J’avais été convoqué par Jimmy Reed quelques jours plus tôt. Et ça m’avait pas mal stressé. Je n’étais jamais convoqué chez Jimmy Reed. Est-ce que j’avais merdé quelque part ? Je ne pensais pas. Si quelqu’un avait merdé, c’était peut-être Howard. Mais je trouvais ce que faisais Howard envers le magnat de BSC assez juste.

Parce que je savais… Je savais tout. Avec Brooke, nous avions adopté Jesse et Alvaro… on connaissait leur histoire.

Et on savait qu’on ne pouvait rien dire, tout comme Howard, qui se battait avec les armes qu’il avait… Sans jamais dépassé la limite qui séparait une situation tendue… D’une situation dangereuse.

Mais quand, au sommet de la tour, j’appris qu’en fait, Jimmy Reed comptait financer de A à Z la désintox’ d’Howard…

Je ne pouvais qu’approuver.

Peu m’importait finalement si Reed avait une idée derrière la tête. Cette désintox’ était plus que nécessaire.

Parce que je voyais bien qu’Howard était en train de se tuer à petit feu. Et sa mort ne profiterait à personne. Surtout pas à ses enfants.

Ma mission était de convaincre Howard d’accepter la proposition de BSC… Et je savais que ce ne serait pas une mince affaire… Parce que j’étais persuadé que le batteur ne savait pas qu’il était loin. Très loin.

Trop loin.

En l’attendant dans mon bureau, j’étais en train de penser à The Army… A Sniper qui était alcoolique et avait été lui aussi très loin dans son addiction. Et j’étais sûr de ne pas vouloir être le Daniele Ricci de l’histoire d’Howard.

Alors je l’attendais. Je lui avais dit que je voulais lui parler. Et il était en retard… Ce qui n’était pas étonnant, je le connaissais maintenant. Heureusement que niveau art, lui et David, malgré toutes leurs difficultés, créaient des superbes chansons.

Est-ce que ce serait aussi bon sans l’alcool ? Sans la schizophrénie de David ? Je ne pouvais rien pour ce dernier, mais je ne tenais pas à voir Howard crever juste pour que Fireworks soit bon !

Finalement, quand Howard entra, il me fit sursauter parce qu’à un moment donné, j’avais arrêté d’attendre et j’avais donc été surpris.

-Salut Howard… Tu vas bien ?

Je lui désignai la chaise devant mon bureau.

-Installe-toi, il faut qu’on parle. C’est important.

Une fois qu’il fut assis, je croisai les bras et le regardai dans les yeux.

-BSC veut financer ta désintox’.

J’devais aller aux bureaux de BSC voir Jack… Est-ce que j’avais envie d’y aller ? Non, pas vraiment. A vrai dire, j’trouvais que j’avais un tas de choses bien plus intéressantes à foutre que d’aller causer avec Jack dans la grande tour de Jimmy Reed.

Mais Jack, l’avait dit que c’était important. L’espace de quelques secondes, j’ai cru qu’il avait su, j’sais pas comment, ce qu’il s’était passé entre moi et Livia. Et j’le voyais déjà me foutre un poing dans la gueule avant de me faire la morale comme il l’avait fait y’a quelques années d’ici. Mais cette pensée s’est rapidement envolée parce que j’voyais pas bien comment Jack aurait pu savoir ça. Et j’voyais mal Livia lui en parler.

Alors, ça devait être pour tout autre chose. Quoi ? Bonne question… P’t-être qu’il avait envie qu’on se presse pour sortir un album de Fireworks. A vrai dire, David et moi avions déjà pas mal de chanson et on comptait bien sortir un album dans l’courant 1986. Donc, Jack avait pas à s’en faire avec ça, hein.

C’est, donc, avec des pieds de plombs que j’me trainait jusqu’à la tour BSC. A l’intérieur, j’saluai la jolie Carla.

-Salut Carla !

Elle levai un sourcil avant de sourire.

-Salut Howard ! Moi c’est Clara pas Carla. Tu viens voir Timmy ?

Hein ? Timmy ? J’levai un sourcil me tournant complètement vers Clara. Elle s’appelle pas Carla ? Hein ?

-Hein ? Non… J’viens voir Jack… Mais…

Mais… Mais tu n’es pas dans la bonne tour, hein ! C’est évident. J’me tapai du plat de la main sur mon front en m’rendant compte que j’étais pas chez BSC mais chez MTI. Pfffff ! Pourquoi les deux tours sont une à côté de l’autre, hein ? Pourquoi ? Et pourquoi ils engagent des réceptionniste qui ont presque l’même nom ? On s’le demande.

Clara se retins de rire avant de lancer :

-Jack Perry est dans la tour d’en face.

J’fis une moue avant d’hocher de la tête.

-Han… La vie est compliqué. Bon… J’vais en face. A plus, Carla.

Elle corrigea à nouveau son nom avant d’me saluer. J’sortis de la tour MTI pour me rendre en face. J’étais déjà en retard mais, sincèrement, j’en avais un peu rien n’à faire. Jack Perry m’connait après tout. Il s’en formalisera pas.

J’entrai dans la tour et j’saluai Clara… Enfin, Carla. Hannn bordel. Bref, j’rejoignis l’ascenseur pour grimper à l’étage du bureau de Jack. J’entrai sans frapper ce qui sembla faire méga peur à c’pauvre Perry.

-Salut Jack…

Il demanda si j’allais bien. J’hochai de la tête. J’allais bien. De mieux en mieux chaque jour. En partie grâce à Livia.

-Ouais, super bien. Et toi ? Et Jesse ?

Il me demanda de m’installer. Il disait que c’était important. J’me laissais tomber sur la chaise en soupirant. J’avais l’impression que j’étais chez le directeur d’une école après m’être fait convoqué parce que j’avais fait une connerie. Ce qui, quand j’étais à l’école, arrivait pas mal souvent, en fait. Avec Sonny on faisait les quatre-cent coups… D’ailleurs, j’en reviens toujours pas qu’un type comme Sonny a un frère comme Timmy.

Une fois que j’fus assis Jack déclara que BSC voulait financer ma désintox’.

Hein ?

J’levai un sourcil pas sûr d’avoir compris avant de retourner la phrase mille fois dans ma tête. Et quand j’finis par capter complètement l’information, j’finis par ricaner.

-BSC pense que j’suis pauvre ?

BSC pense que j’suis pauvre au point de pas savoir m’payer une désintox’ ? Ils s’dise pas que si j’y vais pas c’est parce que j’ai pas envie ? Apparemment, non. Et s’il y a bien une chose que j’sais de BSC c’est qu’elle se fiche complètement de ma santé, hein. Parce que si BSC crachait de l’argent pour ça c’est que Jimmy Reed l’a voulu. J’suis pas con au point de pas voir tout le p’tit manège qu’il y avait derrière cette demande.

-Et j’peux savoir pourquoi BSC s’intéresse d’un coup à ma santé, hein ? Désolé mais l’type qui dirige cette maison de disques se fiche si demain, j’crève d’un overdose ou de quoi que ce soit d’autre, d’ailleurs. Alors c’est pour quoi ? La com’ ? C’est la com’, hein ? A cause de tout ce que j’dis sur Reed, c’est ça ?

Et Jack marchait avec eux, apparemment. Ça me décevait.  

Howad finit par arriver, me faisant sursauter au passage. Peut-être parce que je n’avais pas l’esprit super tranquille. Parce que je savais que ce rendez-vous était très important. Pas pour BSC, pas pour Fireworks, mais pour la santé d’Howard. Il fallait que j’arrive à le convaincre d’aller à cette désintox ! Et tant mieux pour lui, finalement, s’il n’avait pas à débourser un sous de sa poche pour ça, non ?

Je l’invitai à s’installer et demandai de ses nouvelles. Il dit aller super bien, ce qui me dérida un peu. Par contre, il sentait déjà la vodka à plein nez et il n’était que 10h du matin. Je me demandais comment sa propre mère qui, je le savais, était souvent chez lui pour Phénix et Pénélope, pouvait le laisser se détruire comme ça.

-Jesse va bien. Il a reçu une NES pour Noël. A l’heure qu’il est, il est à l’école en train de faire le malin, je suppose.

Je n’avais pu m’empêcher de sourire, et de me détendre un peu, en disant ça. Ça avait été merveilleux de voir le visage de Jesse quand il avait ouvert son cadeau.

-Et moi, je vais bien aussi. Mais je m’inquiète pour toi.

Alors j’entrai directement dans le vif du sujet, lui annonçant que BSC voulait financer sa désintox. Pourquoi tourner autour du pot ?

Et quand je vis l’expression d’Howard passer de d’un air déconcerté à  quelque chose de méchamment cynique, je soupirai déjà.

Il se demandait si BSC pensait qu’il était pauvre… C’était une question rhétorique, évidemment, mais j’y répondis quand même.

-Non, BSC ne pense pas que tu es pauvre, Howard.

Encore plus cynique, il commença à cracher sur BSC et sur Jimmy Reed. Je pouvais comprendre, parce qu’il avait raison, en réalité. Je pensais bien que Jimmy Reed se foutait un peu que Howard crève dans son vomi… Quoi que, Fireworks rapportait quand même un max.

Je continuais à regarder Howard dans les yeux, toujours avec un air extrêmement sérieux.

-Evidemment que c’est de la com’. Pour Jimmy Reed, en tout cas. Il veut probablement faire en sorte que les gens pensent que la haine que tu portes à BSC est à sens unique et injustifiée.

Je balayai tout ça d’un geste du bras au-dessus de mon bureau.

-Mais oublie tout ça. Oublie BSC et oublie Jimmy Reed. Moi, je m’inquiète pour toi. Tu as vu l’heure ? Tu pues déjà la vodka à 100 mètres, Howard.

Je soupirai.

-Tu as des enfants, des proches qui t’aiment. Demande autour de toi s’ils ne pensent pas qu’essayer de soigner ton alcoolisme est nécessaire.

J’appuyai mon regard dans le sien.

-Et tant mieux si c’est BSC qui crache les thunes pour ça, non ?

Jack disait que Jesse allait bien et qu’il avait reçu une NES pour Noël. J’souris.

-J’en ai acheté une à Pen et Phénix aussi pour Noël. Bon, sont encore trop p’tit pour jouer mais j’rentabilise la chose en attendant.

J’leur avait acheté plein de truc, en fait. Des p’tits jouets, des vêtements et d’autres trucs du genre. Et une NES aussi parce qu’elle m’avait fait de l’œil et que quand ils seront plus grands, ils seront heureux de pouvoir jouer à ça et que j’pourrais leur apprendre parce que j’aurais déjà jouer.

Jack allait bien aussi mais s’inquiétait pour moi. Si c’était à cause de la mort de Peyton, il s’inquiétait quelques mois en retard. Mais j’compris bien vite que c’était pas à cause de ça qu’il s’inquiétait mais parce que j’buvais trop. J’le savais, hein. J’suis pas débile non plus. Lizzie m’le disait souvent…

Alors ce que Jack me proposait c’était une désintox’… Payée par BSC. La phrase dit comme ça amena toute mon hostilité. Parce que ça voulait dire que c’était pas l’idée de Jack mais bien celle du Jimmy Reed. Et, assurément ça voulait dire que ce p’tit connard avait un plan. Quelque chose pour me décrédibiliser ou pour se faire passer pour le gentil de l’histoire. Alors c’est ironiquement que j’demandais si BSC m’croyait pauvre. Jack répondit par la négative ce qui me fit rire jaune.

-J’en suis pas sûr, moi.

Et j’finis par dire le fond de ma pensée sur la chose. Parce que j’aimais pas les choses présentées comme ça. Et Jack confirma que c’était certainement de la com’ venant de Reed. Bah ouais ! Un enfant de deux ans la verrait, cette foutue com’ ! Et Jack voyait tout aussi clair dans l’jeu de Reed mais il me demandait d’oublier cette partie de l’histoire pour me concentrer sur la proposition.

Parce qu’il trouvait que j’puais la vodka. Parce que j’avais des enfants. Parce que tout l’monde pensait que c’était nécessaire.

Et tant mieux si BSC paye…

Je le foudroyai du regard.

-Non. Pas tant mieux. C’est le nœud du problème.

Je ne veux pas recevoir une thunes de BSC pour contribuer à perdre du terrain contre Reed. Jamais je n’accepterais ça.

-Et on voit que tu as aucune idée de ce qu’est une désintox’, hein. T’en sais strictement rien, t’es Monsieur Parfait !

Mon ton était celui de la colère. J’avais pas vraiment haussé le ton mais ma voix montrait bien que j’étais pas forcément content de tout ce p’tit manège.

-J’me suis déjà sevrer de la drogue. J’ai replongé plusieurs fois. Tu crois que ça sera pas pire avec l’alcool ? Tu crois que j’vais pas devenir ce gros cliché du type qui rentre et qui sort de désintox’ toutes les deux minutes ? Sans compter que c’est bien d’mettre en avant mes enfants mais ils feront quoi pendant que j’suis en désintox’, hein ? Quand j’sortirais, ils auront quoi ? 1 an ? Génial !

Il pouvait pas comprendre ça ! Pour lui ça semblait si facile.

-Et même si j’décide d’accepter JAMAIS je n’accepterais que BSC paye, ok ? Si j’décide d’me sevrer ça sera sans eux et s’ils revendiquent que c’est eux qui m’ont poussé, j’te jure bien que Reed va sérieusement le regretter !

Howard me fit sourire malgré ce que j’avais à lui dire en annonçant qu’il avait acheté une NES soit disant pour ses enfants. Howard était lui-même un grand gamin, alors ça ne m’étonnait pas. Et puis… C’est vrai qu’en regardant Jesse joué, j’avais ressenti aussi comme l’envie d’essayer.

-C’est vrai que c’est tentant… J’essayerai sûrement.

Malheureusement, je n’étais pas là pour échanger des platitudes ou même des nouvelles avec Howard. Je devais le convaincre d’aller en désintox’. J’y avais déjà pensé bien avant que Jimmy Reed me dise de l’y envoyer… Mais je me voyais mal le séparer de ses enfants au moment où ils venaient juste de perdre leur mère et Howard sa femme.

Je n’y allai pas par quatre chemins et Howard rit jaune.

Ça s’annonçait mal.

Il ne voulait rien venant de chez BSC… Surtout pas une désintox’. Pour lui, le fait que la maison de disque paye était le nœud du problème.

Je soupirai et passai mes deux mains sur mon visage.

-Alors paye-la toi-même. Mais tu as besoin d’aide, Howard.

Il commença à s’énerver sérieusement, même s’il ne haussait pas vraiment la voix. Il disait que je ne savais pas ce qu’était une cure.

-Je ne suis pas Monsieur Parfait. Je sais qu’une désintox’, c’est dur. Mais à toi de te motiver pour en sortir le plus vite possible.

Il disait qu’il s’était déjà sevré de la drogue, qu’il avait eu des hauts et des bas. Qu’il ne voulait pas devenir un cliché.

-C’est ridicule, ce que tu dis, Howard.

Quant à ses enfants, il demanderait ce qu’ils deviendraient pendant ce temps-là.

-Tu me prends pour un imbécile ? Tu passes combien de temps avec tes enfants sur une journée ? Et combien de temps tu les laisses avec tes proches qui s’en occupent pour toi pendant que tu siffles des litres de vodka ? Ça ne fera pas une grande différence !

Je savais que sa mère, notamment, s’en occupait beaucoup. Puis je m’énervais aussi, mais c’était parce que j’étais inquiet et que Howard était bouché.

Il ajouta que s’il voulait se sevrer, ce serait sans BSC… Et je savais que c’était surtout ce point-là qui le mettait hors de lui, pas le fait qu’il ne verrait pas ses enfants pendant un an.

-Très bien ! Et bien fais-le alors ! Parce que tu es en train de te tuer.

Je le pointai du doigt.

-Mais sache que tout ce qu’attend Jimmy Reed, c’est justement que tu l’envoies promener. Comme ça, il pourra dire au monde entier que BSC t’a tendu la main et que tu as encore une fois craché dessus, ingrat que tu es.

Jack Perry voulait m’envoyer en désintox’… Voilà de quoi tout ça était question. Enfin, c’est BSC qui voulait m’y envoyé mais Perry semblait d’accord avec Reed même s’ils étaient pas d’accord pour la même chose. Sauf que j’clamai refusé que BSC ma paye cette foutue désintox’ et mon refus sembla désespérer Jack qui disait que j’avais qu’à la payer moi-même.

Si ce matin j’étais plutôt de bonne humeur, Jack venait d’changer tout ça. On dirait que pour lui aller en désintox’ c’était comme aller à une visite chez l’médecin. Sauf que c’était pas ça du tout. J’avais déjà fait une désintox’ maison et j’savais que c’était compliqué. J’étais pas sûr de pouvoir me sevrer de la vodka sans replonger directement. Jack disait qu’il savait que c’était dur mais pour réellement l’savoir fallait l’avoir vécu. Or, l’avait pas vécu. Pour lui suffisait d’se motiver, c’est tout.

-C’est plus compliqué que ça, hein ! S’il suffisait de se motiver ça se saurait. C’est pas comme un pensement qu’on retire. C’est des semaines de souffrance !

Et j’savais que mes chances de rechuter était grandes. S’il fallait un p’tit peu chercher pour trouver de la drogue, j’pouvais trouver la vodka à tous les coins de rues… J’savais que j’tiendrais pas et j’voulais pas devenir ce genre de cliché. Jack trouvait ma réflexion ridicule de quoi me renfrogner un peu plus.

J’continuais à penser qu’il pouvait absolument pas comprendre ! Puis, j’avais des enfants, hein ! J’allais pas pouvoir les voir grandir si j’entrais en désintox’. Ils grandissent méga vite. Mais la réflexion que Jack fit à ce sujet me fit sérieusement mal. Il me jugeait sur la manière dont je m’occupais de mes enfants ? P’tain, l’était même pas chez moi ! Comment il pouvait juger sur des ouï-dire, hein ! Je pris un air très amer.

-Tu ne sais rien de ce que je fais. J’suis là pour mes enfants. J’suis bien entouré et on m’aide beaucoup mais ça veut pas dire que j’suis pas là pour eux. J’avais un deuil à faire j’te rappelle. Tu te rends pas compte de ce que j’vis depuis des mois !

Non. Il se rendait pas compte. Lui, il voyait que la vodka. Il voyait que moi qui avait un problème. Il semblait voir rien d’autre. Et il semblait si facile pour lui d’ignorer les p’tites magouilles de BSC. Sauf que j’pouvais pas les ignorer.

J’étais pas prête d’accepter une désintox’ qui venait de Reed. Jack se fichait de comment je faisais ma désintox’ tant que j’le faisais. Et il lança ensuite que si j’refusais, Jimmy Reed en profitera pour montrer que j’suis un gros ingrat.

-Et si j’accepte il montrera à quel point c’est un grand homme plein de cœur qui a aidé celui qui lui tape dessus depuis des mois. Quoi que j’choisisse, l’est gagnant.

Dans les deux cas, j’perdais.

-T’façon, Jack, j’vais pas choisir avant de partir en Afrique. Le voyage est pour bientôt et j’compte pas l’annuler. Ça m’laissera le temps de réfléchir à ça ! Mais une chose est sûre, j’ferais en sorte que BSC ne soit absolument pas affilié à cette foutue désintox’, si j’la fais. Et si Jimmy Reed dit quoi que ce soit la presse à se sujet pour s’y affilié d’une façon ou d’une autre, j’te jure qu’il le regrettera. S’il veut une foutue trêve qu’il arrête avec ce genre de sale coup à la con.

P’t-être que j’devrais aller le voir ce foutu Reed. L’est que quelques étages au-dessus après tout.

Ce n’était pas facile de mettre Howard Stone hors de lui. Mais j’avais réussi. Ce n’était pas ce que je cherchais à faire, loin de là. Je voulais qu’il ouvre les yeux sur sa situation. Je voulais qu’il se rende compte que ce qu’il faisait, c’était du suicide à petit feu.

Il geignait qu’une désintox’, c’était dur. Qu’il ne suffisait pas de se motiver et que ça représentait des semaines de souffrance.

Je ne quittais pas son regard des yeux. S’il pensait s’en tirer comme ça, il rêvait.

-Si tu ne le fais pas pour toi, fais-le pour ton entourage. Pour ceux qui t’aiment. Sérieusement, demande autour de toi s’ils n’ont pas l’impression que ton alcoolisme est un réel problème.

Il se défendait en disant qu’il avait des enfants qu’il ne verrait pas grandir. Ce n’était pas une bonne excuse, pour moi. Je savais qu’Howard déléguait beaucoup, notamment à sa mère. Il mit en avant son deuil, celui de Peyton, qu’il avait eu à faire.

Je lui dis alors posément :

-Tu avais déjà un problème avant la mort de Peyton, Howard. Sa mort n’est pas une excuse ! Là où j’ai fait une grosse erreur, c’est de ne pas t’envoyer en désintox’ avant ça.

Je le pointai du doigt.

-Quant à tes enfants, si tu meurs ou que leur garde t’es enlevée parce que tu bois trop, ils seront bien avancés ! Et je parie que t’es venu en voiture jusqu’ici. Chaque fois que tu sors, tu mets ta vie en danger !

Mais tout ça n’était pas ce qui énervait vraiment Howard. Ce qui l’emmerdait, c’était le l’initiative vienne de Jimmy Reed contre qui il avait une dent. Je pouvais comprendre ça, je savais qui était le magnat de BSC. Et le piège qu’il venait de tendre à Howard était redoutable.

Et nécessaire.

Quoi qu’il fasse, Jimmy Reed était gagnant.

-Fallait agir avant.

S’il avait été en désintox de lui-même plus tôt, il n’aurait pas ce problème.

Howard ne voulait pas prendre une décision maintenant. Il avait son voyage en Afrique au programme. Je soupirai.

-Très bien, réfléchis pendant ton voyage.

Et surtout, SURTOUT, il voulait que BSC n’ait rien à voir avec sa décision.

-Je me fous de qui vient l’idée, tant que tu te fais soigner.

Jack parlait de cette foutue désintox’ comme si c’était une cure de jouvence dans un foutu hôtel de luxe… Il semblait pas vraiment se rendre compte des difficultés que ça entrainait et des souffrance liée à ça. Du coup, ma réticence passait pour lui pour de la mauvaise volonté.

Me disait de le faire pour mon entourage. Pour lui, j’devais demander autour de moi si mon alcoolisme était pas un problème. J’fronçai des sourcils.

-Oh, j’suis vraiment désolé d’ennuyer vot’ p’tite vie avec ma vodka…

J’dis ça en roulant des yeux. Ça c’était une réflexion de mauvaise volonté mais Jack m’avait énervé, du coup, l’avait pas l’Howard le plus coopératif en face de lui.

Ça emmerdait mon entourage ? On voit que c’est pas eu qui devront aller en désintox’, hein ! C’est facile d’essayer d’me convaincre quand on s’appelle Jack Perry, qu’on a une p’tite famille parfaite et qu’on est bien au chaud dans son p’tit bureau de chez BSC.

Chaque difficulté que j’mettais en avant, Jack les balayais comme si c’était des mauvaises excuses. Ainsi, pas voir grandir mes enfants ou m’éloigner d’eux était aussi une mauvaise excuse pour lui. Parce que Jack pensait que, dès que j’me levai l’matin, la première chose que j’faisais c’était boire de la vodka et téléphoner à gauche et à droite pour caser mes gamins. Ce qui était pas l’cas ! Parfois, ma mère venait ou même Faith mais il arrivait souvent que même si elles venaient, j’étais là aussi ! C’est pas parce que j’demande de l’aide que j’suis absent, hein ! Quant à mon deuil, pour lui, c’était une autre mauvaise excuse parce que j’avais déjà des problèmes de vodka avant.

-Oh tu t’en veux d’pas me l’avoir dit avant ? L’a fallu que BSC t’le dise, c’est ça ? Super…

J’savais pas quoi penser de cette information, sincèrement.

-Et t’as aucune idée de mes problèmes.

Il reparla de mes enfants. De la garde qui pouvait m’être retirée. Ça m’fit penser aux parents de Peyton qui cherchait à obtenir la garde de mes enfants. Et il me jugea encore en parlant de la façon dont j’étais venu.

-Et tu savais que j’allais venir en voiture. Si tu t’inquiétais vraiment, Jack, tu te serais pointé chez moi. Vu que j’suis irresponsable et que tu l’sais ! Quant à mes enfants, j’veux bien voir celui qui essayera d’me les prendre.

Y’avait un autre problème dans cette proposition, C’était qu’elle venait de BSC et que ça permettra à Reed de s’faire une bonne image. Rien que ça, ça m’donnait envie de vomir. Parce que quoi que j’choisisse, l’allait être gagnant. Et Jack enfonça l’clou en disant que j’devais agir avant.

J’le foudroyai du regard avant de dire que j’allais pas prendre ma décision tout de suite. Que j’devais aller en Afrique avant. Il accepta ça (t’façon, l’avait pas l’choix) et disait qu’il s’en fichait d’où l’idée venait tant que j’me faisais soigner.

J’me levai de mon siège.

-En attendant, t’as qu’à chercher une solution pour David. Parce que j’imagine que t’y a pas penser. Et pour mes enfants, aussi, tant que t’y es parce que j’ai pas envie qu’ils vivent avec mes parents. A moins que tu veux les héberger tous?

J’tournai les talons mais avant d’partir, j’me tournai vers Jack.

-J’croyais sérieusement que t’avais changé. Mais, en fait, t’es pas beaucoup mieux que Timmy… J’espère que Jesse aura jamais de problème parce qu’il risque de s’faire sérieusement jugé si ça lui arrive.

J’lui fis signe avant d’me casser.

Je soupirai et enfouis ma tête dans mes mains quand Howard régit comme un gamin de dix ans… non, allez, treize… en pleine crise d’adolescence. Il se disait désolé d’ennuyer les gens avec sa vodka.

-Tu sais très bien ce que je veux dire.

Ce que je voulais dire, c’était qu’il n’y avait certainement pas que moi qu’il inquiétait. Que les gens se faisaient du souci pour lui. J’avais peur, sincèrement, qu’il foute sa vie et sa santé en l’air…

Il roulait des yeux, il ne voulait rien entendre.

Certes, je n’étais pas un fin psychologue. J’étais pas non plus un travailleur social. Je ne savais pas comment m’y prendre, ni comment m’exprimer. Et mon inquiétude sincère me poussait à l’engueuler, comme si le pousser allait aider. Lui faire avoir une prise de conscience.

Je me rendais compte un peu tard que ce n’était pas le cas, loin de là.

Je m’en voulait de ne pas lui avoir proposé d’aller en désintox’ plus tôt… D’avoir attendu que BSC me mette devant le fait accompli.

J’aurais du laisser Jimmy Reed se charger de convaincre Howard. Au moins, je n’aurais pas attiré la colère de mon artiste sur moi.

-C’est pas à moi que tu en veux, je te rappelle, c’est à Jimmy Reed.

Je le regardai dans les yeux.

-Moi, je ne veux que ton bien.

Il disait que je n’avais aucune idée de quels étaient ses problèmes.

-Peut-être pas, mais je vois bien que tu en as et que l’alcool n’aide pas.

Je pointai du doigt qu’il se mettait en danger chaque fois qu’il prenait sa voiture, et ce n’était qu’un exemple. Et il retourna cela contre moi. Je frottai mon visage à deux mains.

-Roh Howard ! Cesse de faire le bouché !

Il avait raison, cela dit… J’aurais du aller jusque chez lui. J’aurais du réfléchir plus plutôt que de chercher à bazarder cette mission que m’avait confié Jimmy Reed.  Un Jimmy Reed qui, quoi qu’il arrive, était en train de gagner sur tous les plans.

Howard se leva et je su que… si j’avais peut-être réussi à ce qu’il aille en désintox (et encore, ce n’était même pas sûr), j’avais brisé quelque chose entre Howard et moi.

Tout ça à cause de la foutue vodka !

-Je trouverai une solution, si tu veux.

C’était la moindre des choses. Et il termina sur des mots qui me firent bien plus mal que je n’aurais pu l’imaginer. Que je n’avais pas changé… Je n’avais pas changé, c’était vrai. Ça devait être juste une impression qu’il avait. Que je n’étais pas mieux que Timmy. Et ça, je ne voulais pas que ce soit vrai…

Puis il parla de Jesse… Et là, je le regardai vraiment d’un air triste.

-Howard…

Mais il ne resta pas pour m’écouter, s’en allant en claquant la porte.