On est vendredi, il est 13 h 30 et je suis dans le taxi en direction d'Hollywood. Je suis assis à l'arrière et je regarde Hollywood. Soudain, le conducteur me regarde dans son rétroviseur et me pose une question.

Sans vouloir être indiscret, pourquoi vous allez à Hollywood.

Je le regarde et souris.

J'ai un entretien avec MTI, une personne souhaiterait me voir.

Le conducteur me regarde et sourit.

Oh, je vois. Et bien, vous avez de la chance ! Je vous souhaite un bon courage et j'espère que ça ira.

Le taxi s'arrête devant les studios de MTI et je descends un sourire aux oreilles, je prends mon sac a dos avec mon costume, ma guitare et ma basse puis je salue le conducteur.

Je vous remercie, je vous souhaite une agréable journée !

Le conducteur me salue puis s'en va. Je me présente devant la porte et entre. Je me présente devant les réceptionnistes avec un grand sourire.

Bonjour, je me présente, je suis Johnatan Silverwood, j'ai rendez-vous avec monsieur Hughes, Brent Hughes.

Je souris aux deux femmes présentes et m'installe contre le mur en attendant.

-Et merde… Merde !

Vous savez pourquoi je serais le manager idéal pour The Burning Fire ? Plus que Timmy Evans ? Parce que j’étais constamment en retard ! Et comme Howard Stone l’était aussi tout le temps, il y aurait des chances qu’au moins, quand on se donnerait rendez-vous, on arrive en même temps…

Bref, j’étais encore en retard alors que c’était moi qui avais fixé le rendez-vous d’aujourd’hui avec le mystérieux Johnatan Silverwood. Mais je faisais quand même consciencieusement mon travail parce que je profitai du trajet en voiture jusqu’aux studios pour réécouter encore une fois la démo du musicien.

Je me demandais vraiment quelle tête il pouvait avoir. Sa musique ne me donnait réellement aucun indice sur le type de gars que j’allais rencontrer. C’était un rock de qualité, des paroles intéressantes et profondes. Oui, il y avait du potentiel, chaque fois que j’écoutais la cassette, j’en étais un peu plus convaincu.

Bon évidemment, il ne deviendrait pas rockstar du jour au lendemain, il y aurait du boulot, mais ça pouvait fonctionner, surtout s’il arrivait à se créer son public.

Mais avant de faire des plans sur la comète, Brent, faudrait déjà que t’arrives aux studios.

Dans mon empressement, je stationnais ma voiture de travers et courus à l’intérieur des studios, passant devant la réception.

-Brent !

Je saluai brièvement de la main Cynthia, la gentille réceptionniste que Nathan J. Williams prenait pour un androïde, allez savoir pourquoi et ce qu’il avait pris pour se mettre cette idée en tête.

-Oui, bonjour Cynthia ! J’ai pas le temps, je…

Elle me regarda d’un air à la fois torve et amusé, ce qui était assez cocasse.

-Brent ! Votre rendez-vous est là !

Et elle me pointa le mur où se tenait un jeune homme, les cheveux noirs, les yeux verts et l’air plutôt décontracté. Je cessai de gesticuler et allai vers lui.

-Johnatan Silverwood ?

Je lui tendis la main.

-Brent Hughes. Excuse mon retard… Viens, on va s’y mettre direct.

Je lançai à Cynthia :

-The Lightening vient aujourd’hui ?

Elle secoua la tête.

-Non, pas aujourd’hui, ils sont occupés au Hollywood Bowl.

Je souris bien grand.

-Parfait ! On sera au studio 4.

Le studio 4 était le préféré de Billy Lighter et il m’aurait fait une crise si j’y avais été alors qu’ils avaient dans l’intention de jouer ici. Mais comme ils ne viendraient pas, autant sortir directement le grand jeu à Johnatan.

-Suis-moi.

On entra dans le studio 4 où les instruments de studio du plus grand groupe de L.A. trônaient encore, prêts à l’emploi. Je m’assis sur un ampli et écartai les bras.

-Bienvenue dans l’antre de The Lightening… Bon… Liam m’a donné ta cassette et je trouve que tu as un vrai talent. Tu viens d’où ?

J'arrive aux studios de MTI calmement et bien détendu. J'avais tout apporter, ma guitare et ma basse, puis mon costume. Je me présente à la réception et la secrétaire me fait un grand sourire et me dit d'attendre dans un coin et que la personne qui veut me voir va bientôt arriver. Je m'installe donc contre le mur et j'attends patiemment en fixant le sol, je passe ma main dans mes cheveux. Soudain, j'entends une voiture se garer sur le parking et je regarde par la fenêtre. Je vois un homme d'un certain âge arriver. Je ne sais pas qui c'est, alors, je continue à regarder mes chaussures avant de l'entendre entrer en trombe, puis j'entends la jeune femme l'appeler "Brent", c'est à ce moment-là que je relève la tête pour le regarder avec un grand sourire. C'est sûrement l'homme que je dois voir. Il se rapproche et me tend sa main tout en me demandant si c'est bien moi. Je lui fais une vraie poignée de main.

C'est bien moi !

Je lui souris et il se présente à moi et s'excuse pour le retard. Je le regarde en souriant.

Il n'y a aucun soucis, ne vous en faites pas, j'ai tout mon temps !

Je lui dis avec un grand sourire, je ne suis pas exigeant et encore moins aujourd'hui, il m'offre une chance et rien que pour ça, je peux pardonner le retard.
Puis, il demande à la secrétaire si le studio 4 était libre. Elle lui répond que non et il semble content. Il me demande de le suivre dans le studio. Le studio de The Lightening. Le studio de The Lightening bordel ! C'était incroyable, il y avait tous les instruments du groupe prêts à l'emploi. Mais je préfère jouer avec mes instruments, c'est bien pour ça que je les ai emportés d'ailleurs. Il s'assoit sur un ampli et finit par me dire que Liam lui avait bien donné ma cassette, mon visage s'illumine. Il me dit que j'ai un vrai talent, puis il me demande d'où je viens.

J'ai bien fait de lui faire confiance alors. Je lui ai quand même donné une partie de ma vie. En tout cas, je vous remercie du compliment et de me donner cette opportunité. Je suis né à Blackpool puis il y a dix ans, j'ai déménagé à Paris et maintenant... Je suis ici depuis quelques jours.

Johnatan Silverwood, puisqu’il me confirma qu’il était bien l’homme avec qui j’avais rendez-vous, me rendit une bonne poignée de main, sûre et franche. J’aimais beaucoup cela. Et son sourire m’indiqua qu’il était content d’être là pour tenter sa chance.

Je m’excusai pour mon retard parce que j’étais bien éduqué… Et aussi parce que j’en avais l’habitude vu que j’étais tout le temps en retard ou presque. Mais il ne s’en formalisa pas, affirmant qu’il avait le temps.

-Tant mieux alors. Ça nous permettra de mieux faire connaissance.

Je lui demandai de me suivre avant de demander à Cynthia si le studio 4 était libre. Et il l’était ! Autant en mettre plein la vue à Silverwood directement, qu’il sache que ce rendez-vous, c’était quand même du sérieux…

Et qu’il voit un peu ce que MTI pouvait lui offrir s’il bossait dur et tenait bon dans un monde qui ne faisait pas de cadeau.

Une fois dans le studio, je m’assis sur un ampli, ravi de voir le regard de Johnatan s’illuminer devant le décor du studio 4.

Je lui annonçai que Liam m’avait donné sa démo et il était content du résultat parce qu’il avait confié au garde du corps « une partie de sa vie ». Bien, j’avais donc à faire à un passionné.

Je lui indiquai un ampli où s’asseoir puis lui sourit.

-S’il y a bien quelqu’un à qui on peut faire confiance, c’est Liam. Je lui confierais ma vie. Billy Lighter l’a fait, lui… Alors il ne faut pas demander !

Parce que si Billy Lighter faisait confiance à Liam, c’était bien la preuve que l’homme n’avait que de bonnes intentions, tout comme il tenait ses promesses.

Je demandai à Johnatan d’où il venait. Né à Blackpool, puis immigré à Paris… Et ici depuis quelques jours seulement.

-Aaah Paris… J’y suis déjà passé lors de tournées ou pour des événements. C’est une belle ville. Et ça explique ton léger accent.

Je grattai ma tempe de mon index.

-Blackpool, je ne sais pas du tout où c’est, par contre.

Mais je n’étais vraiment pas un pro en géographie.

-Pourquoi L.A. ? Et quelles sont tes inspirations, en musique ?

Je posais d’abord tout un tas de questions, parce que j’aimais savoir à qui j’avais à faire.

Je suis en présence de l'homme qui voulait me voir. Il m'emmène dans un studio... Le Studio 4. Au départ, je ne m'attendais qu'à un petit studio, histoire de dire que je ne joue pas à l'entrée. Mais quelle surprise quand je vois que tout est déjà prêts, il y a de la place et les instruments sont déjà prêts, mais j'ai amené les miens, donc je n'ose pas toucher ce qui m'est présenté. Il commence par me parler de Liam Taylor qui lui a bien donné la cassette et je me mets à sourire quand il me dit qu'il a bien aimé. Je lui dis que ça me fait vraiment plaisir et que j'ai bien fait de lui faire confiance. Il me rétorque qu'il lui confierait sa vie et que Billy Lighter l'a bien fait.

C'est vrai que si Billy Lighter l'a fait, ce n'est pas pour rien.

Puis, on commence à parler de moi. Je lui dis d'où je viens. Blackpool puis Paris. Il me dit qu'il a bien aimé son passage et qu'il comprend mieux mon accent.

Je préfère l'accent français que l'anglais, surtout dans le nord de l'Angleterre, il est à couper au couteau !

Je ricane. Puis il me dit qu'il ne sait pas où est Blackpool. Je lui souris.

Ce n'est pas la ville la plus connue d'Angleterre, c'est dans le nord-ouest. C'est au-dessus de Liverpool et au nord-ouest de Manchester. C'est au bord de la mer et c'est calme. Bon, après, c'est un paysage à l'anglaise.

Et enfin, la question fatidique. Pourquoi Los Angeles ?

J'ai toujours voulu vivre de la musique et... On m'a toujours dit que Los Angeles était la terre des opportunités. C'était aussi le rêve de mon père et j'aimerais le réaliser... Pour nous deux.

Deux trois larmes coulent, mais je m'essuie les yeux et je regarde à nouveau mon interlocuteur.

Pardon... C'est plus fort que moi...

Je ne m'attendais pas à ça non plus, alors que pourtant ça parait évident que la question allait tomber. Je suis là pour ça à la base !

J’étais toujours content de rencontrer de nouveaux artistes. Bon, ils ne changeaient pas tous la face du monde musical, mais on ne sait jamais quand l’un d’eux a vraiment un destin exceptionnel. Peut-être que le jeune homme que j’avais en face de moi aujourd’hui serait l’un de ceux-là. Il en avait le potentiel, en tout cas. Je le pensais déjà alors que j n’avais entendu sa musique que sur une démo à la qualité de son douteuse.

Alors je me réjouissais de le voir jouer et chanter en live.

Mais avant, je voulais en savoir plus sur lui, sur son histoire, sur ce qui l’avait mené vers la musique.

C’était Liam qui l’avait repéré… Et Johnatan semblait déjà connaître assez bien le paysage musical de L.A., puisqu’il comprenait que si Billy Lighter confiait sa vie à son garde du corps, c’était que ce dernier était exceptionnellement digne de confiance.

Même si en fait, Billy et son comportement assez spécial était mondialement connu… Donc, d’où qu’il vienne et puisqu’il s’intéressait à la musique, c’était un peu logique que Johnatan en ait entendu parler.

En effet, il ne venait pas d’ici. Il venait même de l’autre bout du monde ! J’avais bien repéré son accent, mais sans pouvoir le situer.

Cependant, si je savais où se trouvait Paris, je ne savais pas où était Blackpool. C’était en Angleterre, en fait.

-Ah oui ok, je vois mieux maintenant.

Je lui demandai de m’ne dire un peu plus. Pourquoi avoir choisi L.A. ? Comme beaucoup, il voyait cette ville comme la terre des opportunités… Et ce n’était pas faux, même si, sur le pourcentage de gens qui venaient, comme lui, tenter leurs chances, il y avait très peu d’élus.

-Tu as arrivé jusqu’ici, dans ce studio, c’est déjà une bonne chose.

C’était apparemment aussi le rêve de son père et là… il s’effondra… Enfin, pas complétement, mais les larmes coulèrent sur ses joues. Il s’excusa de pleurer mais je posai ma main sur son épaule.

-Hey… ça va aller… Tu es un artiste, c’est normal d’avoir les nerfs à fleur de peau.

Je souris.

-Je sens une véritable histoire, derrière tes larmes. Tu veux me la raconter ? Qui était ton père et pourquoi avez-vous ce rêve en commun ?

On arrive dans le studio 4 et il me met à l'aise tout de suite, il s'assoit sur un ampli puis commence à me poser des questions sur moi, d'où je viens, pourquoi j'ai choisi Los Angeles. Je réponds à tous, je me fais même le plaisir de l'aider à placer Blackpool sur la carte du monde. Puis, je lui dis que j'attends de Los Angeles qu'elle m'offre l'opportunité de percer et de réaliser mon rêve. Il me dit que j'ai déjà bien avancé vers cet objectif puisque je suis en face de lui dans le studio.

Il est vrai que je ne m'attendais pas à ce que ça arrive si vite pour être honnête

C'est vrai que c'est allé très vite, mais je ne vais pas me plaindre, ça n'arrive pas tous les jours ni à tout le monde, alors autant en profiter. Par la suite, je me mets à parler du rêve en commun que j'ai avec mon père et là... Je me mets à pleurer. Enfin trois gouttes, mais bon, c'est sorti quand même. Je m'excuse parce que ce n'est pas vraiment ce qu'on attend d'un artiste...

Enfin, c'est ce que je crois, mais il semble compatir en posant sa main sur mon épaule et me faisant comprendre que ce n'est pas grave et que ça arrive. Puis il me demande de parler un peu plus de tout ça. Peut-être pour me cerner. Je ne suis pas fermé à l'idée d'en parler, au contraire, je me libère un peu plus et puis...

Je n'ai plus personne pour m'écouter, à part les gens que je rencontre alors... Pourquoi le cacher ? Je relève la tête puis prend mon sac à dos, je l'ouvre et sort mon masque et le pose sur mes genoux.

C'est tout ce qui me reste de lui... Le masque qu'il m'a offert... Pour mes premières scènes. J'étais timide à l'époque et je ne voulais pas qu'on voit mon visage. Lui voulait faire carrière dans la musique, mais il n'a jamais réussi à percer et... Il a rencontré ma mère, puis il a décidé de me faire et quand je suis arrivé, il a raccroché la guitare et s'est concentré sur moi. Il a toujours tout fait pour que je réussisse, mais il y a deux mois... En rentrant du travail... Il... Il...

C'en est trop pour moi et je me mets à fondre en larmes. Malgré tout, je suis sensible et encore plus quand ça touche la famille ou les amis. J'essaye de finir mon histoire non sans mal.

Il traversait la route et un chauffard a failli le percuter. Il s'est jeté au sol, mais une voiture de police est arrivée derrière et n'a pas pu l'éviter... Il est mort sur le coup... Puis ma mère nous a quittés quelques semaines plus tard d'un cancer... J'ai tout perdu... En peu de temps... Alors, je me suis mis à ne plus compter mes heures pour me faire des sous puis... J'ai tout plaqué pour venir ici... Et apporter notre rêve à moi et mon père.

Je finis par souffler... Je baisse la tête de honte... J'ai le sentiment de ne pas avoir 25 ans, mais plutôt 10.

Le jeune homme m’était plutôt sympathique dès le premier abord. Il était ouvert, répondait aux questions et semblait d’une nature humble, ce qui n’était pas toujours donné aux artistes. Quoi que les gens qui n’étaient pas spécialement humbles ne me dérangeaient pas non plus. Je savais que parfois, il fallait une part de culot pour aller loin.

Johnatan, lui, était plutôt tombé sur les bonnes personnes au bon moment.

Je lui souris alors qu’il disait ne pas s’être attendu à ce que les choses se mettent si vite en place.

-Il faut bien une part de chance, dans la vie.

Je l’invitai à parler un peu de lui, de ses origines, de comment il voyait son rêve à L.A. Mais quand il se mit à parler de son rêve, je le sentis d’abord ému, puis il craqua carrément. Oh, ce n’était pas les grandes eaux non plus… Mais si je ne m’attendais pas vraiment à ce qu’il verse quelques larmes, je n’en était pas pour autant surpris.

Les artistes étaient des gens souvent à fleur de peau. S’ils ne l’étaient pas, ils ne sauraient pas transmettre de l’émotion à travers leurs œuvres. C’était donc quelque chose de quasi indispensable. Après, chaque artiste avait sa façon de l’exprimer : certains en cassant des trucs, d’autres en pleurant, d’autres encore en se refermant sur eux-mêmes.

Mais dans tous les cas, l’art était salvateur.

Et parler aussi, probablement, ce que je l’invitai à faire.

Il prit alors son sac à dos et en sortit un masque… Pas un bête masque de carnaval, non, un vrai beau masque de qualité. Il représentait un démon doré. Il m’expliqua que c’était tout ce qui lui restait de son père qui le lui avait offert pour qu’il puisse vaincre sa timidité sur scène. Un père qui avait abandonné son rêve pour élever son fils.

Je soufflai.

-Il avait l’air d’être un type bien.

Avant que j’aie pu lui poser la question concernant les circonstances de la mort de son paternel, il me l’expliqua. Et c’était assez tragique d’autant que sa mère avait suivi peu de temps après.

-Je suis désolé… Mais… Quel âge as-tu ? Tu parais bien jeune pour te retrouver déjà tout seul, sans famille proche.

Pas qu’il ne pouvait pas se débrouiller seul, ce n’était pas ce que je voulais dire. Mais dans des circonstances optimales et avec un peu de chance, un enfant ne devrait se retrouver sans parents qu’à l’âge de 50 ans minimum…

Je lui souris, cherchant son regard.

-Tu veux me jouer quelque chose ? Je pense que ce sera la meilleure façon de t’exprimer… Et puis on est un peu là pour ça. Tu peux mettre ton masque, si tu es plus à l’aise avec.

On discute et ont se met à l'aise. Puis, on ce met à parler de mon père. Je me mets à pleurer et... Je crois qu'il n'est pas loin de pleurer lui aussi, d'ailleurs. Je ne sais pas pourquoi, mais je me sens vraiment à l'aise avec Brent...

Il me regarde et me dit que mon père était sûrement un type bien.

Il a toujours voulu faire le bien et faire passer les autres avant lui... J'en connais peux comme lui.

Brent compatit encore plus quand je lui parle de la perte de ma mère. Il me demande mon âge et me dit que je parais jeune pour avoir déjà tout perdu et être sans famille proche. Je le regarde droit dans les yeux.

Je n'ai que 25 ans... Je suis encore tout jeune.

Il me regarde puis me sourit et me propose de jouer pour passer à autre chose. Je le regarde et hoche la tête, puis je mets mon masque sur le crâne. Je sors ma guitare et la branche. Je préfère jouer avec mes instruments, c'est le prolongement de mon corps. Je me mets à chanter mon titre "Arrival" en y mettant tout ce que j'ai.

Je compatissais vraiment à son histoire tragique, mais quand même pas au point d’en avoir les larmes aux yeux. Il m’en fallait plus pour me faire pleurer, mais mon sentiment n’en était pas moins sincère.

Il était seul, il était jeune et se retrouvait bien loin de chez lui, avec dans son sac, un masque et un rêve. Presque une mission à accomplir au nom d’un père qui avait tout abandonné en chemin pour pouvoir s’occuper de lui.

Johnatan confirma que son père était quelqu’un de bien, le genre vraiment altruiste. Je hochai la tête.

Juliet Jones pourrait en faire un bouquin, de cette histoire, j’en étais sûr !

Un jour, peut-être. Si Johnatan arrivait à percer, vieillissait dans le monde de la musique et se faisait un nom. Un grand nom.

Il n’avait que 25 ans, pour l’instant, et il avait encore tout à prouver, tant aux autres qu’à lui-même.

Je lui demandai donc de me jouer quelque chose, puisqu’il était là pour ça et moi aussi.

Il sortit son instrument, une guitare acoustique, il plaça son masque sur sa tête, et commença à jouer quelques accords, simples, mais particulièrement efficace.

Puis sa voix se mêla à la musique, aussi sincère que son jeu de guitare… Sans fioriture, sans rien en trop.

Juste BOUM c’est là, c’est brute… Et c’est bon.

Les paroles étaient également intéressantes. Je les écoutai attentivement.

Quand il eut terminé, je le regardais dans les yeux… Enfin, dans les trous de son masque, plutôt. Et j’applaudis, convaincu.

-Si tu signes avec moi, tu signe avec MTI. Donc, il faut que tu sois bien sûr que tu veux travailler avec nous. On a peu d’exigences, hormis d’être un minimum productif, surtout au début.

Je souris.

-Je te propose, si tu signes, de commencer par t’organiser des petits concerts dans les clubs de la ville. La différence avec ce que tu fais déjà, c’est qu’il y aura de la promotion autour. Donc, les gens qui viendront, viendront par curiosité et à la longue, ils viendront pour toi.

Je marquai une pause.

-Qu’est-ce que tu en penses ? Tu as un nom de scène ?

On discute de la tragique histoire de mon père, puis on se pose et on passe à autre chose. Je ne suis pas contre l'idée. Il me propose de jouer quelque chose, alors je prends ma gratte et mets mon masque, puis je me mets à jouer ma chanson. Et je donne tout... J'y mets toutes mes tripes, tous mes sentiments, tout ça. C'est vrai que ce ne sont que quatre accords, mais ça marche bien. Et le morceau semble lui plaire, je finis ma chanson et il me fixe droit dans les yeux et m'applaudit. J'avoue que je suis surpris, mais ça me va. Il m'explique que si je signe avec lui, je signe avec MTI et il me dit que je dois être bien sûr de moi. Je le regarde puis retire mon masque avec un grand sourire et des étoiles dans les yeux.

Depuis que je suis arrivé en ville, je n'ai croisé que des gens super chez MTI. Entre monsieur Taylor qui vous a donné la cassette et monsieur Alvarez qui m'a offert un moyen de me montrer au bar et m'a offert de quoi me substanter, et vous qui me tendez une main pour réaliser mon rêve, je serais fou de refuser ! Et puis, je suis un gros bosseur, à défaut d'avoir une copine, j'ai ma guitare qui m'accompagne dans mes soirées pour composer, donc je vais essayer d'être le plus productif possible !

Puis, il me propose de m'organiser des petits concerts pour commencer. Mais pas comme je faisais avant, il y aurait de la promotion et ce seraient les gens curieux qui viendraient voir puis... Me voir moi !

Si je dois commencer par ça, alors, je le ferai volontiers.

Puis, il me demande ce que j'en pense et si j'ai un nom de scène. Je souris puis lui sors ma grande bure que j'ai dans mon sac et je pose mon masque dessus.

J'ai la tenue, le masque et le nom. Mon nom de scène est Namless !

Je le regarde avec un grand sourire et une excitation vraiment présents ; j'ai presque envie de commencer tout de suite, mais une question me taraude.

Par contre, j'ai un souci... Je commence à voir le fond de mes poches si vous voyez ce que je veux dire...

Il est vrai qu'il faut que je pense à ça aussi ! C'est bien beau de jouer de la musique, mais si l'argent ne rentre pas, ça va être dur !

Sa chanson était super ! J’avais pu voir, en quelques notes, tout le potentiel que Johnatan possédait. Parce qu’il avait osé faire simple, en fait. Et ce n’est pas donné à tout le monde de faire ça. En générale, les jeunes talents qui se présentaient à des maisons de disques avaient tendance à vouloir en faire trop… A vouloir tout montrer d’un coup.

Johnatan, lui, avait été droit au but, et il m’avait convaincu.

Et apparemment, MTI l’avait convaincu en retour. Il avait rencontré Liam et Delfino, qui l’avaient aidé un peu tous les deux. Du coup, MTI était un peu une sorte de coup de cœur.

Il promit également d’être productif, ce dont je ne doutais pas. Je le regardai dans ses yeux verts maintenant que je pouvais les voir puisqu’il avait retiré son masque.

-Parfait. Alors on devrait pouvoir s’entendre.

J’eus un petit rire.

-Et tu arriveras vite à laisser tomber les « monsieurs » et à appeler les gens par leurs prénoms… Laissons le protocole aux hommes d’affaires. Nous, on est là pour faire de l’art.

A mon avis, chez MTI, il n’y avait bien que Timmy Evans pour être trop guindé que pour laisser les artistes l’appeler d’emblée par son prénom.

Je lui expliquai que, pour commencer, on le ferait connaître ici, en ville, à coup de petits concerts live et l’idée semblait le botter. Il avait des étoiles dans les yeux et je sus, encore une fois, pourquoi je faisais mon métier.

-D’accord, je devrais pouvoir te trouver une ou deux petites scènes pour ce week-end.

Je lui demandai alors, puisqu’il avait son masque et tout, s’il avait un nom de scène. Et j’avais visé juste, d’autant qu’il avait carrément une tenue complète. Je le regardai, amusé.

-Ok, Namless. C’est le nom que tu voudras faire apparaître sur… éventuellement… un premier album ?

On en était encore loin, bien sûr, mais je voulais savoir sous quel nom il voulait être connu.

Il avoua alors, me semblant un peu gêné, qu’il était légèrement à court d’argent. Oulà… Il était grand temps que je débarque, du coup. Avant qu’il ne se retrouve à la rue.

Je ne me départis pas de mon sourire.

-Ne t’en fais pas. Disons que je te ferai signer dès demain. Il me faut juste le temps de torcher ton contrat. Dès lors, tu recevras un petit salaire. Rien de bien mirobolant pour commencer, je te préviens. Mais suffisamment pour que tu puisses te loger et manger.

Je me levai de l’ampli et m’étirai tout en continuant.

-Puis petit à petit, tu gagneras ta part sur les concerts que tu feras et bien sûr, dès que tu auras sorti quelque chose, tu gagneras tes droits d’auteur. En plus du salaire de base.

Je le regardai dans les yeux.

-Ça te convient comme ça ?

Je joue ma chanson devant Brent et... Il semble vraiment apprécier et ça me fait plaisir. J'ai même réussi à le convaincre. Il me propose de travailler avec lui et bordel ça fait plaisir. Bosser avec lui, c'est bosser avec MTI et moi, ça me branche, toutes les personnes qui m'ont aidé travaillent ici alors, je serai fou de refuser et le choix me paraît évident, il me dit que je devrais abandonner les "monsieur" c'est pour les riches d'après lui, je le regarde et ris.

J'applique ce que mon père m'a appris, je ne les connais pas plus que ça alors, je ne me vois pas parler d'eux par leurs prénoms, mais si j'ai le droit, alors je le ferai la prochaine fois.

C'est quelque chose qui me tient à cœur, c'est ce que mon père m'a appris. On en vient à parler des opportunités pour me produire, il me propose de faire des scènes dans des bars et ça me va. Je le faisais déjà, mais cette fois si il y aura de la promotion, c'est un changement qui semblerait mineur, mais est en réalité ultra-important ! Je lui confirme que je suis intéressé et il me dit qu'il peut m'avoir une ou deux scènes pour le weekend.

Moi ça me va, j'ai vraiment envie qu'on me voie me créé une fan base pour commencer à me faire connaitre !

J'ai l'ambition de monter un groupe, mais pour ça il faut que je me fasse connaitre pour attirer les autres musiciens à moi. Puis, on ce met à parler de Namless l'homme masqué. Il me demande si j'ai un nom de scène et je lui montre que j'ai même mieux. Je sors la tenue complète le masque, la bure, les bottes, tout... Vraiment tout avec un grand sourire, puis je lui présente Namless, il me demande si j'ai envie d'apparaitre sous ce nom pour un éventuel premier album.

Pour l'instant, oui, j'ai envie de me produire sous le nom de Namless. Je veux déjà voir si je suis capable de subir la pression médiatique, tout ça... Tâter le terrain et peut-être un jour passé à Johnatan Silverwood mais on verra plus tard.

Je lui souris, je vois sûrement déjà trop loin, mais je n'écarte aucune hypothèse ! Je finis par le regarder un peu gener mais... Je dois lui en parler, il peut sûrement m'aider. Alors, je lui parle de mes soucis d'argent et tel un ange gardien vole à mon secours et bordel, mon visage s'illumine encore plus et j'en ai même les larmes aux yeux. Il me dit qu'il me fera signer demain, mais que je ne m'attende pas à gagner des milles et des cents, je le regarde toujours avec un grand sourire.

Ce n'est pas grave ça, tant que je peux vivre et plus survivre, moi ça me va. Je pourrais au moins me faire deux repas par jour !

J'essaye d'économiser au maximum alors, je me prive de manger pour aligner les deux bouts, mais c'est dur. Il se lève et s'étire puis me demande si ça me convient. Je lui souris, puis je lui tends ma main.

Oui, ça me convient totalement, c'est même mieux que ce que j'espérais !

Le jeune homme est très poli et c’est tout à son honneur. Mais je pensais bien qu’il apprendrait bien vite à connaître les gens d’ici, chez MTI. Et je comptais bien lui apprendre à me tutoyer à la longue, parce que quand les gens me vouvoyaient, surtout les jeunes, j’avais vraiment l’impression d’être encore plus vieux que je n’en avais l’air… Je n’avais que 50 ans mais mes cheveux ayant blanchi prématurément, j’avais l’air d’avoir un peu plus.

Enfin, bref, en attendant, je respectais l’éducation que le père de Johnatan lui avait donnée et souris.

Il était ok pour faire des concerts à gauche et à droite et ça me paraissait être une bonne façon de commencer : d’abord le laisser se créer son public puis après, se lancer dans un projet plus conséquent.

-Je te trouverai des musicien de session pour t’accompagner, parce que seul avec ta guitare, tu vas être vite limité. Sauf, évidemment, si tu préfères vraiment te produire tout seul.

C’était peut-être sa marque de fabrique, après tout.

Et en parlant de marque de fabrique, il me montra son costume de scène et se présenta sous le nom de Namless. Pour lui, ce serait une façon de tâter le terrain de la célébrité sans être trop impacté au début. Mais il ne rejetait pas l’idée, plus tard, de se dévoiler sous sa véritable identité.

-C’est intelligent. J’approuve.

Ça allait aussi titiller la curiosité du public et les amener à le suivre peut-être plus assidûment, on allait bien voir.

Pour ce qui est de l’argent, qu’il n’avait pas, ça ne me paraissait déjà plus être un problème, comme je le lui expliquai. Son visage s’illumina et je vis aussi beaucoup de soulagement dans son expression. Il avait apparemment eu vraiment de la chance d’attirer l’attention de Liam et que les choses se fassent vite.

-Deux repas ? Même trois, soyons fous !

Il vint me serrer la main, comme un accord avant la signature du contrat proprement dite. Je lui souris alors… Il avait les larmes aux yeux, c’était beau à voir.

-Parfait si ça te convient. Ah et j’ai oublié de te dire : à partir de maintenant, les studios te sont accessibles quand tu veux. Mais je te conseille de sonner quand même à la réception avant pour être sûr qu’il y en ait un de libre.

Je souris plus grand encore.

-Bienvenue dans la famille MTI.

On ce met d'accord sur le point de départ pour ma carrière. Je vais faire des concerts dans des bars ce week-end et il me propose même de me trouver des musiciens de session. Je le regarde avec un grand sourire.

Volontiers, je dois apprendre à jouer avec d'autres gens, j'ai pour projet de monter un groupe si l'opportunité se présente, j'ai déjà plein d'idées en tête.

Je garde toujours mon sourire et ma pêche d'enfer, ça sent bon tout ça ! Ensuite, on se mets à parler argent et quand il me dit que je vais signer, ça me fait un bien fou, enfin, je vais pouvoir vivre un peu plus normalement. Je lui dis même que je pourrais enfin manger deux repas par jour et il me retoque que je pourrais même faire plus, ce qui me fit rire.

J'ai d'autres projets pour mon argent, comme investir dans une guitare électrique. J'ai envie de faire encore plus de bruit!  

Il est vrai que ma guitare acoustique va montrer ces limites dans peu de temps, si je veux envoyer du lourd, alors, il va falloir investir. Je lui serre la main et il me dit que c'est fait, je fais officiellement partie de MTI et que les studios sont disponibles pour moi. Mais il faut quand même que je prévienne quand je compte débarquer. Je le regarde en souriant, les larmes aux yeux, prêt à pleurer.

Je me mets au travail dès demain, j'ai des riffs qui me trottent dans la tête, déjà, il faut que je les applique au plus vite pour ne pas les perdre !

Il finit par me sourire et me souhaiter la bienvenue, chez MTI. Je le regarde droit dans les yeux et les larmes coulent abondamment,  ça y est, je me rapproche de notre rêve à moi et papa enfin !

Merci infiniment, mon... Euh, Brent !

Je me gratte l'arrière du crâne et essuie mes larmes avec l'autre mains, je me sens un peu nul, il m'avait pourtant bien dit de garder le vouvoiement pour les riches, mais que pour lui, ce n'est pas nécessaire.