J’étais de très bonne humeur aujourd’hui et, pour cause, notre album était, enfin, terminé ! On avait passé beaucoup de temps à le peaufiner et, maintenant, on attendait de voir les pochettes qui nous seront proposé. On aurait voulu le faire sortir pour Noël mais on nous avait expliqué que, niveau marketing, ce n’était pas judicieux parce qu’avec la sortie de l’album hommage à Peyton, ça risquait de faire un peu d’ombre à notre propre album. Il faut dire que tout le monde en parlait de cet album.

Et, pour cause, il était très beau. Je l’avais écouter plusieurs fois. Je ne savais pas que Peyton pouvait écrire d’aussi beaux textes. C’est dommage que ce n’est que maintenant que je m’en suis rendu compte. Puis, le fait qu’il y ait plusieurs artistes différents permettait à tout le monde de se retrouver dans cet album. Bref, j’avais adoré et comme j’étais pour une bonne cause, je trouvais que la période de Noël était vraiment le meilleur moment pour dépenser un peu d’argent dans ce qu’avait fait Stone et tous ces autres artistes.

Donc, je n’avais pas vraiment de rancune. Notre album sortira début de l’année prochaine. C’était très bien aussi. J’espérais qu’il allait avoir un bon accueil. C’était mon plus grand stress mais Jack Perry m’avait largement rassuré là-dessus. Il était très différent de Timmy. Je le trouvais plus humain. Je ne regrettais pas d’avoir accepté l’offre du manager de BSC.

Mais bon… On ne me changera plus et malgré les mots de Perry, le stress était quand même là et je voulais avoir plusieurs avis avant la sortie officielle. C’est pour ça que j’avais invité mon frère, Jordan, aux studios aujourd’hui. Je voulais lui faire écouter quelques chansons et, en même temps, lui faire visiter les studios. C’était l’occasion de passer un peu de temps avec lui et, comme il avait congé aujourd’hui, on c’était dit que c’était une bonne occasion. Il viendra seul car Grant avait école aujourd’hui. Ma fois, une petite sortie sans son pupille ne fera aussi, pas trop de mal à Jordan.

J’avais prévenu la réceptionniste de la visite de mon frère. Elle le guidera jusqu’à notre studio où, Drake, Faith et moi, on était en train de boire des coups pour fêter la fin de la composition de notre album. On rêvait, désormais, de tournées espérant, cette fois, que les choses se passeraient mieux que la fois où on avait fait la première partie de The Burning Fire lors du Dynamite Tour, il y a déjà quelques années. En repensant à ça, je ne pouvais m’empêcher de penser que le temps passait très vite.

-Il faut attendre Jordan avant de trinquer ! Et attendre de voir s’il aime notre album.

Tout ça fit rigoler Faith.

-Il va l’aimer. C’est ton frère.

Je rigolai un peu. Elle n’avait pas tort… Bien qu’on parlait quand même de Jordan, là.

-Peut-être mais il est franc. S’il n’aime pas il me le dira.

Drake roula un peu des yeux avant de sourire.

-Tu n’as toujours pas arrêté de stresser, n’est-ce pas?

Je fis la moue. Drake n’avait pas tort. Je m’angoissais vraiment trop… Tout l’inverse de Faith qui, elle, prenait toujours la vie du bon côté.

-Non… C’est plus fort que moi…

J’avais congé aujourd’hui, mais Grant n’avait pas voulu que je le dépose à l’école, il préférait le bus et se démerder tout seul. J’étais fier d’un côté et un peu déçu de l’autre… Parce que je voulais être là pour lui mais il était tellement indépendant que j’avais l’impression de juste lui offrir un toit et à manger. N’étant pas vraiment bavard aucun des deux, ce n’était pas comme si on avait de grandes conversation.

Pourtant, tout semblait rouler parfaitement ces derniers temps. On avait trouvé nos marques et personne n’était là pour perturber notre routine. Ce n’était pas plus mal. La vie de célibataire m’allait bien.

Je n’avais donc à demander l’avis de personne pour accepter l’invitation de Duncan aujourd’hui. Il voulait que je vienne aux studios de BSC pour écouter le prochain album de BleedingHeart ! Ils avaient enfin réussi à le faire ! J’étais trop content !

Et j’imaginais que c’était le cas du groupe aussi. Ils travaillaient dur ! Bien plus dur, je pensais, que certains autres artistes beaucoup plus connus et quottés. Pas que BleedingHeart n’avait pas ça dans le sang, dire ça n’aurait pas été vrai. Mais mon frère avait un petit côté perfectionniste à la Billy Lighter qui faisait qu’ils prenaient du temps à produire quelque chose.

Je roulai donc jusqu’à San Fernando Valley en écoutant leur premier album, pour bien me le remettre en mémoire et pouvoir mieux cerner les différences avec ce qu’ils allaient me proposer aujourd’hui.

J’avais hâte, vraiment !

Je me présentai à la réceptionniste qui m’accueillit avec un sourire. Elle attendait ma visite et me guida gentiment jusqu’au studio de BleedingHeart. Je n’arrêtais pas de regarder autour de moi. J’avais déjà vu les studios immaculés de chez MTI… Ceux de BSC avait quelque chose de beaucoup plus rock’n’roll…

Et un côté un peu Big Brother aussi, pensai-je, en voyant un portrait géant de Jimmy Reed… Et mon œil de policier me permis de voir qu’il avait été frotté au niveau de la moustache, laissant une trace comme quand on essayait d’enlever un tag sans arriver à ne pas abîmer l’œuvre d’origine.

Ça me fit sourire…

Je remerciai la réceptionniste qui me laissa devant la porte. Je regardai en l’air, l’ampoule rouge signalant qu’ils étaient en plein enregistrement était éteinte, je pouvais donc entrer, ce que je fis.

-Salut tout le monde !

Faith me sauta au cou… Cette petite jeunette avait réussi un grand exploit sans le savoir… N’était pas le chanteur de BleedingHeart, elle était passé sous le radar misogyne de Reed et était ce que j’appelais, la femme cachée de BSC.

Je serrai la main à Drake et pris mon frère dans mes bras.

-Sois pas si tendu, Duncan ! Ce n’est que moi ! Je suis sûr que ce que vous avez fait est génial !

J’avisai les bouteilles de champagne encore fermées et pleines qui nous attendaient.

-Vous avez tout prévu ! Ça roule avec Perry, apparemment !

Faith et Drake étaient bien moins stressés que moi vis-à-vis de la sortie prochaine de notre album. Je devais sans doute me détendre. Chose que je devrais arriver à faire dès qu’on ouvrira les bouteilles de champagne.

Il ne fallut pas trop longtemps avant que mon frère arrive. Il nous salua et j’affichai un très grand sourire.

-Salut, Jordan !

Faith sauta au cou de Jordan. Faith était toujours très enthousiaste et débordait d’énergie. Il faut dire qu’il en fallait, de l’énergie pour sortir le jeu de batterie qu’elle sortait sur chaque titre.

Jordan serra, ensuite, la main de Drake avant de me serrer dans ses bras. Je lui rendis son étreinte alors qu’il avait bien senti que j’étais stressé. Je ne pouvais rien lui cacher. Il me connaissait par cœur.

-Tu sais bien que c’est plus fort que moi. J’aimerais que, cette fois, notre album fasse un peu plus l’unanimité que la dernière fois. Jack aime beaucoup… Mais il faudra que le public soit du même avis. Notre musique est plus spécialisée alors ça peut ne pas toucher un large public.

The Warriors, malgré qu’ils soient encore plus de niche que nous, avait réussi cet exploit… J’espérais qu’il en sera de même pour nous pour cet album.

Jordan avait vu les bouteille et Faith s’empressa de sautiller jusqu’à là pour ouvrir l’une d’entre elle. Je rigolai alors que Jordan avait l’impression que ça roulait bien avec Perry.

-Ouais ! C’est complètement différent qu’avec Timmy. Perry s’occupe bien de nous. Il est beaucoup plus humain. Il est plus proche de nous. Il veut vraiment notre réussite.

Alors que j’avais l’impression que Timmy s’occupait surtout de ses stars. Ça avait été le cas avec Lola et The Burning Fire… Comme s’il devait être à leur chevet pour qu’ils avancent. Quoi que même avec ça, The Burning Fire n’avance pas mais ils ont des circonstances atténuantes. Ce groupe semblait être frappé par une sorte de malédiction.

Faith nous donna un verre chacun et je levai le mien.

-A BleedingHeart et, je l’espère, notre future réussite.

On trinqua et je souris avant de boire une longue gorgée de champagne. Je devrais me bouger pour aller faire écouter un bout de notre album. Mais… Je ne sais pas pourquoi, je reculais l’échéance. Pourtant, bon sang, ce n’était que mon frère… Mais… J’étais comme ça.

-Et toi ? Ça va avec Grant ? Tu gère ?

Je saluai le groupe de mon frère quand j’arrivai dans leur studio d’enregistrement. C’était comme de retrouver ma famille parce que BleedingHeart avait longtemps vécu chez moi avant de pouvoir se permettre de voler de leurs propres ailes. Ce n’était pas facile de débarquer à Los Angeles en tant qu’artiste. Enfin, si tu réussis direct, ça va, mais si tu trimes un peu plus, c’est différent.

Et je trouvais que BleedingHeart avait assez trimé. Ce qu’ils faisaient était très bon ! Ils méritaient d’être connus.

Seulement, comme mon frère ne tarda pas à le rappeler, leur musique était particulière et pas spécialement grand public.

Je posai ma main sur l’épaule de Duncan.

-Le Punk n’est pas mort… Et je trouve que ce que vous faite peut être l’équivalent de ce que Roadtramp est pour le métal.

Je haussai les épaules.

-Une porte ouverte vers des groupes au style encore plus particulier que le vôtre…

Je souris.

-Voyez ça comme un compliment, hein.

Je ne voulais pas dire qu’ils pouvaient devenir un groupe uniquement commercial, comme on le disait parfois de Roadtramp.

Faith alla nous ouvrir une bouteille de ce qui semblait être du champagne ou du mousseux pendant que je demandais à Duncan comme ça allait maintenant qu’ils avaient signé avec Jack Perry. Apparemment, le groupe était très content de leur nouveau manager. Plus proche, plus humain, c’était en ces termes qu’en parlait Duncan.

-Super ! Je sais combien c’est important pour vous d’avoir quelqu’un qui gère les choses avec humanité.

Mon frère était et avait toujours été un hypersensible, contrairement à moi. C’était d’ailleurs probablement pour ça qu’il était un artiste et pas moi.

Faith nous donna un verre à chacun et on le leva à la santé de BleedingHeart et à leur réussite.

-Que cet album soit la voie royale à un renouveau du punk.

Je pris une gorgée de boisson pétillante avant d’allumer, de mon autre main, une cigarette (j’étais tellement habitué qu’il me suffisait d’une main pour le faire). Pendant ce temps-là, Duncan me questionna sur Grant.

-Ouais, ça va. On gère. C’est un petit gars très indépendant et je n’ai quasi besoin de rien faire, pas même le conduire à droite et à gauche. Il préfère le bus.

Je haussai les épaules.

-Tout ce que j’espère, c’est que s’il a un problème un jour, je serai celui à qui il choisira d’en parler.

Je souris.

-Mais on est là pour écouter votre œuvre, non ?

Jordan avait confiance en notre style. Il analysa les choses et si je pensais qu’on était plutôt une niche, lui, pensait qu’on était, quelque part, le Roadtramp du punk. Je voyais bien ce qu’il voulait dire par là. Il trouvait qu’on rendait le punk accessible. J’esquissai un sourire parce que c’était un bon compliment. Et c’était rassurant aussi parce que Roadtramp réussissait très bien. Si on pouvait faire la moitié de ce qu’ils avaient l’occasion de faire, ça serait déjà vraiment un très bel accomplissement.

-C’est un beau compliment. J’espère que le public le verra de la même façon. On essaye de faire passer des messages ou un sentiment d’une façon très punk et je sais que ça pourra pas plaire à tout le monde mais j’ai de l’espoir.

Faith en avait encore plus que moi. Elle savait qu’on allait réussir. Elle le répétait tout le temps. Elle disait que c’était notre heure.

J’espérais qu’elle avait raison. Ça faisait des années qu’on essayait de percer réellement.

Faith ouvrit le champagne pour qu’on puisse trinquer. C’est BSC qui avait offert la bouteille. J’avais dit à Jack qu’on avait terminé et une bouteille nous avait été transmise. Nous, on aurait jamais acheté une bouteille aussi cher. Mais maintenant qu’on l’a autant en profiter !

J’expliquai à Jordan que je préférais Jack à Timmy. Je n’avais pas peur de le dire. C’était une question de style. Je préférais la façon dont Jack s’occupait de nous. Jordan se réjouissait de ça et je souris.

-Oui. Pas que Timmy était mauvais. Il était très efficace mais Jack semble vraiment faire partie de notre groupe. Ce n’était pas le cas de Timmy. J’avais un peu peur que ça soit pareil à cause de Fireworks mais c’est différent.

On trinqua alors et Jordan y alla de son petit message qui me fit sourire. Il avait réussi à me faire évacuer un peu le stress que je ressentais et que j’allais sûrement ressentir jusqu’à la première critique officielle de notre album.

Je n’avais pas encore lancé la musique. Avant ça, je demandai des nouvelles de Jordan. Savoir si ça roulait avec Grant ces temps-ci. Je savais que le petit n’était pas des plus facile à vivre. Apparemment, tout allait bien. Grant se débrouillait très bien tout seul. J’avais l’impression que ça ennuyait un peu Jordan mais qu’il y était résigné.

-C’est un pré-ado… Il va commencer à vouloir pas mal de liberté. Tu verras, dans 5 ans, il va te réclamer une voiture…

J’étais pareil à son âge. J’étais un vrai rebelle quand j’étais ado.

Jordan espérait que Grant viendra le voir si jamais il avait un problème. Je souris et mis la main sur l’épaule de mon frère.

-Je suis sûr qu’il viendra vers toi.

J’étais certain que le petit avait confiance en Jordan même s’il ne le montrait pas. Je commençais à connaitre un peu Grant.

Mais Jordan ne voulait pas parler plus longtemps. Il voulait écouter. Il avait hâte visiblement. Je regardais vers Drake et il me sourit avant de passer de l’autre côté pour diffuser les chansons.

Et il envoya la première.


Je me mis à ronger mes ongles en regardant les réactions de Jordan. Et quand je ne faisais pas ça, je buvais de grosses gorgées de champagne. Mon cœur battait vite.

Quand la chanson fut terminée, je fixai Jordan.

-Alors ?

Duncan prit mon compliment comme tel. Et il espérait que les gens verraient les choses comme moi. Dans mon chef, BleedingHeart rendait le punk accessible à un plus large public que d’autres groupes.

-Rassure-toi, bien que votre musique soit « lisible », ça ne change rien au fait que vos messages sont forts…

Faith ouvrit le champagne et on trinqua… C’était un très bon champagne… Dommage que j’étais tellement accro à la nicotine que j’en gâchais le goût à coup de cigarette, mais c’était plus fort que moi.

Pourtant, ces temps-ci, je n’étais pas stressé le moins du monde. Tout se passait bien dans ma vie.

Je demandai à Duncan ce qu’il en était de leur nouveau manager, Jack Perry. Et il semblait plus que satisfait du lien qui se formait entre Perry et lui. C’était apparemment complètement différent d’avec Evans. Jack s’impliquait au point que mes trois protégés l’estimaient faire partie du groupe.

Je repris une gorgée de champagne.

-Perry est moins connu que Timmy Evans… Il peut moins se permettre de négliger les groupes qu’il a fait signer, je suppose.

Je fis un clin d’œil à mon frère.

-Ou alors, lui aussi sait que vous avez un potentiel monstre.

Déviant la conversation, Duncan me demanda des nouvelles… De moi et de Grant. Et j’éclatai de rire quand il affirma que dans 5 ans, Grant me réclamerait une voiture.

-Oh putain ! Je suis pas pressé d’en arriver là…

C’était vrai… J’avais hérité de Grant alors qu’il n’était déjà plus vraiment un petit garçon… Et j’allais bientôt me retrouver avec un ado boutonneux boosté aux hormones.

Mais quand je me tracassai du seul truc vraiment important, à savoir que Grant viendrait vers moi si jamais il avait besoin d’aide pour quoi que ce soit, mon frère posa sa main sur mon épaule. Il était sûr que le gamin le ferait. Je hochai la tête avec un regard de gratitude.

Cependant, j’étais venu pour écouter de la musique ! Les tous nouveaux titres de BleedingHeart !

Drake envoya la sauce !

La chanson était longue, dans les faits, mais pas dans le ressenti. Direct, dès les premières notes, la voix de Duncan envoyait un message clair ! Alors quand Duncan me demanda, d’un air tout stressé, ce que j’en pensais, je répondis avec un sourire.

-Tu t’es décris en un vers : « I’m The Son Of Rage And Love »… C’est tout à fait ce que tu es.

Je frottai mon menton…

-La chanson dure longtemps, j’aime bien le changement de rythme vers le milieu. Elle est excellente, cette chanson mais… Peut-être un peu longue pour la radio. Je ne suis pas un expert, mais je suppose que vous avez deux ou trois chanson plus courtes pour qu’elles passent sur les ondes…

Je tirai sur ma cigarette. Une nouvelle cigarette parce que la première, je l’avais finie depuis longtemps.  

-Parce que c’est en premier à la radio que les gens vont découvrir vos chansons.

Jordan disait que même si notre musique était moins spécialisée qu’on ne le pensait, elle n’en dégageait pas moins un message fort. Je souris. Dans mes chansons, j’essayais toujours de faire passer un message ou bien de traduire des émotions par rapport à une situation. Des situations auxquelles bien des gens pouvaient s’identifier.

-Merci, Jordan.

On finit par ouvrir le champagne offert par Jack. C’était l’occasion pour moi de me détendre un peu bien que je savais que je ne serais pas détendu de sitôt. Mais un verre pouvait tout de même aider. Jordan, lui, son truc pour déstresser, c’était la cigarette. Il en fumait même quand il n’était pas stressé, en fait. C’était une vraie cheminée.

On avait parlé de Jack Perry. Pour moi, c’était le manager idéal pour nous. Il nous avait redonner de la confiance et de la motivation. D’après Jordan, c’était parce qu’il était moins connu qu’Evans et, de ce fait, il devait être plus aux petits soins pour ses protégés. Mais il pensait aussi que c’était parce que Perry avait vu en nous un grand potentiel.

-C’est lui qui est venu vers nous. Alors… J’espère penser qu’il a vraiment vu un grand potentiel en nous. Je lui fais confiance, en tout cas. Jusqu’ici, il ne nous a pas déçu et il semble sincère dans ce qu’il dit.

J’espérais que ça allait continuer comme ça. Avec Timmy, au début, c’était très bien aussi. C’est avec le temps que nous nous sommes sentis délaissés au profit de The Burning Fire et Lola.

On parla brièvement de Grant. Le gamin était très indépendant et Jordan n’était pas pressé qu’il lui demande une voiture. Je rigolai en voyant la réaction de mon frère.

-Je veux pas te faire peur mais ça arrivera vite…

Cinq ans, ce n’était pas beaucoup, en réalité… Jordan avait eu cet enfant alors que le petit avait déjà 9 ans. Je savais à quel point ce n’était pas évident pour lui mais ça ne l’aurait été pour personne. Surtout que Grant à besoin d’une attention particulière vu que c’est un enfant particulier.

Mais il était temps de montrer à Jordan ce qu’on avait fait. Drake passe de l’autre côté et envoya l’une de nos chansons. C’était la plus longue de l’album… Je savais que les chansons longues n’étaient pas toujours bien réceptionnées surtout pas les radios. Mais… Je voulais prendre le risque parce que je trouvais que toutes les paroles écrites pour ce titre devait y être.

Je me rongeai les ongles de ma main libre et quand la chanson fut terminé je fixai mon frère avec un regard anxieux. La première chose qu’il dit était qu’un des vers m’avait décrit. J’esquissai un petit sourire déjà soulagé de cette remarque.

-Oui… C’est souvent comme ça que je me sens.

C’était une chanson que j’avais écrite pour expulser ma colère sur certaines situations. C’était quelque chose de très émotionnel.

Mais Jordan souligna la longueur. Je me mordis la lèvre. Il souligna les exigences des radios et que c’est par là que les gens allaient, en premier, entendre notre musique. J’hochai de la tête.

-Je sais… Mais… Je voulais prendre ce risque. On a essayer de raccourcir la chanson mais je trouvais que ça la déforçait. Je me suis rassuré en me disant que The Lightening et The Army ont déjà eu des chansons longues eux aussi. Aussi longue que celle-ci… Elle ne fera peut-être pas une bonne chanson de radio mais si les gens font le premier pas d’écouter notre album alors ils la découvriront.

Et j’espère qu’ils l’aimeront.

-Mais oui, c’est la seule chanson vraiment longue. On en a des plus courtes qui sont plus dans la veine de notre premier album.

Je regardais vers la vitre qui nous séparait de Drake qui pouvait nous entendre.

-Drake met un peu la troisième chanson.

Et il la mit.

Tout en sirotant le champagne que Faith nous avait servi à tous, on parla du nouveau manager de BleedingHeart, Jack Perry. Et je sentais dans ce que mon frère disait une certaine méfiance résiduelle. Pourtant tout ce qu’il disait était positif mais je sentais bien que la « trahison » de Timmy Evans l’avait marqué et qu’il avait peur d’un jour être encore délaissé au profit de groupes plus vendeurs.

Je posai ma main sur son épaule et serrai un peu.

-Vous avez un grand potentiel. Et d’après ce que je lis dans les magazines, Perry est vraiment différent d’Evans.

Je haussai les épaules.

-Et les mêmes conneries ne peuvent quand même pas vous arriver deux fois de suite.

Je fis la moue, réfléchissant à ma propre expérience qui n’avait rien à voir avec la musique. Mais m’était-il déjà arrivé de retomber deux fois dans le même panneau ? Non, pas vraiment, les choses se passaient toujours différemment, tant sur le plan professionnel que personnel…

-Chaque situation est unique, je pense.

Et en parlant de situation unique, Grant vint sur le tapis… Grant qui grandissait à une vitesse hallucinante ! Et qui un jour, dans cinq ans, d’après Duncan, allait me demander une voiture. Ma réaction fit rire mon frère. Ça fiasait du bien de le voir se détendre un peu, même si c’était un peu à mes dépends.

Je soupirai.

-Je sais que ça arrivera vite… Il grandit comme une mauvaise herbe. Je sais déjà qu’il va être plus grand que moi, c’est flagrant.

Surtout qu’il tenait beaucoup, physiquement, de Ward… Avais-je peur qu’il finisse comme ce criminel notoire ? Plus vraiment… J’avais l’impression que lentement mais sûrement, Grant prenait une autre voie. En tout cas, ce n’était pas faute d’essayer de le guider.

On passa à la chanson. Une chanson de neuf minutes à peu près. Une très belle chanson, pleine de sens et de rage.

-Je me demande où tu vas chercher toute cette rage… Et à la transcrire sans que jamais ça ne tourne en haine. C’est un vrai travail d’équilibriste.

Car il y avait révolte et appel à la haine. C’était deux choses tout à fait différentes.

Mais je n’étais pas là pour seulement déblatérer des compliments. Duncan ne m’avait pas fait venir pour ça. S’il voulait mon avis, c’était qu’il voulait de la franchise. Et je n’en manquais pas. Je soulignai donc la longueur de la chanson qui, même si elle était très bonne, n’était pas un format radio. Duncan comprenait…

-Ok, si c’est un parti pris, ça peut marcher. Surtout que je suis d’accord que chaque mot y est important.

Il y avait, comme le disait Duncan, de longues chansons qui avaient bien marché…

-Comme tu dis, les gens seront attirés par d’autres chansons et se mettrons probablement à aimer celle-ci.

Drake mit la chanson numéro 3… Elle commençait par une intro instrumentale avant que la voix particulière de Duncan ne chante les premiers mots. Sans m’en rendre compte, je tapai le rythme de la main sur des amplis empilés à côté de moi où mon cendrier commençait tout doucement à se remplir de mégots.

A la fin de la chanson, qui était excellente, je regardai les trois jeunes l’un après l’autre, avec un sourire en coin.

-Heu… ça va sinon ? Dans vos vies de couples ?

Je rigolai… Je savais que ça allait pour tous. Si ce n’était pas le cas, je le saurais déjà. Donc je pouvais me permettre de rire.

-Cette chanson, c’est du pur BleedingHeart, je trouve. Un rythme entraînant et de paroles assez tristes. C’est ce décalage qui est votre signature. Le rythme est presque… Comment je dirais ? Enfantin ?

J’hochai de la tête. Oui, j’avais ressenti une différence entre Timmy Evans et Jack Perry. Les journaux ne mentaient pas. Et Jordan était sûr que les mêmes conneries ne pouvaient pas arriver deux fois de suites. Je rigolai.

-Je l’espère… En tout cas, on a toute fait pour ne pas vivre deux fois la même chose.

D’après Jordan, chaque situation était unique et, pour cause, il avait totalement raison là-dessus. On ne savait pas ce que l’avenir nous réservait mais j’étais certain que les choses ne seront pas pareilles que ce qu’on a déjà vécu. Et, je voulais être optimiste.

On parla, ensuite, de Grant. Jordan n’avait pas envie qu’il grandisse trop vite. L’adolescence était une période que tout parent redoutait. Jordan n’échappait pas à la règle. Grant allait devoir passer par là, comme tout le monde. Et mon frère était bien conscient que tout ça arrivera très vite. Le gamin grandissait vite et Jordan était certain qu’il sera plus grand que lui. Je rigolai.

-Nous les Keller, on est pas très grand, donc, oui, il y a de fortes chances.

Ce fut, ensuite, le grand moment. Drake avait envoyé une chanson de notre nouvel album. Pendant neuf minutes j’essayais de décrypter les expressions de mon frère sans succès. Mais dès qu’elle fut terminée, je compris qu’il avait aimé malgré la longueur de la chanson qui pouvait en freiner beaucoup. Il salua mon travail d’équilibriste. Je souris.

-C’est parce que la colère et la haine sont deux sentiments très différents. Je n’ai de haine pour personne mais je suis en colère face à certaines injustices ou situations. La colère peut-être un moteur positif mais il faut le vouloir ainsi. La haine, elle, ne sert à rien.

J’avais, ensuite, défendu la longueur de la chanson et Jordan sembla valider mon argument. Il confirma que chaque mot était important. Il ajouta que les gens allaient sûrement aimer les autres chansons avant de pleinement comprendre celle-ci.

-Oui… C’est un peu un coup de poker. Je me suis dit qu’un peu de risque pourrait payer. Jusqu’ici, on a rien gagner à rester dans notre zone de confort.

Drake envoya, ensuite, une autre chanson qui ressemblait bien plus à ce qu’on avait déjà fait avec BleedingHeart. Elle était beaucoup plus courte et le thème, bien que triste, était totalement différent. Quand la chanson se termina, la question de Jordan me fit éclater de rire. Faith roula des yeux avant de rigoler à son tour.

-Je suis célibataire !

Je savais que Jordan blaguait, bien entendu.

-Tout va bien avec Leia. Mais je me suis inspiré de quelques expériences que j’ai déjà vécue étant plus jeune.

Je rigolai à nouveau. Je savais que ce genre de chansons allait parler à pas mal de gens. C’était un thème assez universel.

Et Jordan avait bien reconnu le style de BleedingHeart. Un style punk sur la forme. Je souris.

-Oui. Le rythme est plutôt joyeux mais les paroles le sont beaucoup moins. On en a d’autres dans ce style où c’est encore plus flagrant. Ça ressemble un peu à ce qu’on a fait pour notre premier album. Sauf que j’espère que, cette fois, ça aura plus de succès.

Je soupirais.

-J’espère vraiment qu’on ne va pas se planter… A ton avis ? Je viens de te montrer un bel échantillon de ce qu’il y a sur cet album. Il a une chance ?

Duncan disait avoir tout fait pour ne pas retomber dans le schéma dans lequel ils étaient avec Evans. Cela voulait donc dire que non seulement le groupe avait changé de manager, mais il s’était aussi remis en question. Je reconnaissais bien là Duncan.

On parla un peu De Grant et Duncan me fit rire en disant que chez les Keller, on était pas très grands. Aucun doute, donc, que dans quelques années, Grant allait me surplomber d’une tête.

On écouta ensuite une première chanson, très longue mais qui semblait vraiment nécessaire à Duncan. Je savais que ses chansons étaient des messages plus que de la simple musique pour divertir les gens. Il voulait faire réfléchir la populace.

Mon frère m’expliqua alors comment il faisait pour doser exactement sa colère pour ne pas qu’elle se transforme ou soit prise pour de la haine. Pour moi, qui n’étais pas vraiment subtile, c’était un vrai travail d’orfèvre. Mais Duncan, Drake et Faith, eux, géraient.

Je hochai la tête aux sages paroles de mon frère qui disait que haine et colère étaient deux choses différentes.

-Ok… Ouais, je vois…

Je soupirai et passai une main dans mes cheveux.

-J’aimerais n’avoir de haine pour personne… Il faut croire que je ne suis pas aussi sage que toi.

J’avais de la haine pour Ward. Ça, c’était quelque chose de clair ! Et je ne pouvais pas m’en empêcher. Et parfois, j’avais de la haine pour moi, de ne pas être un meilleur flic, de ne pas avoir réussi à le mettre définitivement derrière les barreaux.

Pour en revenir à la chanson, c’était en fait un coup de poker. Je retrouvai mon sourire.

-Je suis sûr que ça payera… Comme tu disais tantôt, vous n’êtes pas le premier groupe à avoir de longues chansons sur votre album… Et puis…

Je fis la moue, réfléchissant.

-Je trouve qu’on peut mieux apprécier une longue chanson parce qu’on a le temps de le faire. Sur une chanson d’une minute vingt, c’est tellement vite passé que t’as pas le temps de te poser et de juste écouter.

Ce n’était que mon avis.

On me passa une autre chanson, plus courte et qui me semblait être du vrai BleedingHeart. Pas que la première n’en était pas, mais ça rappelait vraiment leur premier album.

J’y allai d’une petite blague et Faith s’indigna qu’elle était célibataire. Je lui souris.

-On se demande bien comment ça se fait !

Faith était une jolie fille pleine de vie. Elle était trop jeune pour moi, par contre… Et puis j’avais promis à Grant de ne plus laisser de femme venir bousiller notre routine.

Selon Duncan, son inspiration venait de sa jeunesse.

-Ouais, on ressent tout ça beaucoup plus fort quand on est jeune… Ça s’estompe en vieillissant… Enfin moi, personnellement, je vis tout ça de façon beaucoup plus rationnelle et raisonnée.

Ça tuait le romantisme ? A la bonne heure !

Duncan espérait que, même si beaucoup de leurs nouvelles chansons étaient dans la même veine que leur premier album, les gens apprécient. Je le regardai dans les yeux pour qu’il voie bien que je lui parlais franchement.

-Ça va marcher, Duncan ! Evidemment que vous avez une chance ! Ce que vous faites est génial. J’ai toujours cru en vous et ça n’est pas près de cesser.

Après la première chanson, j’expliquai les différences que je voyais entre la haine et la colère. Personnellement, je n’avais de la haine pour personne. Mais j’étais souvent en colère contre certaines choses et j’essayais de traduire ça à travers mes chansons. C’était mon exutoire. Jordan, lui, espérait n’avoir de haine pour personne. Je savais qu’il vouait une haine à Ward Fleming pour des raisons évidentes. Je n’avais jamais vécu une chose pareille de mon point de vue… Puis, Jordan avait vu les horreurs de la guerre… Sa vie avait été bien différente de la mienne.

-Ce n’est pas quelque chose qu’on peut contrôler. Et… Tu as vécu des choses bien pire que moi.

En gros, je pouvais comprendre qu’il réagisse plus intensément et qu’il ait moins de recul sur les choses. Mais je savais que, quand il le voulait, Jordan pouvait se poser pour remettre les choses en perspectives et agir moins impulsivement.

J’avais expliqué que cette chanson était comme un coup de poker… Ça passe ou sa casse. Lors de notre précédent album on avait pas vraiment gagné à la jouer safe. Mais Jordan était sûr que notre risque payera. Je souris avant qu’il ne mette en avant les avantages d’une longue chanson. J’hochai de la tête.

-Oui. C’est ce que je pense aussi. Avec une longue chanson on a le temps de se poser pour apprécier.

Mais on avait aussi des chansons plus courtes qui rappelait le style qu’on avait sur notre premier album. Le thème était, aussi, un peu plus simple mais très universel. Les relations amoureuses ou amicale étaient des thèmes où tout le monde pouvait s’y retrouver. Chacun avait vécu des déboires en la matière. Evidemment, Jordan y alla d’une touche d’humour qui fit réagir Faith. Elle était célibataire, Faith. Il faut dire qu’elle était un peu frivole et n’aimait pas spécialement s’impliquer dans des relations sérieuses. Je rigolai quand Jordan se demandait bien comment ça se faisait que Faith n’avait pas encore trouvé chaussure à son pied. Elle rigola.

-Sans doute parce que je ne prends rien au sérieux.

Sauf BleedingHeart. C’était une chose que Faith prenait très au sérieux. A vrai dire, elle passait beaucoup de temps à améliorer son jeu de batterie.

J’expliqua que l’inspiration venait de ma jeunesse. Quand j’étais adolescent, je vivais tout intensément. Mes émotions me dépassaient parfois. Jordan disait que ça s’estompait en vieillissant. Je rigolai à sa réflexion.

-Oui ! Bien que parfois, avoue que tu n’es pas toujours raisonné. Comme tout le monde, en fait. Parfois, même en étant adulte, on se fait dépasser par ses émotions.

Restait à voir si les gens allaient aimer l’album autant que nous… Je l’espérais. Je savais qu’on avait plus le droit à l’erreur. Mais Jordan avait foi en nous. Il avait toujours eu foi en nous. Je souris rassuré par les paroles de mon frère.

-Merci. Tu es l’un de nos meilleurs soutien. Et je te remercie pour ça.

C’était au tour de Los Angeles de croire en nous.