-L.A.NORTH541 pour Central !

Je conduisais notre voiture de patrouille, ce fut donc Conrad qui prit la radio pour répondre.

-L.A.NORTH541 écoute.

La radio grésilla et la voix autoritaire de Lynda du dispatching se fit à nouveau entendre au-dessus de Fireworks qui passait sur la radio FM.

-Vous avez ordre de rentrer tout de suite au poste. Je n’en sais pas plus, mais cela semble important.

J’échangeai un regard interrogateur avec Conrad qui haussa les épaules.

-Ok on rentre tout de suite, Central.

Je fis demi-tour, direction le commissariat… Je roulais normalement. Lynda avait dit « important », pas « urgent », c’était inutile de mettre nos vies et la vie des autres en danger. N’empêche que le trafic de nuit était fluide voire inexistant par endroit donc on fut vite de retour au commissariat.

En sortant, Conrad me demanda :

-Qu’est-ce qu’il se passe, à ton avis ?

Je secouai la lèvre en pinçant les lèvres.

-J’en ai foutrement aucune idée.

Mais quand j’entrai dans le commissariat, juste à côté du bureau vide de Katy qui ne faisait pas la nuit aujourd’hui, je vis Nell et Grant assis sur les chaises de la petite salle d’attente. Ça, ce n’était pas normal. Oubliant totalement mon binôme, je me précipitai vers eux et pris Nell, qui s’était levée en me voyant, dans mes bras.

Puis je m’accroupis pour prendre le visage de Grant entre mes mains. Nell semblait terrorisée, elle tremblait. Mais Grant, lui, semblait plutôt… fier ?

-Ça va ? Qu’est-ce que vous faites là ???

Je repris Nell dans mes bras… Elle tremblait comme si elle crevait de froid et semblait incapable de parler…

Mon chef arriva alors.

-Ah Jordan ! Tu es là. Nous devons interroger ton fils, mais pour ça, il nous fallait la présence d’un tuteur légal et comme Mademoiselle Harris n’a pas ce titre, on a été obligé de te rappeler. Vous voulez bien entrer dans la salle ? Tous les trois…

Je regardai alors Grant…

-Qu’est-ce que tu as fait, Grant ?

Mon chef soupira…

-C’est ce qu’il va nous raconter. Entrez dans la salle, je vous prie.

Je pris la main de Nell pour la rassurer.

-Ok…

Je posai mon autre main sur la tête de Grant et le poussai un peu pour l’inviter à entrer dans la salle austère…

Une fois installés, le chef s’adressa à Grant.

-Alors, Grant, raconte-nous ce qu’il s’est passé cette nuit, s’il te plait.

@ Billy Lighter

Cela n’avait pas été long avant de voir débarquer voitures de police et ambulance à la maison, toutes sirènes allumées. Policiers et ambulanciers avaient pris la situation en mains et Grant et moi fûmes escortés hors de la maison. J’avais remarqué les voisins sortis sur le perron avant de leurs demeures, curieux de voir ce qui se passait chez le policier d’à côté. Ça n’allait pas manquer d’alimenter les conversations autour de la machine à café.

Une fois au poste, on nous installa dans une petite salle d’attente près de l’entrée. Mes mains tremblaient, je me repassais les évènements en boucle dans ma tête malgré moi. Grant lui, semblait tout détendu. Je savais qu’il se disait avoir bin agit, qu’il avait fait ça pour me protéger et oui, ça, c’était héroïque et je ne pouvais pas le lui reprocher. Cependant, je ne pouvais m’empêcher de me dire qu’il avait eu une arme à feu en sa possession et qu’il n’avait pas hésité à tirer sur un homme.

Jordan arriva et je me levais pour me réfugier dans ses bras une toute petite seconde, mais une seconde dont j’avais cruellement besoin. Ensuite Jordan dirigea son attention sur Grant avant de me reprendre contre lui. Il devait se poser un million de question et chercher à comprendre ce que nous faisions là en pleine nuit. Personne ne lui avait expliqué mais le temps de trouver les mots et la force de calmer mes tremblements, le chef de Jordan nous interpella et annonça que qu’il devait interroger Grant en la présence de Jordan puis nous invita à entrer dans la salle d’interrogatoire, tous les trois.

Jordan prit ma main et tous entrâmes tous les trois, à la suite du chef dans la pièce. Mon cœur battait vite et fort et tout ce qui se passait dans ma tête me donnait l’impression qu’elle allait bientôt exploser.

Une fois tous installés, le chef interrogea Grant sur ce qui s’était passé et, par reflexe, je serrais plus fort la main de Jordan alors que je l’autre, je ramenais une couette de mes cheveux derrière mon oreille. Je baissais les yeux et constatais que je portais toujours le t-shirt de Jordan mais je ne me souvenais pas quand j’avais enfilé un pantalon de pyjama aux motifs de licornes. Je devais être drôle à voir, dans les circonstances.

Que s’était-il passé cette nuit…

Même moi je ne saurais même pas par où commencer.

J’avais été au lit, j’avais plié un panier de lessive et j’avais lu un peu. Avais-je lu ? Je n’étais même plus certaine ! Je m’étais endormie et ensuite, je m’étais réveillée en sursaut parce qu’un bruit m’avait fait peur. Un bruit qui tait gravé dans ma mémoire et que je n’oublierais pas de sitôt, tout comme je n’oublierais pas les images qui avaient suivies. Je revoyais l’homme au sol, la grosse tache de sang sur son chandail et le sang qui filtrait entre ses doigts portés sur son épaule. Le fusil entre les mains de Grant et son regard qui ne laissait aucun doute sur ce qu’il ressentait.

De la satisfaction et de la fierté.

Je laissais Grant donner sa version au chef en espérant que je n’aurais pas à le faire, en tous les cas, pas devant Grant. Je ne saurais pas m’exprimer clairement devant lui sans heurter ses sentiments. Je ne voulais qu’il m’entende dire que je ne comprenais pas comment il avait pu tirer et ressentir de la satisfaction de l’avoir fait. Qu’un gamin de son âge ne devrait pas savoir se servir d’une arme et qu’il ne le saurait pas si je n’avais pas tenté d’atténuer la personnalité de Ward Fleming.

Autrement dit, tout ça était de ma faute !

@ Billy Lighter

La police était venue… L’ambulance aussi… Entre temps, Nell m’avait lâché alors qu’elle me serrait dans les bras. Le type se plaignait toujours alors que les ambulancier s’occupait de lui après nous avoir demandé si on allait bien.

J’allais très bien ! Moi, je déclarai que le type avait volé et que, maintenant, il ne volerait plus.

La police parla au sale voleur. D’ici, je compris que le méchant type parlait de moi. J’aimais pas sa voix. Il m’énervait.

Nell tremblait toujours… Elle m’a quitté un moment pour aller mettre un pyjama quand un des policiers nous a dit qu’ils allaient nous emmener au commissariat. Je souris pendant que Nell était partie sans rien dire. Moi, je crois qu’elle avait toujours peur… La police est là et le type est avec les médecins. Moi, je crois que tout va bien maintenant.

Je vis un des policiers prendre mon pistolet que Nell avait laissé sur un meuble pour le mettre dans un sachet… Je fis la moue. Un autre s’adressa à moi.

-Toi et Eleanor, vous allez venir avec nous, d’accord ? Il va falloir qu’on parle de ce qu’il s’est passé, tu es d’accord Grant ?

J’hochai de la tête et je souris. Oui. Je voulais bien expliquer à la police que je les avais aidé. Comme Batman. Je crois que j’avais déjà vu le policier qui me parlait quand j’étais allé travailler avec Jordan. Je me rappelais plus bien de lui mais lui se rappelait de moi.

Nell revint un peu après avec un pyjama licorne et le t-shirt de Jordan. Je levai un sourcil. Son pyjama était bizarre. Le mien, c’était des battes de baseball et des balles dessus. Pourtant, je m’en fiche du baseball en fait.

C’est en pyjama qu’on grimpa dans la voiture des policiers. Je souris toujours jusqu’à-ce qu’on arrive dans le commissariat. Je le connaissais par cœur le commissariat et le policier nous demanda de nous asseoir dans la salle d’attente…

Et on attendit… Moi, je ne bougeai pas d’un millimètre. Je souriais toujours. Moi, j’espérais que Jordan allait arriver… Oh, ou le type ! Je voulais le voir aller en prison.

A un moment donné, Jordan arriva. Il avait l’air inquiet et serra Nell dans ses bras qui tremblaient depuis tantôt. Je souris un peu plus en le regardant. Il ne savait pas ce qu’il s’était passé.

J’allais le dire.

Mais un policier arriva disant qu’on devait m’interroger. Moi, je crois que je devais dire que j’avais vu l’homme voler chez nous. Qu’il était méchant et que je l’avais neutralisé pour les policiers.

Il voulait que je raconte dans la salle. J’hochai de la tête.

-D’accord…

Jordan demanda ce que j’avais fait… J’allais répondre dans la salle vu que l’autre flic voulait que je raconte tout. Moi, je voulais bien. Le policier dit à Jordan que c’est ce qu’on allait faire : lui dire.

Oui.

On entra et Jordan me poussa un peu. Je m’installai sur une chaise. La pièce était pas belle. Moi, je savais pas pourquoi on devait parlé ici et pas dehors…

Puis, le policier me demanda ce qu’il s’est passé.

Je souris.

-Moi, j’étais dans ma chambre. Nell aussi. Moi, j’ai entendu un bruit. Je savais que c’était pas Nell parce qu’elle était pas sortie de sa chambre et je savais que Jordan allait pas rentré maintenant. Alors, moi, je me disais que quelqu’un était entré. J’ai pris mon fusil et je suis descendu doucement pour pas que le type m’entente. Là, j’ai vu que le type avait un gros sac et fouillait dans les tiroirs. Il volait nos affaires.

Oui. Je pense qu’il volait.

-Il s’est retourné et m’a vu alors j’ai tiré avec le fusil pour pas qu’il me tue avant.

Je mimais le geste fermant un œil pour montrer comment j’avais visé. Après, je repris mon air fier.

-Il est tombé et se plaignait d’avoir mal. Nell est arrivée et on a appelé la police. Le voleur va aller en prison, maintenant ?

Je regardai Jordan.

-J’ai eu le voleur. C’est bien, non ? J’ai protégé Nell.

@ Billy Lighter

Quand on s’assit dans la salle d’interrogatoire, Nell tremblait tellement qu’elle ne savait même pas articuler un mot. Elle restait muette comme une carpe. Normalement, la situation aurait voulu que Grant se place entre elle et moi mais vu son état, je m’étais mis entre elle et Grant et lui avait pris la main.

Grant, lui, n’avait pas l’air de devoir être rassuré, bien au contraire ! Il était tout sourire… Jamais je ne l’avais vu sourire autant ! Il avait l’air fier !

Et tout ça ne me disait rien de bon.

Je posai nos mains entrelacées sur ma cuisse et la pressai légèrement, comme pour rendre ma présence plus tangible.

Mon chef s’adressa à mon pupille. C’était à lui de raconter ce qui s’était passé… Pourquoi pas à Nell ?

Je ne tardai pas à le savoir alors que Grant se mit à raconter son histoire. C’était une histoire assez simple : Grant avait surpris un voleur et lui avait tiré dessus…

Je regardai l’enfant avec de grands yeux alors qu’il me demandait s’il avait bien fait, ajoutant qu’il avait protégé Nell ?

Et je n’avais aucune idée de quoi lui répondre…

-Grant…

Il avait dit que l’homme sur qui il avait tiré s’était plaint d’avoir mal…

-Tu ne l’as pas tué quand même ?

J’avais parlé dans un souffle presque inaudible.

Ce fut mon chef qui me répondit.

-Le voleur a été transporté à l’hôpital et sera amené devant le magistrat pour répondre de ses actes dès que son état de santé le permettra.

Je soupirai de soulagement. Grant n’avait pas tué, mais il avait goûté au sang. Je comprenais mieux son air fier maintenant.

-Mais… Avec quelle arme ? La seule que je possède est mon arme de service et je l’avais sur moi puisque je travaillais. En plus, quand je suis à la maison, mon arme est dans un coffre, démontée et pourvue d’un gunlock.

Il serait donc tout à fait impossible que Grant y ait accès.

Le chef posa alors un lourd sac en plastique sur la table… il contenait un Desert Eagle de calibre .50… Une arme que je n’avais jamais vue, puisqu’elle ne m’appartenait pas.

Je regardai Grant.

-Où tu as eu cette arme, Grant ?

@ Billy Lighter

Lorsque Jordan arriva, je cru que j’allais me sentir mieux, que je pourrais cesser de retenir mon souffle mais j’avais tort. Ma nervosité grimpa d’un cran, ce que je ne pensais pas possible et je continuais de trembler et je ne parvenais pas à réchauffer mes mains glacées. Ce fut pire encore quand le chef nous demanda de le suivre dans la salle d’interrogatoire et que Grant commença son récit comme s’il décrivait une belle journée à la pêche.

Il était fier de m’avoir protégé et jusqu’à un certains point, je lui en étais reconnaissante. Au fond de lui, il croyait avoir fait ce qu’il devait faire. Je ne pouvais pas nier que c’était bien ce qu’il avait voulu faire. Le fait était qu’un enfant qui tire sur un adulte, bien que l’adulte en question soit menaçant, et qui vit cette expérience avec fierté était plus que troublant. Pour Grant, c’était comme s’il s’attendait de recevoir la médaille de bravoure.

Quand il mima le geste de tirer sur le voleur, je fermais les yeux et une larme coula sur ma joue.

Tout ce qu’il disait l’emplissait de fierté.

Évidement que de me porter secours était héroïque. Peut-être que si j’étais sortie de ma chambre avant Grant, l’homme aurait été plus agressif. Je ne savais même pas s’il était armé et s’il aurait pu me tirer dessus. Tout avait été si vite que je n’avais même pas songé me questionner là-dessus. Est-ce que ça demeurait de la légitime défense en ce cas ?

Jordan demanda d’une voix qui me semblait osciller entre diverses émotions, s’il avait tué le voleur. L’homme vivait et comparaitrait dès que son état de lui permettrait. D’un côté, j’étais soulagée d’apprendre que sa vie n’était pas en danger mais de l’autre, j’étais un peu terrifié de ce qu’il allait dire. Toutefois, le fait qu’il soit en vie éviterait un meurtre à Grant pour son premier tir…

Était-ce son premier tir ?

Puis quand Jordan demanda avec quelle arme Grant avait pu tirer sur le voleur, son chef plaça le flingue, emballé dans un sac transparent, devant nous. Je détournais le regard et essuyais une nouvelle larme du revers de ma main. Jordan, dans la foulée, lui demanda où il s’était procurer cette arme et je craignais en fait que de poser la question, était d’y répondre.

Il devait l’avoir eu de son père.

Par qui d’autre ?

Qui d’autre pouvait avoir l’idée d’offrir une arme à un enfant de dix ans si ce n’était pas son père ? Il ne pouvait pas l’avoir acheté dans la rue quand même !? Nous ne lui donnions pas assez d’argent de poche. À moins qu’il nous en ai volé mais je refusais de croire qu’en plus de tout ça, Grant soit lui-même un petit voleur en devenir.

Je restais muette, le temps que Grant réponde à toutes les questions que Jordan et son chef pourraient avoir. De toute façon, ébranlée comme je l’étais, j’allais avoir du mal à enligner correctement une phrase !

@ Billy Lighter

On était dans une petite pièce pas très belle et c’est là que le policier, Jordan et Nell me regardèrent et voulaient que j’explique ce qu’il s’était passé. Je souris et me mis à raconter ce qu’il s’était passé. Moi, j’avais entendu le voleur, j’avais pris le fusil et j’avais tiré sur le voleur pour protéger Nell. Voilà. Simple.

Mon sourire était toujours fier et je m’attendais à ce que Jordan soit content parce que j’avais protégé Nell… Mais il faisait une drôle de tête alors que je vis que Nell, elle sécha une larme… Jordan souffla mon nom et demanda si j’avais tué le voleur. Je pris un air confus. Pourquoi il demandait ça ? Ça avait pas d’importance… Ce qui en avait c’était que Nell et moi on était en vie parce que j’avais fait comme Batman.

Je fixai Jordan et j’allais répondre que le type était pas mort mais l’autre policier parla avant moi. Il disait que le type était à l’hôpital et qu’il devra répondre de ses actes quand il ira mieux. Je souris à nouveau en hochant de la tête.

-Oui. Il ira en prison parce que c’est un voleur.

Mon regard passa de Jordan et Nell… Nell avait l’air d’avoir toujours peur. Moi, je comprenais pas pourquoi vu que le voleur était en prison. Et Jordan, il était toujours confus ce que je comprenais pas non plus…

Moi, j’avais bien fait !

Et Jordan se demanda avec quelle arme j’avais fait sa parce que la sienne était toujours dans un coffre ou avec lui. Le policier sortit alors mon arme qu’il avait pris chez nous et mis dans un drôle de sac avant de le poser sur la table. Moi, je crois qu’il devra me le rendre après… Je sais même pas pourquoi il l’a prise.

Jordan me fixa.

Il demanda où j’avais eu l’arme.

Ils me regardaient tous… Ils me jugeaient tous… Et mon regard fier changea pour se fermer complètement. Je repris mon ton monotone. Moi, je pensais que Jordan serait content.

Mais il est JAMAIS content ! Moi, je fais rien de bien pour lui.

-Moi, quand on est allé chercher les affaires chez moi avec Sky et toi, je l’ai pris dans un tiroir dans le salon. Moi, je me suis dit qu’il me le fallait pour protéger Nell et les gens que j’aime bien. Je l’ai ramené et je l’ai mis dans MON tiroir.

Celui qui ferme à clé.

Il y avait plein de pistolets chez mon père. Dans des tiroirs. Alors, suffisait que je le prenne et c’est tout. Personne me l’a donné, je l’ai pris. Moi, j’ai eu raison parce que le voleur est neutralisé.

Je fixai le policier.

-Vous, vous pourrez me le rendre après. C’est à moi.

Ce n’est pas une question. Il devra me le rendre sinon, c’est du vol. Mon ton, d’ailleurs, montrait que je voulais très fort récupéré mon beau fusil.

Je fixai Nell et puis Jordan.

-Pourquoi, toi, tu n’es pas content de moi ? J’ai fait comme Batman…

@ Billy Lighter

Je sentais la crispation de Nell et lui jetai un coup d’œil juste à temps pour voir une larme dégouliner sur sa joue. Je ne savais pas quoi penser de ce que Grant venait de raconter. Il avait protégé Nell et s’était protégé lui-même, ça, c’était clair. Et je comprenais la manœuvre de Grant.

Mais on parlait quand même d’un enfant de dix ans qui ne s’était pas contenté de pointer une arme sur quelqu’un. Il avait tiré, et apparemment sans aucune hésitation.

Je caressai la main de Nell de mon pouce, mais pour l’instant, je ne pouvais pas faire plus pour la consoler. Je voulais comprendre comment on en était arrivés là et les conséquences que ça aurait.

Fort heureusement, Grant n’avait pas tué. Il avait juste blessé l’homme qui avait essayé de nous voler. Et apparemment, ce dernier point ne faisait aucun doute puisqu’il allait être déféré devant un magistrat.

Et Grant confirma…

Je secouai la tête, comme pour essayer de me remettre les idées en place.

Je demandai alors à Grant où il avait trouvé l’arme que mon chef venait de poser sur la table. Ce n’était pas une arme à moi. La seule arme que je possédais, je l’avais à l’instant sur moi puisque j’avais été interrompu en plein service et que j’étais toujours en uniforme.

Alors je demandai à Grant où il l’avait eue.

Chez son père… Forcément… Le sourire de Grant avait disparu… Il avait repris son air neutre. Je l’écoutai expliquer puis demandai au chef…

-Le voleur était armé ?

Mon chef hocha négativement la tête.

-Non… Mais Grant ne pouvait pas le savoir. Et vu son âge, l’affaire sera automatiquement classée comme légitime défense. Et comme toi, Jordan, tu jures en étant un policier assermenté que tu ne possèdes pas d’autre arme que ton arme de service et que ça correspond aux déclarations de Grant, vous n’aurez pas de problème.

Je soupirai de soulagement, même si Grant voulait qu’on lui rende son arme après…

Puis il demanda pourquoi je n’étais pas content de lui… Je le regardai alors dans les yeux, sans colère, sans reproche…

-Grant… Je sais que tu as voulu bien faire… Et tu as fait ton job : protéger Nell et te protéger toi.

Je soupirai encore, cherchant mes mots.

-Mais regarde dans quel état est Nell. Regarde où on en est… Il faut que tu comprennes que, de un, à ton âge, tu ne peux pas posséder une arme… Et aussi que… qu’on appuie pas sur la détente à la légère.

Je pinçai les lèvres.

-J’ai peur que tu te mettes à aimer ça.

@ Billy Lighter

Les images des évènements repassaient dans la tête comme un film sans fin. À partir de la finale de Ghostbuster jusqu’au moment où policiers et ambulanciers était entrés dans la maison pour recueillir le malfaiteur et nous embarquer, Grant et moi, pour nous amener au poste. Sans pouvoir m’en empêcher, je me répétais que j’aurais dû rester réveillée et à l’affût. Pourtant, ce n’était pas la première nuit que Jordan passait au poste et que je restais seule à la maison avec Grant et jamais je n’étais restée debout au cas où.

Ce qui s’était passé cette nuit, personne n’avait pu le prévoir. Je ne devais donc pas me sentir fautive pourtant, je ne sentais ainsi sans savoir exactement pourquoi. Ou peut-être qu’en fait, j’en avais une petite idée mais que je n’étais pas encore capable de l’admettre.

Grant fut interrogé par le chef de Jordan en notre présence et il répondait avec aplomb, fier de lui et heureux d’avoir été Batman. Son geste avait été héroïque, là n’était pas le problème. Je lui était reconnaissante d’avoir su se montrer brave, qui sait ce qui aurait pu se produire si le voleur avait été frustré de ne rien trouver.

Je frissonnais bien malgré moi pendant le récit de Grant en me répétant que quelque nous nous avait échappé, à Jordan et moi. Comment se faisait-il que Grant se soit retrouvé avec un pistolet caché dans sa chambre ? Comment se faisait-il aussi qu’il eu su comment s’en servir, retirer le cran d’arrêt, le charger, viser et tirer. À son âge, je me bâtissais des château imaginaire et des robes dignes des grands palais Autrichien. J’étais bien loin de savoir comment utiliser une arme.

Les intérêts de Grant était tous autres. Plus violents et plus primaires que ce que j’avais nourris à son âge. Il voulait être Batman pour défendre les gens contre la menace. D’un autre côté, il ne canalisait pas sa fougue et ne parfait pas à prendre des décisions éclairées. Est-ce que Batman le faisait, ça ? Je n’en savais rien, c’était trop confus et abstrait immédiatement, dans ma tête pour que je parvienne à tirer mes émotions et que je puisse être en mesure de gérer la situation correctement.

Tout ce que je revoyais, c’était Grant tenant fermement et fièrement le pistolet devant lui, fier d’avoir pu tirer.  

Il nous expliqua avoir prit l’arme chez son père, quand ils étaient allés lui, Jordan et Sky, chercher leurs effets chez Ward après la plainte de Sky. C’était évident que le pistolet venait de là, il n’appartenait pas à Jordan comme il l’avait bien expliqué et j’étais la dernière personne sur cette terre qui en posséderait une !

Je crois avoir retenu mon souffle quand Jordan demanda si le voleur était armé et que le chef répondit que non. Malgré tout, Grant ne pouvait pas le savoir et par conséquent et vu son âge, ce serait considéré comme de la légitime défense. Je voulais bien le croire, n’en demeurait pas moins qu’à son âge, on se défend en appelant à l’aide, avec un tire-roche tout au plus mais pas avec une arme chargée !

Je baissais les yeux alors qu’offusqué, probablement parce qu’il se sentait plutôt accusé qu’honoré, Grant demanda pourquoi Jordan n’était pas content avec qu’il avait fait comme Batman. Trouver les mots n’étaient pas simple mais Jordan le fit avec une certaine douceur, probablement qu’il se sentait autant perdu que moi dans tout ça. Il commença par souligner l’intention derrière le geste, c’était important de le faire. Mais il devait aussi comprendre pourquoi nous étions, du moins pourquoi moi j’étais ébranlée. Le fait de prendre une arme et de tirer sans hésitation, ce n’était pas anodin. Nous allions devoir en parler encore et encore puisqu’il ne serait pas simple de faire comprendre ça à Grant. Surtout que, comme venait de le souligner Jordan, le petit pouvait bien y avoir prit goût à sa première expérience.

- Est-ce que… Grant ? Est-ce qu’il y a d’autres armes à la maison ?

S’il en avait ramené une, il pouvait bien en avoir ramené deux.

@ Billy Lighter

Moi, je comprenais pas pourquoi Jordan me félicitait pas… Il était confus et, moi, maintenant, je l’étais aussi… J’avais protéger Nell du voleur… Il devrait être content, non ? Il devrait être fier de moi. Mais c’était pas le cas.

Jordan était JAMAIS content.

Du coup, je repris mon air neutre. Moi, j’étais très déçu. Je trouvais ça injuste. Et c’est d’un ton monotone, sans plus aucune fierté, ni rien du tout, que j’expliquai comment j’avais eu le fusil. Moi, je l’avais pris chez moi. Il y avait toujours plein de de fusil chez moi. Enfin, chez mon père… Maintenant, je vivais plus là-bas vu que mon père est en prison.

J’expliquai ça avant de dire que je voulais le récupérer avant de partir. Moi, je savais même pas pourquoi les policiers avaient pris mon fusil et l’avait mis dans du plastique. Pourquoi le mettre là-dedans ?

Je ne comprenais rien… Moi, je comprenais que Nell ait eu peur du voleur mais je comprenais pas pourquoi elle avait encore peur maintenant et pourquoi Jordan était confus et pas fier.

Jordan demanda à l’autre policier si le voleur était armé. Moi, je savais pas s’il l’était. Moi, j’avais tiré avant. Il faut toujours tirer avant. Le policier disait que non mais que j’aurais pas pu savoir. J’hochai de la tête. Oui. J’aurais pas pu savoir. Il disait qu’on aura pas de problème. Je levai un sourcil.

-Oui. Pas de problèmes. Normal. Moi, j’ai sauvé Nell et moi.

Le voleur, lui, allait aller en prison. Moi, je pense que c’est ce qu’il va se passer. Il ne viendra plus JAMAIS voler chez moi.

Mais je fixai, ensuite, Jordan et lui demandai pourquoi il était pas content. Je plissai des yeux quand il dit qu’il savait que j’avais voulu bien faire et que j’avais fait mon job.

-Oui. J’ai protéger Nell et moi. C’est ce que je devais faire.

Mais il était quand même pas content… Parce que j’avais tiré. Moi, je devais faire quoi, alors, hein ?! Comment il voulait que je protège sans arme ? En criant ? En appelant la police ? Le voleur m’aurait vu et nous aurait tué. Moi, je comprenais pas Jordan ! Il m’énerve. Je fais jamais les choses bien pour lui.

Je me renfrognai alors qu’il disait qu’il avait peur que j’aime ça… Quoi ? Arrêter des voleurs ? Il fait ça tout le temps ! Pourquoi je pourrais pas aimer ça ?!

Il disait que je pouvais pas appuyé sur la détente à la légère.

Je tiquai… Puis Nell demanda si j’avais d’autres armes à la maison.

Je regardais toujours Jordan. Je penchai légèrement la tête sur le côté le fixant intensément avant de dire :

-Si tu hésites, tu meurs.

Mon père m’avait dit ça. Je devais tirer le premier. Pour ça, il fallait pas éviter.

-Moi, j’ai tiré le premier parce que c’est ce qu’il faut faire. J’ai protégé Nell. Moi, je comprends pas ce que tu voulais de moi ! Tu n’es JAMAIS content ! Toi, tu aurais voulu que le voleur nous tue ?! Moi, je comprenais pas ce que tu aurais voulu que je fasse.

Je fixai, ensuite, Nell, toujours fâché.

-Non. Moi, j’ai qu’une arme. Celle-là. Moi, je l’ai prise chez moi. Dans MA maison.

Je montrai le fusil.

-MON arme.

Et je fixai le policier et tendit la main vers lui.

-Moi, je peux la récupérer maintenant ? Je voudrais rentrer.

Oui. Je voulais ça. Tout le monde m’énervait ici. Jordan, il ne veut pas être content de moi. En fait, je crois qu’il me déteste.

Tout le monde me déteste.

@ Billy Lighter

J’étais littéralement sur le cul, bien plus que fâché sur Grant… Je ne savais pas quoi penser des évènements de cette nuit et je m’en voulais à mort de ne pas avoir été là, aux côtés de Nell. Peut-être que je n’aurais pas pu éviter ce qu’il s’est passé et que Grant aurait tiré quand même sur le voleur, mais au moins, elle n’aurait pas eu à affronter ça complètement seule.

Grant était maintenant fâché et frustré parce que je ne l’avais pas félicité pour sa « prouesse ». Il ne cessait de répéter qu’il avait protégé Nell et s’était protégé lui-même.

Est-ce que c’était mal ?

Non.

Mais ce qui m’effrayait, c’était le sang-froid avec lequel Grant avait agi et la fierté qu’il avait ressenti et clairement montrée.

J’aurais été plus rassuré s’il s’était passé exactement la même chose, mais que Grant aurait fini aussi tremblant que Nell.

Malgré tout, mon chef nous expliqua que même si le malfrat n’avait pas été armé, le geste de Grant serait automatiquement classé comme légitime défense. Je me détendis un peu…

Mais ça ne changeait rien au fait que mon pupille avait tiré sur quelqu’un et en retirait une grande satisfaction.

Puis, froidement, Grant affirma que si on hésitait, au tir, on était mort.

Et le pire, c’était qu’il avait raison. C’était ce qu’on apprenait aussi à l’académie de police, mais avec le temps et l’expérience, même les plus fous de la gâchette devenaient plus sages et savaient mieux estimer quand tirer et quand ne pas le faire.

Grant disait qu’il ne comprenait pas ce que j’aurais voulu qu’il fasse.

-Te cacher dans ma chambre avec Nell et téléphoner à la police avec le téléphone qui est dans la chambre. Voilà ce que j’aurais voulu que tu fasses.

J’avais dit ça sur un ton calme et un peu monocorde.

Nell posa alors une question des plus pertinentes ! Est-ce que Grant avait d’autres armes ? Mais apparemment non… Ce qui ne m’empêcherait pas de fouiller la maison de fond en comble en rentrant.

Grant voulait son arme, sa seule arme et il voulait rentrer.

Je regardai mon chef.

-Nous allons garder cette arme pour le moment, pour les besoins de l’enquête.

Je hochai la tête.

-Vous pouvez la garder à jamais.

Puis, je me tournai vers Grant.

-Quant à toi, je vais t’emmener au stand de tir une fois par semaine. Si tu veux une arme, il faut que tu apprennes toute la philosophie qu’il y a autour de la possession d’arme. Et quand j’estimerai que tu seras prêt et surtout, quand tu auras l’âge, alors peut-être que je t’autoriserai à avoir une arme.

Je regardai à nouveau mon chef.

-On peut y aller ?

Mon supérieur hocha la tête et ferma son calepin dans lequel il avait pris quelques notes.

-Bien sûr… Hey… Grant ?... Ecoute Jordan. C’est un bon gars. Peut-être qu’un jour tu rejoindras nos rangs puisque tu as conscience apparemment d’au moins la moitié de notre mantra : « Protéger et servir. »

Je serrai la main de Nell, posai mon autre main sur la tête de Grant et me levai.

-Merci, chef. Allez, on y va.

@ Billy Lighter

Moi, je comprenais vraiment pas ce que Jordan aurait voulu que je fasse. J’avais protéger Nell. Sans moi, peut-être, on serait mort. Moi, j’avais tiré parce que si je l’avais pas fait, peut-être, j’aurais été mort aussi. Il faut toujours tirer le premier. C’est mon père qui me l’a dit et je le crois là-dessus.

Ça m’énervait que Jordan approuvait pas. Ça m’énervait qu’il ne soit jamais content sur moi. Il disait que c’était bien d’avoir protéger mais mal d’avoir tiré.

Je dois faire quoi ?

Me cacher et appeler la police. Je roulai des yeux. Et si le voleur nous avait entendu et avait défoncé le porte ? Le temps que la police arrive, on faisait quoi ? Moi, je n’aimais pas la solution de Jordan. La mienne était mieux et plus rapide.

-Moi, je pense que le temps que la police arrive, on serait peut-être mort.

Oui. Moi, je pensais bien avoir fait la bonne chose. La preuve, même le policier disait que je m’étais défendu. C’est ça que j’avais compris qu’il avait dit.

Nell avait demandé si j’avais d’autres armes mais c’était pas le cas. Moi, j’avais besoin que d’une arme. Et je voulais qu’on me la rende. Mais le policier voulait pas me le rendre tout de suite. Il en avait besoin pour l’enquête puis me le rendra.

-Oui.

Mais Jordan voulait que la police le garde. J’envoyai à Jordan un regard très noir. C’était pas juste ! Vraiment pas juste ! Je serrai les poings. Mais je ne dis rien. Mon regard, c’était assez. Moi, je crois que Jordan, il veut juste me faire chier et c’est tout.

Il me regarda alors et dit qu’on ira au stand de tir. Mes poings se desserrèrent. Moi, je m’attendait pas à ce qu’il dise ça. Je le fixai penchant légèrement la tête sur le côté. Il disait que j’aurais une arme quand j’aurais l’âge. Je plissai des yeux.

-Mon je veux bien aller au stand de tir. Mon père m’apprenait à tirer. Je sais tirer. Je te montrerais.

Je dis ça d’un ton hautement supérieur. Moi, je montrerais à Jordan que je sais tirer et que je comprends bien tout. Même si je lui en voulais de pas m’avoir félicité…

L’autre policier accepta qu’on parte, mais, avant de partir, il dit que je devais bien écouter Jordan. Il disait que, un jour, je pourrais peut-être rejoindre la police. J’hochai de la tête.

-Oui. Protéger. C’est ce que j’ai fait. Moi, je l’écoute…

C’est lui qui me comprends pas. Même si je savais pas c’était quoi, en fait, l’autre moitié du mantra. Mais j’étais encore trop contrarié que pour demander.

Après ça, on s’en alla… J’avais attrapé un voleur. C’est tout ce que je voulais me rappeler d’aujourd’hui.

@ Billy Lighter