La lumière entra brutalement dans la pièce. Un rayon de soleil éblouissant qui, d’un coup, me fit relever la couverture sur ma tête. Je gémis de désapprobation me recroquevillant sur moi-même sous le tas de couverture.

-Debout ! Une semaine et demi ! Je n’en peut vraiment plus, Victor.

C’était la voix de Victoria. Victoria chez qui j’avais élu domicile depuis cette soirée que je préférais oubliée. Une semaine et demi que je squattais cette chambre en ne bougeant que pour descendre bouffer, en pleine nuit uniquement.

Je l’entendais, son inquiétude… J’aurais voulu, en revenant de cette fête, soigner les apparence. Rentrer chez mes parents… Fanfaronner… Me refoutre la tête dans mes études…

Mais j’y étais pas arrivé.

A la place, j’étais rentré chez Vicky, je m’étais foutu dans cette chambre et je n’avais plus parlé à personne. Sans compter que, le lendemain de la fête, j’avais pas arrêter de vomir. Vicky n’avait pas appelé le médecin. Elle se doutait que c’était suite à une bonne cuite. C’est ce qu’elle a pensé du moins. Elle s’était dit, au départ, que j’étais venu chez elle parce que j’avais simplement abusé de l’alcool et que je savais qu’elle n’allait faire aucune réflexion là-dessus.

Et je pensais, qu’après m’être remis des effets de la came de Giordiano, j’allais aller mieux. Tu parles ! Y’avait pas moyen que je m’enlève les images de ma tête. Sans compter que quand j’avais voulu prendre une douche, je m’étais vu dans le miroir… J’avais plusieurs coups… Mais ce qui m’a fait le plus mal c’est que j’avais vomi rien qu’en me regardant.

Et depuis, j’avais plus voulu me regarder dans un foutu miroir. Comme si mon corps n’était plus le mien. Que j’étais dans celui d’un autre que je détestais.

Je sentis Vicky s’asseoir au bord de mon lit.

-Tu n’as plus ouvert la bouche depuis une semaine et demi… Parle-moi, s’il te plait. Je ne sais pas ce qu’il se passe mais… Tu sais que tu peux tout me dire.

Non.

Pas ça.

Je peux pas te dire ça.

Je ne dis rien mais quand Vicky tendis sa main pour descendre légèrement la couverture pour passer sa main dans mes cheveux j’eus le réflexe de repousser violemment sa main. Elle la retira d’un coup avant de soupirer.

-Victor… Je ne peux pas t’aider si tu ne me dis rien…

Faites qu’elle s’en aille et que cette conversation à sens unique se finisse…

C’est ce que je pensais quand, soudain, je me sentis sauvé par le gong. La sonnette de la villa retenti et Vicky se leva.

-Je dois descendre. C’est surement Kate… Elle a dit qu’elle passerait peut-être…

Kate… Je déglutis alors que Vicky venait de quitter la pièce.

Kate…

Elle venait faire quoi ici ?

Je me levai d’un bond pour sortir du lit. J’avais peur que Kate ne vende la mèche à ma sœur. Une peur viscérale qui me fit descendre lentement et discrètement les escaliers jusqu’à me retrouver à côté de la porte entrouverte du salon où Kate avait prit place avec ma sœur.

J’étais appuyé contre le mur, cette situation me rappelant ce moment où j’avais été dans le foutu placard du bureau de Ricci. Un souvenir désagréable qui me fit légèrement trembler rien qu’à y penser.

Mais il fallait que je me concentre.

-Tu es toute seule ?

C’était ce que demanda Kate alors que j’entendais clairement le son de verres qu’on sort et qu’on remplis.

-Oui. Enfin, moi et Ian. Mais il fait sa sieste alors tu tombes au bon moment.

Elle n’avait pas dit à Kate que j’étais là… Je sentis comme un certain soulagement. Je ne voulais pas qu’on parle de moi. Ce qui était une première.

Elles parlèrent un moment de Ian… Mon infâme neveu de deux ans. Ma sœur en parlait avec tendresse et Kate en faisait la comparaison avec Julian. Moi, j’étais accroché à leurs lèvres, nerveux.

-Tiens… Ton frère n’est pas venu à la fête chez Ricci ce week-end… Tu as réussis à faire en sorte qu’il respecte les règles ?

La voix de Julian me fit frissonner. Sa question n’était pas innocente. Cette sorcière cherchait à savoir comment j’allais sachant très bien ce qu’il s’était passé la dernière fois. Cette fois où elle aurait pu faire en sorte de m’épargner la pire expérience de ma foutue vie.

-Victor a des travaux importants pour l’école. C’est une fêtard incorrigible mais il fera toujours passer les études avant le beuveries.

Le ton de la voix de Vicky était sûr. Elle venait de mentir à sa meilleure amie. Pour me protéger ? Sans doute.

La conversation parti alors complètement ailleurs. Sur Kate qui expliqua que les études c’était, effectivement, important et d’autres conneries du genre. Jusqu’à-ce que :

-Tu as vu ce qu’il est arrivé à Giordano ?

Giordano…

Quoi ?

Je crus un moment que mon cerveau me jouait des tours… Que je commençais même à entendre son nom dans des conversation qui n’avaient rien n’à voir avec lui mais je compris très vite qu’il n’en était rien et que j’avais très bien entendu.

-Oui, accident de voiture. J’ai vu les images à la télé. Il ne reste rien de sa voiture. Je me demande encore comment il a fait pour survivre à ça.

Mes yeux s’écarquillèrent devant la nouvelle.

« Un mot de toi. Une confirmation. Et Dario Giordano disparaîtra de la jet-set. »

Tels étaient les mots de Jimmy Reed.

Ma main se plaqua sur ma bouche. Mon cœur battait plus vite.

-Il a peut-être survécu mais sa carrière est finie, Vicky… Il ne pourra plus jamais remarcher. Il ne se remettra jamais entièrement de ça. C’est impossible.

Sa carrière est finie…

« Je veux qu’il souffre. Je veux qu’il disparaisse. »

Jimmy Reed avait tenu sa parole. Je ne savais pas comment. Je ne savais pas qu’elles étaient ses motivations profondes. Mais il l’avait tenue.

A cet instant, c’est tout ce qui comptait pour moi.

Et je sentis, en moi, un profond soulagement. Je ne savais pas, à cet instant, que ce soulagement ne serait, finalement, qu’un bandage sur quelque chose qui restera toujours en moi. Mais ce bandage mentale était ce qui, ce jour-là, réussi à me sortir du trou où j’étais tombé.

-C’est le karma.

C’est ce que rétorqua Vicky à Kate. Mais je crus que c’était ma propre pensée, sur le moment. Moi, je ne pensais plus qu’au fait que je ne le verrais plus jamais. Qu’il allait vivre le reste de sa vie oublié de tous et handicapé. Incapable de me faire à nouveau ce qu’il m’avait fait.

Je pris, alors, conscience de tout le pouvoir que m’avait donné Reed alors que je vivais le pire moment de ma vie.

Le pouvoir de détruire, à travers lui, celui qui m’avait détruit.

La reconnaissance que j’eus envers Reed ce jour-là était sans limite.

Le soir-même de cette révélation, je suis descendu manger avec Vicky. Je ne lui ai jamais raconté ce qui était arrivé et, me voyant revivre, elle n’a posé aucune question. Le lendemain, j’ai repris les cours à Fairfax. Le mois suivant, je réussi à franchir, à nouveau, les portes des fêtes de la villa Ricci.

J’étais redevenu Victor Hunter. Sans savoir que ce Victor n’était plus, au fond, totalement le même.

A cause de Giordano.

Mais aussi grâce à Reed.