Les jours passaient et la vie en cage devenait de plus en plus ennuyante… Les flics se succédaient pour me surveiller et surveiller, éventuellement, d’autres prisonnier de passages qui venait encombrer les rares cellules du commissariat. Mon transfert à la prison n’avait pas encore eu lieu pour un tas de raisons ce qui faisait que j’étais toujours ici en compagnie des flics et de temps en temps des enquêteurs qui venaient m’interroger.

J’avais bien compris que je ne pourrais pas passer à côté d’une évaluation psychiatrique… Je me préparais mentalement à ça. Je savais que je devais rester sur mes positions et que décrédibiliser Sky restait mon plus grand atout. Après, si l’enquête fait que les preuves s’accumulent et que mes chances d’en sortir sans grosse peine deviendra impossible alors j’utiliserais ma carte ultime…

Un carte que je n’avais aucune envie d’utiliser…

Mais chaque chose en son temps. Avant tout chose, je devais prendre mon mal en patience et je devais avouer que ma patience s’effilochait chaque jour.

L.A.People que me lisait presque chaque jour l’Inspecteur Kelly ne donnait pas de nouvelles intéressantes… Même pas un nouveau chapitre dans la petite guerre de bac à sable entre ce looser de Stone et le blondinet de Malibu. Je passais mon temps à écouter les conversation des flics et des autres détenus… Des conversations qui ne volaient, en général, pas haut tellement le niveau intellectuel des uns et des autres était extrêmement bas.

Autre inconvénient de ma situation : je ne pouvais pas me raser et j’étais à deux doigts de porter plainte concernant mes conditions de détention et la bouffe servie. Parce qu’il y avait TOUJOURS quelqu’un dans ce foutu commissariat ce qui faisait qu’il y avait TOUJOURS de la lumière et que ça m’empêchait de bien dormir. Heureusement, je pouvais quand même me tenir en forme en faisant des pompes et autres abdos dans ma cellule chaque jour à 5h30 tapante au bien que certains policier me trouvaient encore plus cinglé que ce qu’il n’était écrit dans la presse.

Seul rayon de soleil ? Je voyais de temps en temps la jolie Katy. Elle ne faisait que passer et ne s’approchait jamais mais chaque fois, je lui disais bonjour et je lui souriais. C’était la seule femme qui se promenait de temps en temps ici. Il y avait aussi l’Inspecteur Palmer mais elle ressemblait plus à un camionneur qu’à une femme. Puis, je savais que Katy avait du cran. Je l’avais bien vu dans la voiture de Keller.

Mais pas assez pour s’approcher plus près et faire la conversation. Elle s’en tenait à ses tâches administratives. Jimmy Reed l’apprécierais.

-C’est l’heure de la relève… A plus, Ward…

C’est ce que lança l’Inspecteur Lewis… Qui, avec son binôme, l’Inspecteur Jackson était aussi débile qu’ils étaient racistes.

-Ouais, c’est ça… A plus… Et faites en sorte que j'aie autre chose que de la nourriture avariée la prochaine fois...

J’étais couché sur le dos sur ma couchette, les bras derrière la tête. Il était quoi ? 20h ? Et qui allait me tenir compagnie ensuite ?

Je me redressai pour le découvrir… Et je vis Keller et Greenly arriver. Ça c’était une surprise. J’avais l’impression que Keller avait éviter de se retrouver ici juste pour ne pas me voir.

Je ne laissai rien transparaitre sur mon visage. Je me levai simplement de ma couchette pour les toiser bras croisés.

-Tiens… Les stars du commissariat sont dans la place. Tu m’évitais, Keller ? Des jours que je suis ici et je ne t’avais pas encore vu.

Mon ton était sarcastique. Je ne pouvais pas m’en empêcher alors qu’avec les autres flics je faisais exprès de me tenir comme il faut.

@ Billy Lighter

Les choses se mettaient tout doucement en place… L’enquête concernant Ward continuait grâce aux inspecteurs Henry et Philips… Seulement, on ne me disait rien sur ce qu’ils découvraient. Mon problème étant que j’étais plus qu’émotionnellement impliqué.

En effet, pendant deux jours, Nell et moi avions hébergé Sky et Heaven. Puis une belle place avait été trouvée pour elles dans un foyer pour femmes battues. J’avais tenu à ce qu’elles soient reçues dans le meilleur des centres en question. Là, Elles seraient choyées et Sky pourrait participer à des groupes de parole ou à des entretiens individuels avec des assistants sociaux ou des psychologues selon ses besoins.

Sky avait été vraiment ébranlée par tout ce qu’elle avait découvert sur Ward… Alors je pensais bien qu’en parler à quelqu’un de neutre et professionnel pourrait lui faire du bien. Mais c’était à sa convenance, elle n’était pas obligée de le faire non plus si elle n’avait pas envie de parler.

Le principal, c’était qu’elles étaient protégées. Je savais qu’un binôme de policiers restait en permanence sur place au cas où des membres des New Soldados viendraient pour s’en prendre à la jeune mère et son bébé. Même si, avec Ward toujours enfermé au commissariat et non en prison, il y avait peu de chance qu’il puisse fomenter un plan contre Sky.

Mais je ne faisais pas confiance à tous les flics du commissariat.

Grant, quant à lui, était à la maison avec Nell. Le juge m’avait accordé la garde au moins temporaire jusqu’à ce qu’il y ait confirmation par le tribunal que j’étais le seul et unique tuteur légal du garçon. Etant renvoyé de l’école, Nell faisait en sorte qu’il ne prenne pas de retard en allant à l’école chercher ses devoirs. Il n’aimait pas ça, mais en voyant comment il était devenu sous l’influence de Ward et Sky, j’avais resserré la vis.

Plus question de faire ses quatre volontés. Plus questions de nous justifier tout le temps sur nos choix et décisions le concernant. Il avait dix ans, il avait été méchant à l’école, il ferait ce qu’on lui disait de faire, point barre ! Jusqu’à ce qu’il devienne un peu plus sage…

Un peu moins Fleming.

Je faisais la nuit avec Conrad aujourd’hui et on avait salué Katy qui, elle, rentrait passer la soirée et la nuit chez elle. J’avais souris en voyant le petit clin d’œil de mon ami à la jeune secrétaire.

Puis le chef avait attiré notre attention.

-Keller, Greenly… Je sais que normalement je ne peux pas faire ça étant donné l’implication de Keller dans l’affaire Fleming. Mais j’ai absolument besoin de vous comme gardes cellules pour cette nuit… Il y a trop de malades… On sent que les vacances d’été approchent…

Il avait l’air dépité, le pauvre.

-Keller, je peux compter sur toi pour rester calme ?

Je hochai la tête et Conrad posa sa main sur mon épaule.

-J’y veillerai, Chef.

Le chef sourit.

-Merci à tous les deux, je sais que je peux compter sur vous.

On descendit directement au sous-sol où se trouvaient les cellules, saluant Jackson et Lewis au passage, qui étaient bien content qu’on soit à l’heure pour la relève. Et dès que nos collègues se furent éclipsés, Ward, qui était dans la cellule la plus proche de la table autour de laquelle les inspecteurs pouvaient s’asseoir (pour une raison de facilité vu que c’était celui qui devait être le plus surveillé), se manifesta.

Je ne répondis pas tout de suite, gardant mon calme en m’allumant une cigarette.

-Non, je ne t’évite pas, Ward. Mais tu es assez intelligent pour te douter que, pour le bien de l’enquête te concernant, on me tient à l’écart de toi.

Je haussai les épaules, soufflant une bouffée de fumée.

-Et tu ne me manques pas.

Conrad s’approcha de la cellule et foudroya Ward du regard.

-Tu te tais et tu dors, Fleming. Je serais à ta place, je ne ferais pas le malin.

@ Billy Lighter

Je ne m’attendais pas à ce que mes geôlier du jour soient Keller et Greenly. Je pensais bien que Keller m’évitait ou, du moins, était contraint à m’éviter. Je savais que les flics avaient l’habitude d’être écarté quand ils étaient trop émotionnellement impliqué dans une affaire et, assurément, Keller était trop impliqué dans la mienne.

Mais, je fis tout de même la remarque à Keller qui essayait de paraitre le plus détaché possible en disant que j’étais assez intelligent pour comprendre pourquoi il n’avait jamais été assigné à la tâche de garde cellule depuis que j’avais été enfermé ici. Il ajouta que je ne le manquais pas. J’esquissai un petit sourire en coin.

-Si tu dois être à l’écart de moi alors pourquoi tu es ici ? On est en manque de personnel à la police, maintenant ? Pourtant, je ne me rappelle pas en avoir mis un seul en dépression. Pas étonnant que les Los Diablos et les New Soldados peuvent se faire la guerre tranquillement si vous n’êtes pas assez.

Je dis ça d’un ton tout aussi détaché que le sien alors que c’est son petit chien de garde irlandais qui s’avança pour me dire de me taire et de dormir. Il se rend compte qu’il n’est que 20h ? Et comme je ne fais absolument rien de mes journées, je n’ai pas sommeil du tout.

Je fixai Greenly en levant un sourcil.

-Encore une fois, je ne comprends rien de ce que tu dis. Articule, l’Irlandais…

Chaque fois que Greenly me parlait, je lui renvoyais la même chanson. En fait, je comprenais le sens de sa phrase mais je faisais mine que ce n’était pas le cas ce qui le fit grommeler.

Je croisai les bras fixant à nouveau Keller.

-Comment vont mes enfants ? Je n’ai pas le droit à des nouvelles… D’ailleurs, pour être honnête, je suis à deux doigts de porter plaintes parce que mes conditions de détentions sont très mauvaises. La bouffe est dégueulasse, il y a de la lumière tout le temps ce qui m’empêche de dormir et les agents Hernandez et Pioli sont racistes.

Je m’ennuyais. Alors, j’allais me faire un plaisir de discuter. Je savais que ça allait très moyennement plaire à Keller mais c’était justement ça le but. Ne pas lui plaire.

@ Billy Lighter

Je fumais ma cigarette le plus tranquillement possible. J’avais promis au chef de rester calme et je comptais bien lire cette promesse. Pour ça, je me répétais que cette fois-ci, ce n’était pas moi qui était en position de faiblesse, mais bien Ward qui attendait son jugement. Un vrai jugement ! Pour les véritables causes ! Pas juste pour une bagarre ou autre conduire dangereuse.

Non, il était là parce qu’on était enfin à deux doigts de prouver qu’il était le fameux El Lider.

Alors je n’avais aucune raison de m’emballer. Si je le faisais, Ward aurait des raisons de se plaindre. Et je ne comptais pas lui donner si facilement des munitions.

Il se demandait pourquoi j’étais ici si je devais être tenu à l’écart. Il se fit sarcastique sur le manque de personnel et sur le fait que, du coup, c’était un peu normal que les gangs puissent faire ce qu’ils voulaient.

-Je suis là parce que mon supérieur sait que tu ne réussiras pas à  me mettre hors de moi.

J’avais presque dit ça sur un ton de défi, en le regardant dans les yeux.

Conrad, lui, se fit plus ferme et intima à Ward de se taire et de dormir. Mais comme à chaque fois que ces deux-là se rencontraient, Ward fit semblant de ne rien comprendre à ce que disait mon ami parce qu’il avait un accent.

Conrad ne s’emballa pas plus, haussa les épaules en grommelant et vint s’asseoir avec moi autour de la table… Il se mit à fumer aussi puis à fouiller dans les divers magazines qui jonchaient la table.

Moi, je ne quittai pas Ward des yeux.

Il voulut alors savoir comment allaient ses enfants, se plaignant ensuite de ses conditions de détention.

-Et tu te crois où ? A l’hôtel ? Tu as agis comme un animal, on te traite comme tel puisque c’est ce que tu as choisi d’être.

Et un animal dangereux, on le met en cage.

Mieux, on le pique. Ce qui pourrait très bien arriver à Ward si l’enquête démontrait qu’il était bien El Lider… Parce qu’El Lider avait tué, et pas qu’une fois.

Je tirai sur ma cigarette.

-Tes enfants vont bien, maintenant. Ils sont promis à un bien meilleur avenir maintenant que tu n’es plus là pour les influencer en mal.

Parce que Grant, qui n’était déjà pas facile avant, était encore pire depuis qu’il était passé entre les mains de Ward.

J’espérais que le cadre qu’on lui donnait, Nell et moi, allait réparer les dégâts.

@ Billy Lighter

Malgré que la police de L.A. semblait tout faire pour que je ne rencontre pas Keller, ils n’avaient pas pu y couper aujourd’hui certainement à cause d’un manque de personnel. Un Keller qui semblait tout faire pour rester détaché du fait qu’il me vouait sûrement une haine sans borne.

Il déclara que son supérieur lui faisait confiance et qu’il savait que je n’arriverais pas à faire sortir Keller de ses gongs. Avait-il raison ? Non… Parce qu’il n’était pas si difficile de faire sortir Keller de ses gongs. Le supérieur de Keller ne l’avait, visiblement, pas vu l’autre jour lorsque j’étais face à Keller chez la psy de Grant.

-Ton supérieur te connait très mal alors.

Il me défiait, je répondais. Les choses étaient ainsi. Keller n’allait pas passer la soirée de sa vie, je vous l’assure.

Son petit chien irlandais aboya alors dans un langage que je prétendis ne pas comprendre. Le fait qu’il me demande de dormir était, de toute façon, complètement absurde à 20h à peine. Je n’étais pas un enfant de 5 ans que je sache.

C’est ensuite que je déballai mon plaidoyer sur les mauvais conditions de détentions que je vivais. Je ne les exagéraient même pas. L’endroit n’était pas réellement fait pour des conditions longues de détentions. Mais il semblerait que, pour des raisons de surpopulations et de sécurité, mon transfert n’ait pas encore été acté par le juge. Alors, je me faisais un plaisir d’appuyer là-dessus… Voire même de bientôt utiliser mon avocat pour faire chier tout le système.

Keller répondit alors que je n’étais pas à l’hôtel et qu’on me traitait comme un animal parce que j’avais décidé d’en être un. Je levai un sourcil devant des propos bien cru de la part d’un homme censé gardé son sang-froid.

-Visiblement, il n’y a pas qu’Hernandez et Pioli qui ont l’insulte facile. Je ne suis pas un animal, Keller. Et pas sûr que mon avocat soit de ton avis.

Je posai des questions sur mes enfants dont on ne voulait toujours pas me donner ni des nouvelles, ni une localisation alors même que j’étais enfermé ici. Keller disait qu’ils allaient bien maintenant qu’il n’était plus sous mon influence.

Je penchai légèrement la tête sur le côté.

-Les influencer en mal ? Tu ne sais pas comment les choses se passent chez moi Keller. Mes enfants allaient très bien et étaient heureux. C’est Sky et sa jalousie maladie qui m’ont mis ici. Le jugement le prouvera. Du reste, je n’ai pas besoin de recevoir des conseils en éducation par toi qui n’a même pas encore tes propres enfants. Et je sais que tu essaye de me détruire rien que pour t’accaparer Grant. Mais c’est mon fils Jordan au cas où tu ne l’aurais pas remarqué.

Il l’avait remarqué. Je le savais. J’avais vécu quelque semaines avec Grant et je peux vous assuré que c’est un Fleming. Le tout, désormais, est que ce Fleming ne se retourne jamais contre moi. Sinon, il ne me restera qu’une chose à faire : l’éliminer.

-Je ne serais pas condamné parce que je suis innocent de tout ce qu’on me reproche.

Je ne l’étais pas mais j’avais foi en l’incompétence de la police et de la justice. Et, au pire, s’ils y arrivent, j’allais prouver que quelques ficelles tirées suffisent à faire taire tout ce beau monde.

@ Billy Lighter

Ward ne croyait pas en mes capacités à rester calme, contrairement au chef. Mais j’avais fait une promesse et était bien déterminer à rester dans les clous. Ce qui ne voulait pas dire que je ne pouvais pas répondre calmement par les mots.

Je m’en pensais capable parce que cette fois, j’étais plus confiant quant au fait que Ward recevrait la condamnation qu’il méritait depuis longtemps. C’était moi qui avais l’avantage désormais, pas lui.

Je haussai les épaules en tirant sur ma cigarette quand il affirma que mon supérieur me connaissait très mal.

Ward semblait bien déterminé à me faire dégoupiller. Je sentais que ça allait être son petit jeu pour toute la nuit. Je soupirai, déjà fatigué…

Et en même temps, je me disais que ma meilleure arme serait de l’ignorer. D’ailleurs, Conrad lui ordonna de dormir, mais Ward fit semblant de ne pas comprendre et continua ses petites provocations.

Il se plaignit de ses conditions de détention… Ce n’était certes pas un palace et parfois, un repas comme le midi, se composait seulement de deux gaufres au sucre et d’une bouteille d’eau. Mais le repas du soir, assuré par une association en lien avec les Droits de l’Homme, fournissait un repas complet qui ressemblait à s’y méprendre au genre de plateau repas qu’on pouvait recevoir à l’hôpital

Alors si c’était bon pour des gens malades, c’était certainement plus que bon pour Ward.

Autrement, Ward ne portait aucune trace de coup et n’avait jamais été maltraité par les inspecteurs du commissariat. J’avais moi-même fait passer le mot : On ne touche pas à Ward Fleming. On ne le frappe pas même s’il nous pousse à bout. On ne lui donne aucune munition à pouvoir utiliser au tribunal.

Mes collègues, sachant que ça me tenait à cœur, avaient apparemment respecté mon désir.

Je dis alors à Ward que s’il se comportait comme un animal, on le considèrerait comme tel. Ce qui n’était pas le cas, mais c’était juste pour lui montrer ce que je pensais de lui.

Ward essuya l’insulte, protestant et parlant de son avocat.

-Oh petit Ward va aller pleurer auprès de son avocat… Tu sais, « animal » n’est pas le pire qualificatif que j’ai entendu pour toi.

Mais je n’allais pas plus loin… Il savait très certainement que beaucoup de gens, notamment la presse, le qualifiaient déjà de « monstre ».

Conrad me regardait, fumant lui aussi maintenant. Je savais qu’il surveillait la moindre trace d’énervement de ma part mais jusqu’ici, j’étais très calme, très posé.

Même quand je parlai de ses enfants à Ward. Ward qui disait que ses enfants avaient été très heureux avec lui, fustigeant Sky au passage.

-J’ai élevé mes petits frères. Et sache que faire les quatre volontés d’un enfant, ce n’est pas de l’éducation. Il faut savoir mettre des limites.

Je failli parler de Grant, lui dire que l’enfant était revenu de chez lui difficile et pourri gâté (probablement autant par Sky que par lui-même pour des raisons différente : lui pour avoir la paix, elle parce qu’elle pensait que c’était ce qui rendrait Grant heureux.). Mais je me tus, pour laisser planer le doute sur le fait que Grant était bel et bien sous ma tutelle, désormais.

J’écrasai mon mégot.

-Tu veux un magazine pour passer le temps ? Je suis là pour bosser, pas pour faire la causette avec un criminel.

@ Billy Lighter

Keller avait l’insulte facile. Il disait que j’étais un animal et je brandis alors la carte de l’avocat. Je comptais l’utiliser dès que je jugeais que mes droits étaient bafoués. Or, le fait que je sois Ward Fleming risquait de faire péter un câble à l’un ou l’autre policier et je savais que la moindre bavure serait à mon avantage. Et Keller était la victime toute choisie pour ça.

Il se moqua de mes menaces et ajouta que animal n’était pas le pire qualificatif qu’il avait entendu sur moi. Je fixai Jordan droit dans les yeux.

-Je sais… Avant même que je me retrouve ici, je t’ai entendu me traiter de monstre, de serial killer, de psychopathe et j’en passe… Sans même avoir la moindre preuve et savoir la moindre chose sur ma vie. Tu ne sais rien Keller. Rien du tout et tu te permets de juger.

Il m’avait même envoyé un petit indic’ pour trouver des preuves. Un indic’ que j’avais démoli. Je ne savais pas si Stone avait témoigné dans la foulée des accusations de Sky. J’attendais des nouvelles de mon avocat pour voir l’ampleur des dégâts et l’avancée de l’enquête.

Les deux flics fumaient ce qui avait le dont de m’emmerder. Kelly aussi fumait… Enfin, au départ, il fumait mais je lui avais dit d’arrêter et, désormais, il fumait ailleurs. Ce n’était pas le cas d’Hernandez et Pioli qui, eux, se faisaient un plaisir de fumer devant moi.

Je demandai, ensuite, des nouvelles des enfants sachant que Grant était un sujet sensible pour Jordan. Il s’était attaché au petit et je le lui avais arraché des mains. Je déclarai avoir bien traité mes enfants et les avoir rendu heureux mais Keller me sortit alors son expertise d’éleveur d’enfants. Il disait avoir élever ses frères. Je penchai légèrement la tête sur le côté.

-Je mets de limites à mes enfants. C’est Sky qui fait leur quatre volontés. Encore une fois, tu n’es pas dans ma vie. Et si tu es si malin, tu n’as qu’à écrire un livre sur l’éducation des enfants. Parce qu’apparemment, Saint Keller sait absolument tout pour élever un enfant comme il faut.

Keller avait toujours son air détaché. Mais il savait sûrement qu’il risquait de ne pas tenir cette attitude sur la longueur parce qu’il me proposa de lire un magazine. Il ne voulait plus discuter. Je le fixai en esquissant un petit sourire.

-Je ne peux pas avoir de magazines dans ma cellule, Keller… Apparemment, le règlement le refuse de peur que je me suicide ou que j’utilise les pages de ces torchons pour m’évader même si je ne vois pas bien comment je pourrais arriver à faire ça.

Même avec tout mon expertise sur le sujet…

-Par contre, tu peux me faire la lecture. L’Inspecteur Kelly, lui, le fait. Enfin si tu sais lire, bien sûr… Et je veux que ça soit toi qui lise… Je ne comprends rien à ce que dit ton Irlandais.

Je m’installai alors assis sur ma couchette.

-J’aimerais savoir s’il y a un nouveau chapitre dans la petite guerre entre le pouilleux de l’Eastside et le petit minet de Malibu. Tu crois que qui va gagner entre les deux ?

Je fixai alors Greenly avant de revenir sur Keller.

-Et si vous pourriez éviter de fumer, ça m’arrangerait. Pas envie de choper un cancer ou de puer la clope pendant des jours. Je vous rappelle que je dors ici, moi.

@ Billy Lighter

Ward faisait son petit malheureux…Il disait n’avoir pas aimé, en gros, que je lui donne des noms d’oiseaux alors même que je n’avais pas de preuve. Il disait que je ne savais rien, que rien ne me permettait de juger.

Je tapotai le côté de mon nez de l’index.

-Flair de flic. La preuve, aujourd’hui, tu es là. Et je n’y suis pour rien. C’est toi qui a fait une erreur.

Il n’avait certainement pas imaginé que Sky aurait le cran de témoigner contre lui. Jusqu’ici, ce que m’avait dit Sky était tout ce que je savais de l’enquête, puisqu’on me tenait bien fermement en dehors de tout ça justement pour que je n’aie pas de jugement hâtif… Parce que je n’étais pas impartial dans l’histoire.

Or, Ward avait droit à un procès en bonne et due forme, comme tout le monde.

Même si je sentais au plus profond de mes tripes qu’il était bien plus qu’un homme qui battait sa femme, un trafiquant de drogue et un proxénète.

J’espérais bien que Philips et Henry trouvent des preuves, des corps ou des gens qui, rassurés par l’incarcération de Fleming, oseraient enfin parler.

Ward voulut des nouvelles de ses enfants. Je lui en donnai tout en restant vague. Mais quand il dit qu’ils étaient heureux avec lui, je ne pus me retenir de dire que c’était un peu facile de s’attirer la bonne humeur et les bonnes grâces de Grant en l’enterrant sous les comics et en le laissant courir les rues.

Forcément, il remit la faute sur Sky… J’avais déjà bien compris que c’était là sa stratégie : décrédibiliser Sky. En même temps, jusque-là et du peu que j’en savais, c’était la parole de sa femme contre la sienne. Donc s’il arrivait à la faire passer pour folle (de jalousie entre autres), il risquait encore bien de gagner.

Je serrai les dents à cette idée. Ward, lui, enfonçait le clou en disant que si j’en savais autant sur l’éducation des mômes, je n’avais qu’à en faire un livre.

-Ah ouais ? Quelles limites ? Raconte-moi…

Parce que Grant m’en avait dit de belles… Notamment qu’il lui offrait des comics apparemment sans raison, qu’il le laissait errer seul dans les rues et Nell m’avait même dit que Ward lui avait appris à tirer avec un pistolet.

Forcément, tout ça faisait le bonheur du garçon qui estimait que, maintenant, il était en prison tout comme son père !

Conrad estima qu’il en était assez de notre conversation. Qu’il fallait que ça s’arrête avant que ça ne dégénère. Il me le fit comprendre d’un regard. Je proposai alors un magazine à Ward qui me répondit sur un ton sarcastique.

Je me retins de dire que ce serait une bonne idée qu’il se suicide en se tailladant les veines avec le bord d’une feuille. Ce n’était pas une bonne idée de tenir ce genre de propos.

Il voulait que je lui fasse la lecture, du coup. Pas Conrad, non, moi. Il voulait savoir où en était la bataille médiatique entre Reed et Stone.

-Il n’y a rien de neuf dans la guerre entre Reed et Stone. Et je pense que Reed a déjà gagné avec l’interview qu’il a donné à Guitar&Pen.

Il voulait aussi qu’on arrête de fumer… Sur quoi, je me rallumai une cigarette avant de me lever pour aller me servir un café à la cafetière posée dans un coin, seul trace de civilisation dans le complexe cellulaire.

@ Billy Lighter

Flair de flic… Je lui en foutrais des flairs de flic… Il disait que j’avais fait une erreur. Celle d’étrangler Sky ? Je suis certain que n’importe quel homme aurait fait ça après ce que Sky avait eu comme attitude. N’importe lequel. Même Keller.

-Je suis innocent. La justice le prouvera.

Je savais que Keller jubilait de me voir ici. Il ne le montrait pas parce qu’il savait que ça ne ferait pas bon genre mais je savais que, à l’intérieur de lui, la situation l’arrangeait largement.

Après que j’aie demandé des nouvelles de mes enfants, il s’était empressé de critiqué la manière dont je les élevais alors qu’il n’avait aucune idée de comment je les élevais. D’après lui, je faisais leur quatre volontés. Non. Sky faisait ça. Moi, j’étais moins conciliant. Mais Keller semblait se mettre en position d’expert parce que ce Saint avait élevé Grant et ses petits frères. Il demanda alors quelle limite je mettais à mes enfants.

-Je leur laisse une certaine liberté mais ils ne peuvent pas se promener n’importe où. J’interdis Grant à aller dans l’Eastside et à South L.A. parce que c’est dangereux. N’est-ce pas ? Il y a des guerres de gangs, il parait… Ces choses dont on me dit coupable alors que ce ne sont que des mensonges. Avec moi, au moins, Grant ne risque pas de finir sur le toit d’un immeuble parce qu’il aurait fugué. Il ne peut pas grimper n’importe où non plus. S’il veut grimper, c’est dans une salle de sport adaptée pour ça.

Ce qu’il avait fait avec Keller. C’est Grant lui-même qui me l’a dit.

Keller en avait, visiblement, marre de parler parce qu’il me proposa un magazine chose que je ne pouvais pas avoir dans ma cellule. Je lui demandai, donc, de me faire la lecture. Je voulais savoir s’il y avait une nouveau chapitre dans la guerre entre Stone et Reed. Mais il n’y avait rien de neuf apparemment. Je fis la moue… Ce looser de Stone était déjà à bout de ses cartes ? Décidément, il est bien nul. C’est ce qu’insinua aussi Keller qui déclara que Reed avait déjà gagné la guerre avec son article dans Guitar&Pen.

-Peut-être bien… Je doute que Stone puisse répliquer à ça étant donné qu’à 10 ans il avait déjà du mal à faire 10 + 10. J’imagine que Reed et lui ne jouent pas dans la même cour.

Je demandai aux flics d’arrêter de fumer mais tout ce que fis Keller ce fut d’aller à la machine à café après s’être rallumé une cigarette. Je roulai des yeux alors qu’il revint vers son collègue.

-J’espère que tu apprends d’autres notion du respect que les tiennes à Grant, Keller… Et que tu ne vas pas lui filer une maladie où l’autre à fumer comme ça.

Dans mes mots j’insinuais que le petit était chez lui. Car je pensais bien que Keller avait forcé pour le récupéré pendant mon incarcération étant donné que Sky n’avait pas de droit sur Grant.

-Donc pas de lecture, c’est ça ? Tu n’auras pas la palme du flic le plus sympa du commissariat… Je pourrais essayé de te mettre hors de toi mais ça ne nous avantagerais aucun des deux alors met un peu du tiens et lis-moi les dernières nouvelles. Stone est sorti de l’hosto ? Livia réussi toujours aussi bien en tournée ? Tu sais que je suis fan de musique alors divertis-moi !

@ Billy Lighter

Ward clamait son innocence et disait que la justice le prouverait. J’écartai les bras et lui souris.

-Bah tout va bien alors ! Tu n’as pas à t’en faire.

Maintenant, qu’il me foute la paix. Mais il n’avait pas fini… Il devait s’ennuyer ferme derrière ses barreaux et nous étions la seule attraction à portée de main. Et je sentais bien que son but ultime était de me faire dégoupiller puis exploser. Chose que je n’étais pas résolu à faire.

Je n’allais pas lui donner de raisons de se plaindre !

Il parla de ses enfants et la conversation nous mena à ses méthodes d’éducation. Il disait laisser à Grant une certaine liberté mais l’empêchait d’aller dans l’Eastside et South L.A., prétextant la guerre des gangs qui s’y déroulait.

-Ouais, il y a une guerre des gangs. Mais ne t’en fais pas, tu auras tout loisir d’en parler au tribunal.

Vu qu’il était très probablement El Lider ou un membre important des New Soldados.

Il ajouta qu’avec lui au moins, Grant ne risquait pas de fuguer pour se retrouver sur le toit d’un immeuble. Je serrai les dents.

Mais je gardai mon calme.

-Tu sais probablement très bien pourquoi il grimpait, à l’époque.

Sa mère lui avait dit que s’il voulait fuir son père, il devait grimper. C’était devenu un mécanisme de défense automatique, surtout qu’en plus, il aimait vraiment grimper.

Je lui proposai un magazine pour qu’il change de sujet… Mais je n’avais aucune envie de lui faire la lecture ! Je n’étais pas son larbin ! Et Conrad non plus.

Je lui donnai cependant des nouvelles de la bataille médiatique entre Reed et Stone et Ward se moqua du batteur. Je haussai les épaules.

-Qui sait, peut-être que Howard n’est pas aussi bête qu’il veut s’en donner l’air. Déjà, changer son groupe de boîte, c’est un coup dur pour Reed.

Il nous interdit alors de fumer et je lui prouvai, tout en allant me servir un café, que je faisais ce que je voulais. Qu’ici, il était sur mon territoire. Il dit alors qu’il espérait que j’inculquais de meilleures valeurs à Grant.

-Quand il était chez moi, je fumais à l’extérieur.

Je soupirai quand il en revint à la lecture. Il voulait des nouvelles du monde.

-Ouais, Stone est sorti de l’hôpital et Livia cartonne. Fous-nous la paix maintenant.

Je m’affalai sur ma chaise, fumant tranquillement ma cigarette et regardai le plafond, espérant que Ward allait, une bonne fois pour toute, la boucler.

@ Billy Lighter

Jordan ne se laissait atteindre par rien. Au point même où il me méprisait presque. Je ne savais pas bien jusqu’où pourrait aller son self-control et je savais bien que la présence de son petit chien irlandais ne faisait que renforcer le sentiment de puissance de Jordan par rapport à moi à cet instant même.

Pourtant, c’est pas faute de l’emmener sur un chemin miné : celui des enfants et, plus particulièrement, de Grant. Jordan semblait se prendre pour un expert mais j’expliquai que je ne laissais pas tout faire à Grant parlant de l’Eastside et de South L.A. qu’il devait absolument évité. Je parlai de la guerre de gangs et Keller déclara que j’aurais tout le temps d’en parler au tribunal. Je roulai des yeux.

-Je n’aurais pas grand-chose à en dire… Enfin, si, j’ai été Los Diablos… A la limite, je peux parler de ça mais mes données datent.

Mes données dataient mais, très sincèrement, pas grand-chose avaient changés depuis que j’avais été viré du gang de Reed.

Et puisque Keller était prompt à critiquer ma façon d’élever mes gosses, je lui rendis la pareil en parlant de la fâcheuse tendance qu’avait Grant à escalader tout et n’importe quoi. Il disait que je savais pourquoi il grimpait.

-Oui. Une brillante idée de Daisy. En voulant sauver notre fils de moi, ce qui est complètement idiot, elle préférait qu’il s’écrase la face sur le sol en tombant d’un immeuble, par exemple. Ma mère aussi laissait mon petit frère grimper n’importe où… Il est tombé d’une falaise… Donc, permets-moi de remettre en doute la clairvoyance de Daisy.

Keller en avait marre de m’entendre. Il voulait que je m’occupe à autre chose qu’à lui parler. Il me donna quelques nouvelles de la guerre de Reed et Stone mais il n’y avait rien de neuf ce qui était aussi décevant que cette conversation. Pour Keller, Reed avait sans doute déjà gagné. Je le lui concédait en dévalorisant l’intelligence inexistante de Stone. Mais Keller s’empressa de défendre le batteur en disant que l’idée de changer de maison de disques était une bonne idée. J’haussai des épaules.

-Il n’a fait que lancer des menaces. Ça ne veut pas dire qu’il va réellement le faire. De ce que je sais de Stone, il a surtout une grande gueule. Mais quand il s’agit de faire preuve de courage, il est le premier à fuir. Quoi que… Parfois, il peut être inconscient.

J’avais vu ça. Quand il a joué les indic’ mais pas sûr qu’il retente l’expérience, un jour.

Je critiquai aussi cette façon qu’avait Keller de me provoquer moi en rallumant une cigarette alors que je lui avais demandé de ne pas fumer. Je répliquai en disant que si c’est comme ça qu’il apprenait le respect à Grant, ce n’était pas extraordinaire. Mais il disait ne pas fumer à l’intérieur, chez lui.

-Encore heureux… C’est la moindre des choses quand on a des gosses.

Keller n’était pas très causant et j’avais vraiment envie de savoir ce qu’il se passait à l’extérieur de cette foutue cellule. Notamment avoir des nouvelles de Stone qui était à l’hosto par ma faute. Mais, visiblement, il était sortit et Livia, quant à elle, continuait à jouer les petites starlettes. Dommage… J’aurais dû frapper Stone plus fort. Il n’est pas resté à l’hôpital assez de temps à mon goût. Pour ce qu’il avait fait, j’aurais même dû le tuer mais ça aurait fait tache étant donné la notoriété mondial de Stone.

Et Keller voulait que je la ferme. Je le fixai alors qu’il s’affalait sur sa chaise comme s’il venait de faire une journée de travail complète.

-Donc, on va passer la soirée à ne rien dire tous les trois ? Ça va être une très longue nuit. Je n’ai plus qu’à espérer que l’un de vos collègue attrape l’un ou l’autre VRAI criminel cette nuit histoire que je puisse avoir des nouvelles du monde.

Je me couchai sur ma couchette les bras croisés derrière ma tête.

-Oh au fait, j’espère que Nell va bien. Tu le remettra mon bonjour, n’est-ce pas ? Et à Grant aussi pour la cause…

Car j’étais sûr qu’il était chez lui. Je le sentais.

-Tu pourras dire à Nell que mon divorce est sûrement très proche et que je suis à nouveau sur le marché si jamais elle veut un petit ami qui la respecte réellement.

Parce que de ce que j’avais vu chez la psy de Grant, Keller aimait rabaisser Nell.

@ Billy Lighter

Jusqu’ici, je gérais, sous le regard attentif de Conrad qui veillait au moindre signe d’exaspération de ma part. Je m’efforçais d’être un vrai mur face aux assauts de Ward et me disait qu’à la longue, il allait se fatiguer et me lâcher la grappe.

En espérant qu’il se fatigue avant moi.

Il disait, concernant les gangs qu’il avait dit à Grant d’éviter, que ses données dataient. Je haussai les épaules. On le soupçonnait fortement d’être le fameux El Lider… Et je n’avais pratiquement aucun doute que ce soit le cas, malgré son apparente profession en tant que comptable du Wild. Il y avait quelque chose chez Ward qui n’était pas logique, malgré toutes ses précautions. Quelque chose sur lequel je n’arrivais pas à mettre le doigt.

Quelque chose que je ressentais au plus profond de mes tripes, comme un animal sentant le danger.

Je ne regardais même plus Ward, concentré sur la fumée de ma clope qui se mêlait à celle de mon café chaud.

Mais je réagis quand même quand il évoqua la fugue de Grant, quand il avait grimpé sur le toit d’un immeuble. Je ne savais pas encore comment m’y prendre avec Grant à l’époque et lui voulait encore retourner tout seul dans le Maine à ce moment-là.

Et après avoir remis la faute sur Sky pour ce qui était de pourrir son fils, ce fut au tour de Daisy d’y passer. La pauvre fille avait fait de son mieux, se débrouillant seule à l’autre bout du pays. Pour fuir Ward.

Et il fit de nouveau le pauvre petit malheureux en évoquant la mort de son frère.

J’ouvris la bouche pour parler, pour dire : « Qu’est-ce qui prouve que ce n’est pas toi qui l’a poussé ? » Mais je me trouvais injuste moi-même, pour le coup. A l’époque, Ward n’était qu’un gamin lui-même. Et je ne pouvais pas croire qu’un enfant puisse en tuer un autre, son propre frère de surcroit.

Finalement, je changeai de discours.

-Daisy a fait de son mieux. Et sans toi, elle s’en est bien tirée.

Puis on passa à un sujet plus « léger » soit la petite bataille médiatique entre Howard Stone et Jimmy Reed. Ward pensait que la menace de Stone de changer de maison de disques avec Fireworks avait été lancée à la légère… Que Stone était trop un pleutre pour le faire vraiment.

Je haussai les épaules.

-On verra bien… Tant que Fireworks ne disparait pas, je me fiche pas mal du label.

Parce que Howard Stone, que je connaissais pour plusieurs raisons qui étaient ses infractions au code de la route mais aussi une soirée assez agréable passée au mariage d’Hank et Bailey North, avait un putain de talent, de même que David McAvoy. D’ailleurs, je trouvais que Fireworks, c’était The Burning Fire sans les fioritures superflues. Et ça n’en était que meilleur.

Je ne relevai pas sa remarque sur le fait que je fumais, ce que je ne faisais pas quand Grant était dans la même pièce que moi, m’efforçant d’aller dehors à chaque fois.

Ward en conclut, devant mon absence de réaction, que ses petites piques n’allaient mener à rien. Il finit par aller se coucher… Je crus qu’il allait enfin se taire et dormir en attendant de pouvoir provoquer le prochain poivrot chopé en état d’ivresse sur la voie publique quand il l’ouvrit à nouveau.

Pour parler de Nell. Et insinuer que je lui manquais de respect.

Je vis rouge, directement !

Conrad n’eut pas le temps d’éteindre l’incendie avant qu’il se propage en moi.

Je sortis ma matraque de mon ceinturon et tapai un grand coup sur la table, renversant mon café sur les magazines, à défaut de pouvoir taper sur Ward lui-même.

Les deux mains, dont une tenant mon arme, crispée sur la table, je fusillai ce connard du regard.

-Je t’interdis de parler de Nell !!! Tout ce que tu touches, tu le détruis ! Tu parles de respect ! Est-ce que c’est du respect que tu as montré à Sky en l’étranglant ? Tu ne sortiras jamais d’ici ! Je te le garantis ! Je ferai tout pour ! Même si je dois en crever !

Conrad posa sa main sur la mienne qui tenait ma matraque. Heureusement que la table et les barreaux faisaient barrage entre moi et Ward.

-Tout doux… Jordan… Calme-toi. Il n’en vaut pas la peine.

@ Billy Lighter

Jordan défendait Daisy… Au point où j’en venais à pensé qu’il en avait été secrètement amoureux. Si c’était le cas, il avait dû avoir le cœur brisé quand elle s’était enfuie dans le Maine afin de protéger son gamin de moi alors même que je ne savais même pas que j’avais un fils. Pour moi, à l’époque, Grant était le gamin d’un Los Diablos mort. Rien de plus. Donc est-ce que j’aurais pu voir la différence quand le gamin aurait grandi ? Aucune idée mais c’était peu probable.

Il disait que la mère de Grant s’en était bien tirée sans moi. J’haussai des épaules.

-Elle faisait les quatre volontés de Grant. S’il est pourri c’est plus à cause d’elle et de Sky que de moi.

Je tenais ça de Grant. Pour lui sa mère faisait tout ce qu’il voulait. Parce que les gens comme Jordan se disait que Grant été spécial à cause de ses gênes de Fleming mais je crois que le problème est moins mystique que ça.

Après ça on parla de Stone et de Reed. Un fameux duo. Un duo qui s’était frotté à moi de manière différente. Stone ne faisait pas le poids contre moi alors que Reed était un adversaire intéressant. Alors je n’avais aucun doute sur le résultat final de leur petite guerre. L’interview de Reed dans Guitar&Pen était déjà un bon indice de qui gagnera cette guerre. Quant à Fireworks, j’étais sûr que Stone n’ira pas jusqu’au bout de son idée. C’était des menaces en l’air de mon avis. Pour Keller, ça n’avait pas d’importance. Pour lui, tout ce qui comptait, c’était que Fireworks continue de faire de la musique.

-Pour ça, il faudrait que Stone évite les escaliers.

Je dis ça avec un petit sourire en coin. Keller m’avait envoyé Stone et j’en avais fait de la bouillie alors s’il voulait que Fireworks fasse encore de la musique Keller ferait bien de changer d’indic’. D’ailleurs, je me demandais comment allait l’oreille de Stone, pour la cause.

Keller cherchait à mettre fin à la conversation tout en m’enfumant de sa fumée de cigarette. Sincèrement, j’avais vu des flics plus respectueux que lui. Du coup, j’abandonnai en me couchant sur ma couchette me disant que le mieux était d’attendre que l’action vienne à moi au lieu de la provoquer. Il y a bien un abruti qui allait se faire choper cette nuit, non ? L’Eastside et South L.A. est rempli d’abrutis.

Mais alors que j’étais couché, je fis une autre tentative en parlant de Nell qui était la petite amie de Keller. Je regardai le plafond en disant ça, les bras croisés derrière la tête.

Et j’entendis Jordan frappé un bon coup sur la table.

Touché !

J’esquissai un sourire en coin satisfait. Alors, plus que Grant, Nell était son point faible.

C’est noté.

Je me redressai assis sur ma couchette fixant Keller qui avait sorti sa matraque et était crispé comme jamais à me foudroyer du regard et me cracher sa haine. Je le fixai penchant légèrement la tête sur le côté avec, cette fois, un air faussement surpris alors que son Irlandais essayait de le calmer.

S’il me frappe, j’ai une chance qu’il ait des problèmes. Et moi, des avantages.

-Je n’ai pas étranglé Sky. Elle fabule. Et je sortirais d’ici, Keller, parce que je suis innocent. Nell, elle au moins, elle voit que je ne suis pas un monstre.

Je me levai et m’approchai des barreau les tenant ceux-ci de mes deux mains pour être au plus près de Keller.

-Mais toi, dès qu’elle te dit ça, tu la rabroue. Je l’ai vu chez la psy de Grant. Tu la prends pour une moins que rien. Et c’est moi qui suis violent ? Les mots c’est violent aussi Keller. Et ce que tu fais avec Nell, c’est totalement ça. Elle mérite mieux que toi. Et Grant aussi.

L’Irlandais me dit de la fermé mais, comme d’habitude, je l’ignorais.

@ Billy Lighter

Non content de remettre toutes les fautes sur Sky, il s’en prenait aussi à Daisy, la mère de Grant. Il disait qu’elle aussi avait pourri Grant. Et de cela, je n’avais aucun doute. Mais c’était ce qui arrivait, je pensais, quand un parent, père ou mère, se retrouvait seul avec pour ce qu’il avait de plus précieux : le fuit de ses entrailles.

Pouvait-on en vouloir à Daisy ? Non. Pas plus qu’à Sky qui s’était sincèrement attachée au petit. C’était donc à moi que revenait de mettre des limites à Grant. Une tâche ardue mais que je comptais bien mener de main ferme. Et je n’étais pas tout seul, si j’étais trop dur, je savais que Nell saurait me modérer.

J’écrasai ma deuxième cigarette dans le cendrier, sans regarder Ward. Sans lui répondre non plus.

Je ne voulais pas lui donner la certitude que Grant était bien chez moi.

Puis on parla de Stone et Reed, mais son petit commentaire sur Howard et les escaliers me fit tiquer. Howard m’avait bien fait comprendre que c’était Ward qui lui avait fait ça sans vraiment le dire. Il ne voulait pas non plus porter plainte. Ce qui était bien dommage car ça aurait donné du poids aux dires de Sky.

-Les escaliers, hein ? Qui sait, maintenant que tu es enfermé, peut-être qu’Howard aura les couilles de révéler la vérité au monde.

En disant ça, j’espérais bien effacer son petit sourire de sa face de gendre idéal. C’était un peu le problème avec Ward : c’était un loup dans un costume d’agneau.

Je crus bien qu’on en avait fini quand Ward alla se coucher sur sa banquette… ça me soulageait parce que je ne savais pas combien de temps j’allais tenir la distance à essuyer tout ce qu’il disait sur des gens que j’aimais bien : Howard, Daisy, Grant…

Mais ma paix fut de très courte durée.

Et Ward dépassa les limites.

Je m’étais levé, retenu par la table, ma matraque en main, mon café renversé, les magazines inondés. Conrad me retenait aussi, d’une main sur celle qui tenait mon arme, comme pour me faire me rendre compte que je devenais moi-même dangereux. Heureusement qu’il y avait la table et Conrad, ma colère m’empêchant de réfléchir froidement à faire le tour du meuble bon marché.

-Boucle-la, Fleming !

J’avais les yeux injectés de sang et on pouvait voir mon pouls battre très vite dans les grosses veines de mon cou. Ward clama encore son innocence, disant que Nell, elle, le croirait.

-Je ne lui manque pas de respect ! Je lui ouvre les yeux ! C’est une femme intelligente, mais beaucoup trop gentille pour ce monde ! Et tel un ange, elle croit qu’elle peut encore sauver ton âme qui appartient pourtant déjà au Diable !

Il avait dit que Nell et Grant méritaient mieux que moi.

-J’ai mes défauts ! Mais jamais je ne lèverais la main sur Nell ou Grant ! Je ne suis pas comme toi ! L’évaluation psychiatrique prouvera ce que personne d’autre que moi n’ose te dire tout haut ! Tu es un monstre, Ward ! Le fils d’un monstre !

Je respirai bruyamment, marquant une pause pour reprendre mon souffle.

-Jordan… Rassieds-toi… Si tu le laisses gagner et que tu le frapper, tout sera perdu.

Je regardai Conrad et me calmai un peu.

-Montre prendre fumer une clope dehors… Je m’occupe de le surveiller… Vas prendre l’air.

Je rangeai ma matraque et fusillai Ward du regard. Il valait mieux que j’écoute Conrad.

-Très bien.

Je m’éclipsai… Le temps d’une clope… Au moins, Ward n’avait pas tout à fait gagné et ne pourrait pas se plaindre de mauvais traitements de notre part.

@ Billy Lighter

Je fis une réflexion sur Stone et sa chute dans les escaliers. Je savais qu’il n’en était rien et il semblerait que Jordan aussi. Il savait. Stone le lui aurait-il dit ? Ou bien est-ce que Keller avait fait ses propres déductions ? Aucune idée. Mais il espérait bien que le batteur trouver le courage de parler.

Mais j’étais innocent, non ? Dans l’histoire que je voulais faire croire au monde, oui, je l’étais. Ainsi, je levai un sourcil.

-Est-ce que tu insinues que je suis responsable de l’état de Stone ? Tu crois aussi que c’est moi qui ait fait disparaitre les dinosaures, Keller ? Va voir un psy, ça devient obsessionnel.

Malgré toutes mes réflexions, Keller restait impassible. Pourtant, c’est pas faute d’y mettre du mien pour trouver la faille. J’étais prêt à abandonné quand, une fois couché, je décidai de le provoquer sur un autre terrain : celui de Nell.

Et ça fit mouche.

Keller s’emballa matraque à la main et son autre main sur son arme. Je m’étais relevé pour m’approcher des barreaux afin d’être au plus près de Keller. S’il dépassait les limites ça risquait de faire mal mais ça serait à mon avantage.

Ainsi, je continuai de parler m’attirant les foudres de l’Irlandais de compagne de Keller. Mais comme d’habitude, je l’ignorais. Quant à Keller, il était furieux. Ça se voyait dans son regard. Il clama ne pas manquer de respect à sa Nell. Il disait lui ouvrir les yeux comme si la pauvre Nell était trop naïve. Il parla de mon âme comme s’il y avait quelque chose de mystique dans mon comportement.

Je ne dis rien. Je le laissai cracher sa haine en soutenant son regard. Il disait que jamais il ne lèverai la main sur Nell et Grant et que, bientôt, le monde entier saura ce que je suis soit, d’après ses dires, le fils de mon père.

Je penchai légèrement la tête sur le côté.

-Je ne suis pas un monstre, Keller… C’est ça que le psy verra. Quant à Nell, elle finira par voir que tu n’es qu’un type violent qui ne respecte que ses petites principes dépassés.

Conrad essayait de calmer son ami. Il ne voulait pas qu’il dépasse les bornes. Il voulait que Keller quitte la pièce.

Et il le fit…

Il s’en alla fumé une clope dehors.

Sans l’Irlandais, j’aurais gagné. Dommage. Ça n’est que partie remise.

-Maintenant, tu la ferme, Fleming.

Je plissai des yeux.

-Qu’est-ce que tu as dit ?

Il roula des yeux et soupira avant de ramasser le carnage qu’avait fait Keller. Seul point négatif, il avait renversé son café bas de gamme sur les magazines de quoi m’arracher une moue.

Je rejoignis ma couchette pour me coucher à nouveau un sourire aux lèvres et assez content d’avoir réussi un petit coup d’éclat.

@ Billy Lighter