La visite de Victor Hunter chez moi pour me menacer de m’attaquer en justice à cause de l’article que j’avais écrit sur lui et Cash Izbel dans L.A. People avait quelque peu bouleversé mes plans. Du coup, je n’avais pu voir ni Sonne, ni Grant parce que j’avais du me pencher sur mon démenti…

J’avais réussi à tourner les choses d’une manière convenable dans le sens où ça ne rendait pas vraiment les protagonistes de la bagarre au Crazy Ginger blancs comme neige. Mais ça avait paru convenir à Victor Hunter, ce qui était le principal.

On ne m’avait jamais attaqué en justice alors que j’avais déjà fait des articles montés de toute pièce bien pire que celui-là.

Hunter aurait du rester à New York et me laisser m’occuper de mes petites affaires. Parce que ça me semblait être un sale vicieux qui allait m’empêcher d’écrire ce que je voulais. En plus, il disait à qui voulait l’entendre qu’il était l’avocat de Jimmy Reed, ce qui allait rendre le magnat de BSC encore plus intouchable.

Rien pour arranger mes affaires.

Bref, avec tout ça s’était passé une nouvelle semaine. Et l’arrivée d’un nouveau samedi. De nouveau, j’étais désespérément seul. Je n’arrivais pas à nous trouver un putain de créneau pour Sonne et moi et ça commençait à sérieusement me frustrer.

Etre un amant avait plein d’avantage… Mais là, j’étais devant l’un des plus gros inconvénients.

Du coup, je me repliai de nouveau sur mon plan B. Grant…

On s’était vus mercredi soir, après sa journée d’école et son complément chez BSC. Bref, le petit avait eu un mercredi chargé, mais ça ne semblait pas le fatiguer le moins du monde. Il avait boxé comme un pro.

Je pris donc ma Mustang pour me rendre dans l’Eastside, mon sac à dos dans le coffre contenant des essuies et des vêtements de rechange tandis que je portais déjà sur moi un maillot de bain, ce qui me permettrait de juste enlever mes vêtements pour être prêt à piquer une tête dans l’océan.

Arrivé chez Keller, j’allais sonner à la porte. Et ce fut un Jordan avec l’air particulièrement dans les vapes qui vint m’ouvrir.

-Salut ! Je viens voir si ça intéresserait Grant d’aller à la plage, à Santa Monica, avec moi…

Jordan souris alors.

-Très bonne idée ! Je vais l’appeler. Ça tombe bien parce que j’ai fait la nuit… Faut que je dorme un peu… Je pensais faire une activité avec lui après mais vu que t’es là… GRANT ! AMON POUR TOI !

En effet, le policier avait l’air fatigué. J’avais appris par Grant qu’il avait viré sa copine, Nell… Du coup, il se retrouvait tout seul à la fois pour travailler et pour s’occuper du gosse. Ça devait pas être simple tous les jours.

Grant finit par descendre de sa chambre.

-Salut Grant ! Ça te dirais d’aller à la plage ?

Moi, j’attendais toujours que Jack Perry m’invite pour que je puisse voir Sofia chez lui. Moi, je savais pas s’il allait respecter son deal…

A l’école, les gens étaient toujours chiant… Il y avait que Monsieur Jenkins, mon professeur, qui m’aimait plus ou moins bien. Il me mettait de bonnes notes. Il voulait même parler à Jordan et à la directrice pour que je passe l’année au-dessus. Il disait que si je faisais des efforts en comportement ça serait encore mieux. Mais moi, je lui avais dit que je voulais rester dans la classe de Sofia. Il avait dit que si je faisais ça, j’allais m’ennuyer toute l’année.

A la récrée, Guillermo Quinn était toujours le pire des enfoirés. Il se foutait de moi… Alvaro, lui, ne riait plus. Peut-être que Jack lui a parlé ? Mais Jesse, il continue… Peut-être que Jack lui a dit aussi mais qu’il est trop débile pour comprendre ? Parce que à l’école, il y a pas plus débile que Jesse Stark-Perry.

Heureusement, il y a Sofia.

Moi, je parlais beaucoup de Sofia à ma psy, Docteur Johnson. Elle voulait parfois que je parle d’autre chose… De Jordan… De Nell… De mon père… Moi, je crois qu’il n’y a plus rien n’à dire là-dessus. Moi, je dois vivre avec Jordan… Mon père est jamais venu me chercher… Et, moi, j’ai vu que Nell, elle est partie loin pour devenir célèbre. Moi, j’ai vu ça dans des magazines. Moi, je savais pas quoi penser de ça…

Du coup, elle m’énervait quand elle essayait de changer de sujet et je lui ais demander pourquoi je continuais à venir.

Elle m’a expliqué… Moi, je n’ai pas aimé.

Ça c’était hier après l’école… Depuis, je suis dans ma chambre à dessiner… Dessiner… Et dessiner encore. J’étais même allé au lit très tard parce que, de toute façon, Jordan était parti travailler la nuit.

Il est revenu le matin alors que je mangeais mes céréales. Je lui ai vaguement dit « bonjour », puis je suis remonté dans ma chambre pour dessiner.

J’allais m’ennuyer aujourd’hui. Moi, je le sentais. On allait encore rien faire parce que Jordan allait dormir beaucoup la journée.

Je hais le samedi ! Je hais les autres jours aussi. Il y a que le mercredi qui est bien car je peux aller chez BSC et à la boxe.

Mais alors que je dessinais le Docteur Johnson morte dans une tombe, j’entendis Jordan m’appeler.

Amon est là ?

Je descendis pour vérifier que Jordan disait la vérité.

-Jour’…

Il voulait qu’on aille à la plage. Je penchai légèrement la tête sur le côté. Moi, je voulais bien ça.

-Oui ! Je vais chercher mes affaires. C’est mieux que de se faire chier ici.

Et je remontai très vite pour prendre mon maillot, un essuie, des Comics et mon carnet de dessin. Je mis tout dans mon sac à dos et je descendis rejoindre Amon. Je lui souris.

-Prêt. Au revoir Jordan.

Et je partis avec Amon dans sa voiture. J’ouvris la boite à gant pour trouver une bonne cassette à mettre.

-Toi, heureusement que tu es venu, j’allais m’ennuyer. Jordan fout jamais rien quand il fait la nuit. Et le samedi, BSC est fermé.

Je trouvais une cassette. The Burning Fire. Le premier album. Je le mis dans le lecteur.

-Howard n’a toujours pas fait d’album. Moi, je devrais vraiment le secouer.

Oui. Le secouer.

Grant descendit les escaliers et je vis son air sceptique qui s’évapora quand je lui déclarai être là pour l’emmener s’amuser à la plage. Il était partant et même plus que partant ! Jordan sourit alors que le garçon remontait les escaliers quatre à quatre.

-Merci, vraiment, Amon. Ça va lui faire du bien.

Le policier bâilla à s’en décrocher la mâchoire et je le regardai, compatissant. Etre journaliste, c’était pas si mal, finalement. J’avais des horaires de bureau où je restais assis toute la journée et quand je ne faisais pas ça, je sortais pour essayer de chasser la moindre information croustillante.

Jordan, lui, travaillait à des heures pas possibles à essayer de régler les gens quand il ne se retrouvait pas carrément dans des situations dangereuses. Certes, il avait signé pour ça et en connaissance de cause, mais c’était pas une raison.

-Je te le ramène ce soir après le souper, si ça te va.

Les paupières lourdes, il me répondit :

-C’est très bien… Je te revaudrai ça.

Grant descendis les escaliers aussi vite qu’il les avait montés, avec son sac à dos bien rempli. Il salua Jordan, ce que je considérais comme une amélioration de la politesse de Grant envers son tuteur et je plaçai ma main sur la tête du petit quand il se mit près de moi.

-A tantôt, Jordan.

Le policier souhaita à Grant de bien s’amuser puis on monta dans la Mustang.

Une fois dans le véhicule, Grant me fit part de son contentement. Je lui souris.

-J’avais peur de me faire chier aussi, alors j’ai pensé à toi.

Je haussai les épaules tout en tenant mon volant.

-Et tu sais, Jordan a des horaires merdiques. C’est normal qu’il ait besoin de repos de temps en temps.

Il prit une cassette dans la boîte à gants, The Burning Fire.

♫

Grant râla alors sur Howard Stone. Je savais que The Burning Fire était son groupe favori et pour lui, l’attente d’un nouvel album devait sembler très longue.

-Tu sais, Grant… Howard, pour l’instant, est en deuil avec deux bébés à gérer. Et il n’y a pas que ça… Savannah Prescott est malade. Elle a le SIDA… Alors ça retarde un peu l’album.

Je regardai brièvement l’enfant.

-Tu les as déjà vus en concert ?

Moi, j’avais salué Jordan pour vite partir d’ici. Je savais que j’allais m’ennuyer ici alors j’étais content qu’Amon vienne me chercher.

On entra dans sa voiture et Amon disait que lui aussi il avait eu peur de se faire chier. Moi, je savais qu’il vivait tout seul dans sa grande pièce. Alors, il devait se faire chier souvent. J’esquissai un sourire quand il disait avoir pensé à moi. Moi, je crois que je suis son seul ami, alors…

-Oui. Moi. Ton seul ami.

Oui.

Il défendit alors Jordan qui avait des horaires merdiques. Je fis la moue. Et ? Moi, je me fiche de ses horaires. Je me fiche aussi de s’il fait rien avec moi mais ce qui m’énervait c’était que je devais me faire chier parce que Jordan ne me laissait pas faire ce que je veux.

-Moi, je sais ça… Mais Jordan veut pas que j’aille seul où je veux alors je dois me faire chier pendant qu’il dort. Moi, je trouve pas ça normal.

Oui. Ce n’était pas normal.

Je mis alors la cassette de The Burning Fire dans le lecteur pour que la chanson commence. Mettre ça me fit penser à Howard Stone qui n’avait pas encore sorti d’album et, donc, qui n’avait pas encore fait de concert.

Moi, j’en avais marre d’attendre.

Mais Amon défendit Howard. Je levai un sourcil. Pourquoi Amon défend tout le monde ? Il parla des bébés d’Howard et du deuil d’Howard. Mais aussi de Savannah et de sa maladie. Oui. J’avais lu tout ça.

-Moi, je pense pas que c’est de bonnes raisons. Moi, j’attends depuis longtemps l’album. Et si Savannah est malade, elle doit faire l’album avant de mourir.

Ma psy serait pas contente que je dise ça… Mais je m’en fichais. Je suis fâché sur elle.

Amon demanda si je les avais déjà vu en concert. J’hochai la tête négativement en regardant droit devant moi la route.

-Non. Mais quand ils feront un concert moi, j’aurais des places gratuites.

Oui. J’ai trouvé plusieurs gens qui veulent bien me donner des places gratuites. Je levai alors les yeux vers Amon.

-Moi, je comprends pas pourquoi tu défends tout le monde alors que tu dis des méchantes choses sur eux dans tes articles. Je lis tous tes articles. Tu es souvent méchant avec les gens.

Oui. Souvent.

-C’est bizarre de les défendre après.

Oui. Bizarre.

Je souris quand Grant affirma qu’il était mon seul ami, tout en conduisant.

-C’est un peu ça…

Je ne mentais pas. Timmy Evans était bien mon ami, mais je le voyais mal venir passer l’après-midi à la plage avec moi. Ce n’était pas son genre… Costume trois pièces et sable ne font pas bon ménage. Et puis, il s’était retrouvé une femme alors je passais au second plan.

Grant pestait sur le fait qu’il se serait fait chier chez lui, si je n’étais pas venu. Je pris alors la défense de son tuteur qui devait pas avoir la vie facile tous les jours. Grant était bien d’accord, mais il râlait que Jordan ne le laisse pas flâner en ville tout seul. Il trouvait ça pas normal.

Je fis la moue, réfléchissant.

-Il faut dire que tu as donné à Jordan des raisons de se méfier… Tu as vandalisé la tour BSC, tu as fait plusieurs fugues… ça ne met pas vraiment en confiance.

Je haussai les épaules, les yeux fixés sur la route.

-Tu devrais tenter de convaincre Jordan que si tu sors, tu ne feras rien de mal et que tu reviendras à la maison à une heure dite. Et respecter ta parole. Après l’avoir fait deux ou trois fois, ça rétablira la confiance entre vous et je suis sûr que Jordan te laissera sortir. Il sait que t’es débrouillard.

Puis il mit la cassette de The Burning Fire, ce qui lui donna une autre raison de râler. Sur Howard, cette fois.

Mais toutes les excuses que je donnais au groupe ne suffirent pas à l’enfant.

Il était même assez dur avec Savannah Prescott.

-T’es dur en affaires, toi, hein ?

Par contre, il n’avait jamais eu l’occasion de voir son groupe favori en concert. Je trouvais ça un peu dommage. Mais il disait que dès la première occasion, il irait les voir parce qu’on lui avait promis des places gratuites. C’était vrai, il me semblait bien que je lui avais promis ça. Je saurais en avoir par Howard.

-Tu les auras, tes places.

Puis son visage se fit perplexe. Et il posa une question plus que légitime. Apparemment, il lisait L.A. People et savait que je n’étais pas tendre avec les stars. Puis ce qui lui semblait bizarre, c’était que je les défende après.

-Et bien… Je suis journaliste people. Mon job, c’est de faire des articles à sensation et pour ça, je ne dois pas mâcher mes mots.

Je soupirai.

-Je sais que je suis méchant sur papier mais…

Je regardai le petit.

-J’espère ne pas l’être trop en vrai.

Oui. J’étais son seul ami. C’était ça. Moi j’avais deux amis. Lui et Sofia. C’est toujours plus qu’Amon. Pourtant, Amon ne va pas chez le Docteur Johnson…

Moi, j’avais expliqué me faire chier le samedi surtout quand Jordan travaillait la nuit. Je disais que j’aimerais pouvoir aller dehors seul et là où je veux mais que Jordan ne voulait pas. Quand j’étais chez mon père, c’était différent. D’après Amon, Jordan avait des raisons de se méfier et il cita pourquoi. Je roulai des yeux avant de faire la moue et de froncer les sourcils.

-Moi j’ai fais ça parce qu’on m’avait ennuyé. Je fugue plus depuis longtemps. J’ai plus rien cassé. Moi, je fais des efforts mais, comme d’habitude, Jordan n’en fait pas.

Il disait que je devrais convaincre Jordan. Je fixai toujours droit devant moi. Moi, j’ai déjà essayé de lui dire ça.

-Moi, j’ai dis tout ça. Mais je crois que Jordan a peur de mon père. Pas moi. Mais je sais me débrouiller tout seul dans la rue.

J’aimais aller au parc dessiner. J’en avais marre de dessiner à côté du jardin de Ross et de son sale chien.

Je mis, ensuite, The Burning Fire dans le lecteur et je me mis à en vouloir à Howard Stone et Savannah Prescott de pas sortir d’album. Moi, je trouvais les excuses d’Amon pas assez bonne. Il défendait Howard et Savannah. Il disait que j’étais dur en affaire. J’hochai de la tête.

-Oui. Il faut.

J’avais jamais vu The Burning Fire en concert… Mais Amon m’avait promis des place et il déclara que j’aurais les places.

-Oui.

Mais je comprenais pas Amon. Il défendait tout le monde aujourd’hui alors que dans ses articles, il était méchant avec tout le monde. Il disait que c’est parce qu’il est journalistes people et qu’il devait faire des articles comme ça pour que les gens lisent. Il savait qu’il était méchant dans ses articles mais il l’était pas en vrai.

-Moi, je pense pas que tu l’es en vrai. Je connais des gens méchant. Guillermo Quinn est méchant. Mon grand-père est méchant… Toi, non, moi je pense pas que tu es méchant.

J’haussai des épaules. Amon, je savais qu’il devait faire des articles pour gagner de l’argent.

Après ça, je me tus pour écouter la musique jusqu’à-ce qu’on arrive à la plage. On descendit de la voiture pour aller sur la plage. Je choisi un endroit où il y avait personne. Je sortis mon essuie que je mis au sol avant d’enlever mes habits pour finir en maillot. Il faisait pas si chaud mais très bon pour octobre. Moi, j’avais l’habitude qu’il fasse plus froid. A L.A., j’avais tout le temps chaud.

J’étais assis à côté d’Amon et je regardais vers la mer. Je brisai, ensuite, le silence :

-Avec mon père, j’allais à la plage aussi… A Malibu…

Je fixai Amon.

-Il est pas venu me chercher… Jamais. Il a même pas appelé. Moi, je crois qu’il s’en fiche. Maintenant, je suis coincé avec Jordan… Et avec le Docteur Johnson aussi. Elle veut que j’aille chez elle toute ma vie.

Et je ne voulais pas.

Grant voulait pouvoir sortir dans la rue tout seul. Ce ne serait pas plus mal. Après tout, il y avait pleine de gamins de son âge dans la rue et ce serait peut-être l’occasion pour lui de se faire des amis en dehors de l’école. Mais bon, d’un autre côté, il vivait dans l’Eastside, ce serait peut-être différent s’il vivait à Santa Monica ou Hollywood.

Je comprenais Grant… Mais je comprenais Jordan aussi.

-Je sais pas si c’est une question de faire des efforts. Il veut que tu sois en sécurité, je pense. Tu sais, il en voit des mauvaises choses sur une journée. C’est facile de se faire des films pour lui.

Mais Grant pensait que Jordan avait surtout peur de son père. Je serrai un peu plus mes mains sur le volant, évoquant l’image de Ward dans ma tête.

-Il y a de quoi…

Mais lui, Grant, n’en avait pas peur… Et il soutenait qu’il pouvait se débrouiller seul dans la rue.

-Ça viendra… Jordan ne va pas pouvoir te garder prisonnier tout le temps.

En parlant de The Burning Fire, et des excuses que je trouvais à tout le monde, ça amena le garçon à se questionné sur le fait que j’étais méchant dans mes articles… Mais qu’en dehors, je défendais tout le monde.

Je souris…

Et pour la première fois de toute ma vie, je me justifiai tout haut en disant que j’étais méchant par nécessité, mais que ce n’était pas du tout mon caractère. Ce que je faisais dans mes articles était digne de mon père et de ma sœur… C’était pour être comme eux que j’étais devenu ce que j’étais.

Mais dans le fond, je n’avais jamais changé.

Grant affirma qu’il pensait que je n’étais pas méchant. Contrairement à Guillermo Quinn, le fils adoptif de Finan Quinn, de The Warriors et très jeune chroniqueur de l’émission de Vanya Kournikova.

-Merci, Grant… Avec toi, je peux être naturel. Et c’est très précieux.

On arriva à la plage, à Santa Monica. On s’était tus le temps d’arriver et de se mettre en maillot. Ce ne fut qu’une fois sur le sable, les yeux rivés vers l’océan à prendre le soleil encore chaud d’octobre que Grant recommença à parler, évoquant son père qui l’emmenait aussi à la plage. Mais qui, depuis son jugement, n’était jamais venu le chercher.

Résultat, Grant pensait qu’il s’en foutait de lui.

-Même pas un coup de fil ?

Je pinçai les lèvres.

-Tu es un garçon génial, Grant. Et très intelligent. Tu mérites qu’on t’aime. Si Ward ne l’a pas compris, tant pis pour lui.

Je souris à Grant.

-Ce à quoi tu dois faire attention, c’est au gens qui t’apprécient : Jordan, Sofia, moi… Au fil du temps, il y en aura d’autres.

Je marquai une pause avant d’ajouter…

-Pourquoi ta psy pense que tu ne pourras pas te passer de vos séances ? Tu le sais ?

Amon disait que Jordan voyait des choses mauvaises sur ses journées et que c’est pour ça qu’il avait peur que je sortes. Je roulai des yeux.

-Moi, j’y peux rien de ça. Moi, je sais ce que je fais. Je sais me défendre aussi.

Moi, je pensais surtout que Jordan avait peur de mon père. Amon trouvait qu’il y avait de quoi et j’hochai négativement de la tête.

-Moi, j’ai vécu avec. Je suis pas mort.

Pas mort du tout.

Amon disait que Jordan ne pourra pas me garder prisonnier tout le temps. Je plissai du nez. Je sais qu’il aimerait bien. Surtout qu’il est tout seul maintenant.

-Non. S’il fait ça, je partirais.

On avait parlé de The Burning Fire et Amon défendait beaucoup les gens qu’il avait l’habitude de dire des trucs méchants dessus dans ses articles. Moi, je ne comprenais pas bien ça. Mais il expliqua qu’il faisait ça pour son travaille et que, sinon, il était gentil.

Oui. Il l’est. Il était content que je dise ça.

-Oui. Précieux.

Après on se tus le temps du trajet avant d’arriver à la plage où on mit nos essuie sur le sable et on se mit en maillot aussi. Une fois assis sur les essuies, je regardais vers la mer avant de me rappeler quand mon père m’emmenait sur la plage à Malibu pour m’entrainer.

Mais maintenant, je pensais que mon père se foutait de moi. Il était pas venu me chercher après.

Amon demanda s’il m’avait pas téléphoné.

-Non. Rien. Moi j’existe plus.

Amon disait que j’étais intelligent. Oui je le suis. Et que si mon père l’avait pas compris que c’était tant pis pour lui.

-Oui. Tant pis…

Il disait que je devais faire attention aux gens qui m’apprécient. Il en compta trois. Il y avait Leia aussi que j’aimais bien et Sky. Ça fait cinq. Il disait que, plus tard, il y en aura d’autres.

-Moi, j’ai pas besoin de plus. J’ai Leia et Sky aussi. Mais ça m’ennuie. J’aimais bien la vie chez mon père.

Et je m’énervai sur le Docteur Johnson. Amon se questionna là-dessus. J’hochai de la tête.

-Oui… J’ai demandé moi et elle a expliqué.

Oui, elle avait fini par expliquer en essayant que les mots soient faciles à comprendre pour moi.

Je montrai ma tempe du doigt.

-Parce que je fonctionne pas normal.

Pas normal, oui.

-Elle a expliquer que les gens, ils fonctionnent tous différemment mais qu’il y a des trucs qui se ressemblent. Moi, je suis pas comme les autres.

Je suis mieux ? Non… Elle avait pas dit ça… Elle avait dit « différent ».

-Moi, je dois gérer des trucs dans ma tête et elle dit qu’avec son aide, ça ira mieux. Mais que je dois venir pour toujours parce que je peux pas changé ce qu’il y a dans ma tête.

Je fronçai les sourcils fort.

-Moi, je ne veux pas aller là pour toujours. Moi, je pense pas que je fais des choses mal. Je fais des choses mal ? Parce que le Docteur Johnson dit que ce que j’ai fait à Dylan et ce que j’ai fait chez BSC, c’est pas bien et que je devais faire autrement… Mais je me suis défendu… Avec le voleur aussi.

Je levai les yeux sur Amon. Il savait tout ce que j’avais fait. Moi, je lui avais jamais rien caché.

Il semblait qu’entre vivre chez Jordan et vivre chez son père, Grant préférait vivre chez son père. Le truc, c’était que forcément, Ward n’en ayant rien à foutre de ce que pouvais trafiquer sa progéniture, il lui laissait tout faire. Ce qui pouvait passer, dans le chef de Grant, pour un supplément de liberté… là où l’instinct protecteur de Jordan pouvait être étouffant.

-Non, tu n’en es pas mort. En effet…

Je fis la moue. Qu’est-ce que je pouvais dire contre ça ? Sans être compliqué, c’était impossible. Et je n’avais pas envie que Grant me voit comme quelqu’un de complexe. Lui était simple. Il ne cessait de le dire.

Je tentai seulement de lui donner de l’espoir en lui disant qu’avec le temps, Jordan allait certainement relâcher la vis. Et Grant menaça de fuguer si ce n’était pas le cas.

-Tu verras, ça se fera naturellement.

Mais là où l’enfant me fit sourire, ce fut quand il déclara que je n’étais pas méchant. C’était bon à entendre. Et en même temps, je savais que je faisais tout pour pour que le tour L.A. pense le contraire.

C’était vraiment important pour moi que Grant, lui, ne me voit pas comme un méchant.

On se tut jusqu’à la plage, écoutant la musique tranquillement. Puis on s’installa sur le sable. Et ce fut là que la conversation reprit, à l’initiative de Grant.

Il était triste, en fait… ou plutôt frustré, parce que Ward faisait comme s’il n’existait plus. Je lui affirmai que si c’était comme ça, son père n’en valait pas la peine et il semblait d’accord.

-Mon père aussi s’en fout de moi. Y a que ma sœur qui me téléphone de temps en temps.

On fit le compte des amis de Grant, mais apparemment, il en avait plus que je ne le pensais. Il cita une certaine Leia et Sky, qui était l’ex-femme de Ward. Tout ce qui l’ennuyait, c’était qu’il aimait la vie chez son père.

-Ouais mais juste parce qu’il te laissait plus de liberté… pas vraiment parce qu’il te montrait de l’amour, pas vrai ?

Je voyais mal Ward prendre l’enfant dans ses bras comme j’avais déjà vu Jordan le faire.

Puis il me parla de sa psy, qu’il disait devoir voir à vivre. Je lui demandai pourquoi puis le laissai expliquer jusqu’au bout, mes yeux s’exorbitant à mesure qu’il m’expliquait que son docteur le voyait comme anormal.

Je finis par secouer la tête.

-C’est du délire.

J’attendis deux salves de vagues, cherchant mes mots, avant de lui dire ce que je pensais.

-Tu n’es pas anormal, Grant. Tu as juste… comment dire ? Du mal à gérer tes émotions et peut-être une tendance à considérer la violence comme la première solution à tes problèmes alors qu’elle devrait être la dernière. Mais est-ce que tu fais du mal par plaisir ? Je ne pense pas.

Je souris à Grant.

-Tu n’es pas mauvais. Pas plus que moi. Je t’ai déjà dit pourquoi j’étais à L.A. ?

Non, je savais bien que je ne lui avais pas dit. Parce que je ne parlais jamais de ça.

Amon, il était sûr que Jordan finira par me donner plus de liberté mais, moi, j’étais pas aussi sûr que lui. Moi, j’étais sûr que je pourrais jamais aller où je veux tant que je vivrais chez Jordan.

Après que j’avais dit à Amon que je ne le trouvais pas méchant on fit silence et on écouta The Burning Fire jusqu’à arriver à la plage. Quand on fut installé sur les essuie face à la mer, moi, je me remis à parler à Amon. Je parlai de mon père qui n’était pas venu me chercher. Moi, ça m’énervait. Parce que ça voulait dire qu’il se foutait de moi. Sinon, il serait venu me chercher.

Moi, pour lui, je crois que je n’existe plus.

Ça me fâche beaucoup.

Amon disait que son père aussi se foutait de moi. Je tournai mon regard vers lui. Moi, je savais que Amon était tout seul mais je savais pas qu’il avait une sœur.

-Ah oui ? Moi aussi j’ai une sœur mais elle est petite. Et ta Maman ? Elle t’aime beaucoup ?

La mienne était morte.

Moi, j’expliquais que j’aimais bien être chez mon père parce qu’il me laissait faire plein de choses. Mais Amon pensait que j’aimais être chez lui juste parce que j’avais plus de liberté. Je plissai des yeux en réfléchissant.

-Il m’entrainait. Il m’apprenait à tirer. Il m’offrait des choses. Moi, je pense qu’il m’aimait.

Oui. Je pense qu’il m’aimait. Avant.

-Moi, je comprends pas pourquoi il ne m’aime plus.

Moi, je n’avais rien fait. C’est pas ma faute s’il a été en prison. J’y suis pour rien. Et j’avais même bien voulu espionner Jimmy Reed pour lui. Mais maintenant, je crois qu’il s’en fout de moi.

Puis, je dis à Amon que j’étais fâché sur ma psy. Je lui expliquai pourquoi elle voulait que je vienne toute ma vie la voir. Elle m’avait beaucoup expliqué et j’essayais de réexpliquer à Amon.

Et lui, il était étonné que la psy ait dit ça.

-Oui. Du délire.

J’hochai de la tête d’accord avec Amon. Il disait que j’étais pas anormal. La psy avait pas vraiment dit ça mais j’avais compris ça. Amon expliqua mon problème et à sa question, je regardai, à nouveau, vers la mer.

-Moi, j’étais content que j’ai fait ces choses. Parce que je pense que c’est ce que les gens qui m’ont fait mal méritait.

Oui. Et je le pense toujours.

-Moi, je leur aurais rien fait s’ils ne m’avaient pas ennuyé ou fait mal.

Oui. Voilà. Je ne leur aurais rien fait.

-Je suis pas anormal. Moi, je suis intelligent. Tu l’as dit.

Et je n’étais pas mauvais. Amon disait ça. Il me demanda alors s’il m’avait déjà dit pourquoi il était à L.A.. Je regardai, à nouveau, vers lui avec un regard interrogateur.

-Non. Pourquoi tu es ici ?

Installés sur nos essuies de bain, face à la mer qui dansait dans une légère brise annonçant tout doucement l’automne, on avait une conversation assez profonde, plus profonde peut-être que toutes celles que j’aurais pu avoir avec des adultes de ma connaissance.

En même temps, Grant était en pleine construction de son identité et presque aux portes de l’adolescence. C’était bien normal qu’il se pose des questions… Notamment sur son père dont il avait l’impression que ce dernier l’avait abandonné.

Je comprenais le sentiment… Mon père, Lars, payait le loyer de mon loft mais question affection ? Zéro. J’avais toujours été le raté de la famille.

Et tout ça amena Grant à se questionner sur ma famille.

-Ouais… on a pas mal de points communs, toi et moi. Et ouais, ma maman m’aimait beaucoup. Mais comme la tienne, elle est morte quand j’étais petit.

Grant refusait de croire que son père ne l’aimait pas. Et il me cita les activités qu’ils faisaient ensemble, il n’y avait pas encore si longtemps. Pour Grant, tout ça était une preuve d’amour. Or, qui étais-je pour penser le contraire ? Ward était ce qu’il était, mais peut-être qu’il aimait son gosse ? C’était l’impression qu’il avait donné à Grant en tout cas.

-Je ne peux pas prétendre le contraire… Je ne sais pas comment Ward était avec toi…

Du coup, forcément, il ne comprenait pas le soudain désintérêt de Ward.

-Je ne te cacherai pas que Ward est méchant avec moi… Alors je ne l’aime pas beaucoup mais… Il vient juste de sortir de prison… Peut-être qu’il doit arranger ses affaires avant…

Après tout, je n’avais pas revu Ward à la salle de sport depuis qu’il était sorti de prison. S’il avait perdu ses biens dans l’aventure, il n’avait peut-être pas de quoi accueillir Grant.

De Ward, Grant me parla de sa psy et de ce qu’elle lui avait dit. Je trouvais ça assez sidérant de condamner d’emblée un garçon si jeune. Comme s’il n’y avait plus d’espoir pour lui.

Grant, lui, soutenait qu’il ne faisait que se défendre. L’ennui, c’était qu’il le faisait toujours par la violence. Et il était content quand il remettait les autres à leur place de cette façon. Je savais le sentiment de satisfaction que ça procurait. Je me retrouvais assez bien dans le discours de Grant.

Le truc, c’était que ça ne m’avait pas vraiment réussi. Et j’avais un peu peur qu’il arrive la même chose à Grant. Alors je décidai de lui ouvrir mon cœur, de lui parler de mon passé que d’habitude, je gardais pour moi.

Grant me regarda avec des points d’interrogation dans les yeux et je détournai le regard pour le fixer sur les vagues qui allaient et venaient.

-Et bien… j’étais comme toi. Un peu différent. Alors les autres se foutaient de moi. Du coup, je me battais souvent… Jusqu’au jour où…

Je soupirai et enfonçai mes pieds dans le sable.

-J’ai voulu aider une fille qu’un gars essayait de violer. Imagine qu’un gars veuille vraiment du mal à Sofia par exemple… Alors j’ai frappé ce gars pour la sauver. Sauf que j’ai été trop loin et le gars est mort.

Je me mordis la lèvre.

-Alors j’ai du partir. Quitter ma maison tous ceux que j’aimais, tout ce que je connaissais. Pour faire ma vie ici. En exil.

Je regardai à nouveau Grant.

-Je ne voudrais pas qu’il t’arrive la même chose.

Amon aussi avait perdu sa Maman quand il était petit. Je le regardai longuement. Moi, je savais pas ça. Amon était comme moi. Son père se foutait de lui, il avait plus de Maman et il avait une sœur.

-Moi aussi Maman m’aimait beaucoup.

Et je l’aimais beaucoup. Je ne voulais pas qu’elle soit morte mais elle l’était.

Et mon père, il m’aimait ? Moi, je crois que oui… Moi, j’expliquais à Amon qu’il avait montré qu’il m’aimait. Il disait qu’il pouvait pas dire le contraire parce qu’il ne savait pas comment mon père était avec moi. J’hochai de la tête.

-Oui. Tu ne sais pas.

Jordan, lui, il prétendait savoir. Il prétendait toujours savoir plein de chose sans savoir. Il croyait qu’il connaissait mon père et Sky. Mais il leur avait jamais vraiment parlé.

Il disait que mon père était méchant avec lui et qu’il ne l’aimait pas. Mais comme il venait de sortir de prison, il devait peut-être arranger des trucs avant de venir me chercher. Je plissai des yeux, pas convaincu.

-Moi, je pense pas que ça l’empêchais de téléphoner pour me le dire.

Oui. Il aurait pu faire ça.

J’avais parlé de ce que ma psy m’avait dit. Moi, j’étais fâché de ce qu’elle avait dit et Amon était d’accord avec moi. Moi, je suis pas anormal. Moi quand je frappe les autres ou que je fais du mal c’est pour me défendre. Et, oui, après j’étais content. C’est normal, non ?

Amon me parla alors du pourquoi il était venu à Los Angeles. Je le fixai cherchant à savoir et il m’expliqua qu’il était comme moi… Que les autres se moquaient de lui.

Et il avait frappé un type qui avait fait mal à une fille. Il voulait la sauver mais il a frappé le type trop fort.

Le type est mort.

Je fixai Amon en silence sans expression aucune sur mon visage hormis une légère lueur de fascination.

Amon avait dû partir après ça et venir ici. Et il ne voulait pas qu’il m’arrive la même chose.

Je le fixai longuement. Moi, je voyais pas ce qu’il avait fait de mal dans son histoire. Et je lançai :

-Toi, tu as fais ce que tu devais faire. Tu as protégé. Moi, je pense pas que tu aurais dû partir pour ça. Le type est mort mais…

Je penchai légèrement la tête sur le côté en fixant toujours Amon.

-Il le méritait. Il devait pas faire le mal.

Je fixai alors la mer.

-Moi, si quelqu’un fait mal à Sofia, je ferais pareil que toi.

Oui. Je ferais pareil. Et on pouvait voir dans mon attitude que je ne changerais pas d’avis là-dessus.

Je fixai, à nouveau, Amon.

-Toi tu me comprends, alors ? Moi, je pense que le problème c’est les gens qui t’ont puni. Moi quand j’ai défendu Nell du voleur, on ne m’a pas puni. La police a dit que ce que j’avais fait était pas mal.

Ils ne m’avaient pas mis en prison. Alors ça voulait dire que j’avais fait le bien. J’avais déjà raconté à Amon que j’avais tiré sur le voleur.

Je souris à Grant et lui fis une petite tape amicale sur l’épaule quand il affirma que sa mère, qui était décédée, comme la mienne, l’aimait. On était un peu dans le même bateau, lui et moi. C’était probablement pour ça qu’on s’entendait si bien.

Quant à son père… ben, j’étais mal placé pour savoir s’il aimait le gamin ou non. Je savais comment Ward était avec moi, mais ce n’était pas pour autant qu’il était dénué de sentiment pour la chair de sa chair.

Cela dit, comme le souligna Grant, Ward aurait pu lui téléphoner. Ça aurait été la moindre des choses. Ce n’était pas comme si Ward ignorait où Grant se trouvait. Il savait très bien qu’il était chez Jordan.

Grant se contredisait un peu, là-dessus. Un coup il disait que son père en avait plus rien à foutre de lui. Et un coup il était convaincu qu’il l’aimait.

-Je ne saurais pas t’aider là-dessus, Grant. Ward seul à les réponses que tu cherches.

Puis on parla de sa psy et du comportement violent de Grant. Ce qui m’amena à parler de mon propre passé.

Je confiai donc à Grant comment j’étais arrivé, du Danemark, à Los Angeles. Je ne le regardais pas, je regardais la mer, revivant cette période sombre… je sentais encore les pommettes de ce mec éclater sous mon poing.

Je voyais la vie quitter son regard.

C’était une sensation horrible.

Mais quand j’eus fini, je regardai Grant et vis dans son regard non pas qu’il avait copris la morale de l’histoire… Mais une fascination frôlant l’adoration. Mon objectif n’avait pas été atteint. Comme le petit me le confirma  quand il rouvrit la bouche.  

-En effet, j’ai protégé… mais pas de la bonne façon. J’aurais pu simplement l’empêcher de nuire sans m’acharner dessus. Témoigner et le traduire en justice. J’étais assez fort pour ça, mais je n’avais aucune maîtrise de mes émotions.

Je souris d’un pauvre sourire quand Grant dit que s’il arrivait quelque chose à sa Sofia, il ferait pareil que moi. Je soupirai.

-Ce n’était pas ce que je voulais que tu comprennes.

Mais je voyais bien qu’il ne changerait pas d’avis. Il demanda si je le comprenais, reparlant du voleur sur qui il avait tiré et qui s’en était sorti.

-Ouais, je te comprends. Je te comprends tout à fait mais comme je suis déjà passé par là, je suis bien placé pour te mettre en garde. Quand tu as tiré sur le voleur, tu étais en légitime défense. Mais…

Je le regardai dans le blanc des yeux.

-Tuer quelqu’un, pour de vrai, c’est quelque chose d’horrible. Même si ce quelqu’un l’a mérité. Je m’en voudrai toute ma vie pour ce que j’ai fait.

Je désignai la mer d’un geste du menton.

-On va piquer une tête ?

Il n’y avait que mon père qui pouvait répondre à mes questions. Moi, j’hochai de la tête. J’aurais peut-être jamais les réponses s’il ne vient jamais me voir. Et ça m’énervait. Je ne comprenais rien à ce que faisait mon père.

Comme tous les adultes, il était compliqué.

Après, j’avais parlé de ma psy ce qui avait fait qu’Amon m’avait expliqué pourquoi il était venu à Los Angeles. Moi, j’étais fasciné par son histoire. Il avait tué quelqu’un qui avait fait du mal pour protéger. Moi, je disais qu’il avait bien fait. Qu’il avait protégé. Mais il disait qu’il ne l’avait pas fait de la bonne façon. Je levai un sourcil pour essayer de comprendre. Il disait qu’il aurait dû le mettre devant la justice.

Je réfléchissais… Avant de dire que si ça serait arrivé à Sofia, moi, j’aurais fait comme Amon mais, apparemment, je l’avais mal compris. Je plissai les yeux. Mal compris ? Moi, j’avais compris qu’Amon avait empêcher quelqu’un de faire le mal. Mais il pensait ne pas avoir fait la bonne chose. Mais j’étais pas tellement d’accord avec lui.

Il voulait me mettre en garde. Qu’il était passé par là et que tuer quelqu’un c’est horrible.

Je fixai la mer. Horrible ? Sauf si la personne est méchante, non ? Amon pensait que « non ». Maintenant, il disait qu’il s’en voulait pour avoir tué le type.

Pourquoi ?

Je n’arrivais pas à comprendre… Ma psy aussi avait dit que, à l’école, je devais pas frapper mais aller parler à un adulte si jamais quelqu’un m’ennuyais ou me faisait du mal.

Mais… Je n’y arrivais pas…

-Oui. La justice aurait pu mettre le type en prison… Mais toi, tu as su faire justice avant. Moi aussi, j'aurais pas arrêté de frapper. C'est comme ça. J'aurais pas réussi à arrêter.

Je pense toujours qu’Amon avait bien fait. Mais il veut me faire comprendre que, lui, il s’en voulait. Et j’arrivais pas à comprendre ce qu’il ressentait. J’essayais.

-Moi, j’essaye de comprendre. Beaucoup, j’essaye.

Il montra alors la mer et je me levai.

-Oui. Je veux aller dans l’eau.

Et je me mis à courir vers la mer pour aller dedans.