Ward était libre…

C’était incroyable, injuste et… extrêmement dangereux. Je ne comprenais pas comment c’était possible quand on savait tout ce qui lui pendait au nez.

Et pourtant, il avait été libéré à effet immédiat !

J’avais vu, dans ma carrière, des tout petits délinquants se faire défoncer par la justice et mettre en prison où ça empirait leur condition jusqu’à ce qu’ils deviennent vraiment dangereux… ou se suicident… Mais les gros poissons comme Ward avaient une sale foutue tendance à s’en sortir avec des petites peines.

Mais de là à ce qu’il n’y ait pas de peine du tout ?

J’en tremblais en relisant pour la vingtième fois l’article. Et je ne pouvais m’empêcher de penser à Nell. Etait-elle en danger ? Ward essayerait-il de la retrouver pour lui jouer à nouveau dans le cerveau ?

Je n’en savais rien. Mais Nell était une adulte et surtout, elle ne relevait plus de ma responsabilité. Je m’étais défait de ce poids en la foutant dehors. Pourtant, je ne pouvais m’empêcher de m’inquiéter pour elle.

Et puis il y avait Grant. Il était chez Amon et n’avait jamais cherché à revenir. Je faisais confiance au journaliste. C’était peut-être un enfoiré pour son boulot, mais en dehors, c’était un type bien qui gagnait à être connu… A ce qu’on gratte un peu la carapace de sale enfoiré qu’il s’était forgée pour découvrir qu’en fait, c’était quelqu’un qui s’inquiétait du sort des autres.

Il fallait que je voie Grant… Parce que Ward me connaissait autant qu’il connaissait Amon, puisqu’ils boxaient dans la même salle et dans les mêmes tournois…

Le petit n’était donc pas plus en sécurité chez lui que chez moi, mon but n’était donc pas de forcer Grant à revenir vers moi, même si j’envoyais à Amon de l’argent pour son éducation et autres fourniture et que je lui téléphonais tous les jours. Mais Grant n’avait jamais voulu me parler au téléphone.

A mon d’aller vers lui, donc.

Je téléphonai à Amon. On était samedi donc ils étaient tous les deux dans le loft de Downtown. Amon voulait bien que je passe pour parler à Grant.

Je me rendis donc chez lui et sonnai à l’interphone. La voix à l’accent bizarre du grand Danois me répondit et me laissa entrer. Dans la cuisine, je vis Grant en train de dessiner. Amon le salua avant de dire qu’il allait faire un tour le temps qu’on parlait. Je le remerciai et m’approchai de Grant.

-Salut mon grand… Tu veux bien me parler ?

Je soupirai.

-Je suppose que tu es au courant que ton père est libre. Qu’est-ce que tu penses de ça ?

Mon père était libre.

Moi, j’avais lu ça dans la presse. Puis, ils en avaient aussi parlé à la télévision. Il était libre depuis quelques jours maintenant et, pourtant, il n’était pas encore venu me chercher.

Moi, je crois qu’il ne sait pas que je suis chez Amon. Peut-être qu’il est allé chez Jordan et que Jordan a pas voulu dire que j’étais chez Amon. Moi, je crois que c’est ça. Moi, je voulais croire que c’était ça. Sinon, ça voulait dire qu’il s’en fout de moi.

Et je n’aimais pas ça.

C’était samedi. Amon était là mais je griffonnais des dessins depuis le matin. Moi, quand mon père a été libéré, j’ai dit à Amon que j’allais aller faire mes bagages pour être prêt à partir quand il allait arriver pour venir me chercher. Mais il est jamais venu et, depuis, j’avais défait mes bagages pour les remettre dans mon « petit coin » du loft. Le loft d’Amon était grand mais, moi, je trouvais qu’il y avait pas assez de murs.

Moi, je préférais ma chambre chez mon père. Ou celle chez Jordan. Mais je ne voulais pas retourner chez Jordan. Il avait viré Nell et il s’en foutait que je n’aimais pas ça.

Je dessinais un squelette. Il y avait des tombes dans le fond et tout était noir. Il y avait juste la lune qui éclairait le dessins. J’avais sorti mes crayons de couleur les plus sombres sauf que jaune et le blanc. J’étais fâché et quand je suis fâché, je dessine des squelettes. Moi, je sais que le Docteur Johnson dirait que c’est pas parce que je suis fâché mais parce que je suis triste mais je me sens fâché quand même.

Voilà.

Je suis fâché.

Tout en dessinant, j’entendais tout ce qu’Amon faisait. Moi, je l’avais entendu décrocher au téléphone et dire à quelqu’un qu’il pouvait passé. Moi, je compris que c’était Jordan.

Il peut venir. Moi, je lui parlerais pas.

Je continuais de mettre en couleur mes squelettes. Je pensais à mon père et à Sofia aussi. Je l’avais pas vu des vacances. Elle n’avait pas téléphoné. Maintenant l’école avait recommencé mais je n’y avais pas encore mis les pieds. Amon m’en avait pas parlé et moi non plus.

Mais je voulais voir Sofia.

Et, pour ça, je savais que je devais aller à l’école.

Mais je n’avais pas envie.

Ça me rendait encore plus fâché.

Je me levai pour me faire un bol de céréale que je mangeai vite avant de reprendre mon dessin. C’est là que Jordan arriva. Il entra dans la cuisine et Amon s’en alla.

J’entendais la voix de Jordan mais j’avais les yeux rivé sur mon dessins. Je coloriais le ciel en noir. Tout noir. Sauf pour les reflets de la lune qui se reflétait sur les squelettes blanc et sur les tombes grises. Sur l’une d’elle, il y avait le nom de Maman.

Jordan demanda si je voulais bien lui parler.

Non.

Pas du tout.

Je ne dis rien. Je l’ignorais.

Il soupira. Il parla de mon père. Il demandait ce que je pensais de ça.

J’arrêtai de colorier. Je déposai mon crayon noir. Je regardais toujours le dessins et je dis d’une voix où on entendait ma colère.

-Il n’est pas venu me chercher. Ça fait des jours et il n’est pas venu me chercher.

Je regardais toujours mon dessin et pas Jordan.

-Tu lui a pas dit où j’étais c’est ça ? Il est venu et tu lui as pas dit…

Je voulais croire ça.

-Toi, tu veux encore diriger ma vie et tu veux pas que je retourne chez lui, c’est ça ? Moi, je veux que ça soit ça.

Je préférais que ça soit ça.

De là où j’étais, debout dans la cuisine ouverte, les mains dans les poches, je pouvais voir le sombre dessin de Grant. Des squelettes, des tombes dont l’une portant le nom de sa mère. Je savais qu’un tel dessin était le signe que le petit était triste, fâché, frustré… Un tas d’émotions négatives que je ne savais pas plus gérer que les états d’âme de Nell.

Mais Grant avait une excuse : c’était encore un enfant… Il avait le droit de se sentir triste.

Pour un adulte, c’est autre chose. Moi aussi je pouvais être triste parfois, ou même frustré ou d’autres sentiments comme ça. Mais je le gardais pour moi pour continuer de faire mon job et vivre ma vie de tous les jours normalement, sans me morfondre.

Quand je demandai à Grant ce qu’il pensait de la libération de son père, sa réponse tomba comme un couperet.

Son père n’était pas venu le chercher.

Voilà ce qui causait son mal-être.

Grant ne me regardait pas, il se concentrait sur son dessin. Je tirai une chaise et m’assis dessus.

Grant m’accusa alors de ne pas avoir dit à Ward où il se trouvait. Il voulait que ce soit ça. Il voulait croire que c’était moi qui essayais de diriger sa vie.

-Désolé de te décevoir, mais ce n’est pas le cas.

Je frottai mon visage à deux mains.

-Ward ne m’a pas contacté. Je ne sais pas où il est ni où il vit depuis sa sortie de prison.

Mais Grant avait quand même un peu raison. Je pensais bien que Ward, s’il voulait récupérer Grant, penserait à passer chez moi avant chez Amon. C’était un peu pour ça que je l’avais laissé chez le journaliste… Pour avoir un coup d’avance si jamais Ward tentait quoi que ce soit.

-Je ne veux pas diriger ta vie, Grant… Juste te protéger.

Je pinçai les lèvres.

-Je comprendrais que tu veuilles retourner chez ton père même si je pense que c’est une mauvaise idée mais bon… jusque-là il ne s’est pas manifesté.

Je tentai de capter le regard de Grant.

-Est-ce que tu es retourné à l’école ? Tu sais que tu peux y retourner, maintenant, non ?

Jordan était là. Il savait pour mon père. Il me demandait ce que j’en pensais. J’avais déposé mon crayon et j’avais répondu que mon père n’était pas venu me cherché. Mais moi, je pensais que c’était parce que Jordan avait pas voulu lui dire où j’étais. Moi, je voulais croire ça ! Moi, je voulais que Jordan me dise que c’était ça !

Mais non. Il disait que c’était pas le cas !

Je fronçai des sourcils sans le regarder. Je fixai mon dessins et marmonnai :

-Tu mens…

Je voulais qu’il mente. Je voulais que mon père soit venu et que Jordan l’ai renvoyé sans dire que j’étais chez Amon. Mais Jordan disait que mon père ne l’avait pas contacté. Et qu’il ne savait pas où mon père était.

-Dans sa maison !

Je lançai ça. Pour moi, c’était sûr qu’il était là. Où d’autre ? Moi, je pense pas qu’il était ailleurs. Et je ne voulais pas croire que mon père n’avait pas cherché à venir me voir. Pourquoi ? Il avait demandé au juge pour m’avoir… Pourquoi il était pas venu me chercher ? Moi, je voulais retourner chez lui. Mais je voulais que ça soit lui qui vienne.

Jordan disait qu’il voulait pas diriger ma vie mais me protéger. Mes sourcils était toujours froncé mais je ne regardai toujours pas Jordan.

-Moi, je sais me protéger tout seul ! Toi tu comprends jamais ça ! Toi tu crois que tu dois toujours protéger. Moi, je sais me débrouillé. Avant que je vienne à L.A., je savais me protéger. J’avais pas besoin de toi !

Il disait comprendre que je veuille retourner chez mon père. Je regardai toujours mon dessins le regard fermé. Moi, s’il vient pas, je n’irais pas chez lui.

S’il vient pas c’est qu’il m’aime pas.

-Moi je comprends pas… Pourquoi il n’est pas venu ?

Je sentais le regard de Jordan sur moi. Il parla de l’école ce qui me fit me renfrogner un peu plus. Moi, je savais pas quoi faire avec l’école. Et ça me rappelait que Sofia ne m’avait pas téléphoné de toutes les vacances.

-Sofia n’a pas appelé de toutes les vacances. Pourquoi ?

Elle savait que, moi, j’étais chez Jordan, non ? Elle a même pas essayé de téléphoné pour vérifier. Elle est même pas passée alors qu’elle habite dans l’Eastside. Moi, je crois qu’elle et mon père ne veulent plus me voir.

Et j’aime pas ça.

Ça me met en colère.

-Moi, je veux la revoir et je dois aller à l’école pour ça. Mais j’aime pas l’école. C’est rempli de loosers. J’y suis pas retourné…

Je dis ça sur le ton de la haine. Je détestais Jesse, Guillermo, Arnold et ce petit con de Dylan.

Grant était persuadé que je lui mentais au sujet de son père. Et pourtant non. Aurais-je mentis au petit si Ward m’avait contacté ? Je ne pensais pas. Nell m’avait bien fait comprendre que quand quelqu’un veut absolument un lien avec quelqu’un d’autre, même si ce quelqu’un est un foutu monstre, on ne pouvait rien faire contre.

Hormis couper le lien avec cette personne, ce que j’avais fait avec Nell. Elle préférait Ward ? Très bien, qu’elle se démerde.

Si Grant voulait absolument rentrer chez son père… Je soupirai…

Qu’est-ce que je pouvais y faire ? L’enfermer dans sa chambre ? Le séquestrer jusqu’à ce qu’il oublie l’idée ?

Non.

Tout ce que je pouvais faire, c’était faire en sorte que ça se passe bien. Garder un œil là-dessus.

Sauf que… Ward n’avait, jusqu’ici, pas manifesté du tout l’intention de renouer avec son fils.

-Je ne te mens pas.

J’avais dit ça sur un ton calme et avec toute la compassion dont je pouvais faire preuve. Quant à savoir où était Ward… Pour Grant, la réponse était évidente : il était tout simplement chez lui.

-Probablement. Mais ce n’est pas moi qui vais aller frapper à sa porte pour lui demander s’il veut te reprendre. S’il le veut vraiment, à lui de faire les démarches.

Je déclarai à Grant que tout ce que je voulais, c’était le protéger. Mais ça déclencha sa fureur. Il était certain qu’il pouvait se débrouiller seul. Qu’il le faisait très bien avant.

-Ta mère était là, avant, Grant. Tu dois accepter que tu es encore un enfant. Un jour, tu voleras de tes propres ailes et tu feras ce que tu veux. Mais pour l’instant, tu as besoin d’un adulte au moins pour avoir un toit et à manger.

Comme un petit chat… Un petit chat ingrat.

Puis il redescendit dans les tours et je sentis de la frustration et de la tristesse dans sa voix quand il se demanda pourquoi son père n’était pas venu le chercher… Je rapprochai ma chaise de celle de Grant.

-Je ne sais pas, Grant. Mais ce que je sais, c’est que Ward n’en a jamais eu grand-chose à foutre des gens…

Je faillis ajouter « il suffit de voir comment il a traité Sky »… Mais j’avais peur qu’il me renvoie dans la tronche que j’avais mis Nell dehors. A raison, que je l’avais fait. Mais du point de vue de Grant, ça reviendrait au même. Même si je n’avais jamais levé la main ni sur Nell, ni sur lui.

Je lui demandai s’il était rentré à l’école mais non… Et il râlait que Sofia ne l’ait pas appelé.

-Je sais que tu n’aimes pas l’école. Si j’en avais les capacités, je te proposerais de faire l’école à la maison, mais je ne suis pas très fort pour tout ce qui est scolaire. Tu es plus fort que moi.

Je lui souris.

-Et si tu retournais à l’école quand même ? Ne serait-ce que pour voir Sofia. Tu pourras ainsi lui demander pourquoi elle ne t’a pas appelé.

Jordan disait qu’il mentait pas…

Je me renfrognai. Je n’aimais pas cette réponse. Moi, j’aurais préféré qu’il mente. J’aurais préféré que mon père soit venu et qu’il l’ait renvoyé.

Mais c’était pas ça qui était arrivé. Il était pas venu. Mais je trouvais que Jordan, il était un peu bête de dire qu’il ne savait pas où était mon père. Il est chez lui ! Où d’autre ? Il habite chez lui ! Il dort chez lui ! Il est juste pas venu me chercher au passage !

Jordan disait que j’avais raison mais que c’est pas lui qui allait aller frapper chez lui pour que je retourne là-bas. Je regardais toujours mon dessin. Moi non plus. Moi, je veux qu’il vienne me chercher. Moi, je veux qu’il montre qu’il veut toujours que je vive chez lui.

-Moi non plus. Moi, je veux qu’il vienne me chercher.

Jordan disait que tout ce qu’il voulait faire c’était me protéger. Ça m’énerva ! Parce que je savais me protéger tout seul ! Moi, je n’ais pas eu besoin de Jordan avant que Maman soit morte alors pourquoi j’aurais besoin de lui maintenant ? Il disait qu’avant j’avais ma Maman. Oui. Mais c’est moi qui la protégeait. Et quand il dit que je n’étais encore qu’un enfant, il y eut plus de colère dans ma voix.

-Pour le toit et le manger. Mais pas pour me protéger. Ça je sais faire tout seul ! Avant c’était moi qui protégeait Maman. Puis même… Moi, je saurais acheter mon manger vu que je travaille pour BSC. Moi, j’aurais bientôt plus besoin d’un adulte. Les adultes sont compliqués et ne servent à rien sauf à me contrarier.

Mon père. Jordan. Les juges. Les professeurs. Tous me contrarient. Tous ne veulent pas me comprendre. Tous pensent que je ne suis qu’un enfant débile.

Puis, je me mis à poser une question tout haut : « pourquoi ? ». Pourquoi mon père n’était pas venu me chercher ? Jordan n’en savait rien. Il savait juste que Ward se fichait des gens. Je fronçai les sourcils.

-Il m’a entrainer… Il m’a acheter des Comics… Il m’a amené à la boxe… Il m’a permis de dormir quand je voulais et d’aller dehors seul. Moi, je pense qu’il se fichait pas de moi.

Mais si c’était vrai, il serait venu. Et il n’est pas venu.

Jordan parla, ensuite, de l’école. Je n’aimais pas l’école et je râlai que Sofia ne m’avait pas appelé des vacances. Moi, je n’ai jamais pu aller chez elle… Elle n’a jamais voulu venir chez moi. Moi, je ne comprends pas ça. Jordan disait qu’il savait que je n’aimais pas l’école mais qu’il ne pouvait pas me faire l’école à la maison.

-Mais j’ai pas besoin d’école du tout.

Il voulait que je retourne à l’école pour voir Sofia. Je fixai un moment mon dessin. Moi, je savais pas.

-D’accord… Mais si les loosers m’énerve, je rentrerais.

Et si on ne veut pas que je rentre, moi, je sais comment me faire virer, de toute façon.
Je relevai le regard sur Jordan.

-Tu as viré Nell… Moi, je peux pas pardonner ça. Mais je veux bien revenir pour être sûr que tu vas pas virer mon père s’il vient me chercher.

Je fixai toujours Jordan droit dans les yeux.

-Et s’il vient jamais, je resterais chez toi. Mais si tu fais encore quelque chose comme tu as fait avec Nell, je m’en vais pour toujours. Tu as été méchant. Moi, j’ai vu des gens être méchant comme ça avec ma Maman. Toi, tu es pas mieux qu’eux.

Oui. Pas mieux.

Grant semblait souffrir atrocement du désintérêt de son père pour lui. Je pouvais le comprendre. Ward lui avait fait miroiter une vie de rêve pendant un moment. Une vie sans limite, avec des cadeaux comme gage d’affection. Mais ce n’était pas comme ça que ça marchait. Ce n’était pas à coup de cadeaux de temps en temps qu’on pouvait montrer son affection.

Moi, j’appréciais Grant, même s’il était souvent difficile. Mais il était pas con et puis…

Et puis il y avait cette façon qu’il avait de ses détendre soudain, pendant une étreinte.

Je lui déclarai donc que j’étais là pour le protéger. Mais il n’avait pas besoin de protecteur. Juste de quelqu’un pour lui offrir un toit et à manger. Et encore ! Il pensait qu’avec ce qu’il gagnait chez BSC, il pourrait subvenir à ses besoins.

-Je suis d’accord. Les adultes sont compliqués. Mais à l’avenir, on va faire simple : ce sera entre toi et moi. On va essayer de s’ajuster. Je vais te laisser plus de libertés, mais il faut que tu me promettes de faire attention à toi.

Je le regardai dans les yeux et soupirai.

-Je m’en voudrais à mort s’il t’arrivait quelque chose.

Quant à Ward, j’expliquai à Grant que s’il ne s’était pas encore montré, c’était parce qu’il en avait un peu rien à foutre de lui.

Mais Grant ne voulait pas y croire, ce que je pouvais comprendre. Un père, c’est l’homme auquel on aimerait s’identifier. Celui qu’on veut rendre fier. Or, Ward n’avait jamais donné de quoi faire à Grant.

Juste offrir des cadeaux et une vie de rêve pour un préado.

-Tu sais, c’est pas forcément parce qu’on offre des cadeaux qu’on apprécie quelqu’un. Ce serait beaucoup trop facile. Parfois, quand je te dis « non », c’est parce que je t’aime beaucoup et que je pense que certaines choses ne sont pas bonnes pour toi.

On parla alors de l’école mais si Grant se renfrogna un peu, il ne rejeta pas l’idée d’y retourner. Ça me surprit… Mais je pensais qu’il avait besoin quand même de voir des gens.

-Si les losers t’énervent, tu pourrais aussi m’en parler…

Mais restait un point qui turlupinait Grant : Nell. Je me demandais si j’avais vraiment aimé un jour la jeune femme. Je pensais bien que oui, mais elle m’avait tellement déçu que je ne ressentais plus que du dégoût pour elle. On ne s’était pas revus depuis que je l’avais foutue dehors. Et c’était tant mieux.

-Je te promets que je ne virerai pas ton père s’il vient te chercher. De toute façon, puisqu’il a été blanchi de toutes les charges qui pesaient contre lui… Je pense qu’il est en droit de te récupérer.

Mais Grant assurait que si Ward ne se présentait pas, il resterait avec moi.

-Et promis. Plus de femme. Je suis dégoûté, de toute façon.

Entre Roxxy, Alexie et Nell, j’en avais soupé, des femmes.

Jordan savait que les adultes étaient compliqués. C’était un adulte. Mais il voulait pas changé ? Si. Il disait qu’il voulait faire plus simple. Je penchai légèrement la tête sur le côté plissant des yeux. Simple ? Moi, je suis sceptique. Mais il disait qu’il me laissera plus de liberté.

Moi, je veux ça.

-Oui. Plus de liberté. Moi, je fais toujours attention à moi. Moi, je suis pas mort quand j’étais chez mon père.

Et je pouvais aller partout sauf dans l’Eastside, alors…

Jordan disait qu’il s’en voudra s’il m’arrivait quelque chose. Moi, je savais pas quoi pensé de ça alors je regardais Jordan fixement dans les yeux. Il disait ça parce qu’il avait peur de trahir Maman ? Moi, je crois que oui… Moi, je sais qu’il m’aime bien aussi mais il m’aime bien parce que j’ai atterri chez lui et que Maman a demandé de veiller sur moi.

-Je sais…

Oui. Je savais.

Mais, moi, je ne savais, par contre, plus ce que pensait mon père de moi. Il était pas venu me chercher… Pourtant, avant, il m’emmener à la boxe, il m’entrainait au tir, il m’achetait des Comics. Il avait été chez le juge pour que je revienne chez lui… Pourquoi, maintenant qu’il était hors de prison, il n’était pas venu me voir ?

Je ne savais pas.

Et ça me contrariait.

Jordan disait que l’amour ça se montrait pas par les cadeaux. Je fronçai les sourcils pas sûr de comprendre. Il disait que dire « non », ça pouvait montrer qu’on aime beaucoup. Je levai un sourcil. Je n’aimais pas qu’on me dise « non ». Moi, ça me faisait pas aimer quelqu’un. Ça me contrariait.

-Moi, je n’aime pas les gens qui me disent « non ». Moi, j’aime les cadeaux. Je comprends pas ce que tu dis.

Je ne comprenais réellement pas. Mon visage montrait la perplexité et la contrariété.

Après, Jordan parla de l’école. Je voulais pas y retourner pour les loosers. Mais je voulais y retourner pour Sofia. Je pensais qu’elle m’avait oublié et je n’aimais pas ça.

Jordan disait que si les loosers m’énervaient, je pouvais lui en parler. Je roulai des yeux.

-Non. Moi, je sais m’en occuper tout seul. Je préfère juste qu’ils existent pas… Mais quand ils m’ennuient, je sais m’en occuper.

Oui. Je n’ai pas besoin d’un adulte compliqué tout le temps.

Moi, je voulais bien revenir chez Jordan si mon père ne venait pas me chercher. Il promit qu’il virerait pas mon père. De toute façon, mon père est libre alors il ne peut pas le virer.

-Oui. S’il vient, j’irais chez lui. Et si tu tiens pas ta promesse, j’irais voir le juge.

Mais si mon père ne venait pas, moi, je resterais chez Jordan. Seulement, s’il n’est plus méchant comme il a été avec Nell. Mais il me promit pas ça. Il promit juste qu’il y aura plus de femmes. Je fronçai les sourcils.

-Moi, j’ai pas demandé ça. J’ai juste demandé que tu sois gentil avec les gens que j’aime bien. Toi, tu as détesté Sky. Mon père. Nell. Tu as été méchant avec eux. Moi, je n’aime pas ça. Ça m’énerve. Moi, je veux que tu arrêtes de faire ça et de dire que les gens que j’aime son mauvais pour moi. Toi, t’en sais rien. Toi aussi, tu es méchant parfois. Alors dit pas que c’est que eux. Je veux que tu promette ça.

Oui. Je voulais qu’il promette.

-Si tu promets, moi, je vais faire mes bagages.

J’étais d’accord pour laisser plus de liberté à Grant. Après tout, il avait prouvé plus d’une fois qu’il savait bien se démerder en ville tout seul, comme il le souligna d’ailleurs.

-D’accord… C’est juste que je m’inquiète pour toi quand tu n’es pas à la maison…

Même quand il était à l’école je me demandais toujours si ça se passait bien tant en classe qu’avec les autres enfants.

J’essayais de lui expliquer que les cadeaux n’étaient pas toujours une preuve d’affection. Ça avait été facile pour Ward d’acheter l’amour de l’enfant à coups de comics quand moi, j’essayais vraiment de l’éduquer.

Je supposais maintenant qu’il fallait trouver un juste milieu. Grant, lui, ne comprenait pas vraiment ou je voulais en venir.

Je frottai mon œil…

-Ok… Disons que je te promets de te récompenser quand tu feras des choses bien, puisque tu aimes les cadeaux. Mais je te dirai quand même « non » des fois. Parce qu’il faut apprendre que dans la vie, on ne fait pas toujours tout ce qu’on veut.

Quant à l’école, il n’aimait pas ça, mais voulait bien retenter le coup. Je souris… Cette fois, je pensais bien être sur la bonne voie avec lui.

Il n’aimait pas ceux qu’il appelait « les losers »… Mais quand je lui dis de m’en parler, il affirma qu’il savait s’en occuper tout seul.

-Ok… C’était juste pour dire que si tu as besoin, je serai toujours là pour t’écouter, c’est tout.

Pour ce qui était de Ward… Et bien… il était libre. La justice l’avait jugé « non coupable » et je devais donc me satisfaire de cette décision. Rien n’empêcherait plus ce psychopathe de récupérer Grant s’il le voulait. Et comme c’était aussi le désir de Grant, j’étais désormais impuissant…

Je soupirai.

-Je te promets que tu n’auras pas à aller voir le juge.

Mais ce n’était pas la seule promesse qu’il voulait que je lui fasse. Il disait ne pas me demander de me priver d’une compagne… Je le savais, mais ça, c’était mon choix. Je n’avais jamais eu de chance en amour et à un moment, fallait arrêter les frais…

Non, ce que Grant voulait, c’était que je ne sois pas méchant avec les gens qu’il aimait. Je fronçai les sourcils et fis la moue. J’étais direct, pas méchant. Sky, Ward, Nell, ils avaient tous mérité que je les évince de ma vie… Et par extension de celle de Grant.

Mais apparemment, aux yeux des autres, c’était moi le méchant.

-J’essayerai… C’est promis.

Je passai ma main dans ses cheveux.

-Vas faire tes bagages.