J’avais beau rouler en me concentrant sur le code de la route, ne commettant aucune infraction, je ne décolérais pas. Dans ma tête, une seule phrase revenait tout le temps : « C’est la fois de trop ». Nell trouvait le mot « trahison » trop fort pour ce qu’elle avait fait ? Moi, je le trouvais totalement approprié.

Depuis le début, je l’avais protégée, ainsi que Grant, contre cet espèce de manipulateur de Ward. Et il avait failli que je fasse une seule petite erreur, celle de en pas être à la hauteur pour pouvoir gérer ses pleurs et ses peurs, pour qu’elle coure se réfugier dans les bras d’un criminel. Et ce alors que j’avais voulu la rediriger vers des gens qui pourraient vraiment lui venir en aide.

Elle avait fait son choix.

J’étais sur le point de faire le mien.

J’en avais beaucoup trop vu dans ma vie, que ce soit dans mon travail, à la guerre ou dans mon travail actuel, pour encore avoir à gérer une femme qui s’écroulait au premier petit choc psychologique.

Je m’arrêtai à un feu rouge…

Et le constat me tomba droit dessus : Nell était bien gentille, mais elle n’était pas la femme qu’il me fallait. Elle était beaucoup trop fragile. J’avais besoin d’une femme capable, tout comme moi, de trouver ses propres solutions à ses mal-être. Voire ne pas en avoir du tout.

Quelqu’un qui était fort… Et non pas faible comme Nell.

Je jetai un œil à ma montre… Grant allait bientôt rentrer  et il fallait absolument que je sois là. Je ne voulais pas que Nell lui glisse dans les oreilles des bons mots sur son père tout en me fustigeant parce que je n’avais pas été capable de sécher ses larmes l’autre nuit.

Je repris donc le chemin de la maison.

J’entrai chez moi. Je ne vis pas Nell… Elle était peut-être en train de chialer dans la chambre…

J’appelai alors, d’une voix où ne pointait plus la colère, mais plutôt une forme de résignation.

J’avais aimé Nell. Mais ce n’était plus le cas.

-Nell ? Si tu as quelque part où dormir cette nuit, fais tes bagages. Tu t’en vas.

Sinon, je dormirais dans le canapé jusqu’à ce qu’elle trouve un endroit où aller. Sans attendre de réponse, je me dirigeai vers le salon, me laissai tomber dans le divan et pris la télécommande pour mettre MTV. The Lightening se déchaînait à la télé.

♫

J’entendis la porte d’entrée s’ouvrir. C’était Grant qui rentrait. Je lui lançai sans détacher mes yeux de l’écran :

-Salut Grant ! Ça a été, la journée ?

@ Billy Lighter

-Il m’ennuie…

C’est ce que je grommelai dans le parking après que Victor Hunter ait passé la barrière qui allait vers le parking de BSC. Moi, j’avais dit ça à Larry qui surveillait le parking avec moi. Il rigolait.

-Je t’avais dit de le laisser passer… Je t’avais dit que si tu ne le laissais pas passer, il allait causer pendant des heures pour défendre son point.

Je plissai le nez alors que Larry, cet abruti, se marrait. Moi, je voulais pas que Victor entre alors que Jimmy Reed n’était pas là. S’il était là, je serais devant sa porte. Je suis dans le parking. Jimmy Reed n’est pas là. Il n’y a personne à sa place de parking. J’avais dit ça à Victor quand il est entré avec sa voiture et que je lui ais dit que ça servait à rien qu’il se gare. Qu’il pouvait rentrer chez lui. Qu’il avait pas rendez-vous de toute façon.

Mais il disait qu’il avait le droit d’être ici même pour se promener. Il venait juste pour se promener et voir à quoi ressemble les secrétaires de BSC. Moi, je voulais pas le laisser passer.

Alors il m’avait parlé pendant très longtemps jusqu’à-ce que Larry le laisse passer en me disant que, de toute façon, il ne ferait rien de mal et que, de toute façon, il était quand même l’avocat de Reed.

Pas de rendez-vous, pas employé ici, pas d’autorisation.

Simple.

Mais Larry s’en foutait.

Ça m’ennuyait.

Je regardai vers la voiture de Victor qu’il était en train de garer. Il la gare à la place de Jimmy Reed. Je roulai des yeux avant de me fâché un peu.

-Il peut pas se garer là. Moi, je vais aller lui dire et le mettre dehors.

Larry me retins et montra sa montre de sa main libre.

-Non. C’est la fin de journée pour toi. Tu vas rater le bus. Rentre Grant, je m’occupe d’Hunter.

Je fronçai fort les sourcils mais j’avais pas envie d’entendre Victor parler encore et encore alors je pris mon sac et me m’en allai pour prendre le bus et rentrer chez moi en ruminant un peu.

Arrivé chez moi, je passai la porte. The Lightening allait fort dans la maison. Jordan regardait un clip à la télé. C’est une chanson que mon père écoutait souvent aussi.

Je laissai tomber mon sac par terre près de l’entrée alors que Jordan me salua sans me regarder.

-Lu’…

Je grommelai ça avant de répondre à sa question.

-Non. J’aime pas l’avocat de Jimmy Reed. Il parle trop et m’énerve. Et Larry est stupide.

Je me dirigeai vers la cuisine et me fis un bol de céréales. Moi, je croyais que Nell serait là. Elle était déjà pas là quand je suis revenu à midi…

Je revins au salon près de Jordan avec mon bol de céréale en main et je dis d’une voix neutre.

-Où est Nell ?

Jordan avait l’air énervé et ça me fit rouler des yeux.

-Tu es fâché pourquoi ? Moi, j’ai rien fait.

Oui. J’ai rien fait.

Enfin… J’ai encore rien fait. Moi, je sens que je vais faire mal à la voiture de Victor s’il est encore garé au mauvais endroit demain.

@ Billy Lighter

C’est un Jordan en colère qui me laissa là, seule, immobile au centre de la maison. Je ne comprenais pas comment nous en étions arrivés à une si grosse escalade. Oui, évidement qu’il pouvait être en colère que je me sois rendu à San Quentin mais de là à m’accuser de trahison alors que je lui avait expliqué que mon intention n’avait pas été de me faire réconforter par Ward mais bien de décharger sur lui une culpabilité que je jugeais ne pas être la mienne.

Je restais donc là, sans bouger, pendant de longues minutes, à me rappeler toutes ces fois où Jordan avait eu un comportement frôlant la violence verbale ou psychologique à mon endroit. Les regards assassins pendant la rencontre avec la psychologue, cette façon qu’il avait eu de me prendre la main pour me sortir du bureau à la fin de la rencontre, sa facilité à tourner au ridicule mes émotions et là encore, dans son attitude hermétique et la façon impulsive avec laquelle il venait de réagir.

Avec le recul, je constatais que Jordan ne valait pas mieux que ce qu’il reprochait à Ward et que je pouvais très bien être la prochaine Sky.


Le plus triste là-dedans c’était que depuis le début de notre relation, dans laquelle je m’étais investie corps et âme, je n’avais fait rien d’autre que de le soutenir alors que la réciproque n’avait pas été du tout la même. J’avais même presque tout perdu en venant m’installer avec lui. Je regardais autour de moi, les quelques meubles que j’avais conserver alors que j’avais vendu tout le rester et donné l’argent à la Mission. Je n’avais lus d’appartement, plus de repères. J’avais mis de côté beaucoup de mes activités parce que Jordan jugeait cela trop dangereux.

Il voulait une femme forte mais avait tout fait pour me rendre faible en me rendant complètement dépendante de lui. Je pensais à Roxanne, son ancienne petite amie qui s’était suicidé. Je ne connaissais pas les détails de l’histoire mais s’il avait agit avec elle comme il venait de le faire avec moi, pas étonnant que l’histoire ait eu une fin aussi tragique.

Je m’en voulu ensuite d’avoir eu cette pensée mais malheureusement, Jordan n’avait rien fait pour me montrer que le méchant dans l’histoire, ce n’était pas lui.

Je retrouvais la mobilité de mes membres et j’allais dans la chambre rassembler le peu de choses que j’avais, des vêtements principales, des livres et quelques effets plus personnel comme un cadre contenant une photo de ma mère et moi. J’avais le cœur en miette mais pour ma sécurité mentale et physique, je savais que je devais quitter cette maison et que mon histoire avec Jordan ne survivrait pas à aujourd’hui. Quand mes sacs furent faits, j’appelais un taxi qui me promit d’arriver dans la demi-heure puis, j’allais m’assoir sur le lit et attendre.

Attendre que Jordan arrive ou pas.

Attendre que Grant rentre ou pas.

Finalement, ce fut la voix de Jordan que j’entendis. Il me demandait de faire mes bagages car je devais partir. Je roulais des yeux en soupirant. C’était déjà fait. Je n’avais pas besoin de lui pour me dire quoi faire, pour m’aider à prendre une décision. Je savais le faire par moi-même, quoi qu’il puisse en penser.

Puis on ouvrit la porte d’en avant et elle se referma. Est-ce que Jordan était sortit le temps que je termine de faire mes sacs ? Peut-être bien. Moi, je regardais ma montre en espérant que le temps avait filé mais au lieu de ça, il ne s’était écoulé que quatre petites minutes depuis mon appel à la compagnie de taxi. Le temps se moquait-il de moi ? Il semblait bien.

@ Billy Lighter

Grant était rentré à la maison un peu après moi… Juste avant d’allumer la télé, j’avais compris que Nell était dans la chambre parce que j’avais entendu le bruit de ses pas. Elle ne m’avait pas répondu quand je l’avais appelée, mais j’espérais bien qu’elle était en train de faire ses bagages.

Je ne voulais plus la voir ici. Et surtout pas autour de Grant. Une fois que je serais libre et elle aussi, elle pourrait aller voir Ward quand ça lui chantait, je n’en aurais plus rien à faire.

Grant rentra donc et je lui demandai comment avait été sa journée. Apparemment, l’avocat de son employeur était un chieur fini, de même que l’un de ses collègues, Larry.

Je me tournai vers lui et esquissai un sourire un peu amusé malgré la colère qui sourdait sous ma peau. Grant était en train de se préparer un bol de céréales.

-Je connais des avocats… Ils se croient un peu tout permis… Tu en verras d’autres, Grant…

Puis il demanda où était Nell et je me reconcentrai sur la télé non sans lui répondre :

-Elle est en haut. Mais plus pour longtemps.

Grant croyais que j’en avais après lui. J’éteignis la télé et me levai pour aller le rejoindre dans la cuisine. Et je lui dis d’un ton doux et un peu désolé.

-Ce n’est pas après toi que j’en ai, mais après Nell. Toi, tu n’as rien fait. Ce n’est pas ta faute.

Je soupirai.

-On ne s’aime plus, c’est terminé. Donc je lui ai demandé de s’en aller.

Je haussai les épaules.

-C'est des histoires d'adultes... C'est comme ça.

Je ne voulais pas lui parler de la trahison de Nell... Parce que je ne voulais pas lui parler de son père et encore moins lui laisser entendre qu'il avait un certain contrôle sur Nell... Sur nous...

Ce que je ne réalisais pas, c'était que Ward avait détruit notre couple et que, dans un certain sens, il avait gagné. Mais je ne pouvais plus supporter les simagrées de Nell.

Irrité par le fait qu'elle ne m'ait pas répondu un peu plus tôt, je me relevai et me dirigeai vers l'escalier où je hurlai.

-Nell! Tu m'as compris au moins?! Dehors, j'ai dit!

@ Billy Lighter

Victor Hunter m’énervait et c’est ce que je dis à Jordan en rentrant après m’être préparé un bol de céréales. Jordan disait qu’il connaissait les avocats et qu’ils se croyaient tout permis. Il disait que j’en verrai d’autres.

-Moi, je crois que l’avocat de Reed ferait bien de faire attention. Il doit suivre les règles comme les autres.

Oui. Sinon, j’allais lui montrer ce que je savais faire. Lui, il peut pas tout se permettre.

Je regardai autour de moi. Nell n’était pas encore revenue, je crois alors je demandai où elle était. C’était pas souvent qu’elle partait aussi longtemps. Jordan disait qu’elle était en haut mais qu’elle allait plus y être pour longtemps. Moi, là, je pensais que Jordan disait simplement qu’elle allait bientôt redescendre.

-Ok.

Mais je vis vite que Jordan, il semblait fâché. Moi je plissai des yeux. Je pensais qu’il était fâché sur moi alors que j’avais rien fait. Moi, j’ai été chez BSC et j’ai fait mon travail. C’est tout. J’ai rien fait d’autre.

Jordan éteignit la télé et se leva avant de dire que c’était pas après moi qu’il en avait mais après Nell. Je levai un sourcil. Nell ? Pourquoi ? Moi, je comprends rien… Ils s’entendaient bien hier…

-Pourquoi ?

Je demandai ça calmement. Je voulais savoir. C’est tout. En fait, j’avais le droit de savoir. Moi, je vivais ici. Mais il ajouta juste qu’entre lui et Nell c’était fini. Je fronçai des sourcils. Quoi ? Il veut que Nell s’en aille ? Pourquoi ? Moi, je comprends rien… Et je n’aimais pas ça. Je voulais comprendre.

Jordan disait que c’était des histoire d’adulte et je le fixai avec un air sombre.

-C’est pas une explication, ça.

J’aime pas qu’on me sorte le mot « adulte » pour ne rien m’expliquer. Comme je dis, je vis ici. J’aime bien Nell et je veux savoir pourquoi il l’aime plus. J’aime bien que Nell vive ici et, moi, je crois que je devrais aussi pouvoir décider si elle reste ou non.

Mais Jordan aime toujours choisir pour moi et les autres. Et moi, ça, ça m’énerve autant que d’entendre Victor Hunter parler.

Jordan bougea alors vers l’escalier et cria à Nell d’aller dehors. Je déposai alors mon bol de céréales.

J’étais en colère avant. Une colère sourde. Maintenant, j’étais furieux mais j’explosai pas.

Je me plantai près de Jordan.

-Toi, tu lui parles pas comme ça, ok ?! Toi tu m’expliques pourquoi tu veux plus voir Nell, ok ?! Moi, je veux savoir. Moi, j’aime bien Nell et je veux pas qu’elle parte.

J’avais haussé le ton et je regardai Jordan avec un regard assassin.

@ Billy Lighter

Je devinais que finalement, ce devait être Grant qui venait de rentrer parce que j’entendais une conversation sans en entendre les paroles. À moins que Jordan soit allé jusqu’à appeler ses copains les policier pour me faire sortir de la maison. Il n’aurait pas besoin de se rabaisser à être encore plus abjecte qu’il ne l’avait été, mes sacs étaient déjà faits et j’attendais simplement que le temps s’écoule et que mon taxi arrive pour quitter cette maison qui n’avait été, finalement, jamais la mienne.

Avec le recul, je constatais que Jordan n’avait bien voulu de moi dans sa vie que pour le servir et rien de plus et qu’aujourd’hui, parce que je n’avais pas agit comme il le voulait, il se permettait de me détruire davantage pour montrer sa supériorité. Je secouais la tête avec le cœur immensément triste. Ça faisait mal de réaliser qu’il ne m’avait jamais aimé. Je lui avait apporté un gobelet de café et lui avait avoué mes sentiments et fort probablement que par sentiment de sécurité, il avait cru ressentir la même chose.  

Quand on aime vraiment quelqu’un, on ne le rejette pas comme une vulgaire chaussette à la première difficulté. On se retrousse les manches, on discute, on trouve des solutions. Les solutions de Jordan avaient toujours été de rabaisser, gronder comme le tonnerre un soir d’été et fumer comme une locomotive.

Je l’entendis me crier depuis le bas de l’escalier que je devais m’en aller. Mes yeux se fermèrent et malgré moi, des larmes coulèrent le long de mes joues, des larmes que j’effaçais rapidement du revers de mes mains.

- Je suis débile, pas sourde !, marmonnais-je pour moi-même.

En soupirant, je me levais et regardais autour de moi pour vérifier que je n’avais rien oublié, rien du moins que je ne pourrais pas remplacer au fil du temps. Pour ce qui était des quelques meubles que j’avais apporté ici, il n’aurait qu’à les vendre ou les brûler dans le jardin si ça l’amusais. Je préférais ne pas revenir réclamer ce que je laissais derrière. De toute façon, je n’étais pas attaché au matériel.

Je sortis de la chambre en trainant mon sac à dos et mes deux valises et je ne fis qu’un arrêt à la salle de bain de l’étage prendre mon shampoing et des sous-vêtements que j’avais suspendue ce matin pour qu’ils sèchent après les avoir lavé à la main. Puis, rassemblant mon courage à deux mains, je descendis l’escalier mais je n’adressais aucun regard à Jordan.

- Je prenais le temps de rassembler mes trucs, pardon si ça été long.

Je sentais même que de regarder Grant me ferais craquer. En dedans de moi, tout était douloureux mais je devais me battre, ne serait-ce que pour ne pas passer pour plus débile que je ne l’étais, et ne pas fondre en larmes et me confondre en excuses qu’il ne méritait pas d’entendre. Il ne méritait aucune de mes larmes.

J’aurais aimé avoir l’audace d’adresse mes espoirs à Grant. Lui dire qu’un jour, il aurait une copine et qu’il se pouvait qu’elle le réveille en pleurant et que si, cette nuit-là, il n’avait pas la force d’amorcer la discussion avec elle, de simplement l’écouter, que cela ferait une grande différence. De ne surtout pas la rabaisser parce que son sommeil était plus précieux que ce qu’elle pouvait ressentir.

Au lieu de ça, je me permis simplement d’embrasser Grant sur le front et de lui passer la main dans les cheveux en offrant le sourire le plus sincère que je pouvais.

- Je vais attendre dehors que mon taxi arrive. Il ne devrait pas tarder.

Je me penchais pour reprendre dans mes mains, les poignées de mes valises après avoir replacer la ganse de mon sac sur mon épaule.

@ Billy Lighter

Grant disait que l’avocat de Reed devait suivre les règles, comme tout le monde… Je le regardai et lui souris.

-Je t’aurai au moins appris ça…

Il voulait savoir où était Nell… Alors je lui dis, sans mentir, qu’elle était en haut, mais plus pour longtemps. Il allait bien falloir qu’elle quitte son refuge à un moment donné.

Grant pensait que j’étais fâché contre lui. Alors j’éteignis la télé, le rejoignis à la cuisine et lui affirmai que ce n’était pas le cas. Que c’était après Nell que j’en avais.

Mais le fait que je lui dise que c’était des trucs d’adultes ne lui convint pas. Je pouvais comprendre, mais il fallait que je trouve les bons mots pour lui expliquer ce qu’il se passait. Et pour ça, il me fallait du temps… Un temps que Nell ne m’avait pas laissé. Se refermant comme une huitre au premier mot que j’avais prononcé de travers.

-Je t’expliquerai…

Comme Nell ne m’avait pas répondu tantôt, je n’étais même pas sûr qu’elle m’ait entendu. Alors je me relevai et allai au pied de l’escalier pour la secouer un peu… Toujours pas de réponse.

Je marmonnai dans ma barbe.

-Et répondre quand on te parle, c’est dur aussi ?

Elle agissait vraiment comme une putain d’adolescente ! Ce qui me confirmait que, si tant était que j’avais besoin d’une femme, j’avais tout intérêt à prendre quelqu’un de plus mature que Nell.

Là, Grant se planta devant moi.

Je le regardai, interloqué, alors qu’il me disait que je n’avais pas à parler comme ça à Nell. Je ne l’avais pas insultée, je lui avais juste dit de partir.

-Oh si, elle va partir !

Je me penchai vers Grant et le pris par les épaules pour le vriller du regard.

-Tu sais comment tu te sens quand Sofia préfère jouer avec Jesse et Guillermo. Et bien Nell m’a fait le même coup.

Je soupirai.

-Elle avait besoin d’aide et je me suis décarcassé pour qu’elle obtienne la meilleure aide qui soit. Mais non ! A la place, elle n’a voulu en faire qu’à sa tête ! Et bien puisqu’elle sait très bien se débrouiller toute seule, elle n’a pas besoin de moi et je n’ai pas besoin d’elle !

Nell apparut alors avec ses valises. Elle s’excusa si ça avait été long. Je lâchai Grant.

-Pas grave.

Elle embrassa Grant sur le front et affirma qu’elle allait attendre son taxi dehors. Je lui désignai la porte d’une main presque galante…

@ Billy Lighter

Jordan disait qu’il m’aura au moins appris qu’on devait respecter les règles. J’haussai les épaules. Moi, je savais déjà ça avant. Il y a juste des règles qui sont stupides… C’est tout. Mais celle de BSC ne le sont pas.

Voilà.

Jordan disait que Nell était en haut mais je voyais bien qu’il était très fâché. Moi, j’avais rien fait. Moi, je comprenais pas pourquoi il était fâché. Mais il disait que c’était à cause de Nell et pas de moi. Il disait que c’était fini avec Nell. Moi, je ne comprenais rien. Tout allait bien hier ! Moi, ça m’énervait de pas comprendre ce qu’il s’était passé.

Il  disait que c’était des trucs d’adultes mais je n’aimais pas cette réponse. Parce que ce n’était pas une réponses ! C’était juste une phrase pour pas m’expliquer ! Du coup, moi aussi, j’étais très énervé maintenant.

Jordan disait qu’il allait m’expliquer mais je voulais qu’il m’expliquer MAINTENANT !

-Oui. Explique. Maintenant.

Mais il le fit pas. Il alla près de l’escalier pour crier après Nell. Il marmonnait et montrait qu’il était très fâché. Il avait pas le droit de parler comme ça à Nell. Moi quand je parle comme ça aux gens, Jordan n’est pas content !

Je m’approchai de lui et le foudroyai du regard. Moi, je ne voulais pas que Nell parte. Il avait pas le droit de choisir tout seul.

Mais Jordan voulait qu’elle parte.

-Non !

Je dis ça d’un ton déterminé. Non, Nell n’allait pas partir. Moi, je voulais pas !

Jordan se pencha vers moi et me vrilla du regard. Le mien, de regard, était assassin. Il parla alors de Sofia, Jesse et Guillermo. Et bien il disait que Nell avait fait la même chose. Quoi ? Elle avait joué avec quelque d’autre ? Moi, je crois pas que ça a du sens. Ça explique pas pourquoi il est fâché sur Nell. Quand Sofia joue avec Jesse et Guillermo c’est leur faute à eux ! C’est sur eux que je frappe ! Pas sur Sofia.

Jordan expliqua que Nell avait eut besoin d’aide, que Jordan lui en avait donné mais que Nell a voulu faire comme elle voulait.

Je le foudroyais toujours du regard. Moi, je trouvais que ça expliquerait RIEN !

J’allais répliquer.

Mais Nell arriva et disait qu’elle allait attendre le taxi dehors. Elle avait dit ça après avoir posé un baiser sur mon front.

Je voulais pas qu’elle parte.

Jordan désigna la porte.

Mais je me mis devant barrant la route à Nell.

-Non. Nell ne part pas. Moi, je comprends rien ! Quand Sofia préfère jouer avec Guillermo et Jesse, moi, c’est eux que je veux tapé. Jamais Sofia. C’est MON amie. Alors, moi, je capte rien à ce que tu dis. Puis, quand je dis que je peux me débrouillé tout seul, toi, tu me fous pas dehors. Pourtant, je voudrais.

Je croisai les bras.

-Je veux comprendre. Expliquez. Moi, je veux pas que Nell parte. Je l’aime bien. Moi, je devrais décider aussi !

Je les regardais l’un et l’autre.

@ Billy Lighter

Comment Jordan était-il passé de l’amoureux parfait au monstre qui me hurlait de sortir de chez lui ? N’avait-il jamais fait quelque chose de répréhensible avec pourtant de bonnes intentions ? N’avait-il jamais trompé la confiance de quelqu’un sans penser que cela pourrait être autant dramatique ? De toute évidence, Jordan se pensait au-dessus de tout le monde. Il agissait comme si lui seul avait raison sur tout et pour tout et que j’étais la seule et unique fautive dans cette histoire.

Pour toutes les fois où il m’avait vrillé d’un regard assassin et rabaissé avec des mots crus, jamais je ne lui avais fait la gueule ou fait sentir qu’il n’était plus digne de mon amour. Au contraire, je m’étais relevé les manches à toutes les fois et avait donné le meilleur de moi pour porter notre relation au travers des épreuves.

Après m’être assurée que je n’oubliais rien que je ne pouvais emporter avec moi, et parce que Jordan commençait à s’impatienter de me voir quitter sa demeure, je pris mon courage à deux mains et descendis l’escalier en mentionnant platement que je voulais m’assurer de ne rien oublier, question de lui faire comprendre que je ne pousserai pas la provocation jusqu’à revenir récupérer quelque chose. Pour toute réponse il leva le bras pour me désigner la porte.

J’embrassais Grant sur le front après avoir passé ma main dedans. Je ne m’étais pas toujours sentie à la hauteur avec lui mais je l’aimais sincèrement. Il allait me manquer car, je n’étais pas aussi débile que Jordan le prétendait ! Je savais très bien qu’il ferait en sorte que Grant ne vienne plus faire de bénévolat à la mission pour éviter que nous soyons en contact et que je pervertisse son âme ou un truc du genre ! Allez savoir ce qu’il pouvait s’imaginer !

Mais Grant me barra la route et je figeais. Je pouvais simplement faire demi-tour et sortir par la porte arrière mais je l’écoutais s’insurger devant la triste réalité dont seul Jordan en avait décidé l’issue.

- Je t’aime aussi, Grant mais… J’y peux rien, c’est comme ça. Jordan a décidé que c’était ainsi alors… Je pars. Ça ira mon grand.

Que pouvais-je dire de plus ?

Probablement que derrière moi, Jordan roulait des yeux en fulminant intérieurement mais que voulait-il que je dise ? Oh, probablement qu’il aurait préféré que je ne dise rien mais quand Grant posait une question il était difficile voir impossible de ne pas y répondre. Aussi, je savais que si je parlais de ma visite à San Quentin ferait péter un câble à Jordan mais si je ne le faisais pas, Jordan se ferait lui un plaisir de le mentionner pour justifier sa colère et me faire passer pour l’odieuse personne. Bref, peu importait la façon dont j’allais aborder la situation, Jordan trouverait une façon de critiquer ou de tourner les choses à son avantage. Alors je soupirais en prenant un pas de recul et en me disant que tout ce que je pouvais faire, s’était de laisser Jordan m’enfoncer au maximum de ses capacités, sans répliquer, sans broncher et en me disant que de toute façon, des paroles n’avaient jamais tué personne.

@ Billy Lighter

Grant me regardait comme s’il avait des mitraillettes à la place des yeux. Je savais qu’il fallait que je trouve un moyen de lui expliquer, mais j’étais aussi bon à ça que je ne l’étais pour rassurer Nell sur ses peurs irrationnelles.

J’avais fait le parallèle avec Sofia, mais ça n’avait pas suffi. Parce que Grant ne s’attaquait pas à sa bien-aimée quand elle jouait avec les autres… Mais aux les autres.

Mais je ne pouvais pas me défouler sur Ward, il était en taule.

Nell finit par descendre et j’en fus soulagé… Tout ça serait bientôt terminé. Il était inutile de s’acharner dans une relation qui ne pouvait pas marcher. Et j’aurais du m’en rendre compte bien plus tôt. Mais voilà, j’avais aimé Nell, j’avais voulu y croire, à cet amour.

Mais la hauteur de ses trahisons à répétition était trop haute… Et maintenant, je voyais Nell non comme une complice de la vie de tous les jours, mais comme un caillou dans ma chaussure.

J’aurais du mettre fin à cette mascarade bien plus tôt.

Bref, Nell allait sortir de ma vie pour de bon. Mais Grant s’y opposa, se plaquant contre la porte d’entrée et lui barrant le passage.

Il ne voulait pas qu’elle parte. Pourtant, je savais… j’avais toujours senti… Que Nell n’aimait pas profondément le garçon, contrairement à moi.

Alors quand elle lui dit qu’elle l’aimait, ça me fit tiquer. Mais je ne dis rien là-dessus. A la place, je m’approchai du fils de Ward.

-Ecoute… Je sais que tu aimes Nell. Le problème, c’est que ce n’est plus mon cas. Et elle ne m’aime plus non plus.

Je haussai les épaules, cherchant mes mots mais restant presque calme.

-Je ne l’aime plus parce qu’elle me fait des coups dans le dos. Et elle ne m’aime plus parce que je ne suis pas le prince charmant dont elle rêvait. Je n’ai pas été à la hauteur de son amour et elle n’a pas été à la hauteur du mien. Ça ne peut plus marcher, c’est tout. Donc, on se sépare avant que ça devienne pire.

Je soupirai.

-La différence entre ce qui se passe entre Sofia et toi et entre Nell et moi, c’est que vous, vous vous aimez. Ce n’est plus notre cas. Mais tu pourras continuer à la voir, à la mission.

Je me tournai vers Nell.

-Et toi, tu sais très bien à quelle condition il pourra continuer à venir.

A condition qu’elle ne lui parle pas de Ward en lui faisant miroiter que tout le monde est beau et gentil.

@ Billy Lighter

Moi, je ne voulais pas que Nell parte. Alors, je me plaquai devant la porte parce que je n’avais pas envie qu’elle s’en aille. Moi, je comprenais pas ce qui était arrivé et les explications de Jordan, elles étaient pas claires.

Nell disait qu’elle m’aimait mais que Jordan avait décidé que c’était ainsi. Je fixai Jordan et le foudroyai du regard.

Il décidait toujours pour tout le monde. Il s’en fiche de ce qu’on pense. Il m’énerve !

Nell voulait partir maintenant. Elle disait que ça allait aller.

-Non, je veux pas !

Jordan s’avança et dit qu’il n’aimait plus Nell. Comme ça. Du jour au lendemain. Je comprenais vraiment pas ! Mais il ajouta que Nell ne l’aimait plus non plus. Je roulai des yeux.

-Mais je veux pas !

Il disait que Nell lui avait fait des coups dans le dos. Et que lui n’était pas un prince charmant. Qu’il avait pas été à la hauteur et elle non plus. Je les fixai l’un et l’autre. Ils avaient décidé tout ça sans moi. Tout le monde choisissait toujours pour moi. Et je savais que je pourrais pas vivre à moitié chez Jordan et à moitié chez Nell. Parce que personne ne voulait que je choisisse. Jordan voudra jamais. Il appellera un juge et tout pour que je vive à JAMAIS chez lui.

-Je VEUX pas !

Il disait que moi et Sofia on s’aimait mais plus lui et Nell. Mais que je pourrais continuer à voir Nell à la mission. Je plissai les yeux et il ajouta à Nell qu’elle savait dans quelles conditions je pourrais continuer à venir à la mission.

Je fixai Jordan.

-Moi, je continuerais à y aller même si t’es pas d’accord. Tu m’énerves à tout décider pour moi. Tu m’énerve beaucoup trop !

Je fixai Nell.

-Moi, je suis pas d’accord avec tout ça !

Je me décalai de la porte. Moi, je savais que Jordan allait m’en bouger si je restais là. Et je voyais que Nell voulait partir aussi. Elle cherchait pas à rester. Tout le monde se foutait de ce que je pensais.

Je levai les yeux sur Nell mais ne dit rien et puis je grimpai d’un coup à l’étage et me mis à faire mes bagages moi aussi.

Moi j’allais partir d’ici. J’en avais marre.

@ Billy Lighter

Dire que l’ambiance entre Jordan et moi était tendue aurait été une manière de dire que nous étions en lune de miel en comparaison avec ce qui planait réellement entre nous. S’il pensait que Grant n’allait se rendre compte de rien, il se trompait et pas qu’un peu puisqu’il était impossible de lui cacher quoi que ce soit.

Grant se dressa même entre nous avant de me barrer la porte.

Jordan avec une lâcheté que je ne lui connaissais pas, avait expliqué sans vraiment le faire, la situation ce qui ne satisfaisait pas Grant, loin de là ! Seulement, ce n’était pas à moi de le lui expliquer parce que, premièrement, Jordan discréditerait toutes mes paroles en disant que ce n’était pas vrai, ou alors, si je prenais le blâme pour sauver les meubles et faire en sorte que la relation entre Grant et Jordan ne soit pas affectée par notre séparation, il en profiterait pour m’enfoncer encore plus. Cette seconde option me faisait vraiment mal parce que je savais qu’elle était vrai. Jordan avait montré son véritable visage ces dernières heures en me ridiculisant, en diminuant mes émotions pour préserver son précieux sommeil, en me contrôlant puis en me jetant à la rue après s’être assuré que je n’avais strictement plus rien devant moi.

Devant l’insistance de Grant, Jordan finit par dire qu’il ne m’aimait plus parce que je lui avait fait des coups dans le dos ! Des ? Sauf pour m’être rendue à San Quentin sur un coup de tête sans même le savoir moi-même et pour le lui avoir dit immédiatement en rentrant, pouvais-je avoir la liste des trahisons que je semblais cumuler ? Voulait-il la liste des fois où, sans même porter la main sur moi, il avait fait preuve de violence verbale et psychologique ?

Sans le regarder, je tenu tout de même à préciser :

- Ne parle pas pour moi, s’il-te-plait.

Parce que malgré toute la souffrance que je ressentais, je l’aimais et jamais je n’avais voulu la fin de notre relation. Il avait tout décidé tout seul, comme un grand, comme il le faisait toujours. Il avait pris toutes les décisions pour Grant, il prenait toutes les décisions pour moi. Là où j’étais d’accord, c’était qu’il valait peut-être mieux mettre un terme à notre relation maintenant avant que cela ne devienne pire.

Je ne pus m’empêche de voir ma propre relation se superposer sur celle de Sky et de Ward. Deux jeunes femmes vives et pleine de vie tombant sur un homme contrôlant et manipulateur. Les deux avaient fait en sorte de nous isoler pour une meilleure emprise sur nous. Au moment où nous avions voulu sortir de leur cage doré, la violence s’était installée. Physiquement pour Sky, psychologiquement pour moi.

C’était ironique de constater que Jordan menait une quête personnel d’éradiquer un homme qui tout compte fait, était en tout point son égal.

Pour s’assurer de garder une main bien mise sur Grant, il ajouta sur un ton qu’il voulait de bonne foi qu’il pourrait venir me voir à la mission s’il le souhaitait puis, pour bien assoir sa soif de possession et pour s’assurer que je comprenais bien que même de loin, il continuerait de me contrôler, il spécifia que je savais cependant à quelle condition.

Pendant ce court moment qui me sembla durer des heures, Grant s’objectait, continuait de demander plus d’explication et rejetait celle qu’il obtenait parce que, et avec raison, elle ne tenait pas la route, les putain d’explications.

Impuissante, je regardais Grant et je continuais de ravaler, de souffrir, de me sentir me briser partout en dedans.

- Grant… Ce n’est jamais facile pour personne une séparation mais ça ira.

Il avait rouspété quand Jordan avait remercié Sky mais il s’était fait ensuite à la situation. Il se ferait à notre nouvelle vie et m’oublierait à coup de session de tire supervisé, de comics acheté à la caisse pour compenser, de boîtes de céréales pour lui remplir l’estomac.

Mon taxi klaxonna pour faire comprendre qu’il était arrivé et, sans le savoir, mettre un terme à mon calvaire.

- Mon taxi est là, Grant. Veux-tu me laisser sortir ? Tu peux prendre mon sac et le mettre sur la galerie, ça serait gentil.

Comme ça, il m’ouvrirait la porte et je pourrais partir et Jordan entendrait que je ne tente pas de le faire s’approcher du taxi pour le kidnapper et l’amener de force à San Quentin car dans son délire d’homme contrôlant, allez savoir ce qu’il pouvait bien s’imaginer !

Mais Grant se décala de la porte et me regarda sans dire un mot. Son regard acheva de me briser le cœur et je déglutis avec difficulté, pensant même que j’allais être malade. D’une main tremblante, je voulu lui caresser encore la tête mais il fila à l’étage. Je fermais les yeux et j’inspirais avant de sortir de la maison dans un dernier regard pour Jordan. S’il pensait ne pas mériter mon amour, il ne méritait pas non plus la satisfaction de voir l’étendu de mon chagrin.  

@ Billy Lighter

Grant était furieux. Presque autant que moi. Il n’acceptait pas le départ de Nell, mais une chose était sûre, c’était que je ne pouvais plus vivre avec elle. Et rien qu’avec son regard, elle arrivait à jouer les pauvres victimes de la situation. Alors que c’était elle qui avait choisi d’aller à Saint Quentin ! Elle qui avait choisi de défendre Ward sous prétexte qu’il avait soi-disant un bon fond. Dans ma bataille contre Ward, je n’avais eu aucun soutien de sa part et sa visite à la prison avait été la goutte qui avait fait déborder le vase.

J’essayais d’expliquer ça à Grant, mais il refusait catégoriquement n’importe quelle explication. Je pouvais le comprendre. Il avait d’abord été ici, puis il avait été avec son père et Sky, puis séparé de Sky, puis séparé de Ward.

On ne pouvait pas dire que j’étais à la hauteur, pour ce gamin… Mais il fallait qu’il comprenne que cette dernière séparation était indispensable.

Nell me dégoûtait rien qu’avec son regard. Elle me donnait envie de gerber. Elle me regardait comme si j’étais un monstre alors que sous ses airs angéliques, c’était elle, le monstre…

La traîtresse…

Grant finit par filer en haut au moment où le taxi klaxonnait… Et je suivis son mouvement, montant les escaliers quatre à quatre sans même plus me soucier de Nell. Je savais que quand je redescendrais, elle serait partie et toutes ces conneries, ce serait fini.

Mieux valait être seul que mal accompagné.

Grant ferma violemment la porte de sa chambre derrière lui au point que je me la pris presque dans le nez.

-Grant !

Je posai mon front sur la porte… Je l’entendais fouiller dans ses affaires. C’était déjà un fugueur et j’étais sûr que tout ça allait provoquer une autre fugue. Je lui avais retiré la clé de sa chambre donc il ne pouvait pas la verrouiller, mais je respectais le fait que là, il préférait que je reste dehors.

-Grant, il faut qu’on parle… Nell n’est pas quelqu’un en qui on peut avoir confiance. Je sais que tu l’aimes bien mais elle a fini par tout foutre en l’air…

Je serrai les dents.

-Et en plus, elle essaye de se donner le bon rôle… Ou du moins celui de la victime… Alors qu’elle est aussi coupable que moi.

Je soupirai.

-Je peux entrer ?

@ Billy Lighter

Jordan aimait plus Nell et Nell n’aimait plus Jordan. Enfin, c’est ce que Jordan disait parce que Nell disait à Jordan de pas parler pour elle. Mais lui, il faisait toujours comme il voulait. On devait tous faire ce que Jordan veut.

Et j’en ai marre.

Moi, je ne veux pas que Nell parte. Mais ils étaient décidé. Jordan me donnait plein d’explications débiles mais Nell, elle disait pas qu’elle voulait rester. Elle avait déjà ses bagages et était prête à partir. Elle disait qu’une séparation c’était pas facile mais que ça ira.

Non.

Moi, j’en avais marre. Il y a jamais rien qui reste la même chose. Je vivais bien chez Maman et puis elle est morte. Puis, on m’a envoyé ici. Je voulais pas. J’ai quand même vécu avec Jordan. Il m’a donné une babysitter que j’aime bien. Puis, il l’a viré parce que LUI l’aimait plus. Puis, j’ai accepté Nell parce que Jordan l’aimait. Puis, je suis allé chez mon père avec Sky parce qu’un juge l’a décidé. Puis, je suis revenu ici parce qu’un autre juge l’a décidé. Puis, maintenant, Nell s’en va parce que Jordan ne veut plus la voir.

Ma vie et je décide rien ! Je n’aimais pas ça du tout !

-Non ! Ça n’ira pas !

Le taxi arriva ensuite… Nell voulait que je l’aide mais je n’avais pas envie. Moi, je finis par me bouger de la porte et grimper dans ma chambre. Moi, je n’aimais pas ça. Moi, j’en avais vraiment marre maintenant.

Je ne répondis pas à Jordan qui m’appela. Je fermai la porte de ma chambre et commençai à faire mes bagages. Moi, j’allais partir.

J’entendis Jordan grimper les escaliers. Il ouvrit pas la porte mais me dit qu’il fallait qu’on parle. Et si moi j’ai pas envie de parler, hein ?! Il s’en fiche de ce que j’ai envie ou non.

Il disait que Nell était pas de confiance. Il avait dit ça aussi avec Sky… Chaque fois que j’aime bien quelqu’un, il finit par la virer. Il disait des choses méchantes sur Nell avant de me demander s’il pouvait entrer.

J’ouvris la porte le foudroyant du regard.

-Bah pourquoi t’es pas entré, hein ? Tu m’as volé ma clé… Tu veux pas que j’aie de clé. Tu décides tout pour moi.

Et je laissai la porte grande ouverte avant de continuer à faire mes bagages dans des gros sac.

-Moi, j’aimais bien Nell. Elle est gentille avec moi. Moi, je vois pas pourquoi tu as plus confiance en elle. Toi, tu finis toujours par virer les gens que j’aime biens alors je me casse.

Voilà. Je me casse.

-Je vais aller vivre chez Amon. Lui, il contrôle pas tout ce que je fais. Moi, je dirais au juge que je veux vivre là-bas tant que mon père est en prison. Après, je retournerais chez mon père. Moi, je dirais au juge que tu vire tout le monde et que tu dis des choses méchantes sur Nell. Elle est gentille. Tu es méchant. Je me casse.

Je fermai mes sacs.

-Et si toi, tu m’en empêche, moi, j’appelle la police.

@ Billy Lighter

Alors que j’avais le front sur la porte de la chambre de Grant, je me fis une promesse à moi-même : je ne me remettrais plus jamais en couple. Jamais. Si c’était pour supporter les états d’âmes injustifiés d’une bonne femme hystérique à longueur de journée, non merci.

J’étais resté célibataire longtemps. Et maintenant, je me rappelais pourquoi. Le suicide de Roxxy aurait du me vacciner à vie pourtant.

Je fus surpris quand la porte s’ouvrit sur le garçon et failli tomber en avant, me rattrapant de justesse. Sincèrement, je ne pensais pas qu’il m’ouvrirait.

Et ce fut d’une voix calme que je répondis à sa question. Pourquoi je n’étais pas entré vu que la porte n’était pas verrouillée ?

-Parce qu’avoir la clé ne me donne pas le droit de violer ton intimité à tout bout de champ, Grant.

Je lui parlais d’une voix calme, soulagé à l’idée que je n’aurais plus à me demander tout le temps ce que je faisais de bien ou de mal avec Nell. J’avais très certainement merdé quelque part, mais, ce qu’elle ne semblait pas accepté dans sa petite tête, c’était qu’elle avait merdé autant que moi.

Grant se remis à faire ses bagage, me laissant la porte grande ouverte pour entrer. Je fis quelques pas dans la chambre de l’enfant avant de me laisser tomber lourdement sur son lit.

Il m’expliquait qu’il aimait bien Nell et que je virais toujours les gens qu’il aimait bien…

-Tu veux la vérité, Grant ?

Je regardai le garçon avec un regard posé… Autant lui dire la vérité, parce que les mensonges laissés en suspens se mettaient toujours à suinter et à puer à un moment donné.

Autant crever l’abcès tout de suite.

-Ta mère voulait que je te protège de ton père. Or, Sky, j’ai du l’éloigner parce qu’elle voulait que vous formiez à nouveau une famille. Elle s’est carrément mariée à ton père et elle s’en mord les doigts maintenant.

Je déglutis.

-Et Nell, plutôt que d’accepter l’aide que je pouvais lui fournir en allant voir des gens qui pouvaient vraiment l’aider, elle a préféré aller donner du bon temps à ton père à Saint Quentin. C’est ça, sa trahison.

Je haussai les épaules.

-Comme si Ward pouvait aider les gens, sérieux.

Grant, lui, voulait aller chez Amon. Je soupirai…

-Très bien, vas chez Amon…

Tant que je savais où il était, ça me convenait. Et puis j’avais confiance en l’entraîneur de Grant. Je savais ce qu’il pensait de Ward.

Je souris à Grant.

-Tu es assez grand, maintenant. Mais quand tu voudras revenir, tu auras ta place ici, bien au chaud.

Ouais, parce que Grant pouvait bien penser qu’il allait « vivre » chez Amon, je doutais que le grand Danois soit vraiment d’accord avec ça. Mais peut-être qu’un regard extérieur sur la situation aiderait Grant à y voir plus clair.

Je me levai.

-Je te laisse faire ton sac.

@ Billy Lighter

Jordan m’avait suivi en haut et demandait s’il pouvait entrer. Moi, je savais pas pourquoi il demandait ça alors qu’il m’avait volé ma clé. C’est ce que je demandai après lui avoir ouvert violement la porte. Il disait que c’est pas parce que j’avais pas la clé qu’il devait entrer comme ça quand il voulait. Je roulai des yeux.

-Pour le reste, tu t’en fiches de ce que je pense.

Je continuai à faire mes bagages. Moi, j’allais partir et si Jordan m’en empêchais, moi, j’appellerais la police. Je leur dirais que Jordan me frappe et le tour sera joué. Moi, avec tout ce qu’il c’était passé, j’avais bien compris comment marchaient les choses.

J’avais aucun regard pour Jordan. Juste pour mes affaires que je mettais dans mes sacs. Mes vêtements, mes dessins… Tout. Parce que je comptais JAMAIS revenir ici.

Moi, je disais que j’aimais bien Nell. Et que Jordan virait toujours les gens que j’aimais bien. Sky… Maintenant Nell. Moi, j’en avais marre de vivre ça.

Jordan me demanda si je voulais la vérité.

-Oui ! Moi, je te la demande depuis tantôt mais tu expliques rien !

Je dis ça sur un ton de mauvaise humeur. Il parla alors de ma mère. Je roulai des yeux. Il parle toujours de ma mère pour expliquer ce qu’il fait et ça m’énerve.

Qu’il laisse ma Maman tranquille !

Il parla de Sky et de mon père. Je le laissai dire avant qu’il n’explique pour Nell. Nell est allé voir mon père à Saint-Quentin. Et c’est pour ça que Jordan l’aimait plus.

Je me redressai et regardai Jordan droit dans les yeux.

-Toi, tu détestes mon père. C’est pas pour ça que tout le monde le déteste. C’est pas pour ça que tout le monde doit le détester. Moi, j’en ai marre que tout le monde doit faire ce que TU veux. Moi, j’aimais bien Nell et j’aime pas qu’elle soit partie et que tu lui a dit des choses méchantes ! Tu dis que mon père est un méchant mais tu l’es aussi !

Alors, je voulais aller chez Amon. Jordan accepta. Il disait que j’étais assez grand. Oui. Je l’étais. Il disait que si je voulais revenir, je pourrais.

-Je reviendrais jamais.

Il se leva alors pour me laisser faire mon sac. Je le fis ne laissant quasi rien derrière moi. Et quand ce fut fait, je descendis.

-Le bus est dans 30 minutes mais, moi, je vais attendre dehors. Comme Nell.

Et je m’en allai sans dire « au revoir ». J’étais trop fâché pour ça.

@ Billy Lighter