Ainsi, elle n’aura qu’à se préoccuper des choses basiques comme la nourriture et un loyer pour elle.

-Je veux le faire… Il faut que tu poursuives ton rêve.

Parce que je savais où ça m’aurait mené de ne pas suivre le mien.

@ Billy Lighter

Je ne pensais pas lever le voile sur ce pan de ma vie ce soir et encore moins le faire avec Billy Lighter. Jamais en fait je ne parle de ma tante, non pas parce que j’ai honte, il n’y a aucune raison pour cela, mais parce que je ne suis pas assez proche de qui que ce soit pour  me confier et qu’aussi, la misère des uns est le derniers des soucis des autres.

Je ne l’aurais pas fait si Billy ne m’avait pas franchement posé la question sur les raisons qui font que je refuse de concrétiser mon rêve. Mon rêve qui n’était pas que le mien, mais aussi celui de celle qui m’a élevée.  Sans elle, ça n’a plus la même signification.

Le Wild m’a permis de nous faire garder la maison, de lui assurer des soins et d’avoir une aide qui vient quand je n’y suis pas.  Cela dit, tout ce que je gagne passe en paiement de facture alors il ne reste plus rien pour se gâter, alors pour le ballet, ce n’est même pas la peine d’y songer.

J’ai gardé ça pour moi, pour à la maison.

Je danse encore pour ma tante, dans notre salon, pour la divertir et je sais qu’elle adore me voir faire mes pointes. Elle essaie encore et toujours de me corriger sur certaine chose, même si son langage a été grandement affecté par sa crise. Elle émet des sons, plus que des mots, ça vient du fait aussi que son côté droit est complètement paralysé et que ça l’empêche de bien prononcer ses mots. J’ai l’habitude, à force, je me suis fait l’oreille.

Et puis Billy sort la chose la plus mignonne mais aussi la plus absurde que j’ai entendu depuis longtemps.  Il offre de payer, absolument tout, afin que je puisse poursuivre mon rêve. Je ne le connais pas autant que je le voudrais mais si j’ai appris une chose après toutes les fois où j’ai dansé pour lui c’est qu’il fait toujours ce qu’il promet de faire.

- C’est gentil… mais je ne peux pas accepter.

Son offre me ferait être redevable de quelque chose que je ne saurai jamais lui redonner.  On parle de beaucoup d’argent par année uniquement en frais médicaux, ensuite, pour la maison puis des dépenses reliés au ballet je ne sais même plus à combien de millier de dollars par année dont il est question.

- Ça me touche vraiment, ça, je veux que tu le sache, mais…

Je termine ma bière, songeuse.  L’offre est tentante, je ne peux le nier. C’est humain de flirter avec l’idée de se faire passer en premier, pour une fois, de penser à soit et Billy m’offre cette chance comme sur un plateau d’or.

- Ce n’est pas si simple. Elle ne comprendra pas si je pars, pourquoi je ne suis plus là, elle n’a pas la notion du temps elle…

Le mieux, c’est qu’il voit par lui-même ce que je lui propose.

- C’est la première fois que quelqu’un va entrer chez moi, autre que les visages qu’elle connait alors, je ne sais pas comment elle va réagir en te voyant.

Je me lève et lui tends la main, prête à le faire entrer un petit peu plus dans ma vie, alors que je ne pensais que tout ceci s’arrêterait après une bière et un brin de conversation.  D’un autre côté, de toutes les personnes à qui j’aurais pu placer ma confiance, Billy est le seul en qui je n’ai aucun doute.

@ Billy Lighter

J’avais mal au cœur d’entendre que le rêve d’April ne pourra pas se réaliser pour une raison dont elle n’a pas du tout le contrôle dessus. Ce qui est arrivé à sa tante était quelque chose que personne n’aurait pu prévoir. Quelque chose qui avait déterminé la vie même d’April. Elle était maintenant coincé parce qu’elle devait payer les soins pour sa tante. Coincé à cause d’un coup du sort.

Et ça m’attristait vraiment parce que je sentais que ça l’attristait elle. Je pouvais ressentir, dans ses mots, tout l’amour qu’elle portait à sa tante. Je pouvais ressentir que son amour pour le ballet était grand lui aussi. Mais qu’elle ne pouvait pas abandonner sa tante pour sa passion.

Et, pour moi, c’était impossible, alors que j’avais l’argent, de rester les bras croisés à dire à April : « c’est comme ça et on ne peut rien faire ».

Si, je le pouvais !

J’avais l’argent. J’étais riche à millions depuis des années. Je devais faire quelque chose. Sinon… J’allais y penser encore et encore… J’allais me dire que j’aurais pu changer la vie d’April mais que je ne l’ai pas fait.

Alors, je lui proposai l’argent. Je lui proposais de payer tous les soins de sa tante et le ballet.

Mais elle refusa.

Mon visage s’assombrit. Ça la touchait mais, elle ne pouvait pas accepter. Je lui offrais son rêve… Mais le fait que l’argent vienne d’ailleurs devait la couvrir de remords…

Pourtant… Tout serait bien plus facile.

Elle m’expliqua que pour sa tante, ça ne sera pas si facile. Elle avait peur de la quitter et qu’elle soit perdue. J’hochai la tête.

-Je comprends…

Mais j’étais touché aussi… J’aurais tellement voulu la fin heureuse que j’entrevoyais. J’aurais tellement voulu qu’elle accepte. Mais son refus avait une logique…

-J’aurais voulu que tu acceptes… Mais… Je ne peux pas t’obliger. Parce que si ce n’était que l’argent… Je l’ai… J’en ai même trop…

Trop pour moi tout seul…

April me proposa alors d’aller voir sa tante. Elle voulait sans doute que je vois vraiment ce dont elle parlait. Elle m’expliqua que ça serait la première fois quelqu’un d’autre qu’elle allait rentrer chez elle. April était si seule.

Aussi seule que moi…

J’acceptai d’un hochement de tête.

-On ne sait jamais comment les gens vont réagir.

Moi-même je ne savais jamais comment j’allais réagir. Parfois, mes réactions étaient soudaines. Elles me prenaient moi-même en traitre.

Je pris sa main qu’elle me tendait quand elle se leva et je me levai à mon tour. Je n’avais même pas terminé ma bière. Je l’abandonnai là et je suivis April dehors où on embarqua dans ma voiture. Je la laissai me diriger à travers les rues par la voix d’April. Je la regardais de temps à autre, la radio branchée sur la chaine L.A.Rocks en fond.

-Ta tante… C’est elle qui t’a élevée, c’est ça ? Vous êtes toujours restée toute les deux ?

April semblait vivre seule dans son propre monde avait sa danse et ses rêves plein la tête. Aucune autre attache que ça.

-Personne d’autre que toi n’es jamais entrée chez toi depuis que tu t’occupes d’elle ?

Même pas un ami ou une amie ? Si c’était vrai… Alors peut-être qu’April serait la seul à comprendre ce que je ressens quand je suis seul dans ma tête.

@ Billy Lighter

Accepter l’argent de Billy aurait été la solution facile. Je n’aurais plus à danser au Wild et je pourrais vivre de ma passion sans me soucier de l’argent. Ce serait un poids immense en moins de sur mes frêles épaules. Ce poids, au fil des ans, commence à me faire courber le dos pourtant je continu de le supporter parce que c’est la chose à faire. Souvent, on m’a parlé de centre, pour des gens comme ma tante mais je n’ai jamais eu le courage de le faire.

J’ai fait ce que je savais être le mieux pour elle qui a tant sacrifié pour moi. Aujourd’hui, Billy me propose de l’argent, il le fait de bon cœur, je sais qu’il n’y aura pas de surprise cacher en dessous du genre ‘’ Je paie tout mais en contre partie, tu sera à moi ’’.  Je le sens honnête et surtout très touché parce que je lui raconte.

Son geste est généreux mais je me dois de le refuser. Pour ma conscience mais surtout parce que ça reviendrait quand même à laisser le sort de ma tante entre les mains de d’autres. Au final, ça reviendrait au même.  Cependant, je veux qu’il sache que son offre m’a touché et que je n’oublierai pas qu’un jour, il a eu cet élan de générosité.

Je lui propose quelque chose que jamais encore je n’avais proposé à quelqu’un d’autre. Sauf pour les gens qui viennent de l’hôpital, l’aide infirmière et l’homme qui fait l’entretien de la maison,  je n’ai jamais amené quiconque ici.

Notre maison, c’est notre petit univers rien qu’à nous.

Nous quittons donc le bar, pour reprendre place dans sa voiture et tracer le chemin jusque chez moi. La phrase de Billy tourne en boucle dans ma tête. Il est vrai que jamais on ne peut savoir la réaction des gens à l’avance.

- Oui, c’est ça. Après la mort de mes parents, s’est elle qui m’a élevée et m’a transmit sa passion pour le ballet. Ça a toujours été que moi et elle, toutes ces années.

Elle n’a jamais eu d’amoureux, du moins pas que je sache. Elle travaillait à mi-temps puis donnait des cours de ballet à même le petit studio de la maison.  Nous jardinions et nous aimions boire le thé sur notre immense galerie, installé sur la balançoire.

- Après ‘’l’accident’’, j’ai  trouvé un boulot et j’ai terminé les cours. L’assurance payait mais ça a vite fait son temps alors j’ai dû trouver mieux et rapidement. Ensuite, il n’y avait plus de place pour rien d’autre alors non, jamais personne d’autre que moi, son infirmière et l’homme engagé n’est venu chez nous depuis. C’est lui qui veille sur elle quand je ne suis pas à la maison.

Donc, depuis des années, ma tante ne voit que les trois mêmes visages. Elle est rapidement effrayée, il fallait qu’elle puisse retrouver des balises claires et rassurantes dans son univers très restreint. Je prends une chance ce soir en amenant Billy chez moi.

Suivant toutes mes indications, nous finissons par arriver et Billy peut éteindre le moteur de sa voiture, puis me suivre jusqu’à l’intérieur de chez moi. C’est une très belle maison. Trop grande pour ce que nous en utilisons. Certaines pièces ont été délaissées, je n’y vais jamais.  Sauf que ça aussi, je ne m’y résous pas. Vendre cette maison qui appartient à ma tante depuis tellement longtemps pour nous prendre un petit appartement au centre-ville ?

Non.

Ici, j’ai encore le loisir de profiter du studio et d’y danser pour ma tante.

Henri, l’homme engagé est surprit de me voir rentrer si tôt mais  pas fâcher de pouvoir  retourner chez lui et profiter du reste de sa soirée. Pour le peu qui reste du moins. Il me parle de la soirée de ma tante, qui ressemble à toutes celles qui l’a précédée puis s’en va en nous saluant, fronçant un peu les sourcils en voyant que je ne suis pas seule.  

Je glisse ma main dans celle de Billy et nous dirige vers le salon dans lequel ma tante est installée dans son fauteuil, devant la télévision, une couverture de laine sur ses jambes allongées.

- Elle adore regarder Dallas.

Comme combien d’autres Américains ?

Je nous approche d’elle puis, arrivés tout près, je m’agenouille en lâchant la main de Billy et place mes mains sur les jambes de cette femme qui ne semble pas m’avoir encore aperçue.

- Je suis rentrée, Clara.  Et regarde, j’ai un ami qui est venu avec moi. Il s’appel Billy.

- Illy ?

Je lui souris avant de tourner la tête vers Billy. Sa paralysie l’empêche de bien prononcer les mots.

Pratiquement toutes les consonnes sont trop difficiles pour elle et les mots trop longs l’essouffle.

- Oui, Billy.  Je voulais te le présenter parce qu’il est quelqu’un de très spécial pour moi et qu’il est aussi vraiment gentil. Lui aussi, il aime le ballet.

En fait, je ne sais pas si il aime le ballet mais il aimerait que je puisse réaliser mon rêve, c’est semblable non ?  

- Billy, je te présente ma tante Clara.

Je l’avoue. Je suis très émotive en ce moment et ma voix s’effrite par l’émotion.

@ Billy Lighter

On reprit ma voiture pour aller chez elle. Elle voulait m’en montrer plus sur ce qu’elle vivait. Elle voulait me présenter sa tante. Elle voulait me faire entrer dans son univers. J’avais toujours connu April comme danseuse au Wild et jamais en tant que personne.

Maintenant tout était différent. La routine était cassée… Je découvrais une autre April. Une fille à la personnalité complexe mais pas moins profonde.

Elle m’expliqua que sa tante l’avait élevé à la mort de ses parents. C’était d’elle que venait sa passion pour le ballet. C’était de sa tante qu’était né son rêve. Je ressentais à quel point ça avait dû être horrible de voir sa tante dépérir tout d’un coup.

Après l’accident de sa tante, l’argent avait vite manqué et April a dû se débrouiller seule en accumulant les boulots pour trouver de quoi payer les factures. Elle avait engagé du personnel pour l’aider à s’occuper de sa tante ce qui comportait des frais supplémentaires. C’était d’une tristesse infinie cette histoire. April était bloquée et le sera très certainement jusqu’à la fin des jours de sa tante. Et après… Après, je n’ose même pas imaginer la suite… Seule et après une vie entière dévouée à sa tante, elle n’aura plus rien.

-Ça ne doit pas être facile à vivre tous les jours, cette situation.

Cette impression de blocage que je ressentais chez April, je l’avais déjà ressenti chez moi quand j’étais enfant. Cette impression que tout se répète et que rien ne change… Sauf qu’April, elle, elle faisait ça par amour… Moi, ce qui m’était arrivé, c’était tout autre chose. Mais les deux nous avaient endommagés irréversiblement.

Et j’étais triste qu’elle ne me laisse pas la chance de l’aider…

Je ressentais la solitude que vivait April. Elle n’était entourée que de sa tante et des employés qui l’aidait. Je comprenais cette solitude… Je comprenais toutes les émotions qu’April m’envoyait et que j’absorbais.

On finit par arriver et je suivis April chez elle. Elle vivait dans une belle maison. On croisa un homme qui semblait être l’un des employés vu qu’il expliqua en détails la soirée de la tante d’April. Je le regardais mon regard pensant sur lui. Et il fronça les sourcils en me regardant avant de s’en aller. Je me raidis mais me détendis presque directement quand April glissa sa main dans la mienne.

Elle me dirigea vers le salon où sa tante regardait la télévision. Elle aimait Dallas. J’esquissai un sourire.

-Ma série préférée.

Je ne regardais pas souvent la télévision. Mais quand je la regardais c’était pour regarder ce genre de série ou bien les chaines musicales.

April lâcha ma main pour s’adresser à sa tante. J’avais aimé ce geste. J’avais aimé ce moment extrêmement rassurant.

Elle me présenta à sa tante et j’hochai la tête en souriant quand elle tenta de répéter mon nom. Elle expliqua à sa tante que j’étais gentil et quelqu’un de très spécial pour elle. Ces mots valaient beaucoup à mes yeux. Ces mots m’empêchaient d’entendre dans ma tête des voix dire que j’avais le pouvoir de les aider mais que le destin ne voulait pas que je les aide de cette façon. Des voix accablantes qui me parlaient souvent.

Je souriais alors qu’April acheva les présentations avec une voix qui me montrait qu’elle était très émue. Je me mis à sa hauteur juste à côté d’April. Et je répondis d’une voix profonde mais douce :

-Bonsoir, Clara. April m’a beaucoup parlé de vous.

Sa tante semblait émue. C’est en tout cas, ce que je ressentais… Beaucoup d’émotions… Mais j’arrivais à les assimiler. J’y arrivais tant bien que mal.

-Votre maison est magnifique.

Je la trouvais vraiment belle. Elle laissait encore transparaitre les moments de bonheur qui s’y sont passés. Je pouvais les sentir à travers les murs. Je pouvais encore entendre les rires d’April quand elle était enfant.

-Votre nièce m’a beaucoup parlé de sa passion pour le ballet. Je trouve ça magnifique. J’ai pu la voir danser et elle danse vraiment bien. Vous pouvez être fier d’elle.

Mon regard se planta alors dans celui d’April.

-Oui… Je l’ai vu danser souvent… Mais j’aimerais pouvoir la voir danser du ballet. Je ne l’ai encore jamais vu faire ça.

Les danses du Wild n’étaient pas du ballet. Je voulais voir April danser ce qu’elle aimait par-dessus tout.

-Tu ferais ça pour moi ?

Ma voix grave lui demandait une faveur.

@ Billy Lighter

C’est une grosse étape dans ma vie que de faire entrer quelqu’un dans celle de ma tante. Je viens un peu chambouler ses habitudes mais Clara n’est pas non plus sénile, elle a toute sa tête et comprends beaucoup plus qu’on peut le croire. Son état à simplement forcé certaines restrictions et beaucoup de gens qui se disaient proches d’elle ont tout bonnement fini par disparaître du circuit, probablement parce qu’ils  étaient inconfortables  avec la nouvelle réalité de Clara.

D’un autre côté, ça m’arrangeait aussi d’avoir notre petite vie à nous deux avec le moins possible d’intermédiaire. Loin de me faciliter la tâche, par contre mais quand même plus simple pour ses repaires.  Et puis on s’en sort très bien jusqu’à présent.

Billy s’approche tout en douceur, se plaçant même à la bonne hauteur pour éviter à ma tante de faire un effort en levant la tête, d’autant plus que nous sommes à sa droite et qu’elle est paralysée de ce côté.

Clara est de bonne humeur, essayant de répéter le prénom de notre invité et en souriant, comme elle le peut, en le regardant, tête penchée sur son épaule gauche. Elle lève sa main, tremblante mais la repose rapidement sur sa cuisse. Je vois ses yeux briller de bonheur.

La façon dont Billy s’adresse à elle, en parlant doucement, en prenant le temps de prononcer ses mots sans pour autant prendre un ton robotique va aider le lien à se forger entre lui et ma tante. Elle n’aime pas quand on parle trop vite car elle lit beaucoup  sur les lèvres.  Et, en plus, il lui parle en la complimentant d’abord sur la maison, puis en amenant le ballet.

- Ahil, ballet !, qu’elle s’exclame en bougeant son index gauche, de gauche à droite.

En fait, elle dit à Billy que je ne danse plus le ballet maintenant et je sais que ça la met en colère que j’ai renoncé.  Le mieux que je puisse faire, c’est de danser pour elle. Il y a un moment que je n’ai pas dansé, d’ailleurs. C’est à croire que Billy lit dans mes pensées alors qu’il plonge son magnifique regard dans le mien et ajoute qu’il adorerait me voir le faire.

- Billy…

C’est un peu stupide que je me sente soudainement intimidée de montrer à Billy ce que je sais faire au ballet alors que tant de soir, je me suis dénudée pour lui, en dansant, assise sur ses cuisses, dans un isoloir impersonnel du Wild Wild Beaches.

Peut-être que pour moi, ça a beaucoup plus de valeur et c’est encore bien plus personnel que mon corps nu peut l’être.

- Je le ferai pour toi, oui.

Je me relève lentement puis me penche vers ma tante pour  qu’elle puisse passer son bras valide derrière mon cou puis, en passant mes bras sous ses aisselles, je la soulève, non sans grimacer un peu. Ça devient de plus en plus difficile avec les années de la bouger d’une pièce à l’autre, de la sortir d’un fauteuil pour l’installer dans sa chaise roulante ou dans son lit. Le moment du bain est le plus pénible.

Je dois faire un demi-pivot sans la lâcher puis avancer lentement pour qu’elle puisse se retrouver assise dans son fauteuil roulant.  Ce fut tout un apprentissage de savoir comment et où placer les choses pour m’éviter de me déboîter le dos chaque fois et surtout, de penser à toujours verrouiller les roues du fauteuil pour éviter qu’il ne recule et que je finisse pas échapper ma tante et qu’elle se blesse dans sa chute. Tout est calculé, placé au millimètre près et le moindre petit changement peu avoir de grave répercussion.

- Tu es confortable ? Tu veux avoir ta couverture ? Il fait plus froid dans le studio.

Je lui enroule les jambes dans sa couverture puis retire le frein des roues de sa chaise pour la pousser jusque dans le studio de danse. Déjà, Clara pointe devant en  s’exclamant  de son et de claquement de langue.

- Elle a ses préférences… on ne s’entend jamais sur la musique.

J’explique à Billy, en rigolant doucement,  que ma tante sait ce qu’elle veut voir et, probablement parce qu’elle sait que je vais danser pour la première fois pour Billy, elle réclame le morceau qu’elle me sait maitriser le mieux, et pas forcément celui que j’aurais choisis, moi.

Mais qu’importe, Billy veut me voir danser et je danserai pour lui et Clara.

Je m’éclipse que le temps de passer un justaucorps  bourgogne  et mes chaussons usés au possible  puis réapparait devant eux, me dirigeant vers la table tournant pour y lancer la musique.

Nerveusement, allez savoir pourquoi, je souffle entre mes lèvres mais, dès que la mélodie débute et je me lance, sur le plancher de bois usé par toutes ces années de danse. Il ne fallait que je débute pour oublier mon public, pour oublier que ma tante, malgré tout, analyse mes mouvements et pour oublier que Billy Lighter en personne m’observe. Je danse comme je respire, naturellement et sans y réfléchir. Je connais par cœur la chorégraphie. Je connais tous les enchaînements à la perfection.
Danser me fait tout oublier.

Et comme chaque fois, quand la musique se termine, je reste sans bouger, comme si je me devais de prendre quelques secondes pour reprendre contact avec la réalité. Ma tante claque plus fort de la langue, s’exclame de sons incompréhensibles, elle est heureuse, je le sais.

@ Billy Lighter

Je venais d’entrer dans la réalité d’April. Celle où elle vivait au jour le jour à gagner de l’argent pour payer des soins et du personnel pour sa tante. Un tante que j’avais devant moi… Une tante dont les mouvements étaient très limités emprisonnée qu’elle était de son corps.

C’était un spectacle à la fois triste et émouvant. Parce que je voyais, dans le regard de la tante d’April, un certain bonheur et une détermination. Je me mis à sa hauteur et commençai à lui parler d’April et de ballet. De tout ce que sa nièce m’avait révélé et qui m’avait touché.

Mais quand j’évoquai le ballet, sa tante s’exclama dans son langage bien à elle me faisant froncer les sourcils parce que j’essayais de la comprendre. Je compris le mot « ballet » et le signe qu’elle me fit du doigt. Non… Non... Pas de ballet.

April ne faisait pas de ballet… Et les raisons, je les savais déjà.

Je me tournai vers elle restant à la hauteur de sa tante pour lui dire, en quelque sorte, que je serais heureux de la voir danser. Mais pas de danse comme au Wild, juste du ballet. Je voulais la voir danser au rythme de sa passion. Je voulais qu’elle me montre ce pourquoi elle était sur Terre.

Je ne quittai pas son regard. J’attendais sa réponse qui ne se fit pas attendre. Elle accepta de le faire pour moi. Je lui souris de mon sourire angélique.

Je me relevai en même temps qu’elle et la vit déplacer sa tante. Je n’eus pas le temps de bouger pour l’aider parce que je n’aurais pas su comment m’y prendre. Elle la déplaça jusque dans son fauteuil roulant. Elle faisait ça sans réfléchir. Machinalement… Preuve que c’était quelque chose qu’elle faisait souvent.

Elle parla à sa tante, la couvrit d’une couverture et on se déplaça jusqu’à une autre pièce. Un genre de studio. Clara s’exclama et je souris alors qu’April m’expliqua que sa tante et elles ne s’entendaient jamais sur la musique. Je souris. C’était l’inverse de moi et Cash… Nous, on ne s’entendait que sur la musique. Sauf dans des moments comme ceux qu’on vivait pour le moment et où on s’entendait sur tout. Des moments rares mais qui m’étaient précieux.

La tante d’April savait ce qu’elle voulait. Et elle était déterminée à obtenir ce qu’elle voulait et choisir la chanson sur laquelle dansera April. La passion pour le ballet n’était pas que quelqu’un chose propre à April. Il venait de sa tante et ça se voyait.

April s’éclipsa le temps de se changer. Elle revint avec une tenue de danseuse tout autre que celle qu’elle portait au Wild. Et quand elle lança la musique, mon regard ne la quittait plus.

Et ce qu’elle me montra était au-delà de ce que j’avais pu imaginer. Je ne connaissais rien aux techniques de danse classique. Je ne savais pas dire si April était une danseuse exceptionnelle… Mais ce que je voyais, je trouvais ça beau. April semblait comme glisser sur la musique. Elle enchainait les pas sans réfléchir, sans aucune hésitation. Et je trouvais ça magnifique.

Et quand la musique s’arrêta, sa tante s’exclama à sa manière alors que j’applaudis spontanément en souriant.

-C’était vraiment beau.

Je me tournai vers Clara avant de reposer mon regard bleu-vert sur April.

-Ta tante semble avoir adoré. Je crois qu’elle tient autant au ballet que toi. Et quand je vois la maison…

Dont ce studio qui semblait être un lieu où April avait dansé de nombreuses fois.

-Je peux sentir que, la danse, ce n’est pas que ta passion à toi… Le ballet, c’est votre vie à toutes les deux.

Et pourtant… Pourtant, April n’en faisait plus…

-Tu dis que ta tante ne comprendrais pas que tu viennes de moins en moins parce que tu poursuis ton rêve…

Je souris à Clara avant de reposer mon regard sur April.

-Moi, je pense qu’elle serait heureuse de savoir que tu le poursuives et que le reste, ça ne compte pas.

C’était ce que j’interprétais de ce que je pensais et de ce que je voyais.

-Moi, en tout cas, je voudrais te voir danser ça plus souvent.

Ça et pas les danses du Wild.

@ Billy Lighter

J’ignore à quand remonte la dernière fois où j’ai dansé le ballet devant quelqu’un d’autre que ma tante.  Je devais être toute petite et probablement dans un spectacle d’école ou  un récital du studio de danse.  Ensuite, j’ai dansé que moi ma tante et moi et toujours, avec ce pincement au cœur du rêve qui m’échappait n petit peu plus chaque fois.

C’est intimidant de danser pour Billy.

Parce que, justement c’est Billy. Mon Billy ! Le client pour qui j’en pince le plus et depuis la première fois où j’ai dansé pour lui. Je m’en souviens comme si c’était hier. Il avait ce regard fermé, comme blasé par tout, par la vie. Il était entré au Wild avec des potes à lui sans avoir vraiment l’air d’être avec eux. Eux, ils faisaient la fête, ils buvaient et parlaient fort mais Billy, il fixait devant lui puis nos regards se sont croisés.

Chaque fois, ça m’a fait l’effet comme s’il pénétrait mon âme.

Ce que je viens de lui montrer, c’est exactement ce qu’il aurait pu voir en scrutant à l’intérieur même de mon âme. Je me sens émotive, fragile.

- Merci…

C’est dans un tout petit murmure que je remercie le chanteur de The Lightening. J’ai les mains glacées, pas uniquement parce qu’il fait beaucoup plus frais dans cette pièce qu’ailleurs dans la maison, je crois que c’est l’émotion qui draine le sang de mes doigts, comme s’il se concentrait à simplement faire battre mon cœur.

Ma tante s’agite dans son fauteuil, elle voudrait que je danse encore, je le sais. Elle en redemande toujours une seconde, puis une troisième, elle voudrait que je danse toute la nuit. Je voudrais danser toute la nuit. Il m’arrive parfois de me lever la nuit et d’aller dans le studio pour faire mes pointes ou m’étirer.

Ça me manque.

Et Billy d’enfoncer un petit peu plus en parlant pour ma tante.

Ça me fait bouillir par en dedans, mais je ne m’emporte pas. Je sais, je sais tout ça !

Je préfère ne pas répondre tout de suite et de pousse le fauteuil de Clara hors de la pièce pour la conduire à sa chambre, bien qu’elle rouspète comme elle le peut. C’est comme ça chaque fois que je la sort de là.

La mettre au lit, me prends suffisamment de temps pour me calmer et réfléchir.  Je sais ce que Billy essai de faire; il n’est pas le premier et probablement qu’il ne sera pas le dernier.  Et quand je sors de la chambre de ma tante, je retrouve Billy au salon.

- Billy … Je ne sais pas quoi te dire.

J’en frissonne, comme à chaque fois que je suis confronté à ce genre de situation. J’enfile mon vieux hoodie qui traîne sur le bras du fauteuil et je m’y laisse tomber ensuite en ramenant mes genoux contre ma poitrine.

- Bien sûr qu’elle veut me voir poursuivre mon rêve. Mais la réalité demeure la même. Qui s’occupera d’elle ?

J’aurais l’impression de l’abandonner alors qu’elle, elle n’a jamais baissé les bras pour moi, bien que je laisser mourir notre rêve ressemble un peu à ça…

- Partir en la laissant ici toute seule ce serait horrible comme sensation et l’argent reste toujours le nœud du problème.

Et avant qu’il ne réitère son offre de tout prendre en charge, j’ajoute :

- Jamais je ne pourrai te remettre ce que tu pourrais m’avancer, parce que, qu’importe ce que tu dis, pour moi, ça demeure une dette.

On ne se connait pas plus que ça…  Accepter son argent me rend mal.  Je me sens coincé entre mon désire de poursuivre mon rêve et la réalité qui m’enchaîne.

- Il faut… tout analyser, tout réfléchir. Tu as vu ? Juste le fait de la sortir d’un fauteuil pour la placer dans un autre.  C’est difficile, c’est délicat.  Je ne peux pas avoir confiance en n’importe qui.

Je cherche des défaites ?

Possible.

- Je…  je me sens prise au piège, Billy! Tu es la première personne avec qui je parle de tout ça.

@ Billy Lighter

April avait été magnifique. Il y avait bien plus d’émotions dans la danse qu’elle avait proposée aujourd’hui que dans toutes celles qu’elle faisait au Wild. Elle était émue, je l’entendis dans son « merci ». Sa tante se manifestait aussi pour en demander encore. Elle ne voulait pas que ça s’arrête.

Je me permis de parler pour sa tante, de montrer qu’elle adorait la voir danser, de montrer que si elle poursuivait son rêve, j’étais sûr que sa tante serait heureuse. Je le sentais, je le ressentais et cette maison parlait pour elle. La danse était omniprésente ici. Et ça n’émanait pas que d’April.

Mais elle ne répondit pas à mes paroles. Elle se contenta de quitter la pièce en poussant la chaise de sa tante qui s’agitait toujours. Je la regardais sortir finissant par la suivre et la voir prendre le chemin de la chambre. Moi, je rejoignis le salon on était au départ. Je sentais l’agacement d’April mais aussi sa tristesse. Un rêve à portée de main et pourtant inatteignable. Ça lui pesait… Etre enfermé dans ce quotidien sans espoir d’en sortir… Etre enfermé à cause de l’amour qu’elle portait à sa tante et à l’argent qui manquait.

J’étais touché… Pour elle et pour sa tante. Parce qu’aucune des deux n’était heureuse de la situation. Je le voyais… Tout était triste autour de moi. Comme ce salon… Il n’y avait pas un bruit dans cet endroit. Pas une seule musique… Comme si tout était figé dans le temps.

Et je commençais à ressentir les effets de cet endroit quand April revint dans le salon. Je me tournai vers elle et elle déclara qu’elle ne savait pas quoi me dire. Je voulais réitérer ma proposition mais je savais qu’elle allait refuser. Elle n’avait pas accepté tout à l’heure, elle n’acceptera pas aujourd’hui.

Elle se laissa tomber dans le fauteuil alors que j’étais resté debout. Je la regardais, je l’écoutais. Elle confirma que sa tante voulait qu’elle poursuive son rêve mais ce qui bloquait April, c’est qu’elle se demandait qui allait s’occuper de sa tante. Elle ne voulait pas la laisser seule. Je crois que ce problème la bloquait encore plus que l’argent.

J’aurais pu régler le problème de l’argent… Mais elle ne voulait décidément pas. Elle ne voulait pas avoir de dette. Elle se bloquait elle-même pour des principes moraux qu’elle s’infligeait toute seule. Elle ne me devra rien d’aucune façon. La façon dont elle aurait pu régler sa dette après de moi, c’est simplement en poursuivant son rêve.

Je me laissai tomber dans le fauteuil à côté d’elle. Je regardais ses traits, j’entendais toutes les excuses qu’elle se trouvait pour ne pas aller au bout de son rêve.

Je n’ose même pas imaginé ce qui serait arrivé si je m’étais donné autant de barrière quand j’étais encore dans l’Indiana. Si je n’étais jamais parti… Je serais sûrement mort.

Elle se disait prise au piège et mon regard vert-bleu se plongea dans le sien.

-Tu n’es pas prise au piège.

Elle s’emprisonnait elle-même, ce n’était pas pareille. Mon regard ne quittait plus le sien.

-Ta tante ne sera pas triste si tu poursuis ton rêve… Elle ne sera pas triste si tu rentres tard le soir à cause d’une journée d’entrainement trop longue… Ce qui la rend triste, par contre, c’est que tu restes ici à t’occuper d’elle avec, sur ton visage, la preuve accablante que tu ne vis pas la vie que tu souhaites.

Je parlais doucement et de ma voix grave. Sans réfléchir, je passai mes doigts sur sa joue pour illustrer mes propos. Sa tante la connaissait mieux que moi. Elle devait voir et ressentir qu’April n’était pas heureuse.

-Je l’ai vu… Elle est heureuse quand tu danses… Elle serait heureuse de pouvoir voir sur ton visage le bonheur que la danse t’apporte.

Mon visage était de plus en plus proche du sien.

-Il faut que tu casses tes propres barrières. Il faut que tu vives pour toi. C’est ce qu’elle voudrait. Tu ne peux pas vivre pour elle jusqu’à sa mort et remarquer, à la fin, que tu n’as pas la vie que tu souhaites. N’attends pas qu’il soit trop tard… Si j’avais attendu, moi, je ne serais pas ici.

Ma bouche s’approcha de son oreille et je lui soufflai.

-Alors, s’il te plait… Laisse-moi t’aider…

Mes doigts glissèrent de sa joue sur son bras pour finir sur sa cuisse.

@ Billy Lighter

Ma vie se résume à prendre soin de Clara et de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour qu’elle ne manque de rien. Ce n’est pas un choix que j’ai fait, ça m’a été imposé mais puis-je vraiment pleurer sur mon sort quand je vois combien la vie de ma tante à été réduite à une dépendance totale alors qu’avant elle était une femme libre et indépendante ?

Billy insiste et persiste en utilisant l’enthousiasme de ma tante alors que je viens de danser pour eux. Bien sûr que ma tante voudrait me voir réaliser notre rêve.  Mais Clara n’a plus la même notion de pensée que nous. Elle ne vit que l’instant présent et tout le reste, elle ne l’imagine même pas.

Quand je rejoins Billy au salon après avoir aidé Clara à se mettre au lit en passant au travers du rituel aussi indispensable qu’infini, je me laisse tomber dans le grand fauteuil cherchant les bons mots. Je suis reconnaissante envers celui que je crois pouvoir considérer comme mon nouvel ami mais je voudrais qu’il comprenne que même avec les moyens financiers, tout ne serait pas pour autant facile.

Des raisons de ne pas me lancer, j’en ai plus que des raisons de le faire. Il me faudrait trouver du personnel de confiance pour s’occuper de ma tante le jour, le soir et la nuit, plus que les deux personnes qui sont présentement engagées et qui font un travail exceptionnel. Avec eux, j’ai une relation de confiance solide et je pars la tête libre. Il faut aussi penser à la qualité de vie de ma tante pour qui, avoir des repaires fixes est primordial. Trop de nouveaux visages trop rapidement l’angoisserait et viendrait fragiliser son humeur qui est chancelante.

Ce sont beaucoup de changement qui, effectués trop rapidement pourrait jouer beaucoup sur l’état de santé de ma tante.  Ce sont beaucoup de barrières que je m’impose de façon à m’empêcher de voir au-delà.

Et au-delà, il y a le regard magnifique de Billy qui capture le mien, et sa voix envoûtante qui  me dit exactement ce que j’ai besoin d’entendre, mais que je refuse tout de même de comprendre. À ses mots, il joint des gestes tendres. Ses doigts sur ma joue, il me fait frissonner. Je ferme les yeux pour profiter pleinement de cette caresse si douce.  

Je n’ai pas besoin de le voir pour sentir son visage se rapprocher du mien.  C’est une agréable sensation de bien être qui m’envahit à son contact. Une chaleur incroyable se dégage de Billy.

Je sens ses lèvres tout près de mon oreille et ses doigts, glisser sur ma joue puis mon bras pour finir sur ma cuisse. J’ouvre les yeux, je ne bouge pas. Je crois que je suis figée sur place, ne sachant plus si nous parlions de ballet ou d’autre chose, parce que sa proposition de m’aider, là, tout de suite, elle semble prendre plusieurs sens.

- D’accord…

J’accepte, sans vraiment m’en rendre compte, sans vraiment savoir ce à quoi je viens de donner ma bénédiction. J’ai perdu la notion du temps dès que Billy a posé ses doigts sur ma joue me faisant presque oublier qu’il y avait autre chose  tout autour de nous.

J’ai peur, si je bouge, que la magie entre nous se dissipe aussi rapidement qu’elle s’est installée. Je n’ai jamais vécu de moment semblable, je voudrais le faire perdurer, qu’il ne connaisse jamais de fin.  J’avance un peu mon visage jusqu’à pouvoir poser ma tête contre son épaule et sentir son cœur battre contre le mien.

- Tu me crois si je te dis que souvent, j’ai imaginé danser pour toi ?

Il ne m’a jamais regardé comme les autres me regardent, au Wild. Billy m’a toujours regardé dans les yeux, n’a jamais cherché à me toucher là où je ne voulais pas.  Sauf pour un baiser, un tout petit baiser chaste et inoffensif, il n’a jamais demandé quoi que ce soit que j’aurais pu lui refuser.

Ce soir, je ne me sens pas la force de lui refuser d’avantage son aider. Je sais qu’il a raison pour avoir moi-même ressassé les mêmes solutions mais toujours en repoussant les possibilités. Ce soir, ma tête repose sur l’épaule de quelqu’un qui veut m’aider à concrétiser mon rêve. Cependant, tout ceci ne se fait pas sans m’ébranler.

- Est-ce que ça serait déplacé si je te demandais de dormir ici ?  Mais… pour vraiment…que dormir ?

Des rêves refoulés, dormir avec un homme, sentir un corps chaud bouger contre le miens, entrelacer mes doigts avec les siens, ça en est un. Et tant qu’à réaliser des rêves, pourquoi ne pas commencer par un qui est plus à notre portée, là, tout de suite ?

@ Billy Lighter

Mon regard, mes gestes envers elle, je cherchais à capter son attention de toutes les manières pour que mon discours et mes sentiments par rapport à tout ce que j’avais vu et compris passent mieux. Elle m’avait partagé son rêve, je voulais faire tout ce qui était en mon pouvoir pour l’aider à le réaliser. Ça me coûterait des millions que je n’en aurais rien à faire. Parce que voir le rêve d’April et de sa tante se réaliser valait bien plus que des billets.

Mais pour ça, il fallait qu’April se libère de toutes les barrières qu’elle se mettait à elle-même. Il fallait qu’elle commence à penser à elle. Qu’elle vive pour elle. Parce que sa tante détesterait sûrement que sa nièce ne vive que pour les soins et la compagnie qu’elle lui procurait même si l’intention était vraiment louable.

Alors je tentai une dernière fois de la convaincre d’accepter mon aide financière et morale par une tirade et quelques mots soufflés à son oreille. Je lui adressai des gestes tendres qui me venaient naturellement.

Et elle accepta.

Mon visage s’illumina et mon corps se détendit. April venait de lever une de ses barrières. C’était le premier pas en avant vers la réalisation de son rêve. Un grand pas. Plus grand qu’elle ne pouvait l’imaginer.

Mon cœur battait un peu plus vite alors qu’April posa son visage contre mon épaule. Mes mains caressaient son dos par-dessus ses vêtements. Elle déclara qu’elle avait souvent imaginé danser pour moi. Une de mes mains se perdit dans ses cheveux.

-Oui, je te crois…

Et moi, j’avais souvent, pendant ma réclusion, vu April danser au milieu de ma villa pendant certains de mes délires. Des moments d’apaisement qui, aussi contradictoire que ça puisse paraitre, me raccrochait à la réalité qui m’avait souvent échappé ses derniers mois.

Elle me demanda alors pour rester dormir. Mais précisa juste pour dormir comme si elle avait peur que les choses aillaient beaucoup trop loin. Sa chaleur me faisait me sentir particulièrement bien et je n’avais vraiment pas envie de partir.

-Je veux bien dormir ici…

Je m’écartai un peu pour pouvoir croiser son beau regard.

-Juste dormir.

April était une chose précieuse que je manipulais et parlait comme si elle était faite en cristal. Elle me semblait aussi fragile que mon équilibre émotionnel. Alors, j’en prenais soin comme si elle allait se briser au moindre geste violent.

Le genre de geste dont j’étais tout à fait capable.

Je frissonnai à cette idée la chassant aussi vite qu’elle était venue. Et je souris avant de poser, doucement, mes lèvres sur celle d’April dans un baiser légèrement appuyé. Un peu moins chaste que ceux qu’on avait l’habitude d’échanger.

Je le brisai ensuite pour plonger mon regard dans le sien.

-Je te laisse me guider jusqu’à ta chambre. C’est toi la maitresse de cet endroit.

Un endroit qui respirait la danse et un bonheur révolu… Un bonheur qu’on allait pouvoir ressusciter.

Mes doigts caressaient encore doucement son bras. J’attendais son feu vert. J’attendais qu’elle me guide… Je l’attendais pour chaque pas qu’elle voudra faire vers l’avant et que je l’aiderais à faire sans qu’elle ne trébuche.

@ Billy Lighter

Je l’ai toujours ressenti. Billy n’est pas un client comme les autres.  Par la façon avec laquelle il m’a toujours regardé danser pour lui, les gestes tendres et toujours ce baiser chaste avant de partir, comme il était venu, comme dans un mirage.  Je n’ai jamais eu besoin non plus que l’on discute pendant des heures de tout et de rien pour sentir  la grande sensibilité qu’il  possède.

Ce soir, j’en ai encore la preuve.

Il réussit à gagner ma confiance, à s’octroyer la sympathie de ma tante et me faire accepter l’impensable.  Et quand je le fais, je ne me sens pas moins insécure mais plus légère, ça oui ! Mes questions demeures, mes doutes et mes craintes aussi à la différence que je sais que maintenant, j’ai quelqu’un pour m’aider à les affronter.

Je me sens apaisée, alors que je pose ma tête contre son épaule, respirant l’odeur du chanteur un  mélange subtile de son après rasage, de tabac et de bière. J’aurais pu m’endormir contre lui, dans ses bras tant je suis bien. Mais l’étreinte prend fin quand Billy répond à ma demande, en l’acceptant, me faisant à la fois rougir et sourire. C’est la première fois que je vais partager mon lit avec un homme.

J’eu l’impression qu’une lueur triste avait teinté son regard mais  son sourire chassa cette impression puis il approcha son visage du mien pour m’embrasser. Un baiser doux  mais plus fort que ce à quoi il m’a habituée. Nos lèvres s’entrouvrent, se découvrent puis, le baiser prend fin me laissant un peu sur ma faim…

Je me lève presque paresseusement du divan, offrant ma main à Billy pour qu’il me suive. La maison est, comme toujours, plongé dans un silence quasi absolu, maintenant que ma tante dort et que le téléviseur est éteint.

En glissant la main de Billy dans la mienne, je nous dirige vers ma chambre qui se situe en face de celle de Clara. Avant, je dormais à l’étage tout comme elle mais avec ce qui est arrivé, il était plus pratique de nous installer toutes les deux sur le premier plancher. Surtout que, jamais je n’aurais su la porter soir après soir dans l’escalier.

Le plancher craque quand on entre dans ma chambre plongée dans le noir. J’avance jusqu’à ma table de chevet pour allumer ma petite lampe qui fera moins de lumière que le plafonnier et qui risquerait de réveiller Clara.

Ma chambre est un peu… en fait, elle est restée comme figée dans le temps. Sauf pour les affiches qui n’ornent plus mes murs, à l’exception de cet immense poster d’une ballerine au dessus de mon lit, j’ai encore toutes les peluches de mon enfance et ma vieille couette rose. Disons que je n’ai jamais eu le temps d’investir dans une nouvelle décoration, l’important c’est de dormir, non ?

Mais là que j’y suis avec quelqu’un, c’est un tout petit peu gênant.

- Ne fais pas attention à… heu… je n’ai pas fait le ménage.

Je prends une montagne de fringues qui trainent sur le sol pour la balancer sur mes peluches sagement empilées sur mon fauteuil de lecture.  Pour la subtilité, j’irai prendre des cours ! Je dois aussi retiré bon nombre de coussins pour trouver un espace respectable pour dormir puis je tire sur les draps.

- J’ai beaucoup de coussins… Je vais aller me changer et je reviens. Tu peux te mettre à l’aise pour…  je veux dire, tu ne vas pas dormir avec tes bottes et ton jeans ?

Je rougis, je perds un peu de ma logique et je bafouille alors j’attrape ma chemise de nuit, tant qu’à me couvrir de ridicule et je file à la salle de bain retirer mon justaucorps de ballet pour enfiler ma tenue de nuit qui n’est rien d’autre qu’une vieille chemise ayant appartenue à mon père.

Je reviens, sur la pointe des pieds dans ma chambre et je me glisse illico sous les draps, laissant de la place pour que Billy m’y rejoigne.

- Ça ne t’embête pas que je laisse la porte ouverte ? Parce que, en fait j’ai peur de ne pas entendre ma tante si elle se réveil. Ça lui arrive, de temps en temps.

Rarement, en fait.  Je crois qu’en fait, c’est moi qui a peur de ne pas l’entendre si quelque chose de grave devait arriver et que j’en fais une fixation au point de tout et trop prévoir d’avance.

@ Billy Lighter

J’avais pris sa main pour qu’elle me dirige jusqu’à sa chambre. Je me laissai emporter dans le silence total des pièces où ne résonnait que l’écho du passé. Je laissai trainer mon regard dans chaque pièce qu’on traversait jusqu’à ce qu’on se retrouve dans la chambre d’April.

C’était une chambre figée dans le temps. Presque une chambre de petite fille. Comme une photographie dans laquelle dormait April depuis qu’elle vivait ici. Comme si rien n’avait changé depuis la première fois qu’elle s’était appropriée cette pièce. Je trouvais ça beau… Aussi beau que le rêve de cette même April. Je souris en regardant le poster de ballerine avant qu’April ne se mette à s’excuser du bordel avant de ramasser des vêtements qui trainaient au sol.

-Ce n’est pas grave…

Je trouvais ça bien plus vivant qu’une chambre bien rangée. Et les peluches me montraient qu’il n’y avait peut-être pas que la chambre qui était figée dans le temps. April aussi, peut-être, en quelque sorte.

Elle retira des coussins du lit expliquant qu’elle allait se mettre à l’aise et que je pouvais faire de même. J’hochai la tête et la laissai filer à la salle de bain. J’enlevai mon jeans pour me retrouver en boxer et j’enlevai mes bottes aussi. Je gardai simplement le t-shirt noire que je portais. Après, ça mon regard se porta sur un peu tout en passant par le fauteuil rempli de peluches jusqu’au poster. Et April ne tarda pas à me rejoindre doucement pour se glisser dans le lit.

Je vins la rejoindre prenant place à côté d’elle en ramenant les couvertures sur nous. Elle tenait à ce que la porte reste ouverte si jamais sa tante se réveillait. Je souris.

-Non, ça ne me dérange pas.

Je regardai un moment ses traits avant de sourire de mon sourire angélique.

-C’était la meilleure soirée que j’ai passé depuis longtemps…

Pour plein de raisons… Dont celle de connaitre un peu mieux April. Une jeune femme au rêve que j’allais pouvoir aider à réaliser.

-Je sais qu’on va juste dormir mais… Est-ce que je peux ?

Et sans attendre réellement la réponse, je vins poser mes lèvres sur les siennes. Je l’ai déjà fait plusieurs fois dont une fois il y a quelques minutes. Mais, cette fois, le baiser était plus appuyé jusqu’à-ce que me ses lèvres s’entrouvrent pour que je puisse donner encore plus d’intensité à tout ça. Un baiser intense qui montrait toutes les émotions par lesquelles elle m’avait fait passer aujourd’hui.

Après ce baiser, je continuai de regarder April dans les yeux l’enlaçant d’un bras sur son ventre. Je n’y allais pas de caresses… Je respectais ce qu’elle avait demandé.

-J’espère pouvoir te revoir dans un autre contexte que le Wild, après cette nuit-ci…

C’était ce que je désirais le plus.

@ Billy Lighter

Billy me rejoint sous les draps, les rabats sur nous puis se tourne pour me regarder. Il me fait rougir uniquement avec son sourire et le miens s’élargie alors qu’il me confit qu’il passe sa meilleure soirée depuis longtemps.

- C’est aussi ma meilleure soirée, Billy.

Si je n’avais pas peur de paraître prétentieuse, j’ajouterais que c’est même ma plus belle soirée à vie ! Billy dégage quelque chose de rassurant et l’effet sur moi est instantané.  Je me sens vraiment bien blottis contre lui qui passe son bras par-dessus mon ventre pour me tenir plus près alors qu’il approche lentement son visage du mien demandant dans un souffle s’il pouvait…

…bien sûr qu’il peut !

Je n’ai pas besoin de le lui dire pour qu’il pose ses lèvres sur les miennes et m’embrasse avec toute la douceur dont un moment comme celui-ci requiert.  J’ai envie de faire durer le moment, levant une main pour la perdre dans ses magnifiques cheveux.

J’aurais fait durer ce baiser toute la nuit, et au-delà.

J’aurais voulu que ce moment ne connaisse jamais de fin.

Mais puisque toute bonne chose à une fin, Billy se recule légèrement pour plonger son regard hypnotisant dans le mien. Je sens mon sang affluer dans mes joues et les teinter de rouge dissimulé par la noirceur de la pièce.

- J’aimerais aussi pouvoir te revoir, apprendre à nous connaître et…

Je viens cacher mon visage contre son torse, rigolant doucement autant par amusement que par timidité.  Jamais avant je n’ai vécu des sensations semblables et je ne sais pas comment les exprimer, même si je sais que je peux avoir confiance en Billy… et en moi.

- J’aimerais que tu viennes dormir ici aussi souvent que tu en as envie.

Je souffle un bon coup, je l’ai dit !

Libérée, je relève la tête pour le regarder, je peux le voir sourire même dans la noirceur de ma chambre puis je viens chercher ses lèvres à nouveau, échangeant un long baiser tout en douceur.
J’aimerais qu’on puisse simplement être bien ensemble, comme des amis, comme… un peu plus aussi.  Prendre le temps de prendre notre temps, si de son côté ça semble raisonnable.

À nouveau, nos lèvres se distances et je me replace dans le lit pour venir appuyer ma tête contre son torse et fermer les yeux.  

J’ai vécu mon lot d’émotion aujourd’hui qui, malgré le bonheur dans lequel je nage présentement,  m’emporte tranquillement vers le sommeil.

@ Billy Lighter