Une semaine de congé !

C’est ce que la production de Grease nous offrait pour nous reposer après un premier mois fracassant ponctué de représentations tous les soirs à guichets fermés. C’était l’un des plus gros départ pour une pièce sur Broadway de la dernière décennie, de quoi nous rendre tous très fière.

Plusieurs de la troupe avaient décidés de partir ensemble dans un petit chalet appartenant à la famille de Pamela, question de rester soudés mais, habituée d’être la petite brebis égarée dans un groupe, je décidais moi de rentrer à Los Angeles, me familiariser avec mon nouveau chez moi, ce qui n’était pas gagné d’avance. Je n’en revenais pas encore d’avoir accepté la proposition de Ward, l’ennemi juré de celui pour qui mon cœur battait encore très fort.

J’y avais songé pendant toute la durée de mon vol, retournant de tous les sens ce qui s’imposait comme étant un problème insolvable. Une partie de moi regrettait cette collocation, une autre me disait d’aller de l’avant. Après tout, c’était fort probablement ce qu’avait fait Jordan, lui aussi. Je devais cesser de l’attendre et de l’espérer en vain, même si ça me brisait le cœur que de le penser. Même Pamela me l’avait répété tant et si bien que je connaissais son discours par cœur maintenant. Elle m’avait également mise en garde contre Ward pour qui elle vouait une haine incontestable. Je le lui avais pas dit que j’avais accepté d’aménager avec lui. À ma mère non plus, d’ailleurs !

Je récupérais mes bagages et je pris un taxi qui me conduisit au centre-ville de Los Angeles et, une fois stationnée, le chauffeur m’aida à sortir mes bagages de la valise de sa voiture et même de les monter jusqu’à mon nouveau chez moi. Je le remerciais en lui donnant un billet en ignorant si c’était suffisant, je n’avais pas l’habitude et puis j’étais tellement claquée par toutes ces représentations soir après soir, par le voyage en avion et par toutes ces réflexions invasives que je n’arrivais plus du tout à agir normalement. Néanmoins, le type me remercia et me souhaita une bonne journée avant de s’éclipser.

J’étais soulagée, allez savoir pourquoi, que Ward ne soit pas là à mon arrivée. Ce fut comme si son absence me laissait le temps d’apprivoiser mon nouvel environnement, de faire mes repères. Cependant, j’avais laissé mes valises dans le salon ne sachant pas quelle chambre m’était destinée et comme je ne voulais pas m’imposer en choisissant la mauvaise pièce. J’avais quand même fait le tour, vu la chambre de Ward sans y entrer, vu la chambre de la petite Heaven dont il ne restait que la peinture sur les murs et quelques peluches abandonnés, c’était très triste, et la chambre de Grant, elle aussi, vide.

Je m’étais permis de prendre un verre dans l’armoire et du jus d’orange dans le réfrigérateur. Si j’étais pour vivre ici, je devais faire ce genre de chose comme bon me semblait, sans me sentir gênée ou sans demander la permission. Il me faudrait du temps pour m’y habituer et je me doutais que ce n’était pas la petite semaine que je passerais ici qui ferait la différence.

Ward arriva alors que j’étais là depuis au moins trois bonnes heures. Il devait bosser, du moins c’est ce que je supposais. Je regrettais soudainement ne pas lui avoir passé un coup de fil pour le prévenir. Je serais morte de honte s’il avait ramené une fille ! Mais, non. Il était seul et ça me soulagea. Pas que j’avais un soucis avec le fait qu’il refasse sa vie, loin de là ! Il pouvait flirter comme bon lui semblait, mais, aujourd’hui, nous devions discuter de notre collocation et de comment il envisageait les choses parce que dans l’immédiat, il n’y avait à priori pas de lit pour moi. De nous deux, je devais être la plus surprise ! Ward était habillé comme s’il revenait d’un rendez-vous ultra important mais il avait une mine exécrable ! Un rendez-vous qui s’était mal déroulé?

Possible !

- Salut coloc ! J’ai décidé d’utiliser la clé que tu m’as laissé avant de rentrer. J’aurais peut-être dû te prévenir, hein ?

<< Précédemment

Est-ce une menace ? Sans blague, Sky… Sans blague…

Je la fixai sans rien dire laissant planer le doute sur le fait quand ça en soit une ou non… J’avisai ensuite Sigurd qui avait passer ses bras autour des épaules de mon ex-femme.

Puis j’étais parti sans répondre à la question. Je n’avais aucune envie de trainer ici. La juge voulait que je me fasse suivre ? Ne croit-elle pas que Sky doit suivre le même traitement ? On voit qu’elle n’avait pas vu Sky face à Mark, son ex… Ou encore face à Tiffany Quinn avec qui elle s’était amusée à jouer dans la tête… Ou encore avec bien d’autres gens. Sky était influençable, instable, paranoïaque. Mais, ouais, s’ils pensent tous qu’Heaven est mieux avec elle, soit.

Moi, je sais qui je suis… Sky, je n’en suis pas sûr.

Mais ça ne sera que partie remise. Elle le payera d’une façon ou d’une autre.

J’avais repris ma voiture alors que c’est la haine et l’instinct de vengeance qui envahissait ma tête et le reste de mon corps. En prison, j’avais appris à me contrôler… A gérer mes pulsions… Mais là, alors que je venais de subir un défaite cuisante, je ne pouvais m’empêcher de me voir étrangler Sky jusqu’à-ce qu’elle devienne toute molle… Comme A.J…. Comme les Rice Krispies. Puis ce fut Sigurd que je vis égorgé au sol… Puis, l’autre enfoiré de Victor Hunter mort d’une balle dans la tête.

Je secouai la tête avant de démarrer en trombe. Je roulais vite mais je ne prêtais pas attention à ça. Mon appartement n’était, de toute façon, pas très loin. Mais dans un coin de mon cerveau, je ne pouvais m’empêcher de planifier ma soirée. Un prostituée fera l’affaire. C’est ça que mon cerveau me disait. Un pute fera l’affaire… Personne ne la cherchera. Personne ne la regrettera.

C’est ce dont je m’étais convaincu une fois garé devant mon appartement. Je sortis de ma voiture prenant l’ascenseur jusqu’à mon étage. Mais quand j’arrivais devant ma porte, je vis qu’elle n’était pas verrouillée.

Je tiquai… Et j’entrai discrètement. Je n’avais pas de flingue sur moi. Pas possible à casser dans mon costard.

J’étais sur mes gardes mais quand je vis que c’était les affaires de Nell qu’il y avait dans le salon, je me détendis.

Nell était là. Elle était revenue… Elle n’avait, pourtant, pas encore terminé toutes ces représentations à Broadway. Pourtant, elle était là.

Mon plan de ce soir parti en fumée.

Je la rejoignis à la cuisine où elle s’était prise une jus d’orange. Elle me salua visiblement très heureuse. Je ne devais pas avoir ma tête des meilleurs jours. J’étais toujours très énervé même si la présence de Nell m’avait fait descendre de quelques crans dans ma colère.

-Salut Nell…

Elle déclara qu’elle aurait dû prévenir.

-Non… C’est une très bonne surprise. Si tu n’étais pas venue, j’aurais ruminer ici jusqu’à-ce que je te rejoignes à Broadway.

Et j’en aurais tué, des putes, entre temps. Je fixai Nell intrigué.

-Je ne savais pas que tu avais le temps de revenir. C’est une bonne chose. Mais je n’ai pas eu le temps de te trouver un lit. On s’arrangera avec ce qu’il y a ici.

Etais-ce mon intention ? Oui. Parce que je savais qu’avec Nell, je devais passer un pas après l’autre et pas brûler les étapes. Si je les brûlais, elle allait s’enfuir comme une biche effrayée.

Je tentais de contenir la colère qu’il y avait en moi. Pour ça, je sortis une bière du frigo que j’ouvris pour commencer à la boire.

-Je reviens de la conclusion du procès pour la garde. J’ai perdu… Je ne pourrais pas revoir Heaven.

C’est dans la cuisine que j’avais attendu l’arrivée de Ward, lui laissant un indice de ma présence avec mes valises au salon. Je ne voulais pas décider de quelle chambre j’allais prendre ni commencer à tout bazarder dans ses armoires sans lui demander si ça allait, avant. Nous allions devoir apprendre à vivre ensemble, ou plutôt réapprendre. Puisque je ne serais pas beaucoup ici dans les prochains mois, il ne devrait pas trop se sentir envahi par ma présence et j’aurais plutôt l’impression, moi, de n’être que de passage chaque fois que j’y viendrait.

Ward enfin et s’il semblait visiblement surprit de ma présence, moi, je l’étais de par son habillement. Je ne l’avais que rarement vu aussi bien fringué, à croire qu’il sortait d’un rendez-vous d’affaire important. Je le saluais en faisant roulé mon verre presque vide entre mes mains, hésitant à me lever pour aller lui faire la bise. Je ne savais pas vraiment comment je devais me comporter avec lui. Certaines confidences s’étaient un peu trop infiltrées dans ma tête et parasitaient ma spontanéité.

Vu sa tête, j’aurais peut-être dû le prévenir de ma visite mais il me rassura, après m’avoir salué, que la surprise était bonne. Très bonne avait-il dit, en vérité ce qui me fit sourire.

- Tant mieux. Je… Je ne… Tu aurais pu avoir des projets. Je ne voulais p…pas m’imposer.

Il serait même venu me rejoindre à New York à force de ruminer ici. Mais qu’est-ce qui le faisait autant ruminer au point qu’il ait besoin de sortir de Los Angeles ?

- À Broadway, tu aurais eu à supporter les roulements d’yeux de Pamela chaque fois que tu ouvre la bouche, ce n’est pas mieux que de ruminer ici. Dis-je d’un ton moqueur pour détendre l’atmosphère qui semblait en avoir de besoin.

Ward n’avait pas eu le temps de préparer mon espace mais je haussais des épaules, ce n’était pas important et, comme il le disait, nous ferions avec ce qu’il y avait ici.

- Le salon fera mon bonheur, je ne suis ici que pour la semaine.

Ward passa près de moi, jusqu’au réfrigérateur et se prit une bière qu’il décapsula et en prit une gorgée avant de me dire qu’il revenait du tribunal pour la garde d’Heaven et qu’il avait perdu. Je fixais mon verre de jus d’orange, ne sachant quoi dire. Il savait ce que j’en pensais mais il m’avait juré désirer la garde de sa fille pour de vraies raisons et non que pour emmerder son ex-femme, pourtant, je n’en étais pas totalement convaincue.

- Je suis désolée, Ward. Mais… Mais… Tu sais… Tu reverras ta fille. Tu peux demander des droits de visite accompagné, commencer par ça et… T…Tu peux porter ta cause en appel ?

Peut-être qu’après un certain temps, un juge changera la décision prise aujourd’hui et Ward pourra récupérer certains droits ? Je levais et, spontanément, je le serrais dans mes bras pour lui offrir mon soutient et un peu de réconfort. Je ne savais pas ce que je pouvais faire de plus pour l’aider à encaisser la nouvelle avant que je ne me souvienne que j’avais quelque chose pour lui dans ma valise.

- Oooh ! Attends! J’ai… Attend!

Je me séparais de lui et allais fouiller dans ma valise et en sortit le plus gros cliché touristique New Yorkais existant ! Un t-shirt sur lequel il était inscrit I Love New York, le mot love remplacé par un cœur rouge. Je le lui apportais en rigolant.

- Tiens ! C’est horriblement cliché mais je n’ai pas pu m’empêcher de t’en rapporter un !  Et si tu te pose la question, ouais ! Tu es obligé de le porter ! Sinon, je me sentirai seule quand je porterai le miens !

Nell avait repris ses bégayement au moment où je lui avais certifié ne pas du tout être dérangé par sa présence. Elle déclara qu’elle ne voulait pas s’imposer.

-Je n’avais aucun projet.

Oh que si ! Mais la présence de Nell valait bien lesdits projets. Les prostituées attendront. Ou la drogue se chargera de leur donner le même destin que je leur aurait imposé autrement.  

J’affirmai même que je me serais franchement ennuyé à ruminer ici en attendant de retourner à New York. Elle me rappela qu’à Broadway, il y avait Pamela. Une Pamela qui ne m’aimait absolument pas. Je fixai alors Nell sans sourire aucun parce que j’étais toujours en colère vis-à-vis de ce qu’il venait de se passer au tribunal.

-A Broadway il y a peut-être Pamela… Mais il y a toi aussi. Ça change tout. Donc, je préfère ça à ruminer ici.

J’avais déclara que je n’avais pas eu le temps de trouver un lit pour Nell ne sachant pas qu’elle comptait venir faire un tour à Los Angeles. Elle déclara se contenter du salon. J’hochai négativement de la tête.

-Je prendrais le fauteuil. L’inconfort ne me fait pas peur.

Puis, j’imaginais que ça allait me faire gagner des points dans le chef de Nell. Surtout en ne la forçant pas à partager mon lit et en faisant même en sorte de lui faire croire que je n’avais même pas pensé à cette éventualité.

J’avais alors expliqué avoir perdu la garde d’Heaven tout ça après avoir été cherché une bière dans le frigo. Je la vis baisser la tête sur son jus d’orange. La Nell qui réfléchis trop était de retour. Elle se disait désolée du verdique… Me parla de droit de visite. Je savais que Sky ferait en sorte de me mettre des bâtons dans les roues pour tout. Elle me parla d’appel aussi.

-Je sais… Je compte me battre jusqu’au bout. Je ne vois pas pourquoi je devrais être privé de ma fille.

Parce qu’un type a déclaré que j’étais un psychopathe. Voilà pourquoi. De bien grands mots. Je n’ai jamais fait de mal à Heaven.

Mais ce qui me faisait le plus enrager c’était que Sky avait gagné et que j’avais perdu.

Nell se leva alors pour me serrer dans ses bras. Je profitai de ça la serrant moi aussi. Mais elle se sépara de moi visiblement parce qu’elle… Je ne sais pas ce qu’elle avait. Je pris un air perplexe la laissant aller non sans soupirer et m’envoyer une autre gorgée de bière.

Et elle revint avec un t-shirt en main. Un de ces t-shirt de boutique de souvenir que les touristes achètent sans se rendre compte que c’est super cher pour rien. Mais je retenais une chose : elle l’avait acheté pour moi.

Je pris le t-shirt esquissant un petit sourire.

-Tu l’as vraiment acheté pour moi ?

Elle avait déclaré que j’étais obligé de le porter. Je ricanai.

-Je le porterais… Je me baladerais avec dans l’Eastside. Ou, mieux, j’irais à la prochaine audience avec ça. Sans doute que ça jouera en ma faveur.

Je mis le t-shirt de côté sur le comptoir de la cuisine contre lequel j’étais appuyé avant de fixer Nell et de m’approcher d’elle pour mettre mes mains sur ses hanche et lui lancer :

-Merci Nell. Toi au moins, tu as un cœur. Si tout le monde était comme toi, j’aurais le droit à cette foutue seconde chance.

Je penchai alors légèrement la tête sur le côté.

-Tu es revenue à Los Angeles pour quoi ? Vous aviez une pause ? Tu es venue voir ta mère ?

Je fus soulagée de ne pas interrompre aucun plan de Ward avec mon arrivée à l’improviste. La situation aurait été un peu malaisante s’il était rentré avec une femme à son bras, non pas qu’il n’en avait pas le droit, loin de là ! Il était libre comme l’air et faisait bien ce qu’il voulait avec qui il le voulait.  Il tirait tout de même une drôle de tête, quelque chose n’allait pas, ça se voyait comme le nez en plein milieu du visage. Ward ajouta même qu’il serait venu me rejoindre à Broadway plutôt que de continuer à ruminer ici sauf qu’il aurait dû affronter le regard désobligeant de ma coloc et partenaire de scène.

- M… Moi…  Je ne f…fais p…pas grand-chose, pourtant.

Il m’accordait trop de mérite.

Cependant, mon arrivée à l’improviste ne lui avait pas laissé le temps nécessaire pour organiser ma chambre. Je proposais de prendre le salon, ça m’irait très bien et de toute façon, comme je ne restais pas longtemps, je n’avais pas besoin de beaucoup d’espace.

- Tu es certain ? Je ne veux pas te chasser de ta chambre. Je n…ne suis ici que pour la semaine.

J’appréciais beaucoup sa proposition cela dit. Je dormirais sans doute mieux dans le lit de Ward que je ne dormais dans le lit de dortoir que j’avais dans ce petit deux pièces et demie que nous partagions, Pamela et moi. Chaque fois que je me retournais sur le matelas, j’avais la certitude que le lit finirait par se replier sur lui-même, me coinçant dedans comme la viande et la laitue d’un sandwich.

Ward leva enfin le voile sur sa morosité difficile à camoufler. Il revenait du tribunal ou il s’était fait refuser le droit de garde de sa fille. La décision du juge le mettait en colère, je pouvais comprendre bien qu’au fond de moi, je ne pouvais réprimer mon soulagement. Je le voyais très mal s’occuper de sa fille, tout bien intentionné aurait-il pu être. Dans ma tête, l’addition ne se faisait tout simplement pas. Cependant, je ne pouvais rester insensible à ce qu’il ressentait et je tentais de lui donner un peu d’espoir, ne serait-ce qu’en allant en appel de la décision du juge.

J’allais ensuite le serrer dans mes bras pour lui témoigner de mon support avant de briser l’étreinte que j’avais initié en me souvenant que j’avais quelque chose pour lui dans mes valises ! Oh je ne m’attendais pas à ce qu’il explose de joie mais si je pouvais, ne serait-ce que lui accrocher un tout petit sourire, je serais heureuse !

Je lui montrais fièrement un t-shirt arborant un ‘’I Love New York’’, le plus gros symbole cliché qu’un touriste pouvait se procurer lors d’une visite dans cette ville. Je n’avais pas pu me retenir.

- Bien sûr, que je l’ai acheté pour toi !

Je le regardais regarder son cadeau sans savoir s’il souriait parce qu’il était content de l’intention derrière le geste ou bien s’il était désespéré de devoir porter une horreur pareil sous prétexte que j’en avais un identique pour moi aussi. Il ricana en disant qu’il le porterait dans l’Eastside ou même quand il repasserait devant le juge.

- Bah qui sait s’il te portera chance ?

On ne savait jamais hein !

Ward laissa de côté son cadeau pour me prendre par les hanches, un geste qui me fit ramollir, sans que je ne comprenne pourquoi. Je le regardais, dans les yeux alors qu’il me remerciait en ajoutant que si plus de gens étaient comme moi, la vie lui serait plus facile. Je ne savais pas quoi répondre à ça sauf un simple ’’merci’’ que je soufflais. L’espace d’une seconde, quand il pencha sa tête sur le côté, je cru qu’il allait ensuite se pencher vers moi pour m’embrasser...

- Oh euh… ! Oui ils nous ont offert une semaine de pause et je me suis dit que ce…ce…cela serait bête de n…ne pas revenir. En profiter p…pour revenir, je veux dire.

J’avais prévu rendre visite à ma mère et peut-être relancer Don question de savoir s’il avait parlé à ses enfants. Il m’avait dit le faire, lors de notre dernier diner en tête-à-tête. J’espérais qu’il ne s’était pas dégonflé.

- Je dois ann… Euh… Je dois annoncer à ma mère que je me suis trouvé un appartement… Elle ne va pas… Enfin, tu sais…

Ma mère n’avait jamais aimé Ward et avait vertement désapprouvé notre relation, pour le temps qu’elle avait duré. Elle allait certainement me faire tout un sermon quand elle apprendra que je venais de me réinstaller avec mon ex le moins populaire de ma courte liste.

- Oh ! Tu veux que je cuisine pour le souper ? N’importe quoi, je le ferai ! Il faudra aller faire les courses, par contre parce que ton réfrigérateur est aussi vide que mon estomac !

Il ne me fallait pas beaucoup de phrase pour faire bégayer Nell. Lorsqu’on sortait ensemble, elle était bien plus sûr d’elle. C’est peut-être son passage chez Jordan qui en avait fait un petit agneau en manque de confiance.

-Tu fais plus que tu ne l’imagines.

Oui. J’en rajoute. Trop ? Je n’en savais rien. J’ai beau être passé maitre en art de la manipulation, il m’arrivait de faire des erreurs. De moins en moins en vieillissant, cela dit.

Nell était prête à se sacrifier et à prendre le canapé pour dormir mais je décidai de me dévouer à sa place. Mais Nell voulait être bien sûre de mon choix. J’hochai de la tête.

-Le canapé c’est du luxe par rapport aux couchettes de Saint-Quentin. Ça ne me dérange pas du tout. Puis, pour une semaine, je crois que je vais survivre.

J’avais surtout l’intention, pendant cette semaine, de passer du canapé au lit avec Nell. C’était un objectif.

J’avais, ensuite, expliqué ma débâcle lors du procès. Nell tentait de me rassurer en disant que je pouvais toujours fait appel et demander un droit de visite. Je le savais. Je ne comptais pas laisser Sky gagner aussi facilement. S’il fallait, pour ça, que je casse ma tirelire pour trouver un meilleur avocat, je le ferais. Parce que je commençais à douter des compétences d’Anderson.

Nell me quitta alors quelques instants pour aller me chercher un t-shirt qu’elle avait acheté pour moi. Il était horrible ce t-shirt. Mais Nell semblait fière de ce cadeau alors je lui souris.

-Merci.

J’avais affirmé que je le porterais peut-être au procès. Qui sait, hein ? Ça adoucira peut-être mon image… Je suis sûr que ça en surprendra plus d’un. Nell, elle, pensait que ça me porterait bonheur. J’esquissai un petit sourire en coin.

-Qui sait ? Peut-être bien.

Je laissai de côté le t-shirt pour poser mes mains sur les hanches de Nell. Elle soutenait mon regard alors que j’avais déclaré que s’il y avait plus de gens comme elle ma réputation serait tout autre.

C’était un fait.

Elle me souffla un merci… Avant que je ne lui demande pourquoi elle avait une semaine de congé et pourquoi être rentré à L.A.. Je supposais qu’elle voulait aller voir sa mère…

Elle confirma qu’elle avait bien un break accordé par la production et que ça aurait été bête, disait-elle, de ne pas en profiter pour revenir ici. Elle bégayait à nouveau. Je te fais tant d’effet, chérie ?

On dirait bien.

Je ne dis rien la laissant continuer. Elle parla de sa mère et je pus deviner la fin de sa phrase.

-Elle ne va pas apprécier… Je sais. Ta mère me déteste. Mais je suis content que tu sois revenue.

Nell changea alors de sujet parlant de ce qu’on allait manger. Nell avait toujours été douée pour changer de sujet. Moi, je la regardais avant de suivre mon instinct et de poser mes lèvres sur les siennes… C’était un baiser appuyé mais bref. Et quand je le brisai, je me reculai légèrement secouant la tête.

-Désolé… Je… J’aurais pas dû faire ça… Désolé… On devrait… Ouais… Commander une pizza.

Tu vois, Nell… Moi aussi je sais bégayer. En tout cas, j’avais fait de mon mieux pour paraitre troublé.

Pour Ward, j’avais fait plus que je ne me l’imaginais pour lui et ça me fit rougir, allez savoir pourquoi ! N’étais-je pas simplement moi ? J’aidais mon prochain, c’était dans ma nature, et Ward n’était pas différent des autres. Il avait certes peut-être plus de couches à transpercer mais il avait un cœur, comme tout le monde. Suffisait de lui donner la chance et le temps de s’ouvrir pour réellement le découvrir.

On en vînt alors à se départager l’appartement, le temps de mon passage du moins. Je me serais bien contenté du canapé pour y dormir les quelques nuits que je dormirais ici mais Ward m’offrait son lit alors qu’il se contenterait du salon. J’acceptais la proposition sans trop me faire prier. Je pourrais récupérer quelques heures de sommeil qui me faisaient cruellement défaut dernièrement.

- J’admets que les couchettes de prisons ne doivent pas être très confortables. Heureusement que tu en es sorti !

J’étais, ensuite, allée chercher un t-shirt que je lui ramenais en cadeau. Il était surpris mais content de l’attention. En l’achetant, je ne l’imaginais pas le porter pour aller au travail mais il me fit rire en disant qu’il le porterait fièrement dans la rue et peut-être même lors de sa prochaine audience pour la garde de sa fille. Peut-être alors que le chandail lui porterait chance !

- Avec plaisir !

Puis j’avais le même t-shirt, parce que moi aussi je voulais porter fièrement cet mocheté uniquement parce que je trouvais cela très drôle d’entrer dans le moule de la quétainerie assumée !

Ward demanda si j’avais l’intention d’aller voir ma mère pendant mon bref séjour à la maison et je lui confirmais mes projets. Je voulais aussi aller voir Don mais avant tout, je devais voir ma mère et lui parler de ma cohabitation avec Ward. J’anticipais déjà sa réaction, elle qui ne le voyait pas d’un bon œil !

- Je suis contente aussi d’être revenue ! Une représentation tous les soirs, ça devient éreintant comme rythme et j’avais besoin de souffler un peu. Une semaine c’est vite passer alors je dois en profiter.

Je proposais de cuisiner quelque chose pour souper, à condition qu’on aille faire des courses car avec ce qui se trouvait dans le réfrigérateur de Ward, on risquait de manger de l’air en sandwich ! Je m’attendais à ce qu’il accepte ou propose autre chose mais pas a ce qu’il m’embrasse. Je restais totalement surprise, figée, ne comprenant pas tout de suite ce qui venait de se passer quand il se recula en se disant désolé. Je déglutis avec difficulté en cherchant quelle réaction adopter.

- On… De la pi…p…pizza… Ok… Mais… Je… Tu…

J’inspirais profondément en posant mes mains sur mes tempes avant de souffler puis je le regardais.

- Ce que tu as dit… Que tu étais toujours amoureux de moi… Moi je…  

Je ne voulais pas jouer avec ses sentiments et le malmener comme Jordan m’avait malmené. Le plus désolant dans tout ça était bien le fait que j’avais encore cet homme dans la peau et que je ne pensais pas que de me lancer dans une relation avec Ward m’aiderait à me le sortir du corps, au contraire.

- Je ne suis pas encore prête… J’ai encore trop mal, c’est tout fragile en moi… Et je l’aime encore… au moins autant que je le déteste.

Car oui, je le détestais pour le mal qu’il m’avait fait en faisant des confettis de cendre de notre histoire, comme si elle n’avait eu aucune signification pour lui. Il n’avait pas chercher à se battre pour nous, il n’avait pas essayé de me comprendre. Il avait simplement décidé de me jeter à la rue et de tirer un trait sur nous comme si cela n’avait jamais eu aucune importance pour lui.

- Mais pour être honnête, ce que je ressens pour toi est au-delà de l’amitié, seulement, je n’arrive pas à le définir.

J’hochai de la tête quand Nell affirma que c’était mieux que je sois sorti de prison. Elle disait ça pour les couchettes mais j’étais sûr qu’elle pensait ça pour un tas d’autres choses.

-C’est sûr… Les couchettes c’était pas le pire, cela dit. C’était le vieux Fleming, le pire. Mais je suis dehors et lui croupis toujours là-bas. Comme quoi, il y a une justice quelque part…

Nell m’avait alors offert un affreux t-shirt. Je lui avais montré pas mal d’enthousiasme vis-à-vis de son cadeau et je vis que ça fit largement effet sur Nell qui semblait d’autant plus fière. Mais j’avais rapidement mit le t-shirt de côté pour me rapprocher de Nell et mettre mes mains sur ses hanches la questionnant sur son retour à Los Angeles.

J’affirmai être content qu’elle soit revenue. A vrai dire, j’avais l’impression de ne pas devoir trop forcer pour obtenir Nell pour moi. Elle était venue ici toute seule. A croire qu’elle avait autre chose que de la pitié pour moi. C’était un bon point.

Je n’avais pas besoin de pitié.

Elle déclara être contente d’avoir une pause étant donné le rythme des représentations.

-Oui. En profiter. Il faudra que tu fasses ça. La vie de star ça n’est pas facile.

On avait parlé de sa mère qui me détestait temps mais, rapidement, Nell changea de sujet pour parler de ce qu’on allait manger. Je vis alors une ouverture et je l’embrassai sans préavis. Je la sentis se figer mais elle ne me repoussa pas.

Je me reculai ensuite m’excusant lui offrant le tour du type qui avait été trop vite et qui en était désolé. Je proposai alors une pizza et elle se remit à bégayer. Je la vis souffler alors que je m’étais, à nouveau, appuyé contre le comptoir.

Elle se lança alors et je me tus l’écoutant jusqu’au bout. Je n’avais pas caché les sentiments que j’avais pour elle… Je la voulais pour moi. Ce n’était pas feint, ça. Mais elle disait ne pas être encore prête… Elle aimait encore Jordan. Mais elle le détestait aussi. La patience… C’est ça qui lui fera oublier Jordan Keller.

-Je comprends…

Je dis ça en regardant Nell qui, ensuite, disait ressentir pour moi plus que de l’amitié. Je penchai légèrement la tête sur le côté ne m’attendant pas à cette déclaration.

Pas si tôt.

Au-delà de l’amitié. Mais pas de l’amour. Parce qu’elle disait ne pas savoir définir. Pourquoi les femmes sont-elles aussi compliquées ? C’était un grand mystère. Mais leur complexité, en général, tournait à mon avantage.

-Plus que de l’amitié ? Mais pas de l’amour…

Je souris d’un petit sourire.

-Je ne suis pas vraiment doué pour mettre des mots sur les choses Nell mais… J’aime quand tu es avec moi. Et je serais avec toi autant que tu voudras.

De la patience. C’est tout ce qu’il me fallait. Mais je savais que j’étais proche du but. Nell sera à nouveau à moi.

Je le voulais.

Je le voulais très fort.

Plus que d’aller vider Los Angeles de le prostitution.

-Moi tu sais ce que je ressens… J’ai divorcé. J’ai fait le deuil de Sky… Surtout après ce qu’il s’est passé aujourd’hui. Mais, pour toi, j’attendrais.

C’est sa tête que je voulais à Sky… Pas autre chose.

Ward avait dû dormir sur des couchettes inconfortables pendant son court séjour à San Quentin mais de tout ce qu’il avait dû endurer, cela devait être le moindre des maux. Je préférais ne pas avoir à penser à tout le reste ! La vie de prisonnier n’était pas faite pour qu’on ait envie de se payer un second séjour si nous avions la chance d’en sortir une première fois ! Je croyais fermement au repentit de Ward et de sa remise sur le droit chemin.

Nous avions droit à une petite semaine de répits et j’avais saisi l’occasion pour revenir à Los Angeles question de me reposer et de passer un peu de temps avec ma mère. Elle me manquait terriblement bien que je redoutais sa réaction quand elle apprendrait que je m’étais installé en collocation avec l’un de mes ex qu’elle avait le plus détesté ! Elle non plus, d’ailleurs, ne se remettait pas de ma rupture d’avec Jordan mais, ainsi allait la vie. Un jour, nous étions la future mère des enfants d’un homme et le lendemain, nous n’étions qu’une chienne galeuse à chasser de son domicile.

- La vie de Star ?

Je rigolais en faisant une drôle de tête. Je n’étais pas une star, je ne pensais même pas en être une en devenir. Il y avait tant de bon chanteur-interprète sur scène dans de si nombreuses pièces musicales partout que je ne pensais pas me démarquer plus que ça du lot.

- Je ne suis pas prête d’être contaminé par la fièvre de la célébrité, en tous les cas !

Et ce fut là que Ward m’embrassa, alors que je proposais de cuisiner quelque chose, ce qu’il voulait. Le baiser m’avait figé, ma réaction fut lente à sortir. Je ne m’attendais pas à ce genre d démonstration de sa part bien qu’il m’avait confié lors de sa visite à Broadway être encore amoureux de moi. Ça fit s’entrechoquer pleins de choses en moi, comme s’il venai d’appuyer sur le bouton d’une bonne à retardement. J’étais encore éprise de Jordan bien qu’à l’instant, je le détestais pour toute la souffrance qu’il me faisait ressentir. Mais ne disions-nous pas que la haine et l’amour étaient des sentiments jumeaux ? Il ne pouvait y avoir de haine sans amour, autrement, je serais indifférente.

Non sans bien chercher mes mots et pleins de bégayements, je trouvais comment lui expliquer ce que je ressentais sans minimiser ses propres sentiments. Il n’y avait rien de débile à mettre des mots sur ce que l’on ressentait même si, comme en ce moment, ce n’était pas facile de bien les définir.

- Plus que de l’amitié, mais pas de l’amour… Non, ce doit être forcément une forme d’amour, un attachement profond. Tu me l’as dit toi-même une fois que nous étions liés d’une façon inexplicable. Ça doit être ça. Ça ne peut être que ça.

Ward venait de divorcé et je venais d’être largué. Nous devions être prudent pour ne pas faire de nous, la personne tampon. Je ne voulais pas m’engager dans une relation qui n’aurait pour autre but celui de me faire oublier Jordan comme je ne voulais pas être la fille transitoire dans la vie de Ward.

- Mais t..tu… Je… Att…Attendre c’est parfois l…long ! Ward…

Je me sentais soudainement comme prise sur le bord d’un profond précipice avec rien d’Autre en tête que le goût de ses lèvres sur les miennes et une sirène d’alarme qui me disait de ne pas faire ça, de ne pas être ce genre de fille que je n’avais jamais voulu être. Pourtant, en étant honnête avec moi-même, j’avais toujours été impulsive et j’avais toujours écouté mon instinct, dans la rue pour venir en aide à quelqu’un ou sur un projet m’amenant en Europe me forçant à laisser mon petit chat derrière moi.

- Parfois… P…p…p… ARGH !! Parfois il faut juste plonger.

Et c’est ce que je fis en me plaquant à lui et ne me soulevant sur la pointe des pieds pour venir prendre son visage entre mes mains et l’embrasser.

Nell voulait profité de son bref moment de pause pour se reposer un peu loin de l’effervescence de Broadway. J’avais souligné que la vie de star n’était pas facile. Mais il était évident que Nell ne se prenait pas pour une star. Elle était trop modeste pour ça. Pas assez sûre d’elle aussi. D’ailleurs, elle confirma ne pas être prête à être contaminée par la fièvre de la célébrité. J’esquissai un petit sourire.

-Qui sait ? Elle arrivera peut-être sans que tu t’en rende compte.

Tout comme le baiser que je fis juste après. Un baiser qui figea complètement Nell. Mais elle ne résista pas réellement si bien que quand je le brisais, elle était toujours là, devant moi, à bafouiller.

Je jouais la carte du type désolé et elle commença à expliquer qu’elle n’était pas prête. Elle avait encore Jordan Keller dans la peau. Un Keller que, doucement, elle se mettait à détester. Tout comme, désormais, je détestais Sky plus que tout. Je ne cherchais plus son amour mais son éternelle souffrance.

Nell expliqua ressentir pour moi plus que de l’amitié. Je cherchais à comprendre ce qu’elle voulait dire par là mais elle finit par avouer que ça ne pouvait être qu’un sorte d’amour. Compliqué, les femmes. Une complexité qui jouent rarement à leur avantage. Comme si… Nell se perdait dans ses sentiments. Des sentiments qu’elle avait pour moi. Cette attention ne pouvait que renforcer le fait que j’avais envie d’elle. Que je la voulais pour moi.

J’hochai de la tête.

-Oui. On est liés. J’en suis convaincu.

J’avais surtout fondamentalement cherché à ce qu’on le soit bien que, par moment, la chance a été avec moi.

J’expliqua que, moi, j’étais prêt mais que je pouvais attendre.

Les bégayements recommencèrent.

Attendre c’est long. J’hochai de la tête.

-Je sais… Mais ça vaut le coup.

Puis, Nell bégaya à nouveau. Mais je ne m’attendis pas du tout à la suite. Elle s’approcha de moi me plaquant un peu plus contre le comptoir après avoir lancé que, parfois, il fallait plongé.

Puis, elle m’embrassa.

Je me penchai un peu plus pour qu’elle puisse reposer sur la plante de ses pieds et je prolongeai le baiser. J’enchainai avec un autre et encore un autre chaque fois plus intense.

Plonger.

La petite Nell pleine de doute était, soudainement, redevenue la Nell impulsive. Deux personnalités si différentes qui vivaient dans le même corps.

Et c’est la seconde que j’adorais.

A force de l’embrasser, je finis par la faire s’asseoir sur le comptoir pour enlever sons dessus l’embrassant à nouveau avant de descendre ma bouche sur le dessus de sa poitrine. J’allais dans le feu du moment sans réfléchir au fait que Nell pouvait très bien m’arrêter.

Je remontai ma bouche pour gouter encore à ses lèvres alors que je caressais sa poitrine d’une main.

Tout s’enchaina vraiment rapidement à partir du baiser que Ward déposa sur mes lèvres et duquel il se disait désolé. Je le respectais trop pour faire de lui mon mec transitoire mais d’un autre côté, le serait-il vraiment ? Il m’avait si souvent répété et expliqué que nous étions liés par un lien qu’il ne comprenait pas lui-même. Peut-être que de se remettre ensemble était dans l’ordre des choses, après tout ? Que tout le parcours que nous avions eu chacun de notre côté, lui et moi, était notre parcours transitoire avant de se retrouver ?

En bafouillant, en cherchant mes mots, je lui expliquais mon premier point de vue, celui de mes sentiments incertains pour lui, ceux que je définissais pas très bien, que je ne comprenais pas très bien non plus. Je ne lui cachais pas mon amour pour Jordan mais la vive douleur que je ressentais encore depuis notre rupture faisait naître un sentiment de haine.

C’était la confusion la plus complète dans ma tête !

Puis je me rappelais cette conversation avec Pamela, la première nuit après le départ de Ward pour Los Angeles et pendant laquelle mon amie, si je pouvais la considérer comme une amie, m’avait expliqué que pour oublier Jordan, je devais absolument me lancer corps et âme dans une relation que je pourrais balayer du revers de la main quand je serais guérie de ma peine d’amour. Pamela était ce type de femme, assumant sa sexualité et sa liberté sans se soucier de l’opinion des autres, pour elle, il était très facile de donner ce genre de conseil. Je me rappelais aussi qu’elle m’avait cependant imploré de ne pas me servir de Ward comme d’homme de transition de peur de me voir dans la prochaine rubrique nécrologique. Je m’étais retournée dans mon lit pour lui faire dos en lui disant que jamais Ward ne me ferait de mal puis, que de toute façon, il n’était pas l’homme qu’on disait de lui qu’il était. Elle m’avait tout de même encore et encore, supplié de ne pas me jeter dans la gueule du loup, comme elle le disait.

Me voilà cependant les deux pieds dedans ! Non pas dans la gueule du loup mais devant ce choix fatidique de préserver mon amitié avec Ward ou de sauter à deux pieds dans une aventure dont j’ignore l’issue. Je n’avais aucune raison de douter des sentiments de Ward, ce serait stupide de sa part de me faire croire qu’il m’aimait encore dans le seul but de… De quoi en fait ? Si j’étais encore en couple avec Jordan, Ward ferait ça pour blesser son ennemi juré. Il n’avait rien à gagner à se jouer de moi.

C’est en luttant contre toutes mes pensées qui allaient en tous les sens que je soupirais avant de me décider et de plonger !

Je fonçais sur Ward et me hissais sur la pointe des pieds pour l’embrasser à mon tour. Un premier baiser qui fut suivi de plusieurs autres jusqu’à ce que, sans comprendre comment, je me retrouvais assise sur le comptoir, mes jambes enlaçant Ward par la taille alors qu’il me caressait d’abord par-dessus mon haut avant de me l’enlever, ça aussi, j’ignorais comment, et de m’embrasser la poitrine. Je lui caressais le dos, les bras et je l’embrassais partout où je pouvais le faire, presque à bout de souffle.

Tout allait tellement vite qu’on aurait dit que je ne contrôlais pas mon propre corps, que je ne décidais plus aucun de mes actes. Possiblement que je ne réalisais pas vraiment ce que je faisais, ce qui se passais. Je me laissais aller tout simplement, au diable les questionnements et les remords !

Je cessais les caresses et le repoussais juste un peu pour ouvrir mon pantalon, me soulever les fesses pour faire glisser mes vêtements comme je le pouvais en me retenant d’une main au panneau de l’armoire au-dessus de ma tête, puis c’est le pantalon de Ward que j’ouvris. Rien ne pouvait attendre, il y avait urgence de ne faire qu’un, là, tout de suite, sur le comptoir de la cuisine froid et impersonnel. Quand son sexe déjà droit érigé fut libéré de son jeans, j’enlaçais à nouveau Ward de mes jambes et de mes bras, le ramenant tout contre moi et je me plaquais à Ward assez pour qu’il me pénètre et se niche au plus profond de moi.

J’avais tenté quelque chose… J’avais cru perdre des points bien que la perte de points avait été légèrement calculée. Je pouvais me permettre d’en perdre quelques-uns… Mais pas trop. D’où les excuses que j’avais servi à Nell pour voir comment elle allait réagir.

Elle me sortis des bégayement. Une explication de ses sentiments. Ceux qu’elle avait pour moi. Ceux qu’elle avait encore pour Jordan Keller. Je jouai la carte de celui qui allait l’attendre.

La patience. J’avais compris que c’était la clé de tout. Surtout face à une Nell aussi peu certaine d’elle. Je savais que j’allais arriver à mes fins. Sans doute pas aujourd’hui. Mais bientôt. Nell nous pensait liée. Je confirmais ça. C’était moi qui lui avait, il y a quelques temps, mis cette idée en tête. Soit en faisant en sorte d’être au bon endroit au bon moment, soit parce que la chance avait réellement été de mon côté.

Et elle y croyait désormais… Et j’avais tellement bien, quelque part, fait en sorte qu’elle y croit que j’en venais à le croire aussi.

Car au-delà de ma manipulation très clairement calculée, j’avais des sentiments réels pour Nell. Je l’aimais. Elle était à moi. Je la voulais pour moi.

Rien ne m’empêchera d’arriver à mes fins. Pas même ses hésitations et autres sentiments encore présent pour Keller.

Et alors que je m’attendais à devoir patienter, Nell vint à la charge en m’embrassant à son tour envoyant balancer toutes ses hésitations.

Ce baiser en entraina d’autres. Plus puissant. Plus langoureux. Jusqu’à-ce que Nell soit totalement à ma merci assise sur le comptoir de la cuisine.

Ou moi à la sienne…

Car après mes baisers sur sa poitrine et ses lèvres où je pus sentir qu’elle se laissait totalement aller me caressant elle-même partout où elle le pouvait, elle prit les choses en main enlevant son pantalon avant d’ouvrir le mien. Je sentis l’urgence de Nell alors qu’elle m’enlaça complètement pour qu’on ne fasse plus qu’un. Je gémis entrant profondément en elle commençant des vas et vient d’abord suave puis de plus en plus rapides. Tout allait vite. Et j’en avais tellement envie que je n’arrivais pas à redescendre la cadence. Je gémis son nom à plusieurs reprise alors que nos ébats faisait un peu de vacarme.

Jusqu’à-ce que je vienne en elle quand l’orgasme me faucha. Je ralentis progressivement nichant ma figure dans son cou pour reprendre mon souffle. Je déposai un baiser dans son cou avant de regarder Nell dans les yeux cherchant à y déceler ce qu’elle pouvait bien penser à cet instant.

Moi, ce que je pensais, c’est que j’avais gagné. Et après la défaite cuisante de toute à l’heure ça faisait pas mal de bien.

Tout alla si vite qu’on aurait pu comparer ça à u n marathon. Comme si, quelque part, je me disais que plus vite je franchissais ce pas, plus vite je me sentirais mieux. J’avais besoin de vivre moi aussi, de me sentir encore vivante en dedans, de recevoir et donner toute la passion possible à cet instant précis, sans penser à plus tard ou à hier. Simplement, vivre le moment présent. Ce soir, il sera encore temps de me morfondre.

Je rendis baiser pour baiser à Ward, caresses par-dessus caresses jusqu’à ce que nous ne faisions plus qu’un. J’avais envie de pleurer, pas forcément de chagrin, je ne me sentais pas triste. J’avais envie de rire bien qu’il n’y avait rien de forcément drôle. J’avais surtout envie d’aimer et d’être aimé, même si ce n’était que pour quelques instants, le temps de se donner l’un à l’autre sur le comptoir de la cuisine.

Ward allait et venait en moi avec fougue sans pour autant être brusque, bien au contraire ! Malgré la précipitation, il était doux et attentionné. Nos soupires se répercutaient dans la cuisine jusqu’à ce que, à bout de souffle, l’orgasme ne nous prenne et nous dépossède de tout ce qui nous restait d’énergie. Je me laissais aller contre Ward, assise inconfortablement sur le comptoir alors qu’il se cachait le visage au creux de mon cou, chatouillant ma peau de par ses grandes inspirations.

Puis il me regarda, et je le regardais.

J’aurais voulu que nos ébats ne connaissent pas de fin, pour ne pas affronter ce qui allait suivre, pour ne pas ouvrir de conversation qui ne voudrait rien dire, puisqu’il n’y avait rien à dire. Ward était toujours amoureux de moi, je ressentais bien quelque chose pour lui mais Jordan était toujours trop présent dans mon cœur et dans ma tête pour me sentir totalement libre de vivre quelque chose avec un autre homme. D’un autre côté, pourquoi ne donnerais-je pas une chance à un homme qui ne m’avait jamais, au grand jamais laissé tomber ?

Comme plus tôt mais avec plus de délicatesse, je pris son visage entre mes mains et je l’attirais à moi pour poser nos fronts l’un contre l’autre. Il était encore en moi, c’était un peu malaisant, mais sécurisant, d’une certaine façon. Je pressais mon nez au sien et le caressais doucement puis je reculais ma tête pour le regarder, une main sur sa joue, mon pouce la balayant lentement.

- C’était totalement imprévu en ce qui me concerne…

Quelque chose me disait que si je n’avais absolument rien planifié de ce qui venait de se produire, Ward l’avait envisagé. Pas pour aujourd’hui, puisqu’il ne savait pas que je venais mais peut-être pour la prochaine fois où l’on aurait été ensemble. J’avais précipité les choses, maintenant il n’en tenait qu’à moi de les assumer.

- Ça va faire beaucoup à annoncer à ma mère, en peu de temps.

Je me reculais un peu, glissant mes fesses vers l’arrière pour lui faire comprendre que je voulais descendre de là car, si sur le coup ça avait été très excitant et tentant, maintenant, j’avais le derrière et le bas du dos ankylosé, puis il faut se le dire ! Je vais préparer mon petit déjeuner là, moi, demain matin !

- Il…Il… J…Je… Je ne veux rien brusquer, même s…si… Si j’ai… je… Je viens de faire le contraire. Mais je ne reviendrai pas en arrière. Ça, je veux que tu le saches.

Et Ward ne serait pas mon mec de transition !

Tout avait été vite… L’orgasme nous avait fauché tous les deux et, désormais, j’avais ma figure enfouie dans le cou de Nell. Est-ce que je m’attendais à ce dénouement-là ? Oui.

Mais clairement pas aujourd’hui. Clairement pas maintenant. Comme quoi, il était toujours totalement possible de me surprendre.

Je reprenais mon souffle. A vrai dire, je m’attendais à ce que Nell me repousse, s’excuse, bafouille et toutes ses choses. Mais non. Quand je relevai mon regard pour croiser le sien, je ne voyais pas de peur… Ni même de honte… Ou tout ces trucs-là. Non. A vrai dire, je n’arrivais pas à décrypter ce qu’elle pensait.

Elle prit alors mon visage entre ses mains. Une contact que j’adorais. Beaucoup pense que mon panel d’émotions n’est pas énorme. Que je ne ressens absolument rien. Alors que il m’en fallait peu pour ressentir des émotions fortes, intense. J’en avais peu… Mais elles étaient fortes. C’est pour ça que ce simple contact, je pouvais le ressentir intensément.

Elle plaça son front contre le mien, pressa son nez contre le mien. Je fermai les yeux pour profiter du contact alors que ma respiration se calmait.

Puis, elle recula sa figure déclarant que tout ça était totalement imprévu. Elle caressai toujours ma joue de son pouce.

-Tu n’as pas à te justifier…

C’est ce que je soufflai. Je savais que, de toute façon, elle aurait cédé tôt ou tard. J’aurais tout fait pour.

Elle lança alors que ça ferait beaucoup à annoncer à sa mère. J’hochai légèrement de la tête pour ne pas perdre le contact de son pouce sur ma joue.

-Elle ne va pas aimer.

Mais Nell n’était plus une enfant. Elle n’avait pas besoin de l’autorisation de sa mère que je sache, non ? Tout comme elle n’avait pas besoin d’un père.

Elle se recula un peu et je me retirai la laissant descendre du comptoir alors que je rattachai mon pantalon.

Puis, Nell se remit à bégayer. Elle disait qu’elle ne voulait rien brusquer… Ce qu’elle venait exactement de faire. Toutefois, elle ajouta qu’elle ne reviendrai pas en arrière.

J’avais gagné. Jordan avait perdu. Il m’avait donné toutes les cartes pour gagner. J’en avais profité.

Ce fut à moi alors de prendre sa figure entre mes mains.

-Et moi, je ferais en sorte d’être à la hauteur.

Je l’embrassai brièvement.

-Ta mère… Tout le reste. On affrontera ça ensemble.

Car, désormais, elle était à moi.