Je n’avais pas pu résister.

J’avais fini par m’inscrire au casting de Christopher North… J’avais retourné des milliards de fois la question dans ma tête. J’y vais ? J’y vais pas ? Si j’y vais et que ça marche qu’est-ce qu’il se passera ? Je ne pouvais pas prévoir ce qu’il allait se passer. Et ma peur de retomber dans mes travers était bel et bien présente. Mais je l’avais mise en perspective en me disant que je n’avais plus 20 ans… J’en avais plus de 40 et je savais, désormais, que je pourrais mieux encaisser les choses que dans le passé. Parce que j’en avais vu d’autres… Parce que je savais, maintenant, parfaitement comment les choses fonctionnent même si je n’aimais toujours pas les règles.

Alors, je m’étais lancé. Ce qui avait fini par me convaincre, c’était quand, « innocemment », Jessica Hill s’était mise à se refaire tous les épisodes de Starship dont elle avait la collection complète. Elle se plantait devant avec son verre de whisky en disant à quel point elle adorait Five, mon personnage dans la série. Du coup, j’avais fini par me planter devant aussi me rappelant le tournage et tous les bons moments que j’avais passé à jouer ce rôle…

Ça me manquait, c’était indéniable… Alors, après l’un de ces fameux épisodes, j’avais fini par m’inscrire. Pas sous le nom de Hugh Crusher… Sous celui de Miguel Rios. Mon vrai nom… Pourquoi ? Parce que j’avais flippé à la dernière seconde en me disant que si Christopher North voyait mon nom, il y avait des risques qu’il ne me refuse le casting pour des raisons toutes légitimes. Or, personne ne savait que mon vrai nom était Miguel Rios. Dès que tu entres dans la jet-set sous un nom, tout le monde se fiche de qui tu étais avant…

C’est, donc, Miguel Rios qui attendait d’entrer dans la fameuse pièce où se trouvait Christopher et son frère, Hank, que je connaissais très bien aussi. Il y avait du monde pour ce casting. Des dizaines de latinos qui attendaient de pouvoir passer le casting. D’après ce que j’en savais, le duo North avait bien du mal à trouver l’acteur qui jouera le père de l’un des personnages principaux. La preuve, j’avais vu, depuis ma conversation avec Sniper, plusieurs fois l’appel au casting preuve qu’ils ne trouvaient pas ce qu’ils cherchaient. Je savais que Christopher n’était pas toujours facile à convaincre… Il avait souvent une idée précise en tête et il fallait coller au maximum à cette idée. Mon avantage étant que je connaissais Christopher. Je savais ce qu’il voulait.

Alors que j’attendais, je cachai mon visage derrière un vieux L.A.People et je venais de lire pour la millième fois l’article qui mettait en scène Cash Izbel et Victor Hunter, « l’adorable » frère de Vicky. Je savais que cet article était un ramassis de mensonges vu que, dans un autre L.A.People, il y avait un démenti. Mais bon… Je n’avais pas fort envie que les autres participants me reconnaissent d’où le L.A.People devant ma tête.

Puis, enfin, je fus appelé. Je me levai. Si je stressais de ce qui pouvait arrivé après le casting, je n’étais aucunement nerveux quant au fait d’être testé par Christopher et Hank sur mes talents d’acteur. Jouer était la seule chose qui ne me provoquait absolument aucun stress.

J’entrai dans la pièce me retrouvant face à deux hommes que ne connaissais que trop bien. Je souris.

-Bonjour Hank… Bonjour Christopher…

Inutile de jouer les Miguel Rios… Je n’avais pas fort changé depuis 10 ans. Mes traits s’étaient justes durci. Puis, même si ça avait été le cas, Hank et Christopher auraient reconnu facilement ma voix.

-Il parait qu’il vous faut un latino alors je me suis dit que…

Je marquais une pause cherchant mes mots avant de lancer.

-Que je devais tenter le coup…

-Celui-ci, il était pas mal, si ? Son jeu est très bon…

Christopher grommela… On aurait dit qu’on avait échangé nos rôles, pour le coup. D’habitude, c’était moi qui râlais. Stopher étant plutôt d’un naturel optimiste.

Mais pas cette fois.

Ça faisait des jours qu’on cherchait après l’acteur parfait pour jouer le rôle du père du petit Danielo qui serait interprété par le jeune Guillermo Quinn. Jusqu’ici, aucun ne satisfaisait mon frère.

Parce que je savais que quand il faisait un casting, il avait déjà plus ou moins en tête, non seulement le jeu qu’il lui fallait, mais aussi la tronche que devait avoir l’acteur. C’était pour ça qu’il rappelait souvent les mêmes acteurs pour ses films et qu’il les mettait dans des rôles différents.

C’était quelque chose que les critiques soulignaient souvent en disant que Christopher ne savait produire des films qu’avec toujours les mêmes têtes. Mais mon frère se foutait des critiques parce que chaque fois, sa stratégie était plus que payante.

Là, alors que je le regardais entre deux essais, j’essayais de déterminer comment il voyait ce rôle. QUI il voyait pour ce rôle. Si c’était quelqu’un que je connaissais, ou qu’il connaissait, pourquoi ne pas appeler directement le concerné ?

Il devait y avoir une couille dans le potage quelque part.

-Et si tu me disais qui tu vois pour le rôle, qu’on l’appelle ou qu’on cherche quelqu’un qui ressemble physiquement et dans le jeu.

Christopher secoua la tête et croisa les bras.

-Non, impossible. Qui je vous n’est plus dans le circuit… Et il est unique. Personne ne joue comme lui.

Je soupirai et pris la liste des inscrit.

-Bon, ok… Si tu le dis… MIGUEL RIOS ! Tu peux entrer !

Et Miguel Rios entra.

J’ouvris de grands yeux, ma mâchoire se décrochant au point que j’aurais pu avaler les mouches. Quant à mon frère, il n’hésita pas à jurer alors que Miguel nous saluait un peu timidement.

-Alors ça… C’est la putain de Providence !

Je finis par arriver à articuler quelque chose.

-Salut, Hugh… Mais… Où est-ce que t’étais passé ?!

Mon frère était sidéré et je rigolai nerveusement.

-Me dis pas que c’est lui que tu voulais !

Parce que j’allais finir par croire en Dieu, à ce rythme. Stopher hocha pourtant la tête. Alors ok, je pris les rennes le temps qu’il se remette du choc.

-Très bien, Hugh… Qu’est-ce qui t’intéresse dans le rôle qu’on propose ?

J’étais entré dans la salle où se trouvait deux têtes que je connaissais bien mais que je n’avais plus vu depuis environs 10 ans. Je devais avouer appréhender un peu les choses, particulièrement la réaction de Christopher North même si je savais pertinemment qu’il n’était pas du genre rancunier.

J’entrai, donc, les saluant et je vis leur visage à tous les deux exprimer la surprise et le choc. Quand je disais qu’il ne leur faudrait pas deux secondes pour me reconnaitre… J’avais visiblement raison. Quelque part, c’était rassurant… Ça veut dire que malgré mes 10 ans d’excès, je n’étais pas encore trop marqué. Si je voulais à nouveau tourner dans des films, il valait mieux…

Christopher s’exclama alors déclarant que c’était la Providence. Je levai un sourcil ne comprenant pas vraiment ce qu’il venait de lui traversé la tête là, toute suite. Hank, lui, me salua demandant où est-ce que j’étais passé. J’haussai des épaules.

-Je me pose la même question, tu sais… Mais si tu veux une localisation, j’étais à Los Angeles.

Ce n’était pas ça qu’il voulait savoir par sa question, je le savais très bien. Mais j’avais l’art d’utiliser, parfois, l’humour pour esquiver des questions auquel je n’avais pas tellement envie de répondre. Pas que je voulais cacher à Hank tout mon parcours mais parce que, pour l’instant, je préférais me concentrer sur ce casting. On aura tout le temps de parler de tout ça plus tard, j’imagine. Je ne pourrais pas tellement y couper.

Christopher semblait être tombé dans une sorte de torpeur ce qui fit rire nerveusement Hank qui lui demanda si c’était moi qu’il voulait. C’est là que je venais de comprendre et quand Christopher approuva de la tête, mon visage s’illumina un peu. J’allais répliquer mais Hank me posa alors une question sur le rôle et sur ce qui m’intéressait dans le rôle. Je souris.

-Son combat. Celui de vouloir tout faire pour que sa famille puisse rester sur sa terre d’adoption. Ce que vit la famille du petit Danielo, je l’ai moi-même vécu quand j’étais jeune. Je voyais mes parents mettre tout en œuvre pour éviter de se faire expulser. Je peux facilement comprendre les difficultés et le stress que ça provoque au sein d’une famille.

Je marquai une pause avant de reprendre.

-Puis… Ce rôle c’est aussi un challenge… Je n’ai plus joué depuis des années… Je n’ai jamais joué un rôle de ce genre. Alors, c’est aussi un peu pour ça que ça m’intéresse.

Je n’avais pas tous les détails du rôle mais je pouvais aisément me l’imaginer en tête. Je fixai alors Christopher.

-Tu n’as quand même pas pensé à moi, hein ? Après toutes ces années ?  

Si c’était le cas, c’était extrêmement flatteur. Je pensais sincèrement avoir disparu de la mémoire collective mais ça ne semblait pas être le cas.

Hugh Crusher venait de se présenter à nous, sous le nom de Miguel Rios. J’ignorais complètement qu’en fait, c’était son vrai nom. Dans ma tête, il avait juste pris un nom d’emprunt pour passer le casting, comme tout le monde.

Parce que vu la réaction de mon frère en le voyant, s’il avait vu « Hugh Crusher » dans la liste, il ne se serait pas acharné à faire ce casting qui, s’il était toujours intéressant de rencontrer des nouveaux acteurs, était quand même quelque chose de laborieux et répétitif.

Je sentais, je voyais que Hugh était celui qu’il voyait dans sa tête pour le rôle depuis le début.

Seulement, on ne savait pas où il avait disparu pour se cacher. Et voilà qu’il se présentait ici, comme si de rien n’était.

De quoi lui poser la question, ce que je fis. Mais il me répondit juste qu’il était à Los Angeles. Je savais qu’il avait fait des excès… En 1972, sur le tournage de Rebels, il commençait déjà. Alors j’imaginais qu’il avait continué à s’enfoncer…

Je le regardai d’un air torve.

-Et… ça va mieux ?

Il n’avait pas l’air drogué, ni bourré. Son regard était clair et ses gestes, bien qu’un peu timides probablement parce qu’il avait peur que son passé ne soit de la mauvaise pub, étaient fluides.

Plutôt que de le faire jouer, parce que je connaissais, comme Christopher, son acting, je lui demandai ce qui le motivait dans le rôle qu’on proposait aujourd’hui.

Il sourit… Il avait un beau sourire. Je cherchais aussi les ressemblances physiques entre lui et Guillermo Quinn. Et il y en avait quand même pas mal…  Enfin… Pour l’Américain que j’étais, parce que parfois, c’était difficile de voir les différences entre deux ressortissants d’une même ethnie. Ce n’est pas du racisme, c’est juste qu’on est programmés comme ça. J’étais sûr que les latinos trouvaient eux aussi difficile de nous différencier.

Il expliqua avoir vécu ce que le petit Danielo avait vécu et savoir ce que ça faisait.

Et il ajouta que ce rôle était un challenge parce qu’il n’avait pas joué depuis des années et que ce genre de rôle, il n’avait encore jamais pu essayer.

Je souris à mon tour.

-En vieillissant, on obtient parfois des rôles plus réfléchis.

Hugh demanda à Christopher s’il avait pensé à lui.

-Mais évidemment ! Je n’ai cessé de t’imaginer avec quelques années de plus pour pouvoir t’avoir dans ce rôle, tout en sachant que c’était impossible parce que personne ne savait où t’étais. Même la presse people a fini par te lâcher.

Je ricanai…

-Et c’est pas facile d’oublier un acteur de ta trempe.

Sur ce, je continuai en mode « entretien d’embauche »…

-Tu connais Guillermo Quinn ? Le gamin qui fait des chroniques chez Vanya Kournikova ?

J’avais répondu peut-être un peu trop vaguement à la question d’Hank sur l’endroit où j’étais. Mais je me voyais mal commencer à tout expliquer là, tout de suite. Après tout, j’étais ici pour tenter ma chance à ce casting et je n’avais pas envie de me déstabiliser moi-même en me plongeant dans ce genre de souvenir. Je me connaissais. Alors, j’avais simplement répondu que, pendant toutes ses années, j’étais à Los Angeles, ce qui était vrai. J’étais juste perdu dans les coin sombre de l’industrie du cinéma. Là où la drogue coule à flot et que le talent est inexistant.

Hank ne chercha pas réellement à en apprendre plus. Simplement à savoir si ça allait mieux. J’hochai de la tête.

-Bien mieux qu’il y a quelques mois. Je ne prends plus rien…

Même pas un foutu anti-douleur… Parce que, en dehors de la drogue illégale, je me shootais également avec tous les médicaments que je pouvais trouver.

Rapidement, je compris que Christopher avait, visiblement, pensé à moi pour ce rôle. Il avait, donc, eu de la chance parce que, sans Sniper, jamais je ne serais venu à ce casting. J’avais, d’ailleurs, longtemps hésité. Mais avant de parler de ça, je répondis à la question d’Hank sur le rôle. Je déclarai que j’avais vécu une histoire similaire à ce que vivait, dans le film, la famille du petit Danielo. Vivre avec la peur de se faire expulser. Je pouvais, donc, facilement me mettre dans la peau de gens qui vivaient la même chose. Puis, ce rôle m’intéressait aussi pour le défi qu’il représentait. Je n’avais plus 20 ans… Je n’ai jamais joué le rôle d’un père. C’était nouveau pour moi et c’est aussi ça qui était intéressant.

Hank déclara que, en vieillissant, on est amené à avoir des rôles plus réfléchis. J’hochai de la tête.

-C’est vrai… Et c’est une bonne chose. Ça permet de ne pas toujours faire la même chose.

Je me tournai, ensuite, vers Christopher en lui demandant s’il avait réellement pensé à moi pour le rôle. Il confirma disant qu’il m’avait même imaginé avec quelques années de plus. Je sentis mon cœur battre plus vite. Parce que ce que disait Christopher me faisait vraiment plaisir. Je n’aurais pas imaginé qu’après toute ses années il penserait encore à moi, l’acteur. Il affirma qu’en imaginant ça, il savait que c’était impossible de m’avoir pour le rôle parce que personne ne savait où j’étais même pas la presse people.

-Je sais… Quelque part, je n’étais pas mécontent que la presse m’ait lâchée. C’est ce qui arrive quand on atomise sa propre carrière.

Je regrettais, par contre, d’avoir couper petit à petit, et sans vraiment m’en rendre compte, les ponts avec mes amis et ma famille. Je n’avais, d’ailleurs, pas encore renoué avec ces derniers.

Hank ajouta que ce n’était pas facile d’oublier un acteur de ma trempe. J’esquissai un petit sourire. Décidément autant lui que Christopher n’étaient pas avare en compliments.

-Merci à vous deux… Je dois avoué que j’ai longtemps hésité à me pointer ici. C’est Jessica Hill qui a fini par entièrement me convaincre.

Et elle y avait mis du sien pour le faire.

Hank revint au film en lui-même et à Guillermo Quinn. Il demanda si je connaissais le petit. Je l’avais vu à la télévision, comme a peu près tout Los Angeles. Je souris.

-Je l’ai vu à l’émission de Vanya Kournikova. Il est très à l’aise devant la caméra. Il sait bien poser sa voix. Vanya a fait un pari risqué en engageant un gamin pour faire des chroniques mais elle a tapé dans le mille avec ce gamin-là.

C’était mon avis. Le petit était doué. Et si Hank posait la question c’était certainement parce que le gamin avait le rôle principal du film de Christopher.

-C’est lui que vous avez pris pour faire Danielo ? Ça me semble être un bon choix. Il a déjà une petite expérience et il a l’air de n’avoir peur de rien.

C’est l’impression qu’il donne. Et il valait mieux que ça soit le cas. Parce que, après ce film, sa vie sera à tout jamais changée. J’ai déjà eu du mal à encaisser ça à 20 ans… Donc, je n’imagine même pas ce que ça doit être pour un pré-adolescent.

Je fus ravi d’apprendre que Hugh ne prenait plus rien. C’était ce qu’il disait, mais je voulais bien le croire. Un drogué se repère plus ou moins tout de suite, acteur ou pas. Il y a des signes physiologiques qui ne trompent pas et j’étais dans le système depuis assez longtemps que pour en avoir vu, des junkies.

Je souris à Hugh.

-Félicitations !

Parce que la drogue avait mené à la fin de sa carrière, quand il était plus jeune. Il était, à un moment, devenu ingérable et mon frère en avait fait les frais.

Mais à le voir maintenant, je savais que Christopher n’en voulait pas du tout au petit latino. C’était même plutôt le contraire ! Il était extrêmement content de le voir débarquer parce que Hugh était celui qu’il voyait dans ce rôle depuis le début !

Un rôle qui intéressait Hugh pour plusieurs raisons… Déjà, il avait connu cette peur de se faire expulser qu’on voulait illustrer dans ce film. J’affirmai qu’en vieillissant, on avait d’autres rôles que quand on était jeunes.

-Si tu joues dans ce film, ça va clairement changer ton image de jeune playboy. Tu vas entrer dans une autre dimension, niveau acting.

Moi-même, qui avais le rôle du professeur qui allait se battre pour les droits de la famille de Danielo, j’allais explorer un tout nouveau monde. Parce que c’était rare que j’aie des rôles purement gentils et bien intentionnés.

Christopher, lui, laissa entendre à Hugh combien il avait besoin de lui pour le rôle du père de Danielo. Et je sentis que ça touchait l’acteur dont même la presse people avait fini par se désintéresser. Il disait avoir atomisé sa carrière. C’était le cas. Et ça avait été vite.

-T’as laissé à personne le temps de réagir. Sinon, je te garantis que t’aurais eu de l’aide.

Mais voilà, peut-être qu’à l’époque, il ne voulait pas d’aide.

Bref, on était pas avares de compliments mais le mieux dans tout ça, c’était que tout ce qu’on disait, on le pensait vraiment. Il nous remercia avant de parler de son hésitation et, finalement, de sa décision qui avait été en grande partie motivée par Jessica Hill.

-Comme quoi… Elle peut pas voir que des défauts.

Jessica Hill était la deuxième plus méchante représentante du Golden Triplet. Je m’étais toujours demandé comment quelqu’un comme Hugh pouvait être tellement ami avec elle. Bon, ils avaient tourné trois films ensemble où ils devaient jouer un couple. Et j’étais bien placé pour savoir que ce genre de chose crée des liens… Mais bon… Quand même.

Justement, en parlant de partenaire à l’écran, je demandai à Hugh s’il savait qui était Guillermo Quinn et comme presque tout L.A., il l’avait bien vu dans l’émission de Vanya Kournikova, ce qui était une bonne chose. En plus, il lui trouvait déjà un petit côté professionnel.

-C’est un gamin très intelligent, en plus du reste. Et sensible. Tu aurais dû voir sa prestation ici. C’était à en avoir les larmes aux yeux. Et je pense que lui aussi sais de quoi il parle quand il s’agit d’avoir la vie dure.

Je ne connaissais pas l’histoire de Guillermo, mais je savais qu’il avait été adopté par les deux musiciens de The Warriors. Ce qui voulait dire qu’à un moment de la vie du gamin, il y avait eu une couille dans le potage.

-C’est bien lui que nous avons pris pour le rôle de Danielo. Je pense que vous aurez une belle dynamique… On pourrait organiser une rencontre avant le tournage. Pour apprendre à tous se connaître.

Christopher intervint alors.

-On pourrait tous commencer par une journée au parc d’attraction. Ce serait pas mal. Mais dis-moi, Hugh… Te sens-tu près à jouer le rôle d’un père ? Tu es immigré mais tu n’es pas père. Comment tu penses gérer ça ?

Je souris remerciant Hank pour ses félicitations. Arrêter tout n’avait pas été facile. Ça ne l’était toujours pas d’ailleurs. Je savais qu’une petite pichenette pouvait, à nouveau, me faire faire des écarts mais, jusqu’ici, je tenais bon. Il faut dire qu’autant Vicky que Jessica m’avaient à l’œil.

Hank et moi avions parlé du rôle alors que j’avais bien compris que Christopher m’avait vu moi dans ce rôle bien avant que je ne passe cette porte. Pourtant, c’était un rôle bien différent que ce que j’avais fait jusqu’ici. Je n’avais jamais joué un père de famille et, pour cause, j’étais trop jeune pour ça à l’époque. Mais, comme tout acteur, en vieillissant, les rôles changent ce que je trouvais être une très bonne chose. Hank affirma que si je jouais dans ce film, mon image de playboy allait changé. Une image construite de toute pièce dans mes films. Une image que j’avais, par la suite, joué en dehors par instinct de survie. Je rigolai un peu.

-Quelque part, ce n’est pas plus mal. Je n’ai plus du tout l’âge de jouer les playboys.

Et je n’en avais plus du tout l’envie. C’était aussi pour ça que j’avais choisi de me présenter à ce casting. Parce que c’était bien différent de ce que j’avais fait jusqu’ici.

Christopher confirma qu’il avait bien pensé à moi pour le rôle mais que j’avais disparu de la circulation. Tellement disparu que même la presse people m’avait complètement oublié ce qui était, en fait, le point positif de la situation. Je confirmai tout ça me rendant responsable de la destruction de ma propre carrière. J’en étais bien conscient de ça. Hank déclara que je n’avais laissé personne réagir et que si ça avait été le cas j’aurais eu de l’aide. J’esquissai un sourire désolé.

-Ceux qui ont essayé de m’aider, à l’époque, je les ai envoyé se faire voir… J’ai coupé les ponts avec tout le monde… Je ne crois pas qu’on aurait pu m’aider à l’époque. Je n’en avais pas envie.

J’étais enfoncé bien trop loin de la dépression pour ça. Une dépression qui m’avait mené sur des chemins que je n’aurais jamais dû prendre mais que j’avais pris quand même. Et je n’en voulais à personne pour ça. C’était entièrement ma faute.

Je reçus de beaux compliments de la part de Christopher et Hank. J’expliquai alors que c’était Jessica Hill qui avait fini par entièrement me convaincre de tenter ma chance. Hank rétorqua, un peu surpris, qu’elle ne pouvait pas avoir que des défauts. J’hochai de la tête.

-Elle a surtout un tas de qualités insoupçonnées.

Je savais que bien des gens voyais Jessica comme étant une peste. Le genre de femme qui est méchante avec les autres pour mieux les enfoncer et briller à leur détriment. C’est l’image qu’elle renvoyait au sein de la jet-set mais le fait est que Jessica, quand on la connait bien comme je la connais, est en fait bien différente. Elle est bien plus sensible qu’on ne l’imagine. Elle s’est juste construit une image pour briller dans la jet-set et y survivre. Et elle s’accommode assez bien de ce rôle.

Ce fut ensuite de Guillermo Quinn qu’on parla. Un gamin qui faisait des chronique pour l’émission de la jeune Vanya Kournikova. Un gamin qui avait un certain talent. Hank confirma que le jeune homme était intelligent et sensible. Il n’avait pas eu la vie facile, lui non plus. Bien que je doutais que ma vie soit comparable à celle d’un enfant adopté. Il avait dû en voir des pires que moi, le petit.

-Il le sait peut-être même encore plus que moi. Il a été orphelin d’après ce que j’ai compris.

En tout cas, le petit avait convaincu Christopher et Hank car c’est bien lui qui a été engagé pour le rôle de Danielo. Il était certain que lui et moi auront une belle dynamique et qu’on pourrait organiser une rencontre avec le tournage. Il parlait déjà comme si j’avais le rôle. Je souris en hochant de la tête.

-Oui. C’est une bonne idée

Christopher proposa une journée au parc d’attraction. C’était ça que j’aimais quand je bossais avec Christopher. Il essaye de faire en sorte que les acteurs forment une famille même au-delà du tournage. Ça aidait, je pense à tirer le meilleur de chacun.

Mais avant tout chose, il avait encore des questions. Il me demanda si j’étais prêt à jouer le rôle d’un père. Je n’étais pas père et je ne comptais pas l’être un jour alors il se demandait légitimement comment j’allais gérer ça. Je souris.

-Je n’ai jamais réellement été un playboy non plus…

Ni un cyborg, si on va par là. Pourtant, c’était bien deux rôles que j’avais joué. En gros, il y a plein de rôle que j’avais joué qui n’était pas moi. J’ai joué les grands séducteur dans plusieurs films pourtant Dieu sait que je ne suis pas du tout comme ça.

-Je ne vais pas te cacher que ça sera un défi. Mais j’ai l’art, pour construire mes rôles, de me baser sur des gens que j’ai rencontré ou côtoyé à défaut de pouvoir m’inspirer de moi-même. Or, pour ce rôle, je peux facilement m’inspirer de mon propre père. En rencontrant Guillermo, je pourrais encore mieux visualiser le rôle et pouvoir le jouer.

Tout était une question de lien. Mon jeu est aussi en lien avec celui des autres. Un acteur améliore son jeu et peut jouer juste grâce aux autres acteurs aussi.

-Quant à savoir si je suis prêt à jouer ce rôle ? Oui et c’est justement parce que c’est un défi que je me sens d’autant plus prêt. Je ne serais pas venu ici si je ne me sentais pas prêt.

J’étais prêt à jouer ce rôle. C’est tout ce qu’il y aura à l’extérieur auquel je ne me sentais pas prêt. Du coup, mes lèvres se pincèrent et je finis par lancer :

-Ce film... Vous espérez les Oscars avec ça, n’est-ce pas ?

Qui dit « Oscars » dit battage médiatique.

Hugh me fit rigoler en disant qu’il n’avait plus l’âge de jouer les playboys. Je riais parce que ce n’était pas forcément vrai. Si moi, j’avais encore pu jouer ce genre de rôle dans Homerun, lui avec sa tête d’ange pouvait le faire aussi.

-On dirait que tu n’es pas à l’aise avec ce genre de rôle. Pourtant, tu étais très bon dans Love In L.A.…

Sans le jeu de Hugh et de Jessica Hill, ce film serait passé pour ce qu’il était : une simple comédie romantique un peu bateau. Mais les deux acteurs avaient sublimé ça, ce qui avait fait que le film avait eu un succès retentissant…

… avec toutes les dérives que ça impliquaient et qui avaient précipité la descente aux enfers de Hugh.

Hugh que j’aurais bien voulu aider, à l’époque. Si j’avais eu le temps de me rendre compte que sa situation était si grave. Mais le latino répliqua que j’aurais eu beau essayer, il m’aurait envoyé me faire mettre, comme tous ceux qui avaient essayé…

Je fis la moue…

-Je culpabiliserais moins si j’avais eu l’occasion d’essayer.

Parce que maintenant que je le voyais devant nous, le visage légèrement marqué par la vie, je m’en voulais quand même. Mais apparemment, Hugh n’en voulait à personne, si ce n’était à lui-même.

Bref, c’était finalement Jessica Hill qui avait réussi à le faire sortir de son trou… Et si tout fonctionnait comme on le voulait, il allait passer d’une carrière en ruine aux feux des projecteurs braqués sur lui.

Mais il semblait déterminé à essayer. J’échangeai un regard avec Christopher. Nous n’avions pas besoin de parler pour nous comprendre : nous allions embarquer Hugh avec nous dans cette aventure, et le soutenir. On serait tous dans le même bateau, de toute façon.

Comme il était déjà plus que sûr que Hugh avait le rôle, je lui parlai de son futur partenaire à l’écran, Guillermo Quinn. Hugh le connaissais, comme pratiquement tout L.A., par l’émission populaire de Vanya Kournikova. Il était arrivé au garçon de parler de sa vie d’orphelin à la télé, avant qu’il ne soit adopté par The Warriors. Et Hugh considérait que Guillermo connaissait certainement encore plus que lui la problématique soulevée par le film.

-Mais il est né à L.A., toi, tu as l’expérience du déracinement.

Christopher proposa une journée au parc d’attraction pour que nous, acteurs, nous apprenions à nous connaître un peu plus. C’était une des méthodes de Stopher pour faire en sorte de créer une complicité et une véritable alchimie à l’écran.

Hugh semblait partant, ce qui me fit sourire.

Christopher demanda à Hugh comment il appréhendait le rôle de père à l’écran. Car il ne l’était pas. je savais que c’était un peu une question test et qu’il ne reprochait pas du tout à Hugh de brigué un rôle qu’il n’était pas dans la vraie vie.

Justement, c’était ça, l’acting !

Et Hugh l’avait bien compris, depuis le temps. Il comptait s’inspirer de gens autour de lui et notamment de son propre père.

-Je suis sûr que tu vas faire du beau boulot, comme à chaque fois.

Et il était prêt. Sa présence ici en témoignait. Je regardai encore Christopher qui me sourit.

-Très bien. Tu as le job.

Comme si c’était encore à préciser, Hank…

Hugh avait à son tour une question. Est-ce qu’on briguait les Oscars ? Le regard de Stopher s’illumina.

-Oui. Et maintenant que tu es là, je sais qu’on a toutes nos chances.