De toute ma vie, je ne m’étais jamais autant sentie humiliée par un inconnu. J’en tremblais toujours de rage et de chagrin en rentrant chez moi. Qu’avais-je fait pour mériter autant de condescendance de la part de Victor Hunter ? Moi qui m’efforçais de rester sagement à ma place, de ne rien demander à personne, de jouer de prudence en évitant les situations comme celle que je venais de vivre ce soir. J’étais tombée dans un piège en mettant de l’avant les conseils de Ward qui multipliait les efforts pour me faire entrer officiellement dans le clan des Hughes.

Voilà ce que j’avais récolté !

Il était injuste de ma part de mettre Carrie dans le même panier que Victor, peut-être devrais-je lui donner une autre chance, sans lui pour brouiller les ondes mais immédiatement, je n’en avais pas envie.

Je faisais les cents pas dans mon minuscule appartement, ce qui relevait d’un véritable exploit avec toutes les traîneries de Shane jonchant le sol. J’avais besoin de bouger pour me ressaisir avant de passer un coup de fil à Ward. Tout ce que je ressentais dernièrement fusionnait en un espèce de maëlstrom d’émotion indéfinissable.

À cette heure-là, Ward était au Wild c’est donc ce numéro que je composais en faisant tourner la roulette de l’appareil.

- Salut, c’est moi.. Est-ce q..q…que je te dérange ?

Je me frottais le front, découragée de moi, épuisée de ce qui me pesait sur les épaules et m’obligeait à courber l’échine comme si je portais le poids de l’univers sur mes épaules. Je devais réapprendre à me faire confiance et à garder la tête haute. Merci Jordan d’avoir détruit complètement mon estime de moi avec ton comportement hautement toxique et ta violence verbale.

- J’arrive d’un souper chez Carrie Hughes. On ne s’est même pas rendu à table ! Victor à été horrible avec moi.

Je n’en revenais pas encore !

Il n’aurait pas eu besoin de se comporter de la sore pour avoir toutes les réponses à ses questions. Il n’avait qu’à entretenir la conversation de façon conviviale et petit à petit il aurait vite compris que je suis une personne complètement inoffensive. Les hommes avaient malheureusement la fâcheuses habitudes d’assoir leur supériorité en nous écrasant, nous les femmes. Ça devait être un truc qui venait avec leurs chromosomes ou je ne sais pas quoi.

- J’ai envie de rentrer, de laisser tout tomber ici, que pour te retrouver.

Ou plutôt pour me retrouver moi, Nell, dan s ma zone de confort à la Mission. Redevenir invisible, faire tapisserie et ainsi, ne pas faire craindre à tous les Victor Hunter de ce monde qu’une femme comme moi puisse prendre trop de place.

Je venais de quitter Reed après notre petite conversation qui, je l’espérais, allait le pousser à me donner une tâche qui en valait la peine. J’en avais envie. Très envie. Et je savais que Reed savait qu’il n’y avait pas meilleur que moi pour empêcher son petit avocat de se faire détruire par Pastore.

Mais je devais attendre son feu vert. J’avais appris à être patient. Alors, j’allais attendre. Il savait, de toute façon, qu’il avait plutôt intérêt à ne pas trop attendre. Parce que je doutais que Pastore ait ma patience. Il ne fallait pas oublié que tout ça était une question d’honneur et que Vito, en tant qu’Italien partisan de la mafia, tenait l’honneur en haute estime. Un type comme lui ne pouvait pas accepté d’être cocu sans qu’il y ait des conséquences.

Et si Reed voulait éviter lesdites conséquences il n’avait qu’une seule chose à faire : éliminer Pastore.

J’étais retourné dans mon bureau. Mes pions avaient été placés. Me restait à attendre.

Je me remis à mes comptes jusqu’à-ce que le téléphone ne sonne. Je levai un sourcil. C’était rare quand on téléphonais ici mais ça pouvait arriver. Encore quelque chose qui allait avec ma toute nouvelle fonction : répondre aux appels. Il n’y en avait pas assez pour justifier de prendre une secrétaire, hélas. Sinon, j’aurais bien délégué.

Je fis la moue avant de décrocher. Je reconnu directement la voix à l’autre bout du fil. C’était Nell. Nell avec sa petite voix tremblante et bégayante… Qu’est-ce qu’il lui était arrivé ? Pour qu’elle me téléphone avec une telle voix, c’est que quelque chose devait la travailler. Restait à savoir si c’était important ou non.

-Non, tu ne dérange pas, chérie. Je suis content que tu appelles. Qu’est-ce qu’il se passe ?

Je pris ma voix la plus douce. Si je voulais que Nell parle sans bégayer, je devais la rassurer un maximum. Et il n’en fallut pas plus pour qu’elle m’explique ce qu’il n’allait pas. Elle avait accepté un souper avec Carrie Hughes, sa demi-sœur… Un souper qui avait tourné court étant donné que qu’elle n’avait même pas avalé son repas. En cause ? Victor Hunter.

Décidément…

J’aurais souris si je n’avais pas cruellement besoin que Nell se rapproche de sa famille biologique. Et il semblerait qu’Hunter me file des bâtons dans les roues. Je devais peut-être laisser Pastore le tuer, finalement… Ou le tuer moi-même. Si ça n’avait pas compromis mon alliance avec Reed, je crois que c’est ce que j’aurais fait.

Je pris un ton surpris.

-Victor Hunter ? L’avocat ? Je ne le connais qu’à travers mon dernier passage en justice pour la garde d’Heaven. C’est l’avocat de Sky… C’est un petit connard, Nell… Qu’est-ce qu’il t’a dit ?

Quoi qu’il ait dit, Nell semblait ne pas du tout avoir apprécié. Mais il semblait que Victor ait l’art de se mettre des gens à dos. Même si je pouvais entrevoir pourquoi Hunter cherchait à dégouter Nell de fricoter avec les Hughes. S’il était dans l’optique de l’argent, ça faisait sens.

Et un avocat comme lui ne pouvait voir les choses dans une autre optique…

Nell semblait désespérée. Elle disait vouloir rentrer. Vouloir tout laisser tomber ici. Vouloir me retrouver. A vrai dire, je n’avais aucune objection à la pousser à balancer Broadway. Si elle revenait à Los Angeles plus vite que prévu, elle pourra, plus vite que prévu, accepter la proposition d’Evans.

-Chérie… Tu es certaine ? Tu me manques aussi. Mais je sais que Broadway est très important pour toi… Quoi que tu choisisses, tu as mon soutien et si tu reviens demain, je serais là pour toi, mais c’est Hunter qui t’a découragé de Broadway ? Et Carrie, elle a dit quelque chose ?

Nell… Si courageuse autrefois… Maintenant, elle voulait tout balancer à chaque obstacle ou connard qu’elle rencontrait sur sa route.

Après une si grande déception, mon réflexe fut d’appel Ward en me disant que le simple fait d’entendre sa voix me ferait du bien. J’eu raison puisque dès qu’il me salua, je me sentis tut de suite mieux, pas assez pour effacer les grossièretés de Victor Hunter mais assez pour respirer calmement.

Je lui fit rapidement un résumé de ce qui n’allait pas, ne songeant même pas à lui donner assez de détails mais cela ne sembla pas freiner Ward de faire lui-même les liens. J’aurais dû me souvenir que Victor Hunter avait été l’avocat de Sky mais cela m’avait échappé au moment de faire officiellement sa rencontre.

- Oui, ce Victor Hunter là. Il… Il m’a interrogé sur mes revenus et la façon dont je gagnais ma vie, de mes intentions envers Don puis quand il a vu que j’étais mal, il a suggérer de m’emballer ma part du repas.

Bon, il y avait eue bien d’autres choses dites entre ces grandes lignes mais le résumé ne sortait pas trop du contexte. Victor avait été abjecte et j’avais été blessée dans ma fierté. Était-ce si surprenant que je ne veuille rien devoir à Don et que son héritage qui semblait miroité aux yeux de ses enfants, du moins dans ceux de son gendre, ne fasse pas du tout briller les miens ?

Ma conversation avec Hunter m’avait donné envie de fuir New York pour rentrer à Los Angeles et reprendre mes chaussures de bénévole. J’étais confortable dans ce rôle-là ! À quoi avais-je donc pu penser en voulant monter sur la scène de Broadway ? Et que penser de l’offre de Timmy Evans qui n’avait plus aucun sens à mes yeux à présent ?

- Il… Il… Il a été ignoble ! Je me suis sentie comme une imposteuse, une profiteuse ! Il a clairement peur que j’ai des vues sur la fortune de Don. Comme si tout ce que je cherchais était de me rapprocher de lui… ou plutôt de son compte en banque !

Je pouvais plier bagages et rentrer à los Angeles, retrouver Ward et ma vie d’avant. Je ne voyais pas meilleure façon de fermer le clapet des Victor Hunter de ce monde. Ainsi, on ne me prêterait plus de mauvaises intentions et je ne serais pas non plus une seconde Olivia Cortez.

- Carrie ? Bien… Elle… Elle tentait d’atténuer les propos de son époux. Elle n’aimait pas ses interventions et elle disait le contraire de lui mais… Comment croire qu’il ne disait pas tout haut ce qu’elle pensait tout bas et qu’elle craignait simplement qu’il aille trop vite dans ce qu’elle aurait prit plus de temps à faire elle-même ?

Avec ce que je venais de vivre, je pouvais tout croire, même les plans les plus tordus !

- Je vais rentrer et redevenir l’invisible petite bénévole de St-John’s. C’est là où je me sens le mieux, où je ne crains rien et que je suis le plus forte. C’est comme ça qu’on s’est rencontré, ça fait plein de sens, non ?

Ward était tombé amoureux de moi une première fois alors que j’étais en train d’arpenter les ruelles de l’Eastside pour aider ceux dans le besoin. Il ne me fallait pas plus que ça pour être heureuse et tant pis pour l’argent. Je m’étais toujours débrouiller jusqu’à aujourd’hui, je ne voyais pas pourquoi cela ne serait plus possible maintenant que tout le monde était sur le point d’apprendre que Don Hughes était mon père.

Nell confirma que le Victor en question était bien Victor Hunter, l’avocat de Jimmy Reed. Celui-là même dont je venais de parler avec le petit blondinet de Malibu. Elle le trouvait ignoble. Ça s’entendait dans sa voix. Ce n’était pas étonnant. J’avais déjà bien vu que Victor Hunter n’était rien qu’un petit connard m’as-tu-vu. Nell déclara que l’avocat l’avait interrogé sur ses revenus et sur ses intentions vis-à-vis de Don… Aurait-il peur pour l’héritage de sa femme ? A première vue, c’est à ça que ça ressemblait.

-Ce n’est pas étonnant venant d’un type comme lui.

Mais ça semblait avoir fortement ébranlé Nell. Elle semblait plus ébranlée par les paroles d’un petit minet plutôt que de rencontrer un criminel dans une ruelle. Bien que je savais que Nell avait vraiment changé depuis notre première relation. Comme si elle n’avait plus aucune confiance en elle. C’était peut-être ça qui la faisait tant réagir par rapport à des paroles d’un type qu’elle devrait simplement ignorer.

Bref, tout ça poussait Nell à absolument tout balancer. Comme si elle voulait se réfugier dans un trou et ne jamais en sortir. Elle avait une très bon rôle dans une production de Broadway. Un tas de personne rêverait du même destin. Mais elle, tout ce qu’elle semblait désirer pour l’instant, c’était de revenir jouer les bénévole à Saint John. Si je désirais, au fond, qu’elle se rapproche de Don, il n’y avait pas vraiment d’intérêt, pour moi, à ce qu’elle continue sa carrière à Broadway. Du coup, je déclarai que je la soutenais peu importait son choix mais je cherchais quand même à en apprendre plus sur ce qu’Hunter lui avait dit pour qu’elle cherche à fuir cette vie à New York. Parce que le rapport entre Broadway est Victor Hunter ou même Don Hughes n’était pas du tout explicite pour la simple et bonne raison qu’il n’y en avait pas.

Et elle expliqua un peu plus… Elle confirma qu’Hunter avait peur qu’elle ait des vues sur sa fortune. En gros, Nell avait encore peur de ce que les gens allaient penser d’elle. Alors que ce que pensait Victor Hunter, sincèrement, qu’est-ce qu’on s’en foutait.

-Tu sais très bien que ce n’est pas le cas. Tu n’es pas un profiteuse, Nell… Ce que pense Victor Hunter n’a pas d’importance. Il a certainement fait ça pour te faire fuir.

Et pour cause, il avait réussi. Ce qui ne m’arrangeait pas. Parce qu’il risquait bien de l’avoir dégouté complètement du fait de nouer des liens avec la famille Hughes. Et ça, ça ne m’arrangeait pas. Parce qu’il n’y a pas que Victor Hunter qui a des vues sur l’héritage du vieux Don.

Quant à Carrie Hughes, elle avait tenté d’aplanir les choses mais Nell n’était pas certaine qu’elle soit réellement sincère. Je ne connaissais pas du tout Carrie Hughes. Quant à Victor Hunter, je le connaissais par sa réputation et ce que j’avais entendu au Wild en plus de ce que j’avais vu au tribunal.

-Je ne sais pas du tout ce que pense Carrie. Je ne la connais pas. Mais peut-être qu’elle subit son mari, qui sait ? Victor a la réputation de la tromper dans son dos… C’est ce que j’ai entendu au Wild. Il n’, donc, aucun respect pour sa propre femme. Peut-être que tu te feras une meilleur idée d’elle en la voyant sans Victor.

Ouais ! Et j’espérais que si Nell avait le courage de faire ça que Carrie se montre plus conciliante et répare ce que ce sale petit con d’avocat venait de briser. Quand je pense que je vais devoir sauver son cul à celui-là…

Nell voulait rentrer. Redevenir invisible… Et elle cherchait à y voir du positif en disant que c’était là qu’on s’était rencontrer… Il y avait du vrai. Mais le lieu n’était pas ce qui avait porté mon attention sur Nell. Non… Si elle avait été une invisible petite bénévole de Saint-John, je l’aurais simplement ignorée. Elle n’aurait eu aucune valeur. Si elle en avait eu c’est parce qu’elle avait réussi à l’obtenir. Une Nell fragile ne m’intéressait pas. J’avais bien compris qu’une fille pleine de doute pouvait déstabilisé tout plan établi. Or, le manque de confiance en soi de Nell la poussait souvent à des décisions radicales. Et ces décisions radicales pouvaient bouleverser tout mes plans.

C’est l’ancienne Nell que j’avais envie de retrouver. Celle qui réveille tout un tas de chose en moi.

-On s’est rencontré dans la ruelle parce que tu avais le courage de me confronté malgré ma réputation. Tu n’étais pas une invisible petite bénévole. Au contraire… De ce que j’en sais, tu essayais vraiment de te dresser face à toutes les injustices qu’il y avait dans l’Eastside. Tu n’avais pas peur de prendre un mauvais coup. Tu n’avais pas peur de moi. C’est ce courage là qui m’a fait tomber amoureux de toi.

Je marquai une pause la laissant assimiler ça avant de reprendre :

-Cette Nell aurait pu tenir tête à tous les petit Victor Hunter du monde. Et cette Nell là, elle est toujours là quelque part. Elle est toi. Cette Nell ne se posait pas tant de questions. Elle fonçait pour ce qu’elle croyait juste. Alors, Nell… Qu’est-ce que tu veux réellement ? Qu’est-ce que tu as envie de faire sans te soucier de ce que pense les autres ? Quoi que tu décides, je te suivrais à chaque pas. Mais il faut que tu sois certaine et que tu te fiches de ce qu’en pensera Don Hughes, Carries Hughes, Victor Hunter ou n’importe qui d’autre. Tu comprends, chérie ? Je sais que tu as ça en toi.

Elle l’avait. Il fallait juste réveiller cette Nell. Celle qui savait se dresser devant Ward Fleming.

Peut-être que l’intention de base derrière l’invitation de Carrie n’avait pas été de me piéger mais c’est ainsi que je m’étais sentie. Victor, un être abjecte, avait mené une sorte d’inquisition dans le but de m’humilier, c’est ainsi que je m’étais sentie. Je ne comprenais pas pourquoi il s’était acharné à me rabaisser alors que je n’étais pas une menace. Pour Ward qui avait eu à l’affronter en cours contre son ex-femme, cela n’avait rien de surprenant.  Je soupirais, exaspérée et découragée.

- Je n’aime pas ce genre de personne. Ces gens qui n’ont aucun autre moyen de vous rabaisser pour se sentir à la hauteur.

Cette rencontre avec le couple m’avait refroidi au point où j’étais prête à plier bagage et rentrer à Los Angeles pour redevenir la petite bénévole transparente et inoffensive que j’étais. Pendant que je venais en aide aux sans-abris et junkies, on ne me prêtait pas de fausses intentions alors qu’attendais-je pour tirer ma révérence de ce monde de fou ?

J’expliquais plus en détails ce que j’avais ressenti pendant cette courte première rencontre et ce que Victor avait sous-entendu. Ward était convaincu que Victor avait dit ces choses pour me faire fuir, ça avait fonctionné !

- Il m’a même proposé de m’emballer mon repas, comme si je ne savais pas me nourrir sans qu’on m’en offre !

Je ne me nourrissais certes pas de homard et de caviar trois fois par jour comme ça devait être son cas mais je mangeais à ma faim.

-  Mais pourquoi vouloir me faire fuir ? Je n’en veux pas de l’héritage de Don et puis de toute façon, il n’est même pas mort !

Ça ne faisait aucun sens, pour moi, que de se disputer l’argent d’une personne même pas encore décédée !

- Don pourrait très bien vivre centenaire et Victor, mourir prématurément.

Je soupirais.

- Parce qu’en plus d’être mal engueulé et monstrueux, il est infidèle ? Il cumule ce cher Victor !

Si ce que Ward disait était vrai, j’avais de la peine pour Carrie. Elle avait bien mal choisi son homme. Cependant, c’état sa vie, pas la mienne. Je pouvais encore décider pour moi et la solution de quitter Broadway avant la fin de mon contrat pour redevenir bénévole me semblait être exactement ce qu’il me fallait. Je n’avais ni besoin ni l’envie de devenir comme eux en entrant dans un monde duquel je n’appartenais pas et dans lequel on ne me voulait pas, de toute évidence.

Si Ward n’av ait rien contre le fait que je rentre et qu’il se disait même prêt à me soutenir dans mes choix, j’entendais bien qu’il désirait que je reconsidère vraiment ma position vis-à-vis de l’opinion des autres. Est-ce que je m’en fichais autant que ce que je voulais bien croire ? Je m’en ficherais en redevenant celle que j’étais, ça m’apparaissait évident comme le nez au milieu du visage.

- être bénévole c’est toute ma vie, c’est être qui je suis vraiment. Je peux m’exprimer et affronter n’importe quel danger dans les ruelles parce que je sais ce que je fais et où je vais. Là, je me sens comme larguée en plein milieu d’un champ de mines. Je n’avais pas besoin de me poser toutes ces questions qui me torturent l’esprit aujourd’hui, elles n’avaient pas lieux d’êtres, tu comprends ? Maintenant, tout est différent et tout ça parce que Don a voulu nouer un lien avec moi. Ça me semble donc être la chose à faire. Je ne veux pas de cette vie, de cette famille.

Nell n’aimait pas Victor Hunter. Il lui avait suffit de quelques minutes à discuter avec l’avocat pour qu’elle le qualifia d’ignoble. Moi, j’avais dû me le coltiner au tribunal et il est vrai qu’à de nombreuses reprises, j’avais tué le petit minet dans ma tête. Nell disait qu’elle n’aimait pas le genre de personne qui s’amusait à rabaisser les autres pour se mettre en valeur. Victor Hunter semblait faire partie de cette race-là. Je ne suis pas psy mais m’est d’avis que c’est sans doute parce que Hunter avait peut-être pas mal de démons. J’en connaissais certains, d’ailleurs.

-Ce n’est qu’un moins que rien, Nell… C’est pour ça qu’il se sent obligé de te rabaisser.

Nell m’avait raconté ses déboires avec le couple Hunter. Une rencontre qui pourrait bien compromettre mon propre plan. Si Victor Hunter avait complètement dégouté Nell de nouer des liens avec la famille Hughes, ça ne m’arrangeait pas. Je n’aurais pas imaginé que le petit minet dont j’allais encore devoir défendre le cul serait à ce point une épine dans mon pieds. Nell ajouta que l’avocat avait même proposé de lui emballer sa part de nourriture.

-Quel enfoiré…

Il me tape sur les nerfs ! Il n’aurait pas pu jouer les faux-cul au lieu de jouer les gros connard ? Ça m’aurait facilité les choses.

Je ne tardai pas à dire à Nell que le plan de Victor était sans doute de l’effrayer pour la faire fuir. Nell se demandait quel était l’intérêt là-dedans vu qu’elle n’avait aucune vue sur l’héritage d’un Don même pas encore mort. Sauf que la mort peut frapper n’importe quand… Je suis bien placé pour savoir ça. J’ai moi-même contribué à la mort prématuré de quelques personnes. Et en ce qui concerne l’héritage, il faudra que j’éveille petit à petit l’intérêt de Nell. Mais chaque chose en son temps ce qui faisait que, pour moi, plus Don prenait du temps à mourir mieux c’était.

-Je ne sais pas Nell… Je ne sais pas ce qui se passe dans la tête de Victor Hunter…

Nell fit la réflexion que Don pourrait bien vivre centenaire et survivre à son gendre. Cette réflexion me fit ricaner intérieurement tellement Nell n’imaginait pas à quel point elle été proche de la vérité. Sans moi, Hunter pourrait mourir dans les prochaines semaines…

-C’est pas faux…

J’avais brossé, moi, ce que j’avais entendu de Victor Hunter. De quoi encore moins le faire aimer par Nell. Car en dehors de tout ça, il trompait aussi Carrie Hughes.

Quoi qu’il en soit, tout ça avait fait que Nell avait perdu tout confiance au point qu’elle voulait tout lâcher pour redevenir une petite bénévole invisible. Nell avait cette fâcheuse tendance à tout balancer quand quelque chose la poussait hors de sa zone de confort. Le problème c’est que ça la rendait instable et j’avais bien vu avec Sky qu’une petite amie instable pouvait facilement se retourner contre moi.

Il ne fallait pas que ça arrive avec Nell… Alors, je tentai de booster sa confiance et de lui expliquer qu’en elle, elle avait de la force de caractère. Celle-là même qui l’avait mis dans mon collimateur. Restait à voir ce que Nell voulait faire et, visiblement, c’était revenir faire du bénévolat qui l’intéressait le plus dans un futur proche. A vrai dire, elle semblait pouvoir mieux affronter toutes la racaille de l’Eastside plutôt que de dealer avec les hypocrite et parvenus des classes plus hautes. C’est la donnée « Don » qui avait compliqué les choses. Elle commençait à rejeter autant la vie de château que lui offrait son père biologique que la famille Hughes toute entière sûrement à cause du petit minet d’Hunter.

Ok.

Il va falloir faire un jeu de patience.

-Très bien Nell. Après tout, c’est toi qui doit choisir pour ta vie. Si tu veux revenir et abandonner Broadway alors fait-le. Comme je l’ai dit, je te soutiendrais. Puis, si Saint-John te manque et que c’est là que tu te sens le mieux alors c’est que c’est le bon choix.

Si elle revient à L.A., je pourrais booster sa confiance, faire en sorte que, progressivement, elle revoit les choses autrement. Qu’elle puisse doucement considérer la proposition d’Evans et, ensuite, reconsidéré son lien avec Don. Ça prendra peut-être du temps mais j’étais sûr de pouvoir y arriver. Il suffisait de la jouer finement. Quelque chose que mes trois mois en prison m’avait appris.

-Puis, j’avoue que te voir revenir à L.A. me ferait plutôt plaisir. Tu me manques tu sais ?

Dans un sens, c’était vrai. Ce lien avec Nell me nourrissait et plus elle était proche mieux c’était.

Fallait-il vraiment n’être qu’un moins que rien pour rabaisser la personne devant soit ? Je soupirais en repensant à tout cela, à ma conversation avec Victor Hunter et même, à ma relation avec Jordan. Deux hommes totalement différents mais qui avaient su brillamment réduire à néant mon estime de moi en utilisant leur supériorité masculine et en choisissant bien leurs mots.

- Il a réussit si c’était réellement ce qu’il voulait faire.

En discutant avec Ward, je lui en révélais plus sur ma courte rencontre avec Carrie et son époux, su le comportement méprisant de Victor à mon égard et surtout, je me questionnais sur l’utilité de s’acharner sur moi qui ne voulais absolument pas un sous de la famille Hughes au point où j’étais réticente à m’engager avec leur maison de disque. Tout ce que je voulais c’était de faire mon petit bout de chemin, par moi-même, loin de leurs histoires de famille. Même Ward ne semblait pas comprendre pourquoi j’étais devenue la cible de Victor.

Tout cela ne me donnait qu’envie de rentrer à Los Angeles même si pour cela je devais ruiner ma carrière à Broadway en abandonnant mon rôle. Je me rendais compte que je n’étais bien qu’à la maison, dans mes pantoufles de bénévoles. Dans la rue, je pouvais affronter n’importe quoi, n’importe qui. Rien ne me faisait peur, pas même les hommes avec une réputation comme celle de Ward, avant que je ne le connaisse vraiment.

C’est ce que je voulais, redevenir celle que j’étais avant.

Je ne savais pas quand ni comment mais je m’étais perdu en chemin.

C’était triste.

Peu importait ce que je déciderais, Ward se disait prêt à me soutenir. Il ne pouvait pas voir mon sourire mais ce qu’il me disait me faisait beaucoup de bien. Heureusement qu’il était là pour me rappeler les choses importantes et simples de la vie.

- Je vais prendre la nuit pour réfléchir à tout cela. Prendre une décision sur un coup de tête ne m’a jamais servie jusqu’à présent. Ce que je sais par contre et que la nuit ne changera pas, c’est que je ne deviendrai pas une Hughes, ni de près, ni de loin !

Je manquais à Ward, il me l’avoua sans détour.

- Tu me manques aussi. J’ai hâte de pouvoir dormir dans tes bras.

Ça me manquait, la nuit, de sentir la chaleur et le confort de son corps contre le mien.

- Je vais aller prendre une douche avant que Shane et Pam ne rentrent et vident le réservoir, puis j’irai me coucher. J’ai besoin de reposer ma tête après tout ça… On s’appel demain ? On décidera de la suite ensemble, si tu veux.

Je baillais, comme pour montrer combien j’étais exténuée. J’étais convaincue que la nuit me prodiguerait les mêmes conseils réconfortants que ceux de mon petit ami. Le tout était de penser à moi avant eux.

- À demain, Ward.

Victor Hunter avait détruit la confiance de Nell avec son petit doigt et, désormais, elle avait perdu tout courage de continuer son aventure à Broadway. Pourtant, Dieu sait qu’elle aurait dû s’en foutre des paroles du petit minet. Il n’avait aucune importance. Mais c’était plus fort que Nell. Elle ne pouvait s’empêcher de trop réfléchir et de donner trop d’importances aux paroles des autres.

Dont à la mienne et je savais que je pouvais tirer ce défaut de Nell à mon avantage pour nous offrir une vie qui valait le coup. Pour ça, je devais rebooster la confiance de ma petite amie. Ça ne se fera pas en un jour. Je savais que ça allait me prendre du temps. Mais j’étais prêt à jouer à ce jeu de patience pour arriver à ce que Nell puisse voir les choses autrement et qu’elle puisse reconsidérer ce qu’elle semblait, pour l’instant, vouloir rejeter.

Et pour que les choses soient plus efficace autant que Nell soit auprès de moi. C’est pour ça que je déclarai que quoi qu’elle fasse, je la soutiendrais. Elle déclara qu’elle allait se donner la nuit pour réfléchir même si, pour l’instant, elle était sûr d’à tout jamais rejeter les Hughes. Tout ça pourquoi ? Un Hunter… Parce que Victor Hunter n’est pas un Hughes. C’est un parasite lié aux Hughes. Ce n’est pas la même chose. Nell avait plus de légitimité dans la famille Hughes que le petit minet.

-Oui. Prends la nuit pour réfléchir si tu reviens ou non. Ça t’aidera.

Je déclarai qu’elle me manquait et elle déclara que c’était réciproque. J’aimais entendre ça. J’aimais entendre que je lui manquais.

-J’ai hâte aussi.

Elle déclara qu’elle allait, maintenant, aller se reposer et me proposa qu’on s’appelle demain pour décider de la suite.

-D’accord, chérie. On s’appellera demain.

Elle bailla avant de me souhaitez à demain. J’étais certain que la nuit allait lui conseiller de rentrer. En espérant que Shane et Pamela ne la convainque pas du contraire.

-A demain, chérie.

Et je raccrochai laissant Nell à ses réflexions.