Assommé par les médicaments.

Daviiiiiiiiiiiiiiid

Distrait par les voix.

Mon enregistrement.

De la chanson pour Peyton.

Avançait lentement.

Très lentement.

Daaaaaaaaaavid.

J’avais pas su faire toute la journée.

J’étais rentré tôt.

J’avais été dormir.

Le sommeil.

Etait ma seule échappatoire.

Je fuyais le monde.

Je fuyais les voix.

Assommé par les médicaments.

Je n’allais même pas entendre.

Les petits d’Howard pleurer.

Daaaaaaaaaaaavid

DivaD

Elle est morte David.

Je sais.

Je rêvais.

Je rêvais de Peyton.

Peyton qui sortait de sa tombe.

Peyton qui voulait m’attraper.

Pourquoi ?

Je ne pouvais pas bouger.

Pas hurler.

Paralysie du sommeil.

Je déteste ça.

Peyton était là.

Décomposée.

Et je ne pouvais pas fuir.

Je m’époumonais.

Mais aucun son ne sortait.

J’étais couché dans mon lit.

Dans ma chambre.

Et Peyton était là.

Juste près de mon lit.

Et je ne pouvais rien faire.

Pas bouger.

Pas crier.

Jusqu’à ce que…

Comme si des liens s’étaient

Tous défaits en même temps.

Je me redressai.

J’étais toujours dans mon lit.

Essoufflé.

Trempé de sueur.

Au bord des larmes.

-Oh bon Dieu !

Je passai mes mains.

Sur mon visage.

Daaaavid !

-La… la ferme !

J’avais la bouche sèche.

Alors je me levai.

Tremblant.

Et descendis…

En boxer…

Parce qu’il faisait chaud.

Si je tremblais.

C’était de peur.

Elle est morte, David !

Je me frottai la tête à deux mains…

En descendant les escaliers.

-Raaah… je… je sais !

Dans le noir.

Je tâtonnai…

Il fallait que je traverse.

Le salon…

Pour aller…

Dans la cuisine.

Et là.

Je la vis.

Allongée sur le divan !

Peyton !

Mon cœur fit un bond.

Je fis un bond en arrière.

-Peyton !

Et me plaquai contre le mur !

Je pris un bibelot…

Sur un meuble.

Sans savoir ce que c’était.

Mais c’était lourd.

Et dur !

Et j’étais sur le point de le lancer.

Si j’étais menacé !

-Ne… N’approche pas !

Tu es morte.

Allongée sur le divan d’Howard, enroulée dans une doudouce qui sentait le Chanel #5, je n’arrivais pas du tout à dormir. Je ne faisais que me tourner et retourner en tous les sens comme si cela allait aider à mettre de l’ordre dans mes pensées ou bien à les chasser définitivement. Ma querelle avec Julian jouait en boucle dans ma tête, je revoyais chaque instant et réentendais chacune de nos paroles. Tout le blâme ne revenait pas à Julian, je savais que je n’aurais pas dû minimiser ses sentiments. D’un autre côté, j’en revenais toujours à me dire que tout ceci n’était qu’une histoire de confiance. Ou bien Julian m’accordait la sienne sans faille, ou bien nous en restions là. Je ne pouvais pas vivre dans une relation ou je faisais aveuglément confiance en m on mari alors qu’en revanche, je devais constamment me justifier et adopter un comportement impeccable.

Je soupirais en repensant à tout ceci, un beau gâchis.

Ward s’invita à la fête à un moment aussi, pendant la nuit. Je repensais à cette sombre période où ma capacité de discernement avait été parasité par un psychopathe de compétition et pendant laquelle j’avais blessée Julian. Ça avait été involontaire de ma part, maintenant que j’allais mieux et que j’étais revenue à la raison ! Mais peut-être que j’avais causé une profonde blessure à Julian qui faisait en sorte que dorénavant, sa confiance était brisée à jamais.

Quelque part pendant la nuit aussi, j’entendis Howard marcher avec un bébé puis avec l’autre. Sa vie ne devait pas être facile avec des jumeaux nouveau-nés qui demandaient des soins à toute heure du jour et de la nuit. Malgré tout, il gérait et c’était pour ça que je ne me levais pas de son divan pour lui proposer un coup de main. Peut-être aussi que c’était un moment pour lui de se sentir près de Peyton, de la retrouver au travers de ses bébés.

J’étais à deux doigts de sombrer quand à nouveau je ressentis une présence. J’ouvris un œil, puis l’autre avant de relever la tête et de déceler la silhouette de David McAvoy, tapis dans l’ombre.

- David ?

Dans un faisceau de lune, je vis briller entre ses mains le Grammy Awards qu’Howard avait gagné avec The Burning Fire. Avant de m’étendre définitivement sur le divan, j’avais admirer les prix exposés sur le manteau de la cheminée. Je me redressais sur mes coudes alors que David m’intima de ne pas approcher.

- D’accord… Je ne vais pas approcher. Je peux cependant ouvrir la lumière, je peux ?

Howard avait dû oublier de le prévenir que je passais la nuit chez eux, ça ne pouvait qu’être ça qui expliquait sa grande méfiance. Je restais sur le divan mais je m’étirais pour allumer la petit lampe de lecture posée sur une table entre les deux grands divans. La lumière me fit mal aux yeux et je m’en cachais le visage quelques secondes, le temps de m’habituer.

- J’ai demandé à Howard si je pouvais dormir sur son divan cette nuit. J’ai eu une querelle avec mon mari… Enfin, ce n’est pas très important, je ne vais pas t’embêter avec ça. Tu n’arrivais pas à dormir ?

Ou peut-être que les pleures d’un des bébés l’avaient réveillé. Si j’avais trouvé le sommeil, cela m’aurait certainement réveillée !

Peyton !

Peyton était là.

Morte.

Mais vivante.

Allongé dans le divan.

Elle bougeait.

Ses yeux étaient lumineux.

Une lumière rouge.

Démoniaque !

Daviiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiid !!

MOUAHAHA !!!

J’avais le Grammy Award

En main.

Et le brandissait

Plaqué contre le mur du salon

Opposé au divan.

La peau de Peyton.

Etait bleuâtre.

Elle pendait.

Je pouvais même.

En sentir l’odeur.

Une odeur de chair morte.

David ?

DAAAAAAAAAAAAAAAAAVid !

Je plaquai ma main libre.

Sur mon oreille.

Et grognait.

-Taisez-vous !

Les voix.

Peyton.

Elle perdait ses cheveux.

Par grosses touffes.

C’était horrible.

D’accord… Je ne vais pas approcher. Je peux cependant ouvrir la lumière, je peux ?

Je gémis.

Regardai vers l’interrupteur.

Il était loin.

Et je n’avais aucune envie.

De voir une morte marcher

Jusque-là.

Peyton tendit le bras.

Je levai plus haut…

Le lourd trophée.

Tremblant.

Au bord des larmes.

De voir mon amie

Dans cet état de décomposition.

Mais quand la lampe s’alluma…

Peyton était…

Toujours décomposée.

Mais un peu différentes.

Avec des cheveux filasse blonds.

Et ses yeux n’étaient plus rouges.

Mais d’un bleu brillant.

J’ai demandé à Howard si je pouvais dormir sur son divan cette nuit. J’ai eu une querelle avec mon mari… Enfin, ce n’est pas très important, je ne vais pas t’embêter avec ça. Tu n’arrivais pas à dormir ?

Je me mis à sangloter.

-Tu es morte ! Tu ne peux pas… pas… pas te… Disputer avec Howard !

En plus…

C’était pas plutôt lui.

Qui dormait sur le divan ?

En cas de dispute ?

Effrayé.

Je balançai le trophée.

Qui rata sa cible.

Percutant le mur au-dessus

De la morte vivante.

Et je me laissai glisser.

Le long de mon propre mur.

Sanglotant.

-P…P… Peyton… Il faut que… que tu reposes en paix. Je te… je te promets… Que les enfants vont bien.

David se tenait dans un coin reculé du salon, tenant un Grammy Award, comme s’il se protégeait de quelqu’un ou de quelque chose. Il ne semblait pas aller bien, il gémissait des choses que je ne compris pas tout de suite. Peut-être était-il somnambule? Ça se pouvait, j’avais lu des tas de trucs là-dessus !

Il ne voulais pas que je m’approche, comme si je le terrifiais, comme s’il confondait la réalité avec un mauvais rêve. Je m’étirais tout de même le bras, doucement pour ne pas l’effrayer davantage et j’allumais la lumière de la petite lampe se trouvant tout près de moi.

Je lui expliquais calmement qu’Howard m’avait permis de dormir sur le divan du salon et, sans trop entrer dans les détails, j’ajoutais que c’était suite à une dispute avec mon mari. Soucieuse de savoir s’il allait bien, je lui demandais s’il avait des problèmes de sommeil mais il se mit alors à sangloter en répétant que j’étais morte et que je ne pouvais donc m’être disputé avec Howard.

- Tu… ? Oh !

J’avais les idées embrouillées, je n’avais pas tout de suite compris qu’il me confondait avec Peyton, récemment décédée.  Je passais ma main sur mon visage puis je me frottais un peu les yeux avant de me redresser en position assise, juste à temps pour voir passer le trophée qu’il tenait en main. J’étais choquée, surprise et un peu effrayée. Il y avait quelque chose ne l’air ou bien tous les hommes près de moi s’étaient donné le mot pour réagir violement pour une situation qui ne le méritait pas ?

- David ! Calme-toi, s’il-te-plait !

Il aurait pu m e blesser grièvement si le trophée m’avait atteint à la tête ! Il aurait pu casser la fenêtre du salon s’il avait visé juste un peu à côté !

Puis David se lassais glisser contre le mur en pleurant et en promettant que les enfants allaient bien mais que je, du moins Peyton, devais les laisser tranquille.


Je le regardais ne sachant pas trop quoi faire. Si je me levais et qu’il se remettait à crier ou à vouloir me balancer des trucs, ça ne le ferait pas trop. Ce serait le bon moment pour qu’un bébé réclame son lait et qu’Howard ne vienne faire chauffer un biberon.
- David, je ne suis pas Peyton, je suis Olivia, regarde comme il faut… Frotte toi les yeux, je ne sais pas mais…  Je ne suis pas Peyton. Peyton t’aurait déjà accusé de tentative de meurtre si ça avait été à elle que tu avais lancé ce trophée !

Parlez-en à Monty, pour voir ce qu’il en a à dire !

J’avais peur.

J’avais froid.

Parce que j’étais en boxer.

Fait pas froid.

On est à L.A.

Il fait toujours.

Toujours chaud à L.A.

Mais j’avais froid quand même.

Parce que…

La Mort…

La Mort rôdait dans la villa.

Peyton était revenue.

Pour nous hanter.

Pour voir si on faisait

Les choses comme il fallait.

Tu… ? Oh !

Elle s’était…

Disputée avec Howard.

Alors elle dormait…

Dans le divan.

Heu…

Quand il y a dispute.

C’est pas Howard qui dort dans le divan ?

Si.

Non.

Je sais plus.

Elle s’était redressée.

J’avais pris peur.

Encore plus peur.

J’avais lancé le trophée.

Je l’avais ratée.

David ! Calme-toi, s’il-te-plait !

David ! Calme-toi, s’il-te-plait !

David ! Calme-toi, s’il-te-plait !

DAAAAAAAAAAAAAVIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIID !!

Je m’écroulai.

Le long du mur.

Pleurant.

Les mains sur les oreilles.

Même si je savais.

Que ça n’arrêtait jamais.

Jamais les voix.

Je fermai fort les yeux.

Pour ne pas voir.

Le visage décomposé.

De Peyton.

David, je ne suis pas Peyton, je suis Olivia, regarde comme il faut…

Je suis Olivia

Je suis Olivia

Je respirais…

De façon saccadée.

Entre deux sanglots.

J’écartai mes mains.

Mes yeux s’écarquillèrent.

La décomposition.

Les vers.

La terre de la tombe…

Disparurent doucement.

Et le visage de Peyton.

Laissa place à un autre.

Qui m’était un peu moins familier.

Mais que je reconnus.

Olivia était partout.

Après tout.

Dans les magazines.

Sur des posters.

Sur des affiches en ville.

Frotte toi les yeux, je ne sais pas mais…

Je me calmai un peu.

Mes sanglots se transformèrent.

En gémissements plaintifs.

Je frottai mes yeux.

Et en effet.

C’était Livia.

Pas Peyton.

Peyton est morte, David.

Morte et enterrée.

Je ne suis pas Peyton. Peyton t’aurait déjà accusé de tentative de meurtre si ça avait été à elle que tu avais lancé ce trophée !

Je regardais Livia.

Les yeux écarquillés.

-Oh mon Dieu ! Oh mon Dieu ! Qu’est-ce… Qu’est-ce que j’ai fait ?!

J’aurais pu faire du mal.

A Livia.

Beaucoup de mal.

Si je l’avais touchée…

Ça aurait signé mon billet de retour.

A l’asile.

Je me recroquevillai.

Les genoux contre mon torse.

-Je… je suis désolé ! Je suis désolé !

Valsant entre l’éveil et le sommeil, je fus surprise par David McAvoy en boxer et en état de somnambulisme profond, ou quelque chose s’y rapprochant. De toute évidence, il me confondait avec Peyton, la défunte épouse d’Howard. Devais-je me lever et m’approcher de lui, tout doucement ? Je ne savais franchement pas comment réagir surtout qu’il était visiblement effrayé par un fantôme qui n’était pas là !

C’est quand il me rata avec le trophée qui percuta le mur derrière moi que je réalisais que son état pouvait être dangereux et que je devais être prudente. Un geste un peu trop brusque et qui sait comment il pouvait réagir ? Ce n’était pas sans me rappeler la réaction de Julian qui avait fait payer la table de notre salon. À croire que j’étais destiné à avoir peur qu’on finisse par me sauter dessus ! Je me doutais par contre que David ne se contrôlait pas, qu’il n’était pas lui-même en ce moment, contrairement à Julian qui se laissait volontairement bouffer tout rond par le monstre de la jalousie.

Je parlais doucement à David, essayant de le ramener à lui, de le sortir de son brouillard et cela sembla fonctionner. Il se laissa glisser tout le long du mur derrière lui jusqu’à se recroqueviller, genoux contre torse, pleurant alors qu’il réalisait ce qu’il venait de faire et ce qui aurait pu se produire.

C’est un soupir de soulagement qui se faufila d’entre mes lèvres, soulagée que j’étais que ce presque cauchemar n’alla pas plus loin. Je passais une main dans mes cheveux, puis l’autre, avant de me lever et de me risque à approcher David, un pas lent après l’autre.

- Peyton te manque ?

Vu comment il pleurait, c’est ce que je comprenais. Ils devaient être proches l’un de l’autre quoi que pour vivre sous le même toit, ça devait être un atout parce que le contraire aurait été horrible !

J’étais maintenant tout près de David, assez pour que je décide de m’assoir sur le sol et que je puisse poser ma main sur son genoux. Il se confondait en excuse, je le sentais sincère. Il n’aurait pas fait semblant d’être entrain de rêver pour le simple plaisir de me lancer un trophée par la tête ! Du moins, j’osais le croire !

- Ça va, ne t’en fais pas. Il n’y a pas de mal… Sauf peut-être le mur qu’il faudra réparer mais… Tout va bien, t’en fais pas.

Je ne savais pas quoi dire d’autre, ni comment le consoler. Je ne le connaissais pas vraiment, un autre, je l’aurais pris dans mes bras pour le bercer doucement mais c’était peut-être maladroit, ne sachant pas ce dont il avait besoin pour se sentir mieux.

- Elle a laissé un grand vide dans vos vies… Je ne la connaissais pas comme toi pourtant, même pour moi ça me fait étrange.

Lola faisait partie du paysage musical depuis tellement d’année que ça semblait irréel de se dire qu’elle n’était plus là.

- Tu as envie de me parler d’elle ? De votre amitié ?

Peut-être que ça lui ferait du bien.

J’avais eu peur.

Je m’étais trompé.

J’avais encore…

Encore fait une crise…

Je savais…

Que j’avais du mal…

Pour l’instant…

Malgré les médicaments.

Parce que j’étais en deuil.

Parce que les enfants

C’était nouveau.

Parce que je devais enregistrer.

Et que c’était parfois…

Parfois un peu dur

De rester concentré.

Une foutue crise

Psychotique.

Le même genre qui avait fait.

Que Timmy Evans

M’avait fait interner.

Mais je ne voulais plus…

Retourner à l’hôpital.

Enfin…

Pas pour plusieurs jours.

J’allais régulièrement

Voir le Dr. Storm.

Souvent.

C’était Jack qui m’y conduisait.

Mais là je pleurais.

Parce que les rechutes

Faisaient mal

Physiquement mal

En plus…

J’avais bien failli…

Blesser Livia.

Livia ?

Qu’est-ce qu’elle faisait là ?

Elle était tout près maintenant.

Peyton te manque ?

Je sentis

Sa main

Toute petite

Et douce

Sur mon genou.

Si elle avait été

Le cadavre que j’avais vu.

Elle aurait été froide.

Flasque.

Ce n’était pas le cas

Pense rationnel David !

Je reniflai…

Essuyai mes larmes d’une main.

Même si elles coulaient encore.

Et je soufflai.

-Bien sûr… Bien sûr qu’elle… qu’elle me manque.

Je m’en voulais.

Pas pour Peyton.

Pour Livia.

Ça va, ne t’en fais pas. Il n’y a pas de mal… Sauf peut-être le mur qu’il faudra réparer mais… Tout va bien, t’en fais pas.

Je pinçai les lèvres.

Reniflai encore.

Et posai ma main.

Sur celle.

Toute petite.

De Livia sur mon genou.

Mais je n’osais pas…

Pas du tout…

La regarder dans les yeux.

Je savais qu’ils étaient bleus.

Seulement parce que…

Parce que je l’avais vu dans…

Dans les magazines.

Mais en vrai…

J’osais pas.

-Je suis une bonne personne… tu sais…

Pas un monstre.

Pas un violent.

Juste…

Juste un malade…

En fait.

Elle a laissé un grand vide dans vos vies… Je ne la connaissais pas comme toi pourtant, même pour moi ça me fait étrange.

Elle parlait de Peyton…

Mais…

Ok…

J’étais en deuil.

Mais Peyton n’était pas…

Pas le centre de mon univers

Non plus.

Parfois…

J’y pensais pas…

Mais c’était à cause de ce cauchemar.

Tu as envie de me parler d’elle ? De votre amitié ?

Je secouai la tête.

Non…

Parce que…

-Je ne veux pas… pas en parler… m’en… m’en souvenir me fait… mal à chaque fois.

Mais surtout…

Surtout…

Peyton…

N’était pas le nœud du problème.

-C’était juste… juste une crise psychotique… tu sais, mon… mon cerveau ne fonctionne pas… ne fonctionne pas…

Pas comme tout le monde.

Je soupirai…

-C’est surtout… l’idée de la Mort… en soi… Qui me… qui me perturbe… j’arrête pas de… de voir son cadavre… qui pourri… tu vois ?

Doucement, je m’étais rapprochée de David qui venait de passer près de m’offrir une chirurgie plastique à coup de Grammy Awards. S’il m’av ait effrayé avec son étrange comportement, j’avais vite réalisée qu’il devait être dans une phase de somnambulisme ou quelque chose dans le genre.

Dans son délire nocturne, il m’avait confondu avec Peyton. Fort probablement qu’ils étaient près avant le décès de la chanteuse. Après tout, ils vivaient ensemble, Howard, Peyton et David ce qui doit forcément rapprocher les gens.

David me confirma qu’elle lui manquait ce que je pouvais comprendre. On ne s’attend jamais qu’une personne dans notre grappe d’âge meurt subitement. Ça laisse toujours un vide qui ne se comble jamais vraiment, même avec le temps. On apprend simplement à vivre avec ce vide qui allait continuellement nous rappeler qu’il manque quelqu’un.

- Bien sûr que tu es une bonne personne. Ç arrive à tout le monde d’être confus et de se méprendre. T’en fais pas.

Ça m’avait un peu choquée la façon dont il avait eu de me balancer le trophée mais j’avais surtout été surprise. Il ne fallait pas toujours voir du mal là où il n’y en avait pas.

Assise en tailleur près de David, je lui demandais s’il avait envie de me parler de Peyton. Peut-être que ça lui ferait du bien puisqu’il semblait être affecté par son décès, assez pour en faire un cauchemar et de me confondre avec elle en me pensant être sa version zombifiée revenue d’entre les morts pour je ne sais quelle raison. Cependant, David préférait ne pas me parler d’elle en expliquant que de se souvenir lui faisait mal.

- Je comprends.

Puis il m’expliqua avoir fait une crise psychotique. Que la mort en elle-même le perturbait ce que je pouvais très bien comprendre. Il m’arrivait d’y songer et ça me faisait vraiment peur au point où je me sentais suffoquer. David en venait même à imagine le cadavre de Peyton en décomposition et évidement, ça le mettait mal.

- Oui je comprends ce que tu veux dire. Parfois, on ne contrôle pas le sens de nos pensées, même si nous faisons tous les efforts pour qu’elles aillent en un autre sens, elles vont droit dans le mur qu’on veut éviter.

Peut-être que j’interprétais pas bien ce que David voulait m’expliquer mais je l’avais comprise ainsi.

- J’ai aucune idée de comment tu peux faire pour éviter de penser à elle de cette manière. Peut-être que lorsque l’album sera sorti ça t’aidera à tourner la page définitivement là-dessus ?

Parce qu’en ce moment, à travailler sur son hommage gardait le spectre de Peyton parmi eux, de gré ou de force. Rendre hommage c’est bien, faire son deuil, c’est mieux.

- Je n’arrivais pas à dormir moi non plus… Tu me permets de fouiller dans ta cuisine ? Je pourrais nous faire une tisane si vous en avez.

Un truc chaud et réconfortant ne nous ferait pas de mal.

Peyton…

Non…

Livia…

Nom de Dieu !

Elle était…

Gentille…

Douce.

Réconfortante.

Elle ne m’en voulait pas.

Elle aurait pu !

J’avais bien failli.

Lui faire très mal !

Bien sûr que tu es une bonne personne.

Je suis…

Je suis une bonne personne.

Mais la peur.

Le stress.

Les voix.

Les hallucinations.

Faisaient de moi…

Une sorte de monstre.

Ça arrive à tout le monde d’être confus et de se méprendre.

Je frottais mon visage.

Encore un peu…

Mouillé de larmes.

T’en fais pas.

Tu n’as pas à avoir peur.

Je me détendis un peu.

Ce qui eut pour effet.

De me faire trembler.

C’était toujours comme ça.

La décompression.

Livia voulait…

Que je lui parle de Peyton.

Mais tout ce que j’avais envie.

C’était de la laisser en paix.

Qu’elle repose en paix.

Parce que j’avais l’impression

Que chaque fois que je…

Que je pensais à elle.

Elle se retournait dans la tombe.

Ou alors…

Que je l’invoquais.

Et qu’elle revenait me hanter.

Je comprends.

Alors…

Puisque Livia voulait bien…

Juste écouter.

J’essayai d’expliquer.

Ce qui était un peu…

Comme…

Inexplicable.

Oui je comprends ce que tu veux dire. Parfois, on ne contrôle pas le sens de nos pensées, même si nous faisons tous les efforts pour qu’elles aillent en un autre sens, elles vont droit dans le mur qu’on veut éviter.

Je regardai mes mains.

Comme si…

C’était la première fois.

Que je les voyais.

-Parfois… J’ai… je pense à quand je… quand je vais mourir et…

Je frissonnai…

-J’ai l’impression de… De pouvoir sentir… Les petits vers me… me grignoter… Tu vois ?

Un peu comme Peyton…

En ce moment même…

Non…

Daviiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiid…

Les vers ne grignotent pas Peyton.

Elle est en cendres.

J’ai aucune idée de comment tu peux faire pour éviter de penser à elle de cette manière.

J’enfouis mon visage.

Dans mes mains.

Pris une grande inspiration.

-Peyton… n’es pas un… Un cadavre purulent elle… Elle est en cendre… Elle nous a épargné ça. Faut que… Que je pense à ça.

Peut-être que lorsque l’album sera sorti ça t’aidera à tourner la page définitivement là-dessus ?

Je hochai la tête.

-Peut… Peut-être… Il parait que… Que le temps guérit… Toutes les blessures mais…

Je soupirai.

De désespoir.

-Quand ce sera plus ça… Ce sera un autre stress… Une autre angoisse… Je suis… Je suis jamais tranquille.

Je n’arrivais pas à dormir moi non plus… Tu me permets de fouiller dans ta cuisine ? Je pourrais nous faire une tisane si vous en avez.

Je souris…

-Ouais… ouais j’en ai… Howard… Howard aime pas ça mais… Moi j’aime bien en boire… ça me fait du bien…

Je me levai…

En m’aidant du mur.

Je tremblais de tout mon corps.

Je posai…

Doucement ma main.

Sur l’épaule de Livia.

Pour me soutenir.

Même ma voix tremblait.

Tellement j’avais été terrifié.

Et j’avais…

Du mal à m’en remettre.

-J’espère que j’ai… pas réveillé les bébés…

La mort.

Que ce soit celle de Peyton ou d’une autre personne, nous hantait tous inévitablement puisqu’elle nous confrontait à notre inévitable destin. Qui que nous soyons finirions les deux pieds devant qu’on le veuille ou non. Qui avait-il après la mort ? Était-ce un recommencement ou une errance éternelle ? Personne n’était revenu de l’au-delà pour nous en informer et c’était bien ce qui me terrifiait moi de la mort plutôt que la mort en elle-même.

David ne souhaitait pas parler de Peyton par peur d’avoir mal, ce que je pouvais très bien comprendre. Quand je pensais à Abuelo, ça me faisait toujours mal. Sa mort avait laissé un grande vide que même mes nombreux souvenirs avec lui ne suffisaient pas à remplir.

Quand David pensait à Peyton, il ne pouvait faire autrement que d’imaginer son cadavre grouillant de vers, se faisant dévorer. Évidement que ses pensées n’étaient pas désirées si volontaires. Sans qu’on le veuille, notre subconscient nous envoie des pensées qui nous confronte à nos peur les plus vives. Probablement que David redoutait sa propre mort et ce qui attendait sa dépouille une fois sous terre, ce qui n’était pas le cas de Peyton qui elle, avait choisit d’être incinérée.

Tout ce que je pouvais faire était d’écouter David et espérer lui faire du bien avec ma maigre connaissance en trouble psychotique et décomposition des corps.

- J’avoue que d’imaginer servir de composte à la terre me fait peur à moi aussi mais j’essaie de me répéter qu’à ce moment-là, je n’en aurais rien à foutre puisque je serai morte… Je ne sentirai absolument rien.

Mais ça aussi c’était une hypothèse, non ?

Car les morts ne parlent pas, d’aucun ne nous avait raconter comment c’était que d’être mort.


David supposait que le temps guérissait toutes les blessures et me revenue en tête une citation de Rose Kennedy qui disait : ‘’ On dit souvent que le temps guérit toutes les blessures. Je ne suis pas d'accord. Les blessures demeures intacts. Avec le temps notre esprit afin de mieux se protéger, recouvre ses blessures de bandages, et la douleur diminue... mais elle ne disparaît jamais. ’’, une phrase qu’elle avait dite à la suite du décès de son second fils Robert, assassiné lui aussi, tout comme John.

- Oui… Laissons le temps au temps… Tout finira par s’estomper.

Peut-être qu’une fois l’album hommage terminé, il sera plus simple pour David de laisser Peyton reposer en paix et ainsi, ses pensées ne se trouveraient plus parasités par des images de cadavres en décomposition. Je baissais un peu les yeux alors qu’il confia que lorsque ce ne seront plus les images du cadavre de Peyton qui le persécuteront, ce sera autre chose.

Je me sentais bien impuissante malgré que je ressentais une puissante volonté de l’aider avec un conseil qui lui sauverait la vie mais, qui étais-je pour réussir là où la médecine semblait lui faire défaut ? Alors je me contentais de l’écouter tout en caressant gentiment son genoux où était posé ma main.

Je proposais ensuite à David de boire une tisane. Cela nous ferait grand bien et apaiserait nos tourments nocturnes. David accepta et se leva en prenant appui sur mon épaule. J’avais bien remarqué qu’il évitait de me regarder dans les yeux, peut-être cela le rendait-il mal à l’aise?

- Je ne crois pas… Nous les entendrions pleurer si c’était le cas. Howard à déjà dû se lever deux ou trois fois depuis qu’on s’est souhaité bonne nuit.

Ça devait être horrible pour lui de se lever autant de fois, de ne pas avoir la mère de ses bébés avec lui pour s’entraider à prendre soin des petits. Malgré ça, il semblait gérer la situation puis il fallait avouer qu’il n’était pas seul, ou pas trop seul.

Dans la cuisine, je trouvais une bouilloire à remplir d’eau et je laissais David sortir les sachets de tisane et des tasses. Si après ça nous ne trouvions pas de réponses à nos grandes questions sur la vie et la mort, nous trouverions peut-être le sommeil !

J’avoue que d’imaginer servir de composte à la terre me fait peur à moi aussi mais j’essaie de me répéter qu’à ce moment-là, je n’en aurais rien à foutre puisque je serai morte… Je ne sentirai absolument rien.

Je hochai la tête.

Elle avait raison.

Mais c’était autre chose.

Qui me rassurait vraiment.

-Si… si tu y penses aussi… C’est que mes pensées… Ne sont pas si irrationnelle que ça.

Si tout le monde le faisait.

C’était que…

C’était quelque chose.

De normal.

Ou plus ou moins.

Le problème chez moi.

C’était que ce genre de…

De chemin de pensée…

Finissait par devenir.

Obsessionnel.

Encombrant.

Effrayant.

Tout avait l’air…

Tellement réel.

Mais ça ne l’était pas.

Oui… Laissons le temps au temps… Tout finira par s’estomper.

La mort de Peyton.

La douleur.

La colère.

Ce sentiment d’injustice.

Livia avait raison.

Ça finirait par passer.

Comme un vilain cauchemar.

Parler un peu…

Un peu comme si j’étais…

Chez le Docteur Storm.

M’avait fait du bien.

Ça m’avait…

Ramené sur terre.

Je m’étais senti…

Moins seul.

Le problème des crises psychotique.

C’est que c’est mieux.

Si quelqu’un est tout près.

Mais l’ennui…

C’était que comme…

Comme je me contrôlais plus.

Je pouvais prendre peur.

Et faire mal.

J’avais bien failli.

Y repenser.

Me fit mal au cœur.

Mais Livia.

Semblait déjà être passée…

A autre chose.

Une tisane.

Ouais.

Ça ferait du bien.

Je me levai.

Elle m’aida.

Je tremblais…

A cause de la décompression.

Mais ça allait passer.

Ce qui m’inquiétait surtout.

C’était d’avoir encore dérangé.

Tout le monde.

Les bébés…

Est-ce qu’ils avaient pleuré ?

Je ne crois pas… Nous les entendrions pleurer si c’était le cas. Howard à déjà dû se lever deux ou trois fois depuis qu’on s’est souhaité bonne nuit.

-Han…

Je portai la main à mon front.

-Ça va alors.

On alla dans la cuisine.

Elle fit chauffer l’eau.

Et je m’occupai du reste.

-Heu… Désolé mais… J’ai pas… J’ai pas demandé ce que tu faisais ici…

Je l’avais fait ?

Peut-être…

Peut-être pas.

Si ça se trouvait…

J’étais sensé savoir.

Mais j’avais oublié.

Penser à la mort était, je crois, normal puisque c’était le destin de tous qui que nous soyons. Personne n’allait y échapper alors forcément, penser à ce qui nous attendait après notre vie sur terre allait inévitablement nous tarauder un jour ou l’autre.

- Je ne pense pas non que tes pensées sont irrationnelles. Ce genre de questionnement est normal, surtout quand nous venons d’être confronté à la mort.

Ça m’était arrivé après la mort de mon grand-père et même quand j’avais appris pour Peyton. Pour Abuelo, il était mort après une belle et longue vie bien remplie mais la femme d’Howard avait été fauchée en plein cœur de sa vie dans des circonstances que personne n’aurait pu prédire ce qui forçait les questionnements irrationnels ou non sur la mort et ce qui nous pendait à tous au bout du nez.

Tant bien que mal, je le rassurais ce qui n’était pas facile ne comprenant pas vraiment ce qu’il vivait. Ça ne devait pas être facile tous les jours pour lui mais une chose dont je ne doutais pas, c’est qu’il était quelqu’un de bien.

Je proposais à David de nous installer à la cuisine et de boire une tisane. Un breuvage chaud saurait nous apaiser mieux que de rester assis dans le salon à relativiser sur la mort et ce qui vient avec. David accepta et, une fois à la cuisine, je le laissais trouver la tisane et les tasses alors que je plaçais la bouilloire sur le feu.

Malgré le bruit et la lumière,  nous ne semblions pas avoir réveillé les bébés d’Howard, en tous les cas, je ne les avais pas entendu pleurer. De ça aussi, David sembla être rassuré et porta sa main à son front, un geste que je trouvais mignon et théâtrale tout à la fois.

- Tout est sous contrôle tant que je ne laisse pas la bouilloire siffler trop longtemps.

Je ricanais doucement en imaginant le concerto des bébés et de la bouilloire. Ce serait moi qui se laisserait couler le long d’un mur en tremblant ! J’avais assez donné avec mon petit frère et ma petite sœur pour ne pas avoir spécialement envie de jouer à la baby-sitter, en tous les cas, pas cette nuit !

- Non… oui ? Peut-être, je ne m’en souviens plus.

Je ramenais mes cheveux d’un côté de ma tête et par-dessus mon épaule tout en fixant la bouilloire et le rond rouge sur lequel elle était posée.

- J’ai eu une querelle avec Julian et j’ai jugé que de nous laisser de l’espace pour réfléchir et se calmer était mieux que de continuer à empiler des sottises. J’avais beaucoup de peine, je n’avais pas envie d’aller à l’hôtel et de me retrouver seule.

Et plutôt que de me retrouver seule dans une chambre hors de prix, j’avais trouvé réconfort là où je n’aurais jamais soupçonnée en trouver.

- C’est triste les querelles, mais elles arrivent quand même, heureusement pas trop souvent !

Je fermais le rond de la cuisinière alors que la bouilloire commençait à siffler, juste à temps avant qu’elle n’alarme tout le voisinage puis je m’approchais de la table, là où David avait posé les tasses et les sachets de tisane.

Je ne pense pas non que tes pensées sont irrationnelles. Ce genre de questionnement est normal, surtout quand nous venons d’être confrontés à la mort.

Normal.

Je souris.

Parce que c’était pas…

Pas un terme…

Qu’on utilisait forcément.

Pour me qualifier.

Ou qualifier mes pensées.

-Merci…

C’était…

De la gratitude.

Du fond du cœur.

Juste pour…

Pour m’avoir fait

Me sentir comme tout le monde

Même…

Même juste deux secondes.

Ça faisait du bien.

Elle me proposa…

D’aller boire une tisane.

A la cuisine.

Ça allait faire du bien.

Peut-être qu’après

Je pourrais dormir.

Un peu plus…

Paisiblement.

Apparemment…

C’était ce que faisaient.

Howard.

Et les bébés.

Tout est sous contrôle tant que je ne laisse pas la bouilloire siffler trop longtemps.

J’avais sorti…

Des petits sachets de thé.

A la camomille.

J’en buvais très régulièrement.

Avant d’aller dormir.

C’était censé aider

Mais ça marchait pas…

Pas toujours.

Pour ça…

Les médicaments étaient…

Largement plus efficaces.

Je reprenais tout doucement.

Mes moyens et réalisai…

Que ben…

Livia était ici.

Et je savais même pas pourquoi.

Non… oui ? Peut-être, je ne m’en souviens plus.

J’étais rentré tôt.

J’étais allé dormir tôt.

Peut-être que Livia.

Etait arrivée après.

Mais…

Pourquoi ici ?

Howard n’avait quand même pas…

Non…

Non parce que…

Elle aurait pas dormi…

Dans le divan du salon…

J’ai eu une querelle avec Julian et j’ai jugé que de nous laisser de l’espace pour réfléchir et se calmer était mieux que de continuer à empiler des sottises. J’avais beaucoup de peine, je n’avais pas envie d’aller à l’hôtel et de me retrouver seule.

Ah…

Shit happens…

C’est triste les querelles, mais elles arrivent quand même, heureusement pas trop souvent !

Elle « avait jugé que… »

Et Julian… ?

Il avait eu son mot à dire ?

-Ah…

C’est pas ton problème…

David.

Il y a des querelles d’amoureux.

Dont il vaut mieux ne pas…

Ne pas se mêler.

Quand l’eau fut chaude.

On but notre tisane.

En silence.

-Bon, je vais… Je vais essayer de dormir…

Je baillai.

M’étirai.

Je ne tremblais plus.

-Bonne nuit…