Les funérailles de Peyton Stone étaient derrière nous. Mais je savais qu’il faudrait du temps à Howard et David et j’étais prêt à leur accorder ce temps. Même si le dernier album de Fireworks datait d’il y avait de ça deux ans, la priorité était maintenant mise sur la production d’un album de The Burning Fire, pour eux. C’était ce qui arrivait quand on jonglait avec deux groupes.

Mais je ne doutais pas que mes deux artistes allaient revenir avec de nouvelles chansons, probablement teintées de tristesse… en attendant, c’était quand même leur single Revolution ! qui passait au Dizzy Warhol. Ce n’était pas du punk, mais ils s’y retrouvaient quand même.

Oui, j’étais au bar du Dizzy Warhol, à boire un verre. Je voulais écouter de la musique mais surtout, je voulais de nouveau talents dans mon équipe. Parce que Livia m’avait quitté pour Daniele Ricci et comme Fireworks était partagé entre ça et The Burning Fire, j’avais de la place.

Parce que je ne pouvais pas décemment demander à Jesse de produire et faire des concerts au rythme que j’aurais exigé d’un adulte.

Pour l’instant, pas de musique live dans ce bar, puisque c’était Revolution ! qui passait. Le cri de défiance de Howard à l’intention de notre patron à tous, Jimmy Reed.

Je regardai un peu autour de moi. J’étais en tenue décontractée, mais je détonnais quand même parmi la foule colorée du Dizzy Warhol.

Je remarquai soudain un visage connu dans la foule. Duncan Keller, le chanteur et guitariste de BleedingHeart. J’avais vu sa tête récemment dans Guitar&Pen qui avait classé les meilleurs musiciens de l’année.

Et il était arrivé dans les derniers.

Pourtant, je me rappelais de leur album… Leur tout premier et seul album. Et il était très bon.

Je pris mon verre de bière et m’approchai de l’homme. Pour attirer son attention, je posai ma main sur son épaule.

Quand il se tourna vers moi, je lui souris.

-Duncan Keller ?

Je lui tendis la main.

-Jack Perry… Je suis étonné de ne pas vous voir jouer live ce soir… C’est prévu ?

Aucune trace, autour, de leur manager, Timmy Evans… Je ne savais pas ce que faisait l’Anglais avec ce groupe. Ils étaient prometteurs et j’avais l’impression qu’il gâchait leur talent.

Fireworks…

J’aimas bien Fireworks… Mais fort était de constater que j’étais venu ici pour de la musique punk et pas vraiment ça. Ou alors c’était mon humeur morose qui faisait que j’étais moins tolérant à cette entorse au thème du Dizzy Warhol.

J’étais venu seul. Les autres membres de BleedingHeart étaient pris ailleurs et Leia travaillait. En entendant ce que j’entendais, je me dis que j’aurais peut-être dû aller au Crazy Ginger finalement… Bien que je n’aimais pas trainer dans les pieds de ma petite amie quand elle travaillait.

Je fixai la scène vide… Je me rappelle des concerts qu’on faisait ici au tout début quand on essayait de percer… J’avais l’impression d’être toujours en train de percer mais sans avoir l’enthousiasme et les possibilités de l’époque… Un désenchantement qui se ressentait pleinement dans notre groupe alors qu’on avait du mal à boucler un second album. La raison : on voulait absolument faire mieux que le précédent… Et ça nous foutait la trouille…

Résultat rien ne sortait… On aurait plus de confiance si on faisait plus de petit concert mais j’avais l’impression que Timmy Evans nous avait abandonné. Ok… Lola était décédée et ça devait entrainer pas mal de boulot à ce niveau. Je savais aussi qu’il essayait de pousser The Burning Fire a un nouvel album… Mais quand même ! J’aurais voulu qu’il nous donne un peu plus d’attention. On avait pas réussi à prendre assez confiance quand on avait fait la première partie de The Burning Fire, il y a déjà deux ans d’ici. Et il n’avait rien fait pour nous en donner depuis.

Et le classement des musiciens n’avait rien arrangé ! J’étais dans le fond du classement écrasé par le petit doigt de Moriarty… N’empêche qu’il avait raison. On avait rien sorti depuis un moment.

Bref… Ce n’était pas la grande forme et, avec les autres, on se disait qu’il était peut-être temps d’aller chercher un autre manager…

Et, en parlant de manager…

Jack Perry, manager de Fireworks, s’approcha de moi pour me salue. J’esquissai un maigre sourire avant de lui serrer la main.

-C’est bien moi.

Il se présenta mais je l’avais reconnu. Il était déjà apparu dans les médias, après tout. Il se disait étonné de ne pas nous voir nous produire ce soir. On se serra la main.

-Non. Ça fait un moment qu’on ne s’est plus produit ici… On se produit essentiellement au studio de MTI pour l’instant… Disons que Timmy Evans est très occupé et qu’il n’aime pas qu’on fasse des choses dans son dos. Depuis qu’on a signé, réserver des créneaux, ça demande pas mal de paperasse et je ne saurais pas m’y retrouver…

Je bus une gorgée de ma bière.

-Vous par contre, vous avez touché le jackpot avec Fireworks. Félicitation… Au point même où on les entends même dans un bar punk… Bien que je dois avouer que, dans ce single, Howard Stone a réussi à aborder des thèmes qui me tiennent à cœur aussi.

Je souris légèrement.

Je serrai la main de Keller avec un sourire. Lui n’avait pas spécialement l’air dans son assiette… Ou du moins… disons qu’on me l’avait décrit comme quelqu’un de particulièrement enjoué et optimiste, pour un punk. Mais ce n’était pas ce que je voyais à la lueur des néons du Dizzy.

Et je crus comprendre pourquoi dans ce qu’il me dit ensuite. Ils ne s’étaient pas produits ici depuis un moment. Ni, d’après ce que j’en savais, n’importe où ailleurs.

Le fait était que Timmy Evans, leur manager, était très occupé, apparemment, mais il ne voulait pas non plus laisser son groupe se débrouiller seul. De toute façon, Duncan avoua qu’il n’aurait pas su se réserver une scène lui-même, pour son groupe.

-C’est bien dommage. J’ai adoré votre premier album. Depuis, vous avez du en écrire un autre, non ?

Depuis le temps…

Duncan me félicita pour Fireworks.

-J’ai surtout eu de la chance. C’est eux qui sont venus vers moi. Et sincèrement, vu l’état psychologique et physique d’Howard et David, même avant la mort de Lola, je n’y croyais pas très fort.

Je haussai les épaules et pris une gorgée de ma bière.

-Mais en fait, ils sont hyper productifs… Les saloperies qui leur arrive dans la vie, ils les traduisent automatiquement en chanson. Comme un réflexe. C’est assez impressionnant.

Je désignai une enceinte.

-Ce que tu entends là, ce n’est qu’un exemple du résultat.

Le résultat de la haine que portait Howard à Jimmy Reed. Mais Jimmy ne l’empêcherait jamais de sortir même la pire chanson envers lui, parce qu’à tous les coups, ça lui rapportait.

Je fis la moue, réfléchissant.

-Mon boulot à moi, là-dedans, consiste surtout à être derrière eux pour les soutenir. Pour l’instant, je dois leur laisser faire leur deuil… Mais je compte bien les faire monter sur scène bientôt… avant qu’ils ne doivent repartir en tournée avec the Burning Fire.

Je regardai Duncan dans les yeux.

-Un manager comme Timmy Evans, avec sa renommée et tout, devrait vous trouver des créneaux assez facilement… ça m’étonne de t’entendre dire qu’il est trop occupé.

Je pinçai les lèvres…

-Les funérailles de Lola sont passées et… je sais pour être le gérant de ça, que le catalogue de Lola a été hérité par David McAvoy… Alors je ne vois pas trop ce qui peut l’empêcher de s’occuper de vous.

J’avais déclara à Jack Perry que BleedingHeart n’allait pas se produire ce soir. Il trouvait ça dommage car il avait adoré notre premier album. Je souris, un peu rassuré d’entendre ça de la part d’un manager.

-Merci… Et, oui, on en a écrit et enregistré plein d’autres… On est en train de faire un album mais on aimerait réellement qu’il soit encore mieux que le précédent.

On avait peur… Je ne pouvais pas vraiment le nier. J’avais l’impression que, lors de la tournée où on avait fait la première partie de The Burning Fire, on avait pas totalement assuré.

Je félicitai Jack pour son travail avec Fireworks. Le groupe était très aimé et sortait régulièrement quelque chose. Comme on pouvait encore le constater sur le dernier single. Mais Jack était modeste et disait que c’était David et Howard qui étaient venus vers lui… Il avoua n’y avoir pas trop cru étant donné l’état des deux artistes. David avait des problèmes psychologique et Howard était malade et n’était pas le plus fiable des artistes. Mais Jack avait pu remarquer que, tout ça, ils arrivaient à le canaliser pour les ressortir en chanson. La preuve avec ce qu’on entendait à l’instant.

-C’est comme ça qu’on reconnait les vrais artistes. Ils sont souvent torturés mais c’est ça qui leurs permettent de sortir le meilleur d’eux.

David et Howard faisait partie de ce genre-là. Moi, mon moteur, c’était l’indignation.

-Même si je ne savais pas qu’Howard avait une âme de révolutionnaire en lui.

Même si j’avais bien constater que c’était loin d’être le grand amour entre lui et le patron de BSC, Jimmy Reed. Bien qu’Howard travaillait quand même toujours pour BSC… Ce qui était assez ironique.

Jack m’expliqua que son boulot consistait à les soutenir. Je souris aimant assez bien l’image. C’est ce qu’on avait pas avec Evans : du soutien. J’avais l’impression qu’il attendait qu’on sorte quelque chose pour encaisser, ensuite, les commissions.

-J’ai hâte de les voir en concert avec Fireworks. Ils font vraiment du bon boulot. Pour The Burning Fire, je serais toi, je ne les attendrais pas… Je les vois rarement, hormis Zack, se pointer au studio.

Puis, Jack parla de Timmy. Il semblait étonné que le manager anglais soit si occupé… J’haussai des épaules.

-Après la tournée avortée de Lola, je sais qu’il a prit des vacances… Ça m’a un peu énervé, je dois dire… The Burning Fire n’avança pas… Lola n’est plus là… Je sais qu’il a de la paperasse à régler depuis la mort de Lola, sans compter la presse. Mais bon… Ça fait un moment qu’il ne fait plus spécialement attention à nous. Lola a eut toute son attention… Mais, nous, on aimerait vraiment avancer.

Je soupirai.

-Au point même où on pense à aller voir ailleurs si tu vois ce que je veux dire.

Je haussai haut les sourcils quand Duncan me dit que lui et son groupe avaient en fait un tas de chansons en stock et qu’ils étaient en train de faire un album. Le fait qu’ils n’en aient donc pas encore sorti un deuxième ne dépendait pas d’eux… Ou si, un peu quand même. Parce que le petit punk cherchait, avec son groupe, une forme de perfection.

-Je vois ce que tu veux dire mais… le principe du punk, ce n’est pas que ce soit un peu… comment dire ? Sale… ? Façon de parler, bien sûr.

Je ne connaissais pas grand-chose à la culture punk, si ce n’était qu’ils prônaient une forme d’anarchie… Ou tout du moins, un certain dédain des règles établies. J’avais écouté le premier album de BleedingHeart et je l’avais adoré.

Parce que leurs chansons étaient plus réfléchies qu’un simple « No Future ! »… Peut-être que c’était ça qu’ils recherchaient quand Duncan disait qu’ils voulaient faire mieux que leur premier album…

Il me félicita pour mon travail avec Fireworks. Je lui expliquai que ce n’était pas facile tous les jours pour Howard et David, mais qu’ils arrivaient toujours à convertir leur vécu en chanson. Et, c’était triste à dire, mais peut-être que la mort de Peyton allait les inspirer encore plus. Après tout, David nous avait joué, à l’enterrement, une chanson sortie de nulle part !

Duncan disait que c’était comme ça qu’on reconnaissait les vrais artistes.

Je hochai la tête pour toute réponse, reprenant un coup de ma pinte de bière. Et Duncan ajouta qu’il ne savait pas qu’Howard avait quelque chose de révolutionnaire en lui.

-Et bien… Si… Et je peux le comprendre… Encore une fois, il s’est inspiré de son vécu.

Et lui comme moi savions qui était réellement Jimmy Reed… Seulement, le dénoncer en chanson était tout ce qu’on pouvait faire. On ne tiendrait pas deux secondes dans une cour de justice contre lui. En plus, Reed s’était offert un tout nouvel avocat en la personne de Victor Hunter… Et aucun doute que le jeune homme avait plus d’un tour dans son sac.

Et puis… il fallait rester réaliste… Même si ce qu’il avait fait vivre à Jesse et Alvaro me dégoûtait, je n’avais pas envie de perdre mon job.

Jimmy Reed tenait tout le monde par les foutues couilles.

Duncan se disait impatient de voir Fireworks sur scène, mais aussi de ne pas attendre The Burning Fire… je lui pris doucement le bras et l’attirai vers le bar. Parce que je venais de me rendre compte que j’étais le seul de nous deux avec un verre en main.

Tout en se faufilant, je lui répondis :

-A t’entendre, on dirait que Timmy Evans ne gère plus rien du tout. Parce que tout ça ne date pas de la mort de Peyton… Et Savannah Prescott ainsi qu’Howard ne sont pas en super santé, c’est le moins qu’on puisse dire. Mais c’est aussi un peu son rôle de les soutenir.

J’avais l’impression que le manager anglais était devenu comme invisible… Quelque chose devait l’empêcher de faire correctement son travail, ce n’était pas possible autrement.

Mais bon, en attendant, tout ça semblait mettre Keller hors de lui. Au point que… Il voulait aller voir ailleurs ???

Arrivé au bar, je fis signe au barman de nous remettre une bière à chacun.

-C’est pour moi et avec plaisir… Mais dis-moi… Vous, BleedingHeart, pensez à BSC ? La philosophie de la maison de disque vous conviendrait ? Même avec quelqu’un comme Jimmy Reed à sa tête ?

J’esquissai un sourire quand Jack se demanda si le but du punk n’était pas d’être un peu sale. Si… Mais le fait que le résultat soit chaotique ne veut pas dire qu’il n’y a pas un travail minutieux et élaboré derrière pour donner cet effet.

-Si, ça doit donné un effet anarchique. Il doit il y avoir un décalage entre la musique et les paroles. Du coup, ça demande beaucoup de boulot pour que ça sonne punk. Puis, le punk est chaotique mais est aussi porteur d’un message. BleedingHeart veut surtout faire passer des messages.

Alors ça prenait du temps surtout qu’on avait la pression de devoir faire mieux que le précédent album ce qui, sincèrement, m’angoissait. J’avais peur de ne pas être à la hauteur. On avait tous les trois peur.

Je félicitai Jack pour Fireworks. C’était un pari risqué parce que Stone et McAvoy n’était pas les êtres vivants les plus stables de l’univers mais c’était des artistes entiers dont leur vie pas toujours facile leur permet de donner au monde des musiques extraordinaires. Par contre, en entendant le single de Fireworks, j’avais remarqué que Stone avait aussi un côté revendicateur que je ne lui connaissais pas. Mais, visiblement, il s’était inspiré de son vécu.

-J’ai lu sa bataille contre Reed… Je ne sais pas ce qu’il s’est vraiment passé entre eux. Mais Howard semble vraiment sur les nerfs.

Et je ne pouvais pas réellement jugé n’ayant pas tous les détails. Personne ne les avais. Sauf Jack peut-être vu qu’il disait le comprendre. C’était bien de voir que Jack semblait soutenir Howard et non son patron.

J’avais parlé de The Burning Fire et Jack entraina au bar. Il nous commanda des bières avant qu’il ne creuse le sujet « Timmy Evans ». Je soupirai… Je ne savais pas trop quoi penser de Timmy… Il avait quelques circonstances atténuantes mais BleedingHeart ne pouvait pas tout le temps pâtir de ces contre-temps.

-Disons que les maladies d’Howard et Savannah sont des malheurs que Timmy et personne d’autre n’aurait pu éviter. La mort de Peyton, idem… C’est comme si Timmy était maudit. Je sais qu’il soutient Howard et Savannah. La petite amie de Timmy est médecin. S’ils sont ensemble c’est parce qu’ils sont venu à se fréquenter parce que Timmy l’a engagé pour s’occuper d’Howard et puis, par la suite, de Savannah. On ne peut pas dire qu’il ne les soutient pas… The Burning Fire rapporte plus que nous. Alors, Timmy essaye de les maintenir à flot. Ça lui prends du temps… Du temps qui est pris sur nous… On rapporte moins… Je ne sais pas si Timmy a encore confiance en nous. Tout ce qu’on peut lui reprocher c’est d’être distant et peu communicatif.

Mais on ne se retrouvait pas là-dedans, c’était évident. Et je ne cachai pas à Jack qu’on avait pensé voir ailleurs. J’en avais même parlé à Leia qui était mon plus grand soutien dans ce passage à vide.

Mes lèvres se pincèrent alors devant les questions de Jack…

-On avait d’abord penser à rester chez MTI… Samantha Ricci était un nom qu’on avait retenu… Mais The Warriors est en plein boum et j’ai peur de me retrouver dans la même situation. Sans compter que Samantha s’occupe aussi, en partie, de The Lightening et qu’elle a aussi Shiri qui perce petit à petit. J’ai peur qu’elle n’ait pas le temps pour nous. Quant à Knowles… J’ai l’impression qu’il veut se consacré uniquement à The Lightening.

Je soupirai. Il y avait des gros calibres chez MTI. C’était pareil chez BSC c’est pour ça qu’il nous faudra trouver un manager qui est prêt à laisser un peu son groupe phare se gérer seul pour essayer de nous aider à percer complètement.

-BSC ou MTI, j’avoue voir peut de différence. Jimmy Reed et Don Hughes sont différents mais ils sont, tout les deux, pour moi, des milliardaires déconnecté de la réalité alors, pour être honnête, ça ne change rien. En gros, peu importe chez qui on sera. Ce qu’on veut c’est quelqu’un qui pourra nous épauler et ne pas nous abandonner dès qu’un de ses gros calibre à une petite fièvre…

C’est ça qu’on voulait.

Apparemment, ce n’était pas parce qu’on faisait de la musique punk qu’on pouvait se contenter de faire du grand n’importe quoi. Tout du moins, ce n’était pas la philosophie de BleedingHeart. Leur « chaos » était contrôlé. Mais ce à quoi Duncan tenait par-dessus tout, c’était faire passer des messages.

-Je l’avais bien compris en écoutant votre premier album… C’est même ce qui est vraiment bien dans votre musique. C’est chaotique, mais tout en ayant du sens.

A croire que le punk était basé sur une contradiction assez complexe.

En parlant de message, Duncan ne manqua pas de souligner qu’Howard était un petit révolutionnaire à son niveau. Son tapage médiatique que beaucoup appelaient sa « guerre » contre Reed, avait fait grand bruit, malgré les efforts du patron de BSC pour étouffer la chose dans l’œuf.

-Oui, Howard est vraiment mécontent d’être, pour Reed, juste un produit…

Et ce n’était que la partie émergée de l’iceberg. Mais le reste, je ne pouvais en parler ouvertement à Duncan.

-Quelque chose me dit que cette petit guerre n’est pas finie, que ce soit via les médias ou en chanson.

Je souris.

-La suite au prochain épisode.

J’entraînai ensuite le jeune punk vers le bar pour lui offrir un verre… Et parler un peu plus avant de sa carrière, de ses espoirs et de ses attentes. Mais aussi et surtout de Timmy Evans qui semblait manquer à son devoir avec BleedingHeart. J’écoutai attentivement le musicien qui… défendait en quelque sorte son manager plus qu’il ne le fustigeait.

En gros, Timmy n’avait pas de chance… Et cette malchance, combinée au fait que BleedingHeart était un groupe qui n’était pas spécialement grand public malgré leur talent, faisait que les punks étaient les parents pauvres de la team Evans.

Duncan restait donc très gentil, reprochant seulement à l’anglais d’être distant et peu communicatif.

-Tu restes bien gentil avec lui. A votre place, je l’aurais mauvaise. Vitre album se vend quand même, vous lui rapportez un minimum ainsi qu’à MTI… C’est son job d’être présent pour tout le monde…

Je fis la moue.

-Ou d’accepter de prendre moins de groupes à sa charge.

Mais même s’il restait modéré dans ses propos, Duncan ne me cacha pas que BleedingHeart pensait clairement à aller voir si l’herbe n’était pas plus verte ailleurs. Ils avaient pensé à Samantha Ricci et Lenny Knowles, pour rester chez MTI mais les deux managers avaient déjà fort à faire.

Je hochai la tête et pris une gorgée de bière, pensif, avant de lui demander ce qu’il pensait de BSC. Mais pour lui, c’était kif kif bourricot.

Alors je me lançai.

-Si ça vous intéresse, j’ai du temps et des idées… Question management, je veux dire. Bien sûr, j’ai Fireworks et mon petit Jesse… Mais… je pense que je saurai gérer. Je suis du genre à m’impliquer dans les productions de mes groupes. J’aime quand c’est familial…

Je lui souris.

-Qu’est-ce que tu en penses ? Tu n’es pas obligé de me répondre direct, parles-en à ton groupe… mais… C’est une possibilité.

Je souris quand Jack disait que le chaos contrôlé était ce qui l’avait séduit dans notre premier album. Mais nous devions faire encore mieux pour réellement nous donner les chances de percer entièrement.

On parla de Fireworks et du fait qu’Howard avait montré une nouvelle facette de lui dans leur nouveau single. Une des chansons avait été écrite par sa femme mais l’autre était bel et bien de lui, ce qui prouvait qu’il avait, en lui, un âme de révolutionnaire. Mais elle n’étonnait en rien Jack qui le connaissait bien mieux que moi. Je savais, par contre, que le batteur avait une dent contre Jimmy Reed. Apparemment, il avait du mal à encaisser de n’être qu’un produit pour Reed. J’esquissai un pauvre sourire.

-Hélas, je pense que c’est ce que pense la plupart des patron de maison de disques…

J’étais révolutionnaire mais je n’étais pas utopiste. Je savais qu’on ne pouvait pas changer certaines perceptions et que quand on voulait vivre de sa musique, il fallait parfois jouer à un jeu dont on aimait pas nécessairement les règles.

Jack disait que la guerre entre le batteur et le magnat de BSC n’était pas terminée. Je rigolai.

-J’ai hâte de voir la suite alors. Je dois avouer espérer qu’Howard ébranle un rien la fierté de Reed.

J’étais toujours partisan de ceux qui défendent de vraies valeurs et, là, je trouvais qu’Howard en défendait des vrais même si son combat pouvait semblé perdu d’avance.

C’est ensuite que j’avais parlé de mon mécontentement vis-à-vis de Timmy Evans, notre manager. Et si je lui trouvai des circonstances atténuantes, je n’en étais pas moins convaincu qu’on avancera jamais à ce rythme-là. C’est le classement des musiciens qui m’avait convaincu de ça.

Jack demanda si on avait pensé à BSC. On avait d’abord regardé les possibilités qu’on avait chez MTI mais les meilleurs managers étaient bien occupés et je ne voulais pas retomber dans le même schéma.

Alors, Jack se lança… Il se proposa. Expliqua qu’il avait des idées. Il avait bien un groupe et un jeune artiste mais se croyait capable de gérer. Je le regardais… Il m’avait fait une bonne pub de lui-même en parlant du soutien qu’il donnait à Fireworks. Bref, Jack Perry savait se vendre. Ça faisait sans doute partie du métier mais je ne devais en aucun cas mette de côté sa proposition.

-Je pense que c’est tentant. Tu as l’air réellement impliqué… Même pour le jeune Jesse tu as réussi à lui avoir des premières parties de grands artistes alors…

Mes lèvres se pincèrent.

-Alors je vais en parler aux autres. Il nous faut du changement de toute façon. Et je ne peux pas nier que tu me sembles être quelqu’un de réellement intègre.

Je lui souris.

-Je te donnerais notre réponse très vite.

Je lui tendis alors la main pour qu’il la serre.

Je hochai la tête quand Duncan affirma  que ce que pensait Reed était commun à tous les patrons de maisons de disques. Cela voulait certainement dire qu’il serait prêt à jouer le jeu même avec un boss comme Reed… Ce qui faisait qu’une petite idée faisait son chemin dans ma tête.

-Oui… C’est malheureux dans un sens… Mais sans ces capitalistes fortunés, les groupes n’auraient pas les moyens de se produire.

Accoudés au bar, on parla de la situation actuelle de BleedingHeart. Et de Timmy qui ne les aidait pas à avancer parce qu’ils étaient un groupe bien moins en vue que The Burning Fire, entre autres.

Du coup, la petite idée que j’avais en tête devenait de plus en plus concrète. J’étais venu au Dizzy, ce soir, pour rencontrer de nouveaux groupes. Mais pourquoi ne pas prendre sous mon aile un groupe déjà en partie confirmé, qui n’avait plus besoin que d’un petit coup de pouce et de soutien pour vraiment franchir le cap entre amateurs doués et véritables stars ?

Du coup, je me lançai, pensant déjà à mon air de victoire quand je raconterais ça à ma fiancée, Brooke. Bien sûr, il ne faudrait pas que j’oublie d’être là pour Fireworks et mon petit Jesse, mais je pensais bien que je pouvais gérer.

Jesse allait rentrer de nouveau à l’école et Fireworks en aurait probablement pour un moment avant de pouvoir se produire sur scène à cause de leur deuil… même si je ne doutais pas qu’ils allaient passer ce temps en studio… Parce que je savais par David, qui avait désormais les droits sur le catalogue de Peyton, qu’avec Howard et Savannah, ils comptaient enregistrer un album hommage à Peyton.

Un projet qu’ils avaient l’intention de financer eux-mêmes, sans qu’ils soient sous le joug d’aucune maison de disque et dont les revenus seraient reversés à une association.

Le temps qu’ils feraient ça, je pourrais lancer BleedingHeart.

Mais quelle serait la réponse des punks ?

Duncan me mit sur la voie en ne rejetant pas du tout l’idée de troquer Timmy Evans pour moi. Il disait que j’étais quelqu’un d’intègre.

-J’essaye de l’être en tout cas.

Il me tendit la main et je la serrai en lui souriant.

-Quand vous aurez pris votre décision, venez me voir. Vous savez où me trouver. Je ferai tout pour vous faire percer une bonne fois pour toute.

C’était une promesse que je comptais bien tenir.