Shane et Pamela ne posèrent pas trop de questions et quittèrent l’appartement après avoir prit le temps d’au moins de changer et prendre deux ou trois trucs pour passer le temps à l’extérieur de notre appartement. Pamela s’était cependant inquiétée à savoir si j’allais bien puisqu’apparemment, j’étais pâle à faire peur. Je l’avais rassurée en prétextant que toute cette conversation avec le manager de MTI m’avait prise de court, que jamais je n’aurais cru recevoir ce genre d’appel. Mon amie avait souri et sembla accepter mon explication.

Quand je fus seule, je dû me reprendre à au moins quatre reprise avant de parvenir à composer le numéro de téléphone à l’appartement,  là où je savais que je trouverais Ward puisqu’il était trop tôt à Los Angeles pour qu’il soit au Wild.

J’avais les mains humides et étrangement froides, en plus qu’elles tremblaient ridiculement. La gestion des émotions n’étaient pas mon fort et ça n’allait pas en s’améliorant depuis qu’on m’avait dit que ce que je ressentais était débile.

- Allez Nell, tu peux le faire… la quatrième fois sera la bonne !

Mais avant, j’eu besoin d’un verre d’eau, d’aller faire un tour à la salle de bain, de me reprendre un autre verre d’eau, de ranger deux ou trois trucs dans l’appartement et pourquoi pas, trier le linge qu’il faudrait apporter à la buanderie au coin de la rue.

Je me réinstallais sur le divan, en tailleur, le téléphone posé sur mes jambes et je composais le numéro de l’appartement et j’entendis la première sonnerie, puis la seconde, une troisième et une quatrième avant que la voix de mon petit ami ne se fasse entendre. J’enroulais le fils du combiné autour de mon doigt avant de parler.

- Hey, salut toi ! Je te réveil ?

Je me doutais bien oui que je devais le réveiller, Ward n’était pas du genre oiseau du matin.

Mon but étant de tirer tout ça au clair rapidement et éviter de me remettre à bégayer à n’en plus finir, je décidais de plonger et d’aller directement au vif du sujet.

- Dis, tu vas trouver ça drôle mais je viens de recevoir un appel de Timmy Evans de MTI qui m’a dit avoir beaucoup aimé la démo que je lui aurais envoyé, ce que je n’ai pas fait, tu t’en doute et Shane me confirme qu’il n’est pas responsable de l’envoie alors… Est-ce que tu pourrais me dire ce qui s’est passé ?

Mon ton n’était pas agressif, de toute façon, je n’en serais jamais capable, cependant, Ward devait sans doute deviner que je n’étais pas heureuse de ce qui se passait et que l’heure n’était pas au mensonge, mais bien à la vérité.

4h du matin… C’est l’heure à laquelle j’étais rentré chez moi après ma soirée au Wild. Une soirée où j’avais eu la visite d’Alonso. Le petit chien de Reed était venu, comme presque toutes les deux semaines, afin de mener à bien le blanchiment de l’argent des Los Diablos. C’était l’accord que j’avais scellé avec Reed. Mais ça n’empêchait que voir la tronche d’Alonso n’avait jamais rien de très plaisant.

On était censé ne pas se tirer dessus mais on le faisait quand même à coup de piques. Et, à ce petit jeu, j’avais toujours été meilleur que Vega. Certainement parce qu’il s’énerve bien trop vite que pour réfléchir correctement. Il était sûrement doué à ce petit jeu face à ses Los Diablos mais, moi, j’étais d’un tout autre niveau.

Une fois l’affaire classée, j’avais pu continuer à faire les comptes du Wild… Depuis que j’étais le gérant du club de striptease, je passais plus de temps à compter des chiffres qu’autre chose. Je ressentais de plus en plus le manque d’adrénaline que me procurait ma vie d’avant. Et ce manque se traduisait par une façon de gérer l’endroit de plus en plus tyrannique. De quoi foutre les jetons aux filles. Il faut dire qu’il n’en fallait pas beaucoup pour les effrayer…

Une fois chez moi, j’avais été dormir directement… Tout ça pour me faire réveillé un peu trop tôt à mon goût par la sonnerie du téléphone. Je grommelai prenant le combiner en main pour décrocher et lancer :

-Ouais ?!

D’un ton à moitié endormi, à moitié agacé. Et c’est la voix de Nell que j’entendis à l’autre bout du fil. Ma petite amie sait qu’il y a un foutu décalage horaire et que je travaille principale la soirée et la nuit ? Ouais, elle le savait parce qu’elle se demanda si elle m’avait réveillé.

-Oui, Nell… Tu m’as bel et bien réveillé. J’ai bossé jusqu’à 4h du mat’… Qu’est-ce que tu veux ? Quelque chose ne va pas ?

On pouvait entendre une once de reproche mais je tentais de masquer ça du mieux que je pouvais. En prison, j’avais gagné en self control mais il y avait des choses qui m’agaçait à coup sûr. Me faire réveillé par le téléphone en faisait partie.

Nell enchaina alors en parlant de Timmy Evans et d’une démo. La démo de la chanson où elle chantait et que j’avais déposée chez MTI sans en parler à Nell. Visiblement, la chanson avait tapé dans l’oreille du manager de The Burning Fire. J’esquissai un petit sourire me redressant dans mon lit. Nell voulait des explications. Ne me dis surtout pas « merci », chérie… Je t’ai possiblement ouvert une foutue carrière, là.

Mon ton de voix s’était fait plus doux alors que Nell semblait vouloir comprendre comment les choses s’étaient faites.

-J’ai fait une copie de la démo et je l’ai envoyé à MTI. C’est comme ça que les choses se sont passées. Je savais que si je te parlais de cette idée, tu n’aurais pas voulu. Je savais que Shane avait l’intention d’envoyer sa démo. C’est ce que tu avais insinués… Il l’aurait envoyé dans les maisons de disques de New York. Je savais que tu avais un grand potentiel et qu’il y aurait eu des chances qu’une maison de disques veuille t’engager… Alors, je me suis dit… Tu sais… Si ça avait été à New York, ça nous aurait séparé alors j’ai voulu tenté le coup sur Los Angeles.

A vrai dire, j’avais vu les choses tout autrement. Chez MTI, il y a Don… Don est le père de Nell… Et je pensais que ça serait une bonne manière de les rapprocher… C’est sur l’héritage de Don que le lorgnais. Je voyais loin. Peut-être trop… Mais c’était grisant que d’avancer les pions vers ce possible dénouement.

-Et Evans… Il a aimé… Il t’a dit quoi ?

Il m’avait fallu pas mal de courage avant de composer complètement le numéro à l’appartement, là où je savais que Ward serait à cette heure. D’un côté, j’étais en colère qu’il ait envoyé la démo en cachette, surtout en sachant que je ne voulais pas qu’il le fasse, de l’autre, j’avais de la peine que malgré mon refus, il ait décidé d’en faire qu’à sa tête. C’était de ma vie et de mes choix dont il était question, après tout.

Ward répondit au bout de quelques sonneries et le ton de sa voix ne laissait aucun doute qu’il n’était pas content de se faire réveiller. Tant pis, je devais crever l’abcès et ça ne pouvait pas attendre autrement, j’allais trainer cela sur mes épaules toute la journée, voir toute la soirée pendant la représentation.

À ma question à savoir si je l’avais réveillé, Ward me répondit un peu sèchement pour me confirmer que oui, je le réveillais et qu’il avait bossé jusqu’à quatre heures du matin. Moi aussi, je m’étais fait réveiller par un appel que je ne désirais pas avoir, ainsi, nous étions sur un pied d’égalité. Je n’allais pas le lui dire mais de le penser me fit un peu de bien. Juste un petit peu !

J’allais directement au vif du sujet, pendant que j’en avais le courage et avant que je ne me fasse rattraper par mes bégaiements. Il fallait absolument que j’en ai le cœur net, et, malgré qu’il ne pouvait y avoir aucune autre possibilité, que le seul responsable de l’envoie de la démo de Shane à MTI ne pouvait qu’être Ward, je gardais un tout petit espoir qu’il soit autant surprit que moi.

Cela ne fut pas le cas.

Il confirma être le responsable du vol et de l’envoie de la démo à Timmy Evans. Il se justifia en disant qu’il savait que je refuserais qu’il le fasse et ajouta que de toute façon, Shane avait l’intention d’envoyer lui-même la démo. Sauf que Ward n’avait pas tenu compte que Shane comptait envoyer la démo en tant qu’auteur compositeur et offrir la possibilité aux maisons de disques de l’utiliser en l’offrant à une chanteuse déjà établi. Ma voix ne servait qu’à mettre les paroles de sa composition en avant. Dans la foulée de ses explications, Ward ajouta que d’envoyer la démo à une maison de disque New Yorkaise nous aurait séparée.

- Bien sûr que non puisque je n’aurais pas été considéré comme la chanteuse à signer si Shane avait lui-même envoyé la démo, contrairement à ce qui se passe avec ta façon de faire.

Je secourais la tête en sentant mes larmes me border les yeux.

Ils avaient quoi tous les hommes que je fréquentaient à vouloir décider de mes choix, de ma vie ?

Ward demanda ensuite ce qu’en avait dit Timmy Evans.

- Il…Attends…

Un sanglot noua ma gorge, m’empêchant de continuer. Je me levais et allais me faire couler un verre d’eau bien froide que je vidais en deux gorgées.

- S’il a prit la peine de me passer un coup de fil, c’est qu’il a été intéressé, tu t’en doute. J’ai eu l’air d’une nunuche à rien comprendre de ce qui se passait, Ward. Je me suis sentie manipulée, tu savais que je ne voulais pas que tu le fasses.

Si Nell me réveillait au petit matin alors que j’avais travaillé toute la nuit c’était simplement parce qu’elle avait eu écho que sa petite démo qu’elle avait fait avec Shane s’était retrouvée entre les mains de Timmy Evans, manager de MTI. Il ne lui avait pas fallu longtemps pour comprendre que le responsable de ça, c’était moi. J’aurais pu nier mais je n’en avais aucun intérêt à part perdre en crédibilité. Parce qu’il était claire que Nell n’allait pas croire que la démo s’était perdue toute seule sur le bureau d’Evans. Elle n’était pas stupide.

J’avais alors assumé donnant ma version de l’histoire. Une version que j’avais agrémenter de bons sentiments. Si je n’avais pas forcé les choses, plusieurs scénarios auraient pu avoir lieu :

* Shane aurait obtenu un contrat avec une maison de disques new-yorkaise et une autre chanteuse aurait été trouvée pour chanter le titre.

* Shane aurait obtenu un contrat avec une maison de disques new-yorkaise et Nell aurait été engagée dans le même temps.

* Rien ne se serait passé parce que la démo n’aurait trouvé aucun intérêt.

Dans tous les cas, Nell ne se serait pas rapprochée de Don. J’avais préféré mener le destin vers le scénario qui me convenait le mieux. Tout simplement.

Mais Nell protesta. Elle pensait bien que c’était le scénario numéro 1 qui se serait produit. Celui où Shane aurait été remarqué comme compositeur mais qu’une autre chanteuse aurait été choisie pour faire le titre. Soit elle ne croyait vraiment pas à son talent, soit elle n’avait pas envie d’y croire. Mon ton se fis plus sérieux car c’était ce côté de Nell qui me désespérait.

-Tu crois ça ? Tu penses que les managers de New York sont sourds, Nell et qu’ils n’auraient pas considéré ton talent ?

Ils l’auraient considérés. Tout comme Evans. Car il semblerait que, lui, l’ait considéré sinon on aurait pas cette conversation à cet instant. Je demandai plus d’informations sur ce que lui avait dit Evans et elle déclara que le manager de Stone attendait. Il y avait comme un trémolo dans la voix de Nell. Allait-elle pleurer ? Je n’avais pas la tête à essuyer des pleurs alors qu’elle avait peut-être l’offre de sa vie devant son nez… Mais elle expliqua que ce qui la dérangeait c’est d’être passée pour une nunuche devant Evans car elle ignorait qu’une démo avait été envoyé chez MTI… Elle disait qu’elle s’était sentie manipulée.

Chérie… Tu ne peux pas te concentrer sur le résultat ?

Je soupirai avant de mimer un ton compatissant. J’étais devenu maitre en l’art de compatir.

-Excuses-moi… Je ne pensais pas que tu verrais ça de façon négative… Tu avais peur de te lancer… J’ai voulu t’aider, c’est tout. Je ne pensais pas que ça te ferais tant de mal. J’aurais dû au moins t’en parler. Je voulais te surprendre…

Des excuses. Parfois ça fonctionnait. Parfois non… Quoi qu’il en soit c’était le passage obligé. J’étais sûr que Nell pourrait digérer ça.

-Timmy est, donc, intéressé… Mais toi ? Tu en penses quoi ?

Ward ne niait même pas être le responsable derrière l’envoie de la démo de Shane chez MTI. Pire encore, il semblait fier de sa manœuvre et se justifiait en disant que si elle s’était retrouvée entre les mains d’un manager New Yorkais, nous aurions été séparés. Voulait-il que je me sente coupable d’être en ce moment même retenue loin de lui par mon contrat avec la production de Broadway, Grease ?

Le fait est que si Shane avait lui-même envoyé sa démo comme il comptait le faire, il l’aurait expédié à des maisons de disques en prenant soin de dire qu’il l’envoyait pour se faire connaître lui en tant qu’auteur-compositeur. Or, ce qu’avait fait Ward était de me faire passer moi en premier plan, comme une chanteuse désirant percer ce qui n’était pas le cas, du moins pas en m’appropriant le travail de mon ami !

- Ils auraient peut-être cherchés à savoir qui j’étais mais la démo ne m’appartenait pas ! C’est le travail de Shane qui devait être mit en avant plan, pas ma voix !

Ward ne voyait toujours pas le soucis dans sa manœuvre et me demanda ce qu’en avait pensé Timmy Evans, le manager de MTI qui était entré en contact avec moi plus tôt. J’allais dire à Ward comment la conversation s’était déroulée mais je lui demander plutôt de m’attendre, le temps que je j’aille vider un grand verre d’eau froide et me remettre de mes émotions et surtout, reprendre le contrôle avant qu’elles ne m’envahissent trop et que je ne devienne incapable de prononcer une seule parole sans m’emberlificoter dans des bégaiements à l’infini.

Mes esprits passablement retrouvés, j’expliquais à Ward que le manager s’était montré intéressé à me rencontrer alors que de mon côté, j’avais dû donner une drôle d’impression puisque je ne savais pas ce qui se passait et qu’en prime, la cerise sur ce magnifique gâteau, c’était que Ward savait très bien que je ne voulais pas qu’il envoie la démo. Je ne voulais pas d’une carrière de chanteuse et tout ce qui venait avec.

- J’entends ce que tu me dis, que tu as voulu m’aider mais toi ? Tu n’as pas compris quand je t’ai dit que je ne voulais pas le faire ? Et chez MTI en plus ! Don va croire que je cherche à attirer son attention ! C’est tout le contraire ! Je me sens coincée, Ward.

Ward m’avait coincée dans un coin et je n’y voyais aucune issue, du moins, aucune qui me satisfasses véritablement. J’avais accepté de rencontrer Timmy Evans sous la pression de Shane et Pamela qui m’encourageaient et parce que j’avais, un peu, voulu sauver la face.

- Oui, il est intéressé. Il va venir me voir bientôt pour juger de ma prestation sur scène. Il doit se demander comment je parviens à chanter pendant toute une représentation parce que je n’ai pratiquement pas su aligner trois mots sans bégayer

Je me suis couverte de ridicule et je vais faire perdre son temps à un manager renommé parce que mon petit ami à cru savoir mieux que moi, ce que je voulais.

- Je n’en sais rien. D’un côté, me dire qu’un manager comme Timmy Evans a vu du potentiel en moi c’est flatteur mais la manière dont les choses se sont faites, ça c’est non. Et chez MTI en prime ! Il viendra ici pour rien, je ne veux pas entrer chez MTI, je ne veux pas que Don y voit une façon détournée de ma part pur attirer son attention. Alors… Je vais refuser, que veux-tu que je fasse d’autre ?

Je ne voyais pas quoi faire d’autre.

Nell martelait que ce n’était pas elle qui devait être mis en avant mais Shane. Elle clamait que si c’était Shane qui s’était occupé de promouvoir sa démo alors c’était uniquement son travail qu’on aurait reconnu. Ouais ! C’est clair que si un manager entend la voix de Nell et que ça lui plait, il n’essayera absolument pas de la convaincre de se lancer ! Quel manager ferait ça, après tout ? Je roulai des yeux. Un geste que je pouvais faire sans me le faire reprocher vu que Nell était à des milliers de kilomètres de moi.

-C’est ta voix qui met en avant le travail de Shane…

Sans la voix de Nell, Shane n’aurait jamais pu promouvoir sa démo et pas sûr qu’avec une chanteuse au talent moyen il aurait réussi à attirer l’attention d’un manager. Parce que si Nell venait me faire des reproches, aujourd’hui, c’est bien parce qu’un manager avait trouvé le chant de Nell valable.

J’avais envie de savoir ce qu’avait dit Evans. Mais Nell me fit légèrement attendre avant de revenir pour m’expliquer qu’Evans était assurément intéressé. Sauf qu’elle m’en voulait quand même de l’avoir mis dans une telle position. Je jouai, donc, la traditionnelle carte des excuses. J’avais pris l’habitude de la sortir, celle-là. Mais elle me reprochait toujours de l’avoir coincée… A cause de MTI. Ça aurait été BSC pas sûr que Nell en fasse tout un plat. Sauf que je n’avais pas envoyé la démo à BSC parce que c’était bien MTI que je visais et que, de toute façon, Nell n’aurait jamais été engagé par BSC.

-En fait… Je pensais sincèrement que tu n’osais simplement pas te lancer… Je voulais juste te donner un coup de pouce dans les démarches.

Comme quand on pousse quelqu’un qui ne veut pas sauter dans l’eau de la piscine parce qu’elle est trop froide.

-Je ne pensais pas que tu te priverais d’une carrière à cause de Don… Je pense que tu devrais ne pas trop t’en faire sur ce qu’il pense…

C’était le problème de Nell. Elle s’en faisait toujours de ce que les autres allaient penser d’elle. Elle faisait trop attention à ça. S’en était presque désespérant.

Nell confirma que Timmy allait venir la voir à New York. Elle parla de se bégayement. Ceux qui avaient le don de me faire rouler des yeux. La Nell que j’avais rencontré il y a quelques années n’était pas aussi hésitante. Je ne savais pas si c’était Keller qui l’avait rendu comme ça ou bien si c’était simplement Nell qui s’était ramollie en vieillissant.

-S’il vient jusqu’à New York pour te voir c’est qu’il a vraiment vu un grand talent en toi. Sinon, il ne ferait pas tous ces kilomètres. Surtout qu’Evans n’est pas un manager de seconde zone. C’est le manager de The Burning Fire…

J’essayais de montrer à Nell que son talent valait le coup. Quand elle aura signé, inévitablement, elle sera plus proche de Don.

Il me fallait jauger ce qu’elle dire à Evans. Elle déclara ne pas avoir aimer la manière dont les choses s’étaient faites. Elle regrettait aussi que l’offre vienne de MTI. Elle était prête à refuser. Je fis la moue. Nell était probablement la seule fille dans cet univers à refuser une offre alléchante de carrière, de richesse et de notoriété. Une vrai bénévole jusqu’au bout. Sans doute qu’elle avait peur de perdre son statut de sainte si elle embrassait à la fois MTI et la notoriété.

Encore une fois, c’était une question d’image. Et elle comptait refusé l’offre d’Evans car elle pensait qu’elle n’avait que ce choix-là devant elle.

-Nell… Tu sais, au fond de toi, que ça n’est pas une façon détournée de ta part d’attirer l’attention de Don. Alors qu’est-ce que tu en as à faire de ce que les autres penseront ? C’est si important ? Tu ne dois pas faire ton choix en fonction de ça mais en fonction de ce que tu veux pour ton avenir. Tu veux quoi, Nell ? Être bénévole ? Être actrice ? Être chanteuse ? C’est ce que tu veux qui est important pas ce que Don ou d’autres penseront de tes choix.

Je voulais sa réponse. Qu’est-ce que l’hésitante petite Nell voulait ?

J’avais du mal à croire et accepter que Ward ait pu envoyer la démo tout en sachant très bien que je ne voulais pas qu’il le fasse. Nous en avions discuté quand je la lui avais fait écouter et je m’était opposé à ce qu’on mette de l’avant ma voix au détriment du talent d’auteur de mon ami Shane. Ma voix n’avait servi qu’à mettre en valeur la profondeur des paroles et la magnifique mélodie.

- Ma voix devait être le tremplin. En envoyant la démo en mon nom, c’est clair que n’importe quel manager a porté attention à la chanteuse et non aux paroles et à la musique.

C’était une impasse.

Quoi qu’on en dise, Ward et moi ne serions jamais du même avis sur la situation dans laquelle il m’avait mise, sous prétexte qu’il avait craint que nous soyons éternellement séparés si je faisais carrière à New York.

- Il y a un monde entre ne pas oser et ne pas vouloir oser. Je ne t’en veux pas d’avoir voulu m’aider. Je suis déçue de la manière détournée que tu as utilisée.

J’étais aussi effrayée à l’idée que Don voit là-dedans une manière détournée de ma part d’attirer son attention. C’était surtout cela que je voulais éviter à tout prix et qui venait de m’exploser au visage avec l’envoie de la démo par Ward, chez MTI

- C’est difficile de ne pas m’en faire de ce qu’il pense avec tout l’espoir qu’il avait dans le regard, la dernière fois que l’on s’est vu.

Puis il voulut savoir ce qu’en avait pensé Timmy Evans et je le lui expliquais, après avoir prit un grand verre d’eau pour me calmer. Pour Ward, le fait que Timmy Evans fasse le trajet pour venir me voir témoignait de son grand intérêt. Il n’était pas à se faire les dents en courant après chaque petit espoir quand, dans sa cours, il avait The Burning Fire et jusqu’à peu, Lola.

- C’est bien pour cela que de le déranger en manigançant me fait grincer des dents.

Je m’en frottais le front et les temps de ma main qui ne tenait pas le téléphone, tant toute cette conversation ainsi que l’appel reçu avant me donnaient mal à la tête. J’en perdais mes repères et le pire dans tout ça était qu’au fond de moi, j’étais flattée d’avoir obtenue l’intérêt d’un manager sérieux et que par conséquent, je n’étais plus si certaine que je ne voulais pas tenter ma chance.

Ward, lui, croyait à fond que je devais me lancer, que je ne devais pas m’arrêter à ce que les autres pouvaient penser de tout ça. Il avait bien raison mais en même temps, il avait tort. Ce n’était pas tout blanc ou tout noir.

- Ce que je veux… Je le saurai quand je discuterai avec Timmy Evans. En attendant, ce que je veux vraiment c’est que les hommes avec qui j’essaie d’avoir une relation saine m’imposent leurs visions parce qu’ils croient savoir mieux que moi ce qui est bon et ce qu’il ne l’est pas pour moi.

Je poussais un long soupire.

- Désolée de t’avoir réveillé, mais je devais savoir, ça ne pouvait pas attendre. Je te laisse te rendormir, je dois trouver des billets pour Timmy et nous avons une répétition bientôt. On s’appel plus tard ?

J’avais beaucoup à réfléchir et à faire dans les prochaines heures. Shane allait vouloir tout savoir dans les moindres détails, je l’avais privé de ce plaisir en le mettant lui et Pamela, hors de l’appartement le temps que je passe un coup de fil à Ward. J’allais avoir besoin de me reposer, de mettre tout ça dans un petit compartiment dans ma tête si je voulais passer au travers de ma journée.
Ce n’était pas gagné d’avance !

-Si c’est un bon manager il aura porté attention à la totalité.

Pas juste à la voix. Ne doit-il pas aussi jugé de la qualité totale de la composition ? Les bons managers savent sûrement qu’une belle voix est toujours meilleure quand la composition est bonne aussi. Mais Nell n’en démordait pas. Elle se disait que tout aurait été différent si Shane avait pris les choses en mains et se serait mis en avant. Je n’étais pas certain, moi, que le résultat aurait été différent. Et je n’avais pas vraiment eu la patience de manipuler Shane pour qu’il envoi sa précieuse démo à MTI. De toute façon, je l’aurais fait de cette manière, Nell n’aurait quand même pas été contente.

Parce que Nell ne voulait pas qu’on voit sa voix sur la démo. Elle voulait aider son ami sans se mettre en avant. Elle s’était mise dans une impasse elle-même en acceptant de l’aider et en montrant son talent. Elle ne pouvait pas prendre tout le positif d’un choix sans penser aux possibles conséquences « négative ». Ouais « négative ». Parce que bien des gens auraient voulu avoir le même sort que Nell. Il n’y avait qu’elle pour s’en plaindre.

Elle déclara qu’il y avait un monde entre ne pas oser et ne pas vouloir oser. Je soupirai.

-Je suis désolé… J’aurais dû mieux y réfléchir…

Je n’avais aucun regret en réalité. J’étais persuadé que Nell allait finir par comprendre tous les avantages qu’elle pourrait retirer elle-même de la situation dans laquelle je l’avais mise.

J’essayais de relativer son « fardeau » en lui disant de ne pas prêter attention à ce que pensera Don Hughes. Mais elle disait ne pas pouvoir ne pas y faire attention. Je roulai des yeux.

-Je comprends… J’aurais dû penser à tout ça.

A vrai dire, je n’avais pensé qu’à ça… Mais je n’imaginais pas que Nell en ferait tout en plat de ce qu’allait penser Don.

J’avais détourné la conversation sur Evans. S’il avait contacté Nell c’est qu’il croyait réellement en son talent. C’est ça que je mis en avant mais Nell se mettait encore à la place d’Evans et se sentait coupable de le déranger. C’est clair que le manager allait devoir faire le trajet pour, apparemment, essuyer un refus. Si Nell était bien certaine de refuser pourquoi l’avait-elle laisser venir ?

Sûrement parce qu’elle n’était, au fond, pas sûre de refuser.

Alors, je, pour écarter tout doute, je demandai ce que Nell voulait faire. Pas juste sur cette proposition mais au sens général. Elle n’en savait rien, en fait. Elle pensait qu’elle y verra plus clair en discutant avec Evans. Tout ce qu’elle voulait c’était que les hommes avec qui elle était en relation n’imposent pas leur vision.

Ce message était pour moi. J’avais bien compris.

-Message reçu…

Elle s’excusa de m’avoir réveillé et se mis à prendre congé. Me rendormir ? C’est trop tard, chérie.

-D’accord… On s’appelle plus tard… Désolé encore… Je t’aime, Nell…

Quand elle raccrocha, je le fis aussi roulant des yeux avant de me recoucher d’un geste brusque dans mon lit. Je n’avais plus qu’à attendre de voir si Evans arrivera à la convaincre. Si ce n’est pas le cas, je trouverais bien un autre moyen de rapprocher Nell de Don. Parfois, laissez faire les choses est encore la meilleure des tactiques.