PATCH ! BANG ! BOUM !

C’est ça que j’avais entendu quand le pneu de ma voiture a explosé, que j’ai dérapé et que le flanc s’est pris un poteau de signalisation. J’avais été secoué mais je n’avais rien. Pas la moindre égratignure. Juste une sale envie de vomir parce que j’avais été secoué.

Je secouai ma tête toujours au volant essayant de comprendre ce qui avait bien pu se passer… Je revenais d’une fête… Il était 8h du matin… J’étais dans le cirage parce que j’avais picolé toute la nuit sans dormir une seule minute et voilà que mon pneu avait décidé que c’était une bonne idée d’exploser sans raison au beau milieu de ce foutu Eastside !

Oui ! L’Eastside ! Là où se trouve toute la misère de Los Angeles… Quoi que, non ! La misère se partage entre l’Eastside et South L.A. mais il faut bien dire que pour moi, tout quartier pauvre s’appelle « Eastside ». Donc, voilà ! C’était sur mon chemin et il avait fallu que ce pneu éclate là !

Une fois ma surprise passée, je sortis grimaçant un peu à cause des courbatures post-embardée. Ou de la nuit que j’avais passé, je ne sais pas trop… Bon ! Je sortis, donc, de mon Aston Martin V8 Vantage modèle 84 noir qui, je devais l’avouer, en avait pris un sacré coup.

-Putain de bordel de merde!

Je m’exclamais devant l’étendue des dégâts. Un pneu en moins… Le côté droit renfoncé… Et, maintenant, j’avais un tas de gens colorés qui semblaient intéressés par ce qu’il venait de se passer. Comme s’il n’avaient jamais vu d’accident de leur vie ! Je me doutais qu’ici, avec tous les bourrés et drogués qu’il y avait, il devait il y en avoir tous les jours.

A moins que ça ne soit l’Aston Martin qui ne les intéressent.

Faut que je me casse d’ici… Sauf que ma voiture est inutilisable en l’état. Je soupirai et me dirigeai vers une cabine téléphonique pour appeler une dépanneuse tout en gardant un œil sur ma bagnole. On ne savait jamais avec la populace du coin ce qui pouvait arriver.

Mon appel terminé, j’attendis dans ma voiture que je venais de verrouillé. Pas envie qu’on vienne me demander des thunes ou je ne sais quoi… Putain, si j’avais su, j’aurais pris un autre foutu chemin pour revenir de chez Jessica Hill qui fêtait son anniversaire dans sa foutue résidence secondaire en dehors de Los Angeles… Un anniversaire auquel j’aurais dû assister avec Carrie mais elle était à New York pour essayer de se rabibocher avec son sale ado de fils. Une aubaine pour moi qui avait pu, du coup, profiter laaaaaaaaargement de ma soirée.

Enfin… Jusqu’à maintenant, quoi… Tout ce que je voulais c’était rentrer dormir avant d’affronter une après-midi de travail mais il semblerait que j’allais devoir faire une croix sur mon lit.

Putain de merde !

Heureusement, la dépanneuse arriva assez vite. C’était un latino qui la conduisait et quand je sortis de ma voiture lui expliquant ce qui était arrivé et lui demandant de me conduire dans mon garage situé sur Malibu. C’était un garage spécialisé dans les voitures de luxe. Mais… Mais le latino ne semblait pas comprendre ce que je disais. Il baragouinait dans un anglais-espagnol bizarre… Je compris « Garage Robson » et « Pas jusqu’à Malibu ». Je voulu le contraindre mais il était déterminé à m’emmener dans le garage de son choix !

Putain, tu parles d’un service.

Je râlai pendant tout le trajet que je passai à côté du dépanneur qui avait embarqué ma caisse. Putain, les dépanneur ici était à l’image du quartier entier. J’aurais du me crasher à Malibu !

Arrivé au garage Robson qui était, en réalité, le garage le plus proche, je descendis de la dépanneuse pour me diriger vers l’intérieur pendant que le latino tout droit sorti du fin fond du Mexique avec la sympathie qui va avec, s’occupait de débarquer mon Aston Martin esquintée.

Si le nom de l’enseigne témoignait que le détenteur était un vrai Américain, je n’étais pas sûr qu’il en soit de même pour les employés… Putain, j’espérais qu’ils allaient pouvoir réparer ça convenablement…

Je trouvai une bande de mécaniciens. Ils étaient au travail et je m’exclamai assez fort.

-Il y en a un ici qui est assez doué pour s’occuper en vitesse de ma bagnole ? Je veux du foutu travail bien fait…

Je repérai un mécanicien qui n’était pas latino et vers qui, donc, je m’approchai. J’avais l’impression de l’avoir déjà vu quelque part mais je ne saurais plus dire où.

-Hey… Vous. Est-ce qu’il est possible de faire passer ma voiture en urgence ? Le dépanneur m’a largué ici…

J’étais arrivé au garage tôt ce matin. Il était quelque chose comme 7h30… Mais il fallait absolument que je parle au vieux Robson…

Parce que peut-être que dans peu de temps, j’allais devoir m’absenter de mon boulot d’appoint…

J’avais garé l’Impala près des véhicules de remplacement puis avait salué tout le monde. Angelo avait amené des croissants et des pains au chocolat pour fêter son anniversaire. Je m’arrêtai donc d’abord dans l’atelier pour manger et boire un café avec mes collègues.

Il y avait un peu de tout parmi les mécanos : des latinos, des afro-américains, des métis… Le vieux Robson était tout sauf raciste. Pourtant, lui, c’était un vrai américain ! Suffisait de voir son fils, Sonny, qui était blond aux yeux bleus.

C’était ça que j’aimais, dans ce garage : la diversité. Ça m’avait permis d’apprendre quelques mots dans plusieurs langues et c’était très enrichissant. Parmi les mécaniciens, il n’y avait pas de femme, forcément, mais la secrétaire de Robson s’était jointe à nous pour fêter l’anniversaire d’Angelo en partageant une pâtisserie.

Puis, une fois qu’on eut terminé, avec une dernière tape sur l’épaule d’Angelo, chacun était retourné à son poste de travail.

Moi, j’avais suivis le patron dans son petit bureau un peu bordelique. Mais ce n’était pas pour autant que le garage ne tournait pas rond ! Le vieux connaissait son affaire !

Je m’éclaircis la gorge et me lançai.

-Il se peut que bientôt, je doive me consacré à MTI, patron… The Lightening est sur le point de sortir un nouvel album.

Le visage du vieux s’illumina, creusant les rides soulignant ses joues.

-En voilà une bonne nouvelle !

Je le regardai, interloqué et me grattai l’arrière de la tête.

-Que je parte ?

Robson secoua la tête.

-Mais non, imbécile ! Que The Lightening sorte un nouvel album ! Depuis le temps que j’attends ça ! Sonny va être content aussi !

Je rigolai.

-Ah ouais… Mais ne lui dit pas… C’est censé être un secret. J’ai peur que si ça venait à se savoir, Billy Lighter ressente trop de pression et change d’avis.

Robson hocha solennellement la tête.

-Ok. Promis. Tu vas nous manquer, comme toujours.

Et je retournai à mon poste de travail. J’avais l’entretien d’une Honda à faire. J’avais presque terminé de refaire tous les niveaux des liquides quand un homme entra dans l’atelier dont la porte de service était grande ouverte pour ne pas qu’on respire trop de gaz d’échappement.

Je remarquai d’abord la dépanneuse qui était en train de décharger une Aston Martin accidentée puis seulement après, posai mes yeux sur l’homme pour qui le respect le plus basique semblait être quelque chose d’atrocement abstrait.

Je n’avais pas reconnu sa voix, mais je reconnus sa tête ! C’était l’avocat… Comment s’appelait-il déjà ? Le beau-fils de Don Hughes ! Victor ! Ouais, le frère de Victoria Hunter ! Comme quoi leurs parents avaient de l’imagination.  

Et le temps que je retombe sur son nom, c’était à moi qu’il s’était adressé. Je ne lui tendis pas la main pour deux raison : les miennes étaient pleines de cambouis et en plus, il ne m’en donnait pas envie.

-Bonjour à vous aussi, Maître Hunter. Avec un « s’il vous plait », peut-être qu’on pourra faire quelque chose pour votre voiture. J’ai presque fini celle-ci.

Il était peut-être le roi de la tour MTI, mais ici, il n’était pas sur son territoire.

Le type blanc qui me disait quelque chose s’approcha de moi sans me tendre sa main remplie de cambouis ce qui m’arrangeait. D’ailleurs pour bien montrer que je n’avais pas plus l’intention de lui serrer la main, je mis les miennes dans mes poches. Comme ça, je suis sûr que je ne vais pas me retrouver avec du cambouis sur les mains.

Le type me reconnu ce qui m’arracha un petit sourire en coin. Victoria était connue mais ce n’était pas mon cas et rares étaient les gens qui me reconnaissaient. Sauf que j’avais déjà vu ce type quelque part alors sans doute qu’il m’avait aussi vu quelque part. Sauf que lui se rappelait bien de moi.

Il faut dire que je passe rarement inaperçu.

Il me rappela les règles de politesse comme si je n’étais qu’un gamin de 8 ans. J’esquissai un petit sourire ne le prenant pas pour moi. Il comptait s’occuper de ma voiture après avoir terminé une Honda qui, comparé à mon Aston Martin, faisait pâle figure.

-Si je ne dis pas « s’il vous plait », vous n’allez pas vous en occuper du tout ?

Je demandai ça avec un sourire malicieux en me demandant si ce garage avait les moyens de ce passer d’un client uniquement parce que j’ai oublié le mot magique.

Puis, la pièce tomba. Je replaçai le visage de l’homme qui n’était autre qu’un des roadies de MTI. Je ne tombais plus sur son nom mais ça n’avait pas tellement d’importance. Je claquai des doigts comme si j’avais eu une illumination.

-Oh mais tu travailles chez MTI, toi, je me trompe ? C'est quoi, encore, ton nom ?

Oui, du coup qu’il travaillait chez MTI, j’avais décidé que ça ne servait plus à rien de le vouvoyer. Bon ! Donc, il travaillait pour mon beau-père… La question est, pourquoi se trouvait-il à bosser dans un garage miteux au milieu d’un quartier miteux pour une clientèles (à mon exception) miteuse ?

Je regardai autour de moi.

-Si c’est bien le cas, pourquoi travaille-tu ici ? Don ne te paye pas assez bien ? Si c’est le cas, je peux lui toucher un mot, tu sais ? C’est triste de devoir cumuler deux jobs… Quand on travaille pour MTI on ne devrait pas avoir à cumuler deux jobs…

Ouais… Sauf si cet homme avait envie de gagner encore plus d’argent… Mais bon, il aurait pu trouver mieux, dans ce cas, que mécanicien dans l’Eastside.

-Ne me dis pas que tu vis dans l’Eastside, si ?

Il détonnait avec la population locale, en tout cas.

Maître Hunter semblait avoir bien crashé sa voiture. L’Aston Martin, maintenant de nouveau sur ses quatre roues était arrangée. Je regardai à nouveau l’avocat de haut en bas mais il ne semblait pas avoir une seule égratignure. J’en étais ravi malgré le manque de respect criant de cet homme qui se croyait au-dessus de tout. Jamais je ne souhaiterais le malheur de quelqu’un, même du pire des enfoirés.

-Disons que si vous ne nous respectez pas, on risque de prendre plus notre temps que si vous nous considérez un peu. On est des mécaniciens, pas des esclaves.

Puis il arriva apparemment à me remettre, claquant triomphalement des doigts. Forcément, puisque je l’avais reconnu, il devait se douter m’avoir déjà vu quelque part…

Il arriva à m’identifier comme un employé de chez MTI et je ne pus m’empêcher de sourire.

-Oui, c’est ça. Je travaille chez MTI comme roadie…

Je le regardai dans les yeux.

-Je m’appelle Abel. Abel Hudson.

Il me tutoyait mais sa fonction d’avocat m’empêchait de faire de même. Comme quoi, je ne manquerais pas de respect même envers un homme qui se pensait supérieur.

S’en suivirent un tas de questions. En gros, il se demandait ce que je foutais là. Si je n’étais pas content de mon salaire et tout.

Pendant qu’il parlait, je pris le temps de le regarder un peu mieux. Il avait le blanc des yeux rouge de fatigue et son haleine sentait clairement l’alcool.

Pas étonnant qu’il se soit crashé.

Je souris quand même.

-La mécanique est une passion. Donc je viens ici à mes heures perdues et en plus, ça me fait de l’argent de poche en plus.

Il semblait extrêmement choqué à l’idée que je puisse vivre dans l’Eastside.

-Non, je ne vis pas dans l’Eastside. Mais sur Hollywood… Enfin, quand je ne suis pas chez ma copine à Downtown.

Je haussai les épaules.

-Et si on allait voir votre voiture ?

Je l’invitai d’un geste à me suivre jusqu’au véhicule. Un pneu était complètement HS et le flanc défoncé. Je fis la grimace.

-Ça prendra plus d’un jour de réparer tout ça. Déjà, le pneu, fat le commander. Quant au travail de carrosserie, le temps de débosseler et de refaire la peinture…

Je pinçai les lèvres.

-Comment vous vous êtes crashé ?

J’avais demandé au type s’il n’allait pas réparer ma voiture si je ne lui donnais pas du « s’il vous plait ». Il avait rétorqué qu’ils comptaient prendre plus de temps si je ne les traitais pas avec plus de respect. Il était susceptible semblait-il. Sauf que je ne me rappelais pas les avoir pris pour des esclaves… Mais bon libre a lui d’interpréter ma façon d’être comme il le voulait, hein ! On est dans un pays libre !

Je ne rétorquai rien parce que je venais de me rendre compte que l’homme face à moi était un employé de chez MTI. Pourtant, il travaillait aussi ici. Il confirma être roadie et s’appelle Abel Hudson.

-Je retiendrais.

Enfin… Rien n’était moins sûr mais je pouvais toujours le dire ça ne m’engageait à rien. Il y avait pas mal de roadies qui travaillaient pour la future maison de disques de Carrie et je risquais bien d’oublier Abel une fois ma voiture réparée. Sauf s’il fait quelque chose qui me ferait me rappeler de lui, bien sûr.

Je ne tardai pas à demander tout haut pourquoi Abel travaillait ici alors qu’il avait un job convenable chez MTI. Etre roadie permettait certainement de mieux vivre que d’être mécanicien dans l’Eastside. Enfin… Sauf si Don, mon beau-père, ne payait pas aussi bien que ça ses employés. Dans ce cas, ça contraindrait un tas de gens à prendre deux emplois.

Sauf que, si Abel était ici, c’était pas à cause de l’argent mais parce qu’il adorait la mécanique. En gros, il bossait ici pour… Le fun… Oui, c’est ça. Il fait un tas d’heures supplémentaires pour le fun. Chacun son truc. Personnellement si j’aimais conduire et les belles voitures, je m’en fichais complètement de la mécanique contrairement à mon beau-frère.

-Je vois. Tu me rassures. Sinon, j’aurais touché un mot à Don. Mais si tu aimes la mécanique alors ça fait sens…

Même si… J’aurais choisi un autre endroit que l’Eastside à sa place… Sauf s’il vivait ici. Mais ce n’était pas le cas. Il vivait à Hollywood et avait une petite amie qui vivait sur Downtown. En gros, il n’était pas comme les autres gens qui bossaient ici. Il venait d’une classe plus haute.

-Et tu as quand même choisi un garage de l’Eastside ? C’est courageux…

C’est complètement stupide mais il fait ce qu’il veut, hein ! C’est sa vie. Pas la mienne. Moi, je ne faisais que passer ici. Si ma roue n’avait pas explosée, je serais sans doute déjà chez moi loin de la crasse de l’Eastside.

J’hochai de la tête quand il proposa d’aller voir ma voiture. Je le suivis devant ce qui était, il y a peu, une magnifique Aston Martin. Maintenant, elle ne ressemblait plus à rien. Ainsi Abel déclara qu’il faudra plus d’un jour pour le réparé.

Je fis la moue. J’allais devoir prendre un taxi pour rentrer… Heureusement que je n’avais pas qu’une seule voiture. Je soupirai quand même montrant mon agacement vis-à-vis de la situation. Abel demanda alors comment je m’étais crashé. Je pris un air sombre qui montrait encore plus mon agacement.

-Je roulais tranquillement à travers les ces rues infestées de crasses alors que je revenais d’une fête plutôt réussie dans la résidence secondaire de Jessica Hill. Tu sais ? L’actrice… Elle devient vieille mais, bon, il y avait pas mal d’invités intéressants à cette fête… Bref, je revenais par l’Eastside parce que c’était plus court pour revenir chez moi quand mon pneu à littéralement explosé. J’ai dérapé et me suis encastré dans un poteau de signalisation. J’ai des courbatures partout mais je serais incapable de dire si c’est à cause de l’accident ou de ma nuit. Voilà. Tu as toute l’histoire.

J’aurais simplement pu dire « mon pneu a explosé sans raison » mais… Non. Il fallait que je raconte tout.

-Je ne sais pas si j’ai roulé sur quelque chose qui aurait pu provoqué ça. On est dans l’Eastside… Il y a sûrement un tas de truc bizarre dans les rues. C’est toi le mécano… Ça est déjà arrivé ? Putain quand je pense que j’étais à deux doigt de crever ici…

Oui parce que si j’avais pris le poteau de face les choses auraient pu être bien plus dramatiques !

Je ne doutais pas que si je faisais une connerie sur sa voiture, Victor Hunter allait se rappeler de moi. Je jetai un coup d’œil aux autres mécaniciens qui s’affairaient autour de nous… Valait mieux que ce soit moi qui m’occupe de ce véhicule. Parce que je sentais que si c’était un autre et qu’il y avait quelque chose de fait de travers, Hunter allait pas le rater.

Moi, j’avais un peu plus de chance que ça se passe bien, de par ma position chez MTI… Et peut-être aussi de ma couleur de peau… Parce que je soupçonnais l’avocat de prendre quiconque d’un peu différent de haut.

Il me remit, d’ailleurs, mais se demanda, du coup, pourquoi je travaillais ici en plus de chez MTI. Je lui affirmai que c’était ma passion. Il sembla comprendre et je rigolai un peu quand il affirma que si j’avais du faire ça vraiment pour vivre, il en aurait parlé à Don Hughes.

-Nous sommes bien payés, chez MTI, rassurez-vous.

Il trouvait courageux que j’aie choisi un garage de l’Eastside. Je haussai les épaules.

-Le garage Robson a très bonne réputation. On fait du vrai bon travail. Je vais m’occuper personnellement de votre voiture. Vous ne serez pas déçu.

Il m’était un peu plus sympathique qu’au premier abord, même s’il ne cachait pas son mépris pour l’Eastside et ses habitants.

Je proposai d’aller voir la voiture et on sorti par la grande porte de service. Le dépanneur était déjà parti et avait laissé la voiture sur le parking client. Elle était salement amochée et je ne cachai pas à Maître Hunter qu’il faudrait plusieurs jours pour la remettre à neuf.

Il était agacé, et je pouvais comprendre. Ce n’est jamais drôle de se crasher et encore moins d’avoir de gros dégâts tels que ceux-là…

-Je suppose que vous n’aurez aucun problème pour payer les réparations ? Normalement, ce ne sera que du travail de carrosserie et de la peinture, en dehors de la roue que je dois commander, à première vue, il n’y a pas besoin d’autres pièces.

Je lui demandai alors de me raconter comment il avait fait son coup et l’écoutai raconter ça comme si c’était les dernières aventures d’Indiana Jones.

-Jessica Hill ? Heu… Ok… je vois…

Je voyais surtout le genre de fête à laquelle il avait participé. Mais même son état d’ébriété, qui commençait à s’effacer, n’expliquait pas que sa roue ait explosé. Lui croyait que c’était parce qu’il y avait des trucs pas clairs qui trainaient sur la route dans l’Eastside.

Je fis le tour de la voiture et m’accroupi près d’un des pneus encore intact… Enfin…

-Je sais pourquoi elle a explosé, votre roue… Regardez ça…

Je passai la main sur le pneu.

-Vos pneus sont usés jusqu’à la corde… Il faut les changer de temps en temps, vous savez ? Ils n’ont pas regardé à ça au dernier entretien à votre garage ?

Abel disait être bien payé chez MTI. Tant mieux… Je me disais aussi que Don Hughes aurait bien trop peur d’une révolution que pour mal payer ses employés… C’était pas le genre à risquer ce genre de choses en imposant des trop bas salaires.

Ça n’empêchait pas Abel de bosser ici pour son bon plaisir. Si je pouvais comprendre que ça soit sa passion et, donc, pas considéré, réellement, pour du travail, je ne comprenais, par contre, pas vraiment qu’il ait jeté son dévolu sur un garage miteux de l’Eastside. Mais il disait que ce garage avait bonne réputation et qu’on y faisait du bon travail. Il ajouta qu’il allait personnellement s’occuper de ma voiture.

Est-ce que ça me rassurait ? Bien sûr ! Je préférais mille fois que ça soit Abel, employé chez MTI, qui fasse le boulot plutôt que Carlos Ramirez… Oui. Pour moi tous les habitants de l’Eastside s’appelaient Carlos Ramirez ! De toute façon, ils ont tous à peu près les mêmes noms, non ?

-Parfait ! Ça me rassure.

Quant à la réputation du garage et au « bon travail », je verrais ça à l’autopsie. Je ne vais pas croire Abel sur parole. On a peut-être pas les mêmes standards, lui et moi.

On s’approcha, ensuite, de ma voiture pour que le mécanicien roadie puisse constater les dégâts visibles sur mon Aston Martin. Apparemment, il y en aura pour plusieurs jours de travail ce qui était assez agaçant. Je ne cachai, d’ailleurs, pas mon agacement.

Abel se disait que je n’aurais aucun problème à payer. Il expliqua un peu ce qu’il y aura comme travail à faire sur ma voiture et ça ne semblait pas être des dépense incommensurables non plus. J’esquissai un petit sourire en coin.

-Tu supposes bien. Je suis avocat. Mon client le plus riche est Jimmy Reed… Je n’aurais aucun problème à payer ça.

Je gagnais largement bien ma vie. J’avais des clients fortunés. Je venais, moi-même, d’une famille pleine de thunes. Ma femme était riche. Mon beau-père était milliardaire… Je crois que je vais m’en sortir avec quelques dégâts à mon Aston Martin.

Je m’étais, ensuite mis à lui expliquer en long et en large comment ma voiture avait fini dans un état aussi lamentable. Elle avait même l’air encore plus lamentable que moi alors que je revenais d’une soirée plus que bien arrosée. Je savais que mes cheveux étaient en bataille et que je n’avais pas l’air très frais… Bien que j’avais quand même l’air plus frais que tous les Carlos Ramirez de ce quartier.

Il disait voir qui était Jessica Hill. Je lui dirais, à la veille, que sa notoriété est toujours bien vivante.

-C’est une bonne amie à ma sœur, vois-tu?

Elle étaient, autrefois, les principales bombes des fêtes chez Ricci. Jessica, Vicky et Kate s’appelaient le Gloden Triplet. Même si ma sœur est en froid avec Kate, désormais. Même Jessica fuyait son ancienne amie comme la peste. Il faut dire que Kate avait eut quelques ennuis avec la justice pour avoir tapé son mon névrosé de beau-frère.

Je me perds… Je sais.

Bon. La voiture. Je me demandais comment mon pneu avait pu exploser ainsi. Abel fit le tour de ma caisse avant de dire qu’il savait comment ça été arrivé.

Je plissai des yeux m’accroupissant près d’Abel et de la roue. Abel m’expliqua que le pneu était trop usé. Il se demandait s’ils n’avaient pas vérifier ça au dernier entretient.

C’est sérieux ça ?

Mon visage exprima alors une certaine colère.

-Putain de bande d’incompétents finis !

Je ne parlais pas d’Abel, hein ! Je parlais des employés de mon garage de Malibu. Ceux qui avaient fait l’entretien de ma voiture il n’y a pas si longtemps que ça.

-Apparemment, ils ont oubliés de regarder et, moi, je ne vais pas m’amuser à repasser derrière pour voir si tout est fait ! C’est leur job, ça ! Pas le mien ! En tout cas, il est clair qu’il vont se rappeler que le mien, de job, c’est avocat.  Parce qu'avec leur conneries, ils ont bien failli me tuer!

Ouais. Ils allaient les cracher, les thunes, pour avoir oublié de changer mes pneus. Mon ton laissait transparaitre ma colère et mon agacement.

Je me redressai.

-Il va falloir tous les changer, les pneus, maintenant. Je vais devoir racheter un set complet ! Génial ! Pas moyen d’avoir un service convenable dans cette foutue ville. J’avais pas ce genre de problèmes à New York. Putain de ville d’arriérés.

Je m’emballai un peu. Mais je m’en fichais, il fallait que je décompresse en insultant un peu tout le monde.

Je me tournai vers Abel.

-Promet-moi de faire du bon boulot, ok ? Pas comme ces connards de Malibu. Et promet-moi que ça sera réellement toi qui fera la réparation et pas un foutu Carlos Ramirez.

Mouais… Je n’étais réellement pas content au point que mes mots sortaient tout seul de ma bouche au lieu de rester dans ma tête.

Maître Hunter était content que ce soit moi qui m’occupe de sa voiture… Mouais… Je n’étais ni meilleur, ni plus mauvais qu’un autre mécanicien du vieux Robson… J’étais juste plus clair. Tout du moins, c’était ce que je soupçonnais Victor de penser.

Pour ce qui était du payement, il n’y aurait pas de problème et il me le confirma en frimant un peu en disant que son client le plus riche était Jimmy Reed.

Je ris un peu. Il bouffait à tous les râteliers, si je comprenais bien.

-Donc vous avez un pied dans chaque maison de disques de la ville ?

C’était assez impressionnant. Du coup, je me tracassais pas vraiment. Robson aurait son argent.

On alla voir la voiture et Hunter me raconta avec les formes et tout comment il s’était crashé. Je m’exclamai à l’évocation de Jessica Hill qui était de moins en moins dans les médias, même dans le pire des magazines people.

Mais bon, elle se faisait vieille aussi.

Il souligna que c’était une bonne amie à sa sœur. Sa sœur qui était la bien connue Victoria Hunter.

Je souris et hochai la tête.

-Oui, je me rappelle du Golden Triplet… Mais ça n’existe plus, maintenant, je pense. Elles se sont brouillées, c’est ça ?

J’examinai ensuite la voiture de plus près et, ça ne m’étonna pas qu’un pneu ait rendu l’âme ! On voyait la corde sous le caoutchouc du pneu. Hunter était fou de rouler avec ça ! Il aurait pu s’en sortir avec bien pire que des courbatures… Voire ne pas s’en sortir du tout.  

Alors quand il s’emballa sur les mécanos de son garage, je ne pus que le comprendre. C’était du travail bâclé.

-Vous avez raison, ce n’est pas à vous de passer après eux. Vous êtes avocat donc je suppose que je ne vous apprendrai rien en disant que vous pouvez porter plainte pour négligence grave… Votre assurance fera le reste. Avec un peu de chance, c’est eux qui payeront les dégâts, voire même une indemnité pour avoir mis votre vie en danger.

Je souris malgré le visage fatigué et mécontent d’Hunter.

-Comme quoi, les meilleurs garages ne se trouvent pas forcément dans les quartiers riches. Les mécanos que vous voyez ici ont les mains dans le cambouis depuis leur plus jeune âge.

Cependant, Hunter voulait que je fasse le travail et que je le fasse bien. J’y comptais bien, mais je tiquai quand il parla d’un « foutu Carlos Ramirez »…

-Heu… Je ne sais pas qui est Carlos Ramirez… Mais je ferai ça bien. On peut vous fournir une voiture de remplacement, vu que ça va prendre un peu de temps.

J’avais expliqué avoir largement l’argent pour payer les dégâts bien que ça ne m’enchantait pas. Ça m’avait permis de mettre en avant le fait que j’avais comme client nul autre que Jimmy Reed. Abel constata alors que j’avais un pied dans chaque maison de disques. Et je me pavanais dans les deux s’il voulait tout savoir ! J’esquissai un petit sourire.

-Effectivement. J’ai Jimmy Reed comme client et Don Hughes comme beau-père. Je te laisse faire les calculs de ce que ça implique au niveau de mon compte en banque et de mon influence.

Disons que j’avais peu d’influence au niveau de BSC… Du moins, pour le moment ! Parce que, je serais Jimmy Reed, je ferais en sorte de ne pas froisser mon avocat.

On s’en alla voir ma voiture et je ne tardai pas à raconter en long et en large comment j’en étais arrivé ici. J’avais même été jusqu’à expliqué que je revenais d’une fête chez Jessica Hill. J’avais souligné que Hill était une vieille amie de ma sœur. Abel affirma se rappeler du Golden Triplet. Il savait que le trio s’était séparé comme un vieux groupe de rock.

-Maintenant, on pourrait les appeler le Fossil Duet. Jessica et Vicky se sont brouillées avec Kate pour des raisons évidentes.

Les raisons étant les accusations de violence dont Kate avait fait l’objet quand son fils avait osé parlé à la police de ce qu’il subissait depuis la naissance. Don s’en était sorti indemne pourtant il aurait, quelque part, pu être considéré comme complice. Mais il semblerait que Julian ait voulu épargné son père. Il faut dire que, moi non plus, je ne froisserais pas la poule aux œufs d’or si j’étais lui.

Abel fit le tour de ma voiture pour constater que mes pneus étaient dans un lamentable état ce qui expliquait pourquoi l’un d’eux avait explosé. Cette constatation m’énerva au plus haut point et je ne tardais pas à péter un câble insultant les mécaniciens de mon garage attitré.

Ils allaient morfler, moi, je vous le dit !

Abel était d’accord avec moi et il sembla se prendre pour un avocat en me disant sur quoi je pourrais attaquer mon garage. Je fronçais les sourcils agacés.

-Effectivement, tu ne m’apprendre rien ! Je sais faire mon boulot, merci ! Et crois-moi ils vont payer bien cher ! Les dégâts et bien plus encore !

Et ça permit à Abel de faire, en quelque sorte, la pub des garages des quartiers miteux comme celui-ci. Il mis en avant que les mécaniciens présent ici faisaient ça depuis qu’ils étaient tout petit. C’est bien pour ça, sans doute, qu’ils étaient encore tous dans l’Eastside. Aucun n’avait fait d’études !

Je le fixai mon regard toujours extrêmement dur et contrarié.

-Ne parles pas trop vite ! Vous n’avez encore fait aucun travail dessus. Je jugerais de ça quand ça sera terminé !

Et je déclarai qu’il y avait intérêt à ce que ça soit Abel qui travaille sur mon Aston Martin et pas un autre Carlos Ramirez. Les mots étaient sortis de ma bouche tout seul. Ma sœur m’avait mainte fois rappeler à l’ordre là-dessus… Quand je suis contrarié, je suis incontrôlable. Et ça depuis que je suis tout petit. Dans ce cas-là, elle n’hésite pas à dire que je ressemble à son bâtard de fils en pire.

Abel ne savait pas qui était Carlos Ramirez… Je secouai la tête.

-Un foutu latino !

Mon ton était toujours contrarié… Comme si j’étais incapable de descendre dans les tours.

-Je doute que vous aillez une voiture de remplacement qui me convienne. Je vais plutôt appeler un taxi de luxe. J’ai d’autres voitures chez moi.

Je fixai Abel.

-Où est le téléphone que je me tire d’ici rapidement ? J’ai un garage à attaquer en justice…

Hunter frimait à mort, entre le fait qu’il était à la fois chez MTI et chez BSC, qu’il connaissait Jessica Hill et tout l’ancien Golden Triplet, qu’il appela le fossil triplet, ce qui me fit sourire un peu malgré moi… Bref, Maître Hunter ne se prenait pas pour n’importe qui et il n’avait pas peur de le dire.

J’avais un peu hâte de me débarrasser de lui, même si, vu que j’allais réparer sa voiture, je serais amené à le revoir.

Le pire, ce fut quand il commença à s’emballer sur son propre garage parce qu’ils avaient mal fait leur job. Pour essayer de le faire redescendre dans les tours, je lui expliquai tout ce qu’il pouvait faire pour être dédommagé, mais ce fut sans grand succès.

Il me parla comme si j’étais la dernière des merdes et je le regardai en faisant la moue.

Bon ben… Qu’il continue à s’emballer tout seul alors.

Fâché, il affirma qu’il ne prendrait le garage Robson au sérieux que quand il aurait vu le résultat de mon travail sur sa voiture.

Je haussai les épaules.

-Je ferai ce qu’il faut, ne vous en faites pas.

Il me confirma qu’il était bel et bien raciste en me faisant comprendre qu’il ne voulait pas de latino autour de sa précieuse voiture.

Je ne fis pas de commentaire, mais n’en pensais pas moins.

Dans une dernière tentative pour être autant serviable que commercial, je lui proposai un véhicule de remplacement. Mais il préférait se payer un taxi de luxe pour rentrer chez lui.

Je soupirai.

-Ok, c’est vous qui voyez… Le téléphone est dans le bureau du patron. On vous passera un coup de fil quand votre voiture sera terminée…

Là-dessus, je le laissai aller et me tournai à nouveau vers la voiture.

Bon ben… J’avais du pain sur la planche…