C’est chez MTI que je me rendis en ce début d’après-midi afin de rencontrer le dernier protagoniste de ma liste. Des témoignages, des souvenirs, des confidences, j’en avais obtenues mais aucune de vraiment marquante ou utilisable. Si j’utilisais les dires de Victor Hunter par exemple, la biographie de Don Hughes n’aurait pas l’allure qu’elle se devait d’avoir ! En fait, je n’avais pas obtenue encore la petite flamme qui ferait en sorte que mes écris d’un chapitre donne envie de passer au suivant.

Je fondais donc beaucoup d’espoir en cette rencontre.

Au premier coup d’œil, l’homme devant moi était plus fascinant que celui sur qui je devais écrire. Cela ne tenait peut-être que de ce qu’il dégageait, de l’ambiance sympathique et cozy de son bureau désordonné, de ses vêtements décontractés. Je ne savais que très peu de chose au sujet de Brent Hughes, pourtant, mon petit doigt me laissait croire que tout ce que je pourrais écrire sur lui ferait une bien meilleure biographie que celle dont on m’avait confié le mandat. J’avais bon espoir que les confidences que je récolterais ici nourrirait mes pages d’anecdotes croustillantes et amusantes.

- Merci d’avoir accepté de me rencontrer. J’apprécie.

J’avais posé mon sac sur le sol, près de la chaise sur laquelle j’avais pris place, croisé mes jambes et appuyé mon calepin de note sur ma cuisse alors que mon stylo tournoyait entre mes doigts alors que je fixais mes notes.

Brent, frère de Don, était le dernier que je rencontrais, façon de dire que je gardais la cerise pour le gâteau. J’avais parlé avec Don lui-même à plusieurs reprises. J’avais également rencontré Carrie, Julian et Eleanor. Sans grande surprise, cette dernière n’avait pas fait affluer beaucoup d’eau à mon moulin alors que les enfants légitimes de l’homme d’affaire avaient été avares de détails. Ils avaient raconté quelques bons souvenirs d’enfance, décrit leur père comme aimant et attentionné autant qu’un homme occupé comme il l’est pouvait être. Ex-épouse, amis et collègues, ma liste avait été bien garnie bien vidée !

- J’espère ne pas prendre trop de votre temps.

Avec les nouveaux noms qu’il avait signés récemment, le benjamin de la famille Hughes devait avoir du pain sur la planche c’est donc pourquoi je ne désirais pas l’accaparer trop longtemps.

- J’aimerais que vous e parliez de votre enfance avec Don. Comment était-ce de grandir avec frère ainé de treize ans de plus.

Entre Don et Brent, il y avait eu Geordi mais il avait tristement trouvé la mort en soixante-huit. Ça avait été une période sombre pour la famille Hughes. Don m’avait confié agir ensuite de façon très protectrice envers Brent. Peut-être qu’il voulait protéger le petit frère qui lui restait. Le point de vue de Brent me permettrait d’établir un lien de fratrie entre les deux hommes. Qui sait si l’envie de travailler l’un avec l’autre serait née de cette époque ?

Aujourd’hui, j’avais un rendez-vous un peu spécial, dans mon bureau de la tour MTI. Juliet Jones, l’écrivain à suspense qui avait été mandatée pour écrire la biographie de Don venait me poser quelques questions. J’aimais beaucoup ce que faisait la jeune femme. J’avais lu plusieurs de ses bouquins. Mais ça n’avait rien à voir avec des biographies. N’empêche que Don avait de la chance !

Nous étions en début d’après-midi, j’étais arrivé il y avait seulement deux heures de ça et je n’avais pas vraiment eu le temps de ranger mon bureau…

Enfin… L’idée ne m’était pas passée par la tête non plus, à vrai dire. Des vêtements trainaient un peu partout… Des tenues destinées à Eleanor et Shane pour qu’ils trouvent leur style à arborer sur scène. Je devais encore les leur montrer.

Juliet avait quand même trouvé sa place sur le siège en face de mon bureau. Elle me remercia pour cette rencontre alors que je posais une tasse de café devant elle. Je lui souris.

-Mais c’est normal, mademoiselle Jones ! C’est moi qui suis ravi de vous rencontrer. J’adore vos bouquins. Enfin, les quelques-uns que j’ai lu.

Carrie m’avait parlé de sa rencontre avec l’écrivain. Elle disait qu’elle posait de bonnes questions et était de compagnie agréable. Et en effet, la femme que j’avais devant moi avait l’air intelligente et bien déterminée à faire du bon travail sur cette biographie.

Elle s’excusa presque de me prendre de mon temps, je lui fis signe que ce n’était pas grave du tout.

-Non non, surtout ne vous excusez pas ! Je suis content de vous donner un peu de mon temps. Et puis, je le fais pour mon frère… Il mérite qu’on s’attarde un peu sur son parcours.

En plus, certes, j’avais du travail… Il fallait que je cherche encore cette fameuse choriste pour Nameless, que je prépare sa séance de dédicace, que je passe des coups de fils pour trouver des petites scènes pour Eleanor et Shane… Que je leur réserve un studio pour enregistrer ce qu’ils avaient comme chansons jusqu’ici.

Quant à Livia, je la laissais tranquille pour le moment. J’avais vu l’avis de recherche concernant la disparition de sa mère et de son petit frère dans L.A.People ce matin, de même que sur ma bouteille de lait et j’imaginais bien que ce n’était pas vraiment le moment de l’emmerder avec du management… Mais j’avais quand même l’intention de lui sonner plus tard pour prendre de ses nouvelles, voir si elle allait bien quand même… Parce que ça devait être bouleversant pour elle.

Bref, tout ça pour dire que niveau boulot, j’arrivais toujours à m’en sortir. Toujours.

Je pris place sur mon propre siège, ma tasse de café entre les mains et ce fut parti pour ce qui allait probablement ressembler à une interview. Je n’étais pas un manager très connu et c’était un exercice auquel je n’étais pas vraiment rodé… En réalité, j’avais fait plus d’interview à des conventions auxquelles j’avais été invité pour avoir été l’acteur ayant interprété Datalore dans Spaceship que pour les talents que j’avais managé jusqu’ici.

Mais pour le peu de fois que je l’avais fait, je savais que j’adorais ça.

Juliet Jones entra directement dans le vif du sujet : mon enfance avec Don… Et la grande différence d’âge qui nous séparait. Je souris, un rien nostalgique, les yeux déjà dans mes souvenirs.

-On pourrait croire que ça aurait mis de la distance entre nous, pas vrai ? Quel adolescent s’intéresserait au dernier né de la famille, un petit bébé braillard, plutôt qu’aux filles en bikinis de Santa Monica ?

Je regardai dans les yeux de Juliet. Je remarquai qu’ils étaient d’un bleu enivrant… pas le même bleu que les miens qui étaient clairs… un bleu plus foncé, plus profond.

-Don l’a fait… Si Geordi était mon partenaire pour faire les 400 coups, Don a directement pris envers moi une place de mentor. C’est lui qui m’a appris à aimer la musique dès mon plus jeune âge. C’est lui qui m’a offert une guitare, même si je ne suis jamais devenu un grand guitariste. Mes premiers disques, mes premières cassettes, c’est lui qui me les a offerts aussi.

Je souris.

-Il a senti en moi une sensibilité pour la musique semblable à la sienne. Quelque chose que Geordi avait moins en lui…

Devant moi, Brent Hughes était tout sourire, la bonne humeur incarnée. Avant même que nous ayons échangé plus que les banales courtoisies, il laissait l’impression d’être un homme simple et facile d’approche. La conversation s’annonçait intéressante. Brent me servi un café et je le remerciais avant de souffler doucement sur le liquide brûlant et d’en boire une première gorgée. Je le remerciais pour son temps ce à quoi il répondit qu’il était ravi de me rencontrer, lui qui aimait plusieurs de mes livres.

- Je serais ravis de vous offrir l’un de mes livres que vous n’avez pas encore lu.

C’est toujours une joie immense que d’entendre qu’on aime notre travail. Je ne courrais pas derrière les compliments sauf que, lorsqu’ils me tombaient dessus comme celui de Brent, je savais les accueillir à bras ouvert.

Nous étions installés, l’un en face de l’autre avec le bureau de Brent couvert de papiers, de disques, de magazines entre nous deux. J’aimais son bordel organisé. Ça laissait voir une partie de sa personnalité, du m oins je pouvais en imaginer l’essence.

Je n’avais pas besoin de beaucoup du temps du manager d’autant plus que je savais bien que dans ce métier, le temps c’est de l’argent ! Encore là, Brent assura que je n’avais pas à m’en faire et qu’en plus d’être content de se prêter au jeu, il le faisait de bon cœur, pour son frère. Je hochais de la tête en souriant puis je me penchais sur mes notes question de me centrer sur ma cueillette d’information.

Mon entrée en matière était toute simple. Je voulais que Brent me parle de son enfance en tant que petit frère, dernier de fratrie. La différence d’âge entre Don et Brent était significative. Treize ans, ce n’est pas rien surtout quand on est le petit frère qui désir suivre le plus grand.

Ce que dit Brent me fit sourire. Il résumait parfaitement le fond de ma pensée.

- En effet. On pourrait croire que pour Don, passer du temps avec son petit frère se résumait à faire du babysitting plus qu’autre chose.

Pourtant, j’étais convaincue du contraire.

Brent me regarda dans les yeux, comme je le faisais, prête à noter ce qu’il allait me dire malgré mon dictaphone qui allait enregistrer notre échange dans son intégralité. Je remarquais ses petites pattes d’oies aux coins des yeux, ses légères fossette creusé par le temps aux coins de ses lèvres.

Don avait rapidement prit sous son aile son petit frère et qui l’avait fait tremper dans l’univers musical en lui offrant ses premiers disques, sa première guitare. Déjà, on sentait qu’une belle relation entre frère s’était établie et ce, dès leur tendre enfance. L’espace d’une petite seconde, l’image de deux jeunes garçons assit sur le coin d’un lit, écoutant de la musique en silence effleura mon esprit ce qui me fit sourire, encore. J’aimais ce genre de récit quand il ne naissait pas au bout de ma plume.

- La musique était votre lien, à Don et vous et avec Geordi, c’était autre chose mais étiez vous une fratrie tissée serrée, comme on dit ? Comment était la relation entre frère à la maison, au quotidien ?

Comment cela se passait à la maison, entre les trois frères aux goûts et ambitions différentes. Je laissais Brent me parler un petit peu plus de leur enfance avant de revenir sur ce qu’il avait dit au sujet de la sensibilité musical de Don.

- Pour fonder une maison de disque, je suppose qu’en effet, la sensibilité, voire l’ouverture musicale est importante. Est-ce que c’est quelque chose que Don a développé de lui-même ou à la maison, la musique était présente ?

Juliet Jones était une ravissante jeune femme… Le genre que j’aurais peut-être tenté d’approcher lors d’une fête ou l’autre, même si elle était bien plus jeune que moi. L’âge (tant que la fille était majeure, bien entendu) n’était pour moi pas un frein à la séduction.

Sauf que je n’étais pas ici pour la séduire. Elle était là pour parler de Don dont elle faisait la biographie. Et puis… Je savais que je rêvais un peu en couleur, aussi.

Trêve de plaisanterie, je lui déclarai avoir lu et apprécié quelques-uns de ses livres. Et c’était un compliment sincère. Elle accueillit le compliment avec enthousiasme, me proposant même de me faire cadeau de l’un de ses ouvrages.

Et on ne refuse jamais un cadeau, Brent.

-Ce serait avec plaisir ! Un de vos plus effrayants alors ! J’aime me faire peur !

Je me demandais d’ailleurs comment il n’était pas encore venu à l’idée de Shran de tenter une adaptation au cinéma d’un des livres de Jones. Car il faisait aussi dans le thriller et dans l’horreur. Je gardai cette idée dans un coin de ma tête, histoire de la lui glisser quand je le reverrais, ce qui ne saurait tarder puisque j’étais désormais souvent attendu aux studios de San Fernando Valley pour le tournage des nouveaux épisodes de Spaceship.

Bref, l’interview commença et Juliet choisit apparemment une approche chronologique des choses, me demandant ce que c’était que d’avoir un frère de 13 ans mon aîné. Je rigolai quand Juliet parla de babysitting.

-Ça aurait pu s’apparenter à ça, en effet. Quand j’étais bébé, d’après ce que m’a raconté ma mère, Don s’amusait à me passer déjà ses groupes préférés sur le vieux transistor. Quand j’ai commencé à grandir un peu et à réagir à la musique, il s’est donné pour mission de faire mon éducation musicale.

Je souris, nostalgique.

-Geordi y était moins sensible… Il s’intéressait plus au sport qu’à la musique.

Ce qui l’avait à terme mené vers l’armée… un choix qui m’avait directement effrayé… Je n’aimais pas la violence quelle que soit sa forme. Mais Geordi, lui, était un patriote, un vrai. Et il en était mort.

Je frottai mon menton quand Juliet demanda si nous étions une fratrie tissée serrée.

-On peut dire ça. Mon père travaillait beaucoup et ma mère s’occupait de la maison. C’était Don qui nous conduisait à l’école et venait nous reprendre ensuite. On faisait tous les trajets à pied, à l’école, bien sûr. Et pour égayer le trajet, Don me citait des titres de chansons et je devais les lui chanter de mémoire…

C’était probablement comme ça que je savais pas trop mal chanter, même si, comme pour la guitare, je n’avais pas le talent suffisant pour prétendre sortir un album à mon nom comme l’avait fait Daniele Ricci.

Juliet voulut savoir si Don avait développé cet amour pour la musique de lui-même ou si on avait été éduqué dedans. Je pris deux secondes pour réfléchir.

-Je pense que ça vient vraiment de Don. Nos parents aimaient écouter de la musique, mais comme tout le monde, je dirais. Don a développé cette passion de lui-même. D’où est-ce que ça lui est venu reste un véritable mystère pour moi… Je ne me suis jamais posé réellement la question non plus. Pour moi, ça a toujours été comme ça.

Brent avoua apprécier mon travail ce à quoi je proposais de lui offrir l’un de mes ouvrages avec grand plaisir. Il suggéra alors que je lui offre l’un de mes plus effrayant et je hochais de la tête avec un grand sourire.

- Parfait alors, vous me ferez la liste de ceux que vous avez lu et je pourrai ainsi faire une meilleure sélection.

Je débutais ensuite ma récolte d’informations en commençant par l’enfance de la fratrie Hughes. L’écart entre l’aîné et le benjamin était assez signification pour que Don ait pu voir le temps passer avec Brent comme du babysitting. Le manager devant moi souriait à l’évocation de tout ça, c’était beau à voir. Je pouvais imaginer les deux hommes, assit sur le bout d’un lit, l’un les pieds au sol et l’autre battant le rythme dans les airs au son des grands groupes de l’époque.

- Quel était le groupe préféré de Don ?

Ce serait intéressant de le savoir.

- Croyez-vous que les goûts musicaux de Don ont influencés les vôtres ?

Quant à Geordi, ce dernier s’intéressait plus aux sports qu’à la musique ce qui avait dû, bien malgré lui, forgé une certaine distance avec ces frères sans pour autant dire qu’il y avait un fosset entre eux.

C’est un peu pour cela que je demandais si la fratrie était tissée serrée. J’écoutais Brent me répondre, je prenais des notes alors que mon petit enregistreur portatif continuait de faire tourner la bande. Ainsi donc, je ne perdait rien des précieux mots de mon interlocuteur, le dernier de ma liste avant de me mettre à couvrir mes pages blanches de millier de mots.

- Don m’en a parlé, des soirées passées à la table de la cuisine pendant lesquelles il vous aidait pour vos devoirs. Il m’a dit se faire un point d’honneur de ne pas vous laisser fermer l’un de vos cahier sans s’assurer que vous maitriser bien votre leçon.

La réussite, donc, était importante pour Don et il mettait tout en œuvre pour qu’elle sourit à son frère.

Don m’avait aussi parlé de son amour de la musique, qu’il y avait trouvé un moyen d’évasion à sa portée. La musique était présente à la maison mais, comme le disait Brent, pas plus qu’ailleurs.

- L’amour de la musique est donc quelque chose que vous avez développez ensemble, si on peut dire. Pensez-vous que, s’il n’avait pas dirigé sa propre maison de disque, votre frère aurait pu tout de même faire carrière dans cette voie comme en devenant manager ? Ou aurait-il persisté et développer une aptitude pour un instrument et avoir son propre groupe ?

Il avait offert une guitare à Brent, peut-être que Don, quelque part, souhaitait voir son frère apprendre suffisamment bien à y jouer pour avoir un groupe ainsi, il aurait pu le manager. Ou alors, peut-être que Don lui-même aurait nourrit le rêve secret de devenir musicien.

J’étais vraiment content ! Non seulement je recevais dans mon bureau un écrivain que j’appréciais, mais en plus, elle était prête à me faire cadeau d’un de ses livres. J’allais tout gagner à faire cette interview !

-Merci, je vous ferez la liste de tête quand on aura fini…

On entra vite dans le vif du sujet avec une question sur notre enfance… Comment la différence d’âge entre Don et moi était devenue une force et non pas un gouffre qui nous aurait éloignés. Non. Don avait toujours été un frère prévenant qui avait toujours vu en Geordi et moi un potentiel d’apprentissage énorme.

Il nous avait initié à la musique, nous avait fait écouter un tas de choses venant du monde entier (enfin, autant qu’on pouvait s’en procurer… Disons plutôt que c’était de la musique d’origines différentes, mais les artistes étaient naturalisés Américains ou Européens)…

Bref, il avait fait notre éducation musicale, même si Geordi avait été un élève moins consciencieux que moi. Moins réceptif.

Alors, une question de Juliet tomba, précise… Et ma réponse fut tout aussi précise.

-Sans hésitation, à l’époque, ce n’était pas un groupe que Don écoutait en boucle. C’était la chanteuse Vera Lynn qui a eu une forte influence pendant la guerre de 40-45… De mes 5 ans à mes 10 ans, j’ai bouffé Vera Lynn à toutes les sauces…

Je souris.

-Je dis ça, mais c’était une artiste fabuleuse.

Quant à savoir si les goûts de Don avaient influencé les miens, c’était une évidence !

-Bien sûr ! Indéniablement ! Au début, je n’écoutais que ce qu’il écoutait parce que pour moi, si lui aimait, c’était automatiquement que c’était bon. Puis en grandissant, en ayant toujours cette base qu’il m’avait donnée, j’ai commencé à avoir mes propres goûts. Mais aucun doute que même ceux-ci sont influencés par ce que j’ai entendu dans mon enfance grâce à Don.

Juliet prenait des notes en même temps qu’elle m’enregistrait. Je lui racontais comment Don s’était occupés de nous pendant que nos parents vaquaient à leurs occupations. Et Juliet me donna un retour qui venait de mon frère lui-même. Il lui avait parlé de la façon dont il nous faisait faire nos devoirs.

Je rigolai.

-Oh oui ! Et le pauvre, je lui en ai fait voir. Je n’étais pas un mauvais élève, j’avais de très bons points et une mémoire un peu hors norme qui me permettait de travailler très peu pour des résultats très bons. Don a essayé de combattre ma fainéantise sans jamais y arriver.

Je haussai les épaules.

-Et même maintenant, je me dis encore : pourquoi j’aurais travaillé plus ? J’avais quand même de toute façon le maximum de résultat.

Je souris.

-Encore aujourd’hui, je fais les choses à mon rythme, tranquillement et sans me prendre la tête. Parfois, ça met Don sur le cul de me voir réussir sans presque rien faire.

Je regardai Juliet et fit la moue.

-Bon, après… Si je travaillais autant qu’il le souhaiterait, j’aurais peut-être la renommée d’un Daniele Ricci, ce que je n’ai pas. Mais ce n’est pas mon but non plus. J’aime ma vie telle qu’elle est.

Juliet me demanda alors si je pensais que le destin de Don, s’il n’avait pas fondé MTI, aurait quand même eu un rapport avec la musique. Je pris le temps de réfléchir un peu, me frottant le menton en regardant le plafond.

-Je pense que oui… Il aurait travaillé dans la musique. Il aurait été peut-être manager ou même ingénieur du son ou quelque chose comme ça. La musique, c’est toute sa vie.

Je souris.

-Mais avoir son groupe, je ne pense pas. Il a essayé d’apprendre des instruments, mais apparemment, nous n’avons pas ce don-là dans la famille. On sait apprécier la musique, mais pas la créer de nous-mêmes.

Lorsque notre entretient serait terminé, Brent me ferait la liste des livres qu’il avait lu afin que je puisse lui en trouver un qu’il n’aurait pas lu encore. J’étais ravie de le faire, je savais reconnaitre la sincérité quand je la croisais.

La musique était omniprésente, le contraire aurait été surprenant puisque je travaillais à la biographie d’un dirigeant de maison de disques. L’enfance de Don était importante et le cheminement musicale des frères Hughes l’était tout autant. J’étais tout ouïe alors que Brent me racontait comment Don l’avait initié à la musique et quant à ma réponse il affirma sans hésitation que les goûts de son frère avaient intrinsèquement influencé les siens. Vera Lynn était donc une artiste qui avait joué en boucle. Je connaissais un peu la carrière de la chanteuse. Je ne pus m’empêcher de sourire légèrement quand Brent affirma qu’il l’avait mangé à toutes les sauces. Je suis écrivaine moi ! Avoir l’esprit prolifique et tordu est essentiel dans mon domaine, que voulez-vous que je vous dise !?

- En effet, elle est fabuleuse !

Les goûts de Don avaient donc forgé la base musical de Brent qui avait par la suite poursuivis son propre chemin. Nous survolèrent ensuite un autre aspect de leur vie de famille. Celle où Don veillait aux travaux scolaires de ses frères. Il se faisait un point d’honneur de leur réussite. Je vis passer dans les yeux de Brent, des lueurs nostalgique d’une époque lointaine.

- Chacun son rythme, comme vous le dites. L’important en mon sens, c’est le temps passer entre frère. J’y vois là une belle entraide et que Don se souciait assez de vous que pour consacrer les efforts nécessaires à votre réussite.

Je regardais Brent alors qu’il disait que s’il travaillait autant que Don le souhaitait il serait peut-être à la hauteur d’un Daniele Ricci.

- Qui sait ? Si tel était le cas, ma prochaine question serait de savoir si le monde à besoin d’un second Daniele Ricci ou d’un premier Brent Hughes…

À mon humble avis, le monde avait assez d’un Ricci et avait besoin de plus de Brent Hughes.

Je voulus ensuite savoir si, selon Brent, Don aurait persisté dans le milieu de la musique s’il n’avait pas dirigé une maison de disques. Selon le benjamin de la famille Hughes, cela ne faisait aucun doute. Son frère aîné n’aurait pas poursuivit une carrière de musicien mais il aurait fort probablement tenté le management.

- C’est un mandat dont je le vois très bien prendre en charge, en tous les cas.

Je notais les paroles de Brent avant de poursuivre mon interview en passant à l’étape suivante, celle de l’adolescence.

- Quand vous entriez dans l’âge ingrat de l’adolescence, Don lui était un jeune adulte avec beaucoup de responsabilités. Est-ce que votre relation est demeurée intacte pendant cette période ou le fait d’être à des niveaux complètements différents à creusé un petit fosset entre vous ?

Don avait martelé encore et encore à quel point la famille était importante pour lui, je voulais entendre de la bouche de Brent ce qu’il en était, de on point de vue à lui.

- Puis, quand votre frère vous a annoncé quelques années plus tard qu’il allait être père, vous a-t-il confié ses inquiétudes face à ce nouveau rôle qu’il allait endosser ? De votre point de vue, Quel genre de père est votre frère ? Sa relation avec sa fille a été différente que celle qu’il a eu avec Julian, pourquoi selon vous ?

Tout ceci couvrait différentes décennies de la vie du grand patron de [i]MTI[i] mais Brent avait toujours été aux côtés de son frères si j’en jugeais par les confidences de Don. Quand Brent m’en dirait plus sur ce sujet, je pourrais aborder les dossiers Kate Julian et Eleanor Harris.

Juliet Jones avait tout d’abord dirigé ses questions sur les influences musicales de Don et la transmission qu’il en avait faite à Geordi et moi. Je lui parlai donc de Vera Lynn qu’elle trouvait fabuleuse.

Puis, elle s’attarda sur nos moments de fraternité. Comment Don s’était soucié de nous faire apprendre nos leçons. Je savais que ces souvenirs-là, elle ne pouvait les tenir que de Don, nos parents étant décédés de leur belle mort et Geordi n’étant plus non plus de ce monde pour en témoigné.

J’eus un léger sentiment de vide en me faisant cette réflexion… Parce qu’en dehors de Don, cela voulait dire que, de notre famille, il ne restait plus que moi.

Heureusement que Don avait eu des enfants !

Juliet avait bien compris que ce que je voulais mettre en avant, c’était notre complicité et notre entraide entre frère. Que Don s’était vraiment occupé de nous.

-C’est vrai. Il était toujours là. Et en cas de problème, on pouvait compter sur lui… Les gens, la presse aujourd’hui, le décrivent comme un peu mou et très conciliant… Je pense surtout qu’il est très diplomate. Mais c’est quelqu’un sur qui on peut compter les yeux fermés.

Quant au fait que si j’avais suivi un peu plus les conseils de mon grand frère, j’aurais pu devenir aussi célèbre, en tant que manager, que Daniele Ricci, comme dirait Juliet, on ne le saurait jamais. Elle alla même jusqu’à se demander si le monde avait plus besoin d’un deuxième Ricci ou d’un premier Brent…

Je souris à ce beau compliment subtil.

-Je pense qu’il faut de tout pour faire un monde. Mais oui, pourquoi pas ? Même si personnellement, je mettrais plus mes artistes en avant que moi-même. Manager est un travail de l’ombre.

Enfin… Sauf pour Ricci quoi.

Elle me demanda alors si Don aurait quand même fait dans la musique s’il n’avait pas été patron de sa propre maison de disque. Pour moi, ça ne faisait aucun doute. Ensuite, on en vint à l’adolescence.

-Non, grandir n’a pas creusé de fossé entre nous. Que du contraire… Je voyais mon frère réussir, construire quelque chose d’immense ! Un véritable empire qui a eu vite fait d’égaler BSC qui existait déjà depuis longtemps.

Je souris.

-Adolescent, je voulais déjà me lancer dans sa boîte. Mais Don n’a pas voulu parce qu’il ne voulait pas que j’obtienne les choses trop faiclement. Pas dans un premier temps. Déjà, il voulait que je termine Fairfax. Puis il m’a laissé me débrouiller pour me faire ma place comme free-lance dans l’événementiel. Je savais que Don m’observait…

Je haussai les épaules.

-Quand il m’a jugé prêt, alors, il m’a laissé avoir ma petite place chez MTI. Mais pas question de passe-droit…

Je passai ma langue sur mes lèvres.

-Par contre, pour en revenir à l’adolescence, Don me laissait rencontrer des gens de la jet-set dans laquelle il venait d’entrer. Cela me permettait de me faire des contacts pour mon propre business.

Je rigolai.

-Même si j’étais, suis et serai toujours une sorte d’outcast dans ce monde-là… C’est là que j’ai rencontré Stephen Shran, via mon frère qui avait engagé Stanley Montgomery, le demi-frère de Shran, comme bras droit. Mais ça, ça vous intéresse moins, c’est de Don qu’on doit parler, pas de moi…

Puis les questions de Juliet se portèrent sur Don et son rôle de père… Je fis la moue et me frottai le menton, pas sûr d’être celui qui avait toutes les bonnes réponses à ces questions.

-Je suppose que Don est resté assez vague sur le sujet… Quant à moi, je ne peux vous donner que mon point de vue. Et prenez bien en compte que je n’ai aucune idée de ce que c’est que d’être père.

Je marquai une pause puis me lançai.

-Quand sa première femme est tombée enceinte de Carrie, il était le plus heureux des hommes. Il était inquiet comme n’importe quel jeune homme sur le point d’avoir un enfant, avec toutes les questions que ça pose, bien sûr, mais il était heureux.

Je passai ma main dans mes cheveux blancs.

-Don est un très bon père… avec des enfants… Quand Carrie a grandi, les choses se sont compliquées, comme si Don n’avait pas su adapter son rôle de père à sa fille adulte. Il y a eu des tensions, des disputes, mais ça arrive dans toutes les familles. Aujourd’hui, ils sont réconciliés.

Est-ce que ça avait été différent avec Julian ?

-Oui, avec Julian, ça a été différent, mais c’était surtout à cause de ce que Kate leur a fait subir et qui est aujourd’hui de notoriété publique. Ni Julian, ni Don n’en sont réellement sortis indemnes.

Ce qui ressortait beaucoup de toutes les conversations que j’avais eues avec Don Hughes, c’était son humanisme et le sens de la famille qui lui tenait à cœur. Je voulais bien le croire sur parole mais ce n’était pas mon mandat, du moins, pas la façon dont je voulais le traiter. Évidement, je rendrais les honneurs à mon sujet mais ça ne serait pas correct de le faire en ayant que son unique p oint de vue.

En bavardant avec Brent, je pouvais tirer des ficelles et les relier à différents souvenirs évoqués par Don lui-même. Cela me permettais d’avoir un meilleur portrait de l’homme d’affaire de découvrir la facette de sa personnalité que son statu social ne permettait pas d’apprécier à sa juste valeur.

J’aimais beaucoup entendre Brent me dire combien l’influence de son frère avait contribuée à son éveil musical et forger l’homme qu’il était aujourd’hui. Je trouvais très beau que les valeurs de l’un ait bercé l’enfance de l’autre. En fin de compte, la grande différence d’âge entre les deux hommes leur avaient été bénéfiques.

- C’est ce qui ressort des conversations d’avec pas mal tout le monde près de Don. Il répond présent quand on a besoin de lui et c’est tout à son honneur.

Je ne savais pas si Brent essuyait une petite part de regret de ne pas avoir travaillé aussi fort que Don l’aurait souhaité et ne pas avoir, par conséquent une grande carrière en tant que manager comme celle de Daniele Ricci. Qu’il y ait regret ou non, en mon sens, la seule question qui méritait d’être posée était à savoir si le monde avait besoin d’un second Daniele Ricci ou d’un premier Brent Hughes. Ça fit sourire Brent, d’ailleurs qui répondit qu’il fallait de tout pour faire un monde.

- Effectivement, je suis on ne peut plus en accord.

Quant à son intention de mettre ses artistes de l’avant et non pas le contraire, je n’en avais aucun doute ! C’était de famille que de rester dans l’ombre pour faire avancer son prochain, quelque chose de très noble.

L’adolescence n’avait pas creusé de fosset entre les frères Hughes malgré que l’un embrassait l’âge ingrat et que l’autre s’apprêtait à porter un nouveau chapeau, celui de la paternité.

- Donc pour vous, Don continuait de tracer le chemin à suivre et de vous attendre tout en vous tendant la main.

Une main qui n’était tout de même pas là pour tout lui donner si facilement. Don avait voulu que son frère fasse ses propres preuves, ses propres marques.

- Il est important de pouvoir aussi vivre ses propres expériences, faute de quoi, l’on croira toujours que l’herbe est plus verte ailleurs.

Brent s’éparpilla légèrement dans ses souvenir en me parlant de sa rencontre avec Stephen Shran via Don qui lui permettait des incursions dans le monde de la jet-set. Si, comme il le disait, nous étions ici pour parler de son frère, cela n’empêchait en rien que je puisse apprécier de l’entendre me raconter ce genre de choses.

- Toutes les histoires m’intéresse, vous savez.

Et puis Brent avait une voix agréable à l’oreille. Il aurait pu être narrateur pour la télé, tiens !

J’allais ailleurs en nous lançant sur la paternité de Don, une période que je qualifierais de houleuse par moment. Je vis bien que là, je perdais un peu Brent qui n’avait pas été un témoin proche de la vie de son frère a cette époque.

- C’est pour cela que je suis ici, pour connaître votre point de vue. Dis- je aimablement pour ne pas qu’il ressente la pression d’une bonne ou mauvaise réponse. Je ne cherche pas de réponses exactes mais que le partage de vos souvenirs, de vos sentiments pour me permettre de mieux cerner votre frère au travers différentes étapes de sa vie.

Je l’écoutais me parler de l’arrivée de Carrie dans sa vie, du bonheur qu’il avait eu à l’idée d’être père et des défis que cela avait dû être que de mener à l’âge adulte sa fille.

- Si les enfants venaient au monde avec un mode d’emploi, je suppose que cela serait plus facile pour tout le monde.

Je fouillais dans mes vieilles notes en faisant tourner les pages, je retrouvais les grandes lignes de ma conversation avec Carrie avant de retourner à mes présentes notes et que je reportais mon attention sur Brent.

- Carrie se dit être une femme épanouie aujourd’hui et qu’avec le recul, elle a beaucoup à retenir des enseignements de son père. J’y vois là une belle cohésion avec ce que vous me disiez un peu plus tôt comme quoi Don est quelqu’un de dévoué.

En ce qui concernait Julian, les choses n’avaient pas été là non plus un long fleuve tranquille mais cela venait de la violence de Kate Julian. L’histoire de cette femme serait rapportée dans me pages, les grandes lignes servant à tracer ce chapitre de la vie de Don et de son fils. Cela était inévitable et je ne pouvais malheureusement pas faire comme si cela n’avait jamais eu lieu.

- Effectivement, l’ouragan Kate a laissé beaucoup de bardeau au sol et je ne peux malheureusement pas les contourner. Avec le recul, croyez-vous que Don a su suffisamment protéger Julian ? Qu’auriez-vous envie de dire aux gens qui jugent les décisions de Don vis-à-vis la garde de Julian ?

Parce que, qu’on le veuille ou non, il y avait toujours un tas de gens prêts à tirer à bout portant, se croyant le droit de juger une situation dont ils ne savent strictement rien. Je laissais Brent répondre à ma question délicate avant de nous diriger ailleurs, sans quitter la paternité de Don.

- Eleanor Harris. Quand j’ai découvert l’article conservé par votre frère et bien caché entre deux pages d’un vieil album, j’ai tout de suite compris que je venais de mettre la main sans le vouloir sur un secret précieusement enfouie. Mon but ici n’est pas de remettre en question la droiture de Don, il n’en ait pas question mais j’aimerais savoir comment avez-vous accueilli la nouvelle et pourquoi avez-vous décidez de veiller sur la petite pendant sa tendre enfance ?

Il serait mentionné dans mes pages que Lucy, la maman d’Eleanor, n’avait jamais voulu de l’aide de Don alors qu’elle n’avait pas eu la même réticence envers Brent. Je savais ce qu’en pensait Don, comment il avait vécu la chose mais je ne connaissais pas et désirais en savoir plus sur les motivations qu’avait eu Brent à l’égard de l’enfant illégitime de son frère.

Je hochai la tête en souriant quand Juliet reformula en résumé un peu tout ce que je venais de dire en affirmant que Don répondait toujours présent quand on avait besoin de lui… C’était vrai, à une exception près : Eleanor et Lucy…

Alors je décidai de tempérer un peu.

-Il a aussi ses défauts… Mais oui, globalement, c’est quelqu’un sur qui on peut compter.

Pour l’instant, je n’en dis pas plus, parce que je ne savais pas jusqu’à quel point Don avait parlé de son histoire avec Eleanor. Je ne savais pas ce qu’il voulait dévoiler ou non dans sa biographie.

On dévia un peu sur moi et sur le fait que j’aurais pu percer aussi sûrement et rapidement que Ricci si je n’avais pas été aussi fainéant. Enfin, fainéant était un bien grand mot. Disons que j’avais moins d’ambition qu’un Ricci. Ce à quoi on conclut, tous les deux, qu’il fallait de tout pour faire un monde.

Et très sincèrement, il n’y avait certainement pas assez de place à L.A. pour deux Ricci.

On en revint à Don et à comment il avait joué avec moi le rôle de mentor. Comment il m’avait ouvert les portes de la jet-set pour que je puisse me faire des contacts dans le monde de l’événementiel. Et comment il avait attendu que je fasse mes preuves tout seul comme un grand avant de m’offrir ma place de pistonné chez MTI.

Parce qu’il fallait se rendre à l’évident, même si j’avais dû prouver à Don que je n’étais pas mauvais, si je n’avais pas été son frère, il ne m’aurait probablement jamais repéré.

-Voilà, c’est ça… Bon, après, je reste un pistonné et un planqué, c’est ce que les gens disent.

Je lui parlai aussi, comme si je ne pouvais pas m’en empêcher, du fait que graviter autour de Don et de Stanley Montgomery m’avait permis de rencontrer mon meilleur ami, Shran. Cette amitié était tellement importante pour moi que je ne pouvais faire qu’en parler…. Jusqu’à ce que je me rende compte que je me mettais à parler plus de moi que de mon frère.

Je m’excusai pour cela, mais Juliet affirma que toutes les histoires l’intéressaient. Je souris.

-J’imagine, en tant que romancière… Mais qui sait, peut-être qu’un jour ce sera mon histoire qui méritera d’être racontée… Mais pas maintenant.

Mais quand on en vint à la paternité de Don, je prévins la jeune femme que je ne pouvais donner que mon point de vue. Le fait était que je détestais juger les gens et qu’en parlant de ce sujet, j’aurais justement l’impression de juger Don sur ce qu’il avait potentiellement mal fait ou bien fait.

Juliet me rassura alors, en disant qu’elle savait qu’elle ne cherchait pas des réponses exactes (ce que je ne pouvais pas lui donner puisque je n’avais vu Don agir en père que de l’extérieur). Enfin, fort des parole de Juliet, je me lançai un peu comme je pouvais.

Je lui parlait du fait que Don avait été un très bon père tant que ses enfants étaient petits mais que ça s’était compliqué quand ils avaient grandi au point qu’il y avait eu une coupure avec Carrie… Mais ils étaient maintenant réconciliés. Avec Julian, ça avait encore été différent.

Juliet devait avoir parlé à Carrie car elle la disait épanouie. J’eus un sourire un peu incertain. C’était sûr que maintenant que ça allait avec Don, ça allait beaucoup mieux. Mais son mariage avec Victor, de mon propre avis, ne lui permettait pas d’être si épanouie que ça… Même si elle le cachait bien.

-C’est sûr qu’elle s’en sort bien. Je suis vraiment fier d’elle… Et fier de Don pour avoir réussi à les réconcilier.

Pour ce qui était de Julian, il y avait une nouvelle variable dans l’équation : Kate Julian. On ne pouvait parler de Don sans passer par cette période sombre de sa vie. Juliet me demanda si Don avait su correctement protéger Julian à l’époque. Et ce que je pensais des décisions qu’il avait prises après son divorce.

Je passai une main sur mon visage réfléchissant, le regard pensif.

-Je ne vivais pas avec eux. Kate a su bien cacher ses agissements. Je n’ai su qu’elle les battait tous les deux que quand Julian est sorti du bois pour en parler.

Je soupirai.

-Je pense que Don était tellement pris dans une spirale de violence vicieuse qu’il n’a su protéger personne, pas même lui-même. Et ce n’est pas propre à Don puisque plus tard, on a appris qu’Hank North avait vécu la même chose. Elle arrivait à les faire tenir leurs langues, j’ignore comment.

Je grimaçai.

-A mon humble avis, Kate Julian devrait être en prison, à l’heure qu’il est.

Je fus content d’avoir dit ce que je pensais de tout ça. Mais quand Juliet passa au chapitre suivant et parla d’Eleanor et de Lucy… De comment j’avais accueilli la nouvelle et du pourquoi j’avais veillé sur elles durant les premières années de la fille illégitime de mon frère, j’ouvris de grands yeux.

-Comment savez-vous que j’ai aidé Lucy et Eleanor ? C’est elles qui vous en ont parlé ? Ou alors Don est au courant et je ne le sais pas ?

Toutes ces théories étaient possibles. Moi, je pensais que Don n’en savait rien. Mais peut-être qu’il savait. Peut-être qu’Eleanor lui avait dit… Ou l’avait dit à Juliet.

De l’enfance des frères Hughes, je passais à l’adolescence du plus jeune et de l’entrée dans l’âge adulte du plus vieux. Je me plaisais à entendre que la relation entre Brent et son frère aîné ne s’était pas étiolée et que même, d’être à différentes étapes de leurs vies respectives ne les avaient pas éloignés. Cela aurait pu être possible et arrive plus souvent que l’on croit, par la force des choses, qu’on le veuille ou non.

Brent avait le verbe facile et beaucoup de souvenirs à raconter. Il se reprit en disant que nous n’étions pas ici pour lui mais bien pour son frère alors que je lui confiais que j’étais intéressée par toutes les histoires.

- Qui sait ? Je serais intéressée de lire ce livre si un jour il est écrit.

Ou alors, aurais-je le privilège de l’écrire ?

Je m’intéressais à la paternité de Don, a sa relation avec ses enfants. J’avais commencé par Carrie, l’aînée, beaucoup moins introvertie que son frère ne l’était. Carrie disait avoir eue une belle enfance, privilégiée et que si sa relation avec son père n’avait pas toujours été comme un long fleuve tranquille, elle l’appréciait beaucoup désormais. Elle me semblait épanouie comme femme mais c’était sans compter sur son époux avec qui j’avais couchée, deux fois. Si elle le savait, elle serait probablement moins radieuse que ce que j’en disais à cet instant à son oncle.

- Don est fier de cette réconciliation qu’il voit comme l’aboutissement, entre autre chose, d’une grande et longue introspection.  

Peut-être que le passage de l’ouragan Kate dans sa vie et celle de son fils Julian avait forcé ce genre d’exercice. Il était permis de le croire.

Ma question était délicate, j’en avais conscience. Je ne cherchais pas non plus à faire endosser quoi que ce soit à Don, personne ne serait en mesure de le faire à mon humble avis. Comme le mentionnait Brent, Kate avait été assez vicieuse que pour bien cacher son jeu. Je me rappelait bien des articles qui laissaient supposer que c’était elle la victime, à l’époque ou elle tait mariée à Hank North.

- La violence psychologique est hautement destructrice. Allez savoir jusqu’à quel point Kate est parvenu à leur jouer dans la tête afin de les réduire au silence. Es choix faits en pareil situation paraissent discutables vu du dehors mais quand on y est pris à la gorge, on ne pense qu’à survivre.

Et Don avait fort probablement agit en croyant le faire dans le meilleur intérêt de son fils. En tous les cas, jamais, au grand jamais, mes phrases permettraient d’en douter. Kate Julian était une ordure, ça, on le comprendrait !

- Je n’ai pas l’intention de lui envoyer d’éloges.

Je parlais ensuite d’Eleanor et la surprise de Brent fut véritable. S’il avait été un dessin animé, le chapeau qu’il ne porte pas se serait envolé. Je me penchais donc vers l’avant et éteignis mon enregistreur portatif.

- Pardon, j’ai probablement poussé l’indiscrétion un peu trop loin. Je n’ai pas l’intention d’étaler dans mes pages votre secret puisque je constate que cela en est un. J’ai brièvement discuté avec Lucy et tout ce qu’elle m’a dit c’est que vous étiez la bonté incarnée et qu’Eleanor n’aurait pas eu la même enfance, sans vous. Quant à Eleanor, elle ne m’a pas dit grand-chose, simplement qu’elle était heureuse d’avoir finalement signé avec vous. Ses mots exacts étaient… Je fouillais dans mes notes pour retrouver ce que je cherchais et, quand mes yeux se posèrent sur mes écrit, je ne pus m’empêcher de sourire. Elle a dit Je suis heureuse de retrouver tonton Brent bien que je me sente moche de l’avoir oublié toutes ces années.

Je pris une gorgée en me disant qu’il y avait donc là un secret de famille enfouie et qui y demeurerait fort probablement.

- Vous n’êtes pas obligé de répondre, ça n’a pas de réel impact sur la vie de Don, à moins que vous me dites que c’était une façon pour Don de voir grandir de loin sa fille mais comme vous avez questionné à savoir si Don savait sans que vous le sachiez… je me doute que ce soit le cas.

J’avais assez d’Eleanor elle-même et de ce que Don avait eu à m’en dire pour faire le tour de ce passage de la vie de la tête dirigeante de MTI. J’écoutais ce que Brent avait à m’en dire avant de m’enligner sur la conclusion.

- J’ai assez de matériel pour terminer la rédaction de la biographie de votre frère. Bien sûr, avant d’envoyer à l’impression quoi que ce soit, je vous ferai lire l’intégrale de notre entretient et vous pourrez rectifier au besoin.

Je rigolai quand Juliet Jones affirma que si une biographie sur moi sortait un jour, elle la lirait. Je passai même une main sur mon visage en rigolant. Ma modestie naturelle revint au galop.

-Il faudrait que je fasse quelque chose qui mérite d’être écrit, avant.

Je n’étais pas Don, je n’avais pas fondé de maison de disque et ce n’était que maintenant, alors que j’avais 50 ans, que ma carrière commençait tout doucement à ressembler à quelque chose. Alors est-ce que je méritais qu’on écrive un livre sur moi ? Non. Pas vraiment. A moins qu’il ne soit intitulé Les aventures et tribulations de Shran et Brento… Et que ce soit un livre humoristique.

On se reconcentra sur Don et sa paternité… Ses problèmes avec Carrie qui semblaient résolus… Le résultat d’une grande introspection, apparemment, d’après Juliet.

-Carrie n’y était pas pour rien non plus, là-dedans. Il faut être deux pour se disputer.

Don ne devait pas porter toute la responsabilité de ce qu’il s’était passé. Carrie avait aussi son petit caractère.

Puis on passa à quelque chose de plus sombre : le chapitre Kate Julian. J’expliquai que je ne pouvais pas vraiment en parler dans le détail parce que personne ne savait et personne ne saurait jamais jusqu’où la perversité de Kate était allée. Don et Julian, maintenant qu’ils étaient débarrassés d’elle, ne voulaient pas en parler. Il voulait comme laisser ça derrière eux et oublier.

Et ils avaient probablement bien raison. Même si aucun d’entre eux n’en était réellement sorti indemne. Il suffisait de voir le nombre de tics et de tocs que Julian avait.

Juliet Jones avait sa propre vision des choses, reformulant un peu ce que j’avais dit comme quoi, quand quelqu’un vous jouait dans la tête, ce n’était pas facile de prendre des décisions, encore moins de bonnes décisions.

-Voilà, je suppose que c’est ça. Je ne peux pas vraiment me prononcer, ne l’ayant pas vécu. Ce serait prétentieux de prétendre comprendre ce qu’ils ont vécu à ce moment-là.

En tout cas, Juliet ne comptait apparemment pas parler de Kate en termes élogieux… Je haussai les épaules.

-Ce serait difficile d’en trouver, de toute façon… Même le Golden Triplet a explosé à cause d’elle.

Et si quelqu’un comme Jessica Hill décidait de s’éloigner de quelqu’un, ce n’était pas pour des prunes.

Puis, Juliet voulut que je parle d’Eleanor et des raisons qui m’avaient poussé à aider Lucy et la fille illégitime de mon frère. Le truc, c’était que je ne savais pas que ça se savait, hormis d’Eleanor elle-même et de sa mère. Pour moi, même Don n’était pas au courant.

Juliet s’excusa directement pour son indiscrétion. Je fis signe que ça allait, que ce n’était pas grave.

Mais j’eus un beau sourire nostalgique quand elle me retransmit les paroles de Lucy et d’Eleanor à mon endroit.

-Wow… Je n’imaginais pas avoir eu tant d’impact sur elles… Et Eleanor n’a pas à se sentir moche. Je les ai laissé voler de leurs propres ailes dès que ça a été possible pour Lucy et Eleanor n’avait que 5 ans. Pas étonnant qu’elle ne se soit pas rappelée de moi avant de me croiser chez MTI.

Je marquai une pause puis regardai Juliet dans les yeux.

-Je vais vous dire pourquoi je les ai aidées… Tant que ça ne parait pas dans le livre. En fait, je culpabilisais à la place de Don. Lui ne voulait pas entendre parler d’Eleanor parce qu’elle représentait son erreur à une époque où il essayait de sauver son couple. Et moi, j’estimais qu’il aurait du prendre ses responsabilités vis-à-vis de Lucy et Eleanor. Comme il n’y avait pas moyen de le faire entendre raison, j’ai apporté mon aide aux deux filles.

Je pinçai les lèvres.

-C’était donc plus de la culpabilité que de la bonté… Mais si elles en gardent un bon souvenir, c’est le principal.

Juliet avait maintenant assez d’élément pour rédiger les dernières pages de son livre. Elle affirma qu’elle me ferait lire l’entièreté avant de le publier.

-Ok… On fait comme ça…

Je me levai et lui serrai la main.

-Et n’oubliez pas de m’envoyer votre livre le plus terrifiant aussi.

Brent était un homme humble mais qui, comme pas mal tout le monde, aimait se faire caresser dans le sens du poils. Alors, quand je lui confiais lire avec intérêt sa biographie si un jour elle était écrite, il sourit franchement avant de dire qu’il ne pensait pas avoir une vie qui méritait d’être mise en page.

- Vous rigolez ? Je pense au contraire que les outsider font les meilleurs héros parce que justement, ils sont sous évalués.

Puis en toute honnêteté, Brent avec ce petit quelque chose de pimenté, un côté cowboy désordonné et attachant. S’il croyait que sa biographie manquerait d’intérêt, un personnage de fiction librement inspiré de lui commençait à naître dans mon esprit.

Notre conversation se recentra sur la vie de Don, sa paternité surtout dont je voulais le point de vue de Brent. Il avait été assez près de sa nièce et de son neveu que de son frère que pour avoir un avis neutre sur la relation qu’avait eu Don avec ses enfants. Rien n’avait été simple malgré toute la bonne volonté. Le conflit qui avait fait rage entre Carrie et Don en était un bon exemple.

- En effet, il faut deux personnes pour créer un conflit. L’important, et c’est ce que je veux faire ressortir, c’est que rien n’est insurmontable tant qu’il y a de la bonne volonté de part et d’autre.

S’il existait un mode d’emploi pour guider les nouveaux parents au travers tout ce que les années à venir réservent, tout serait plus simple. Ou pas ! La parentalité est un flot infini d’apprentissage, de surprise, d’imprévus et d’improvisation. Même moi qui n’a pas d’enfant est capable d’en faire le constat.

Je ne pouvais faire la biographie de Don et parler de ses enfants sans aborder Kate Julian et les dommages qu’elle avait causé dans la vie de l’homme d’affaire et de leur fils, Julian. La violence psychologique était frappante quand on se faisait raconter ce qu’ils avaient vécus. C’était à se demander comment cela se faisait que personne n’ai rien vue, ni de l’époque où la femme était mariée à Don, ni du temps où elle était l’épouse d’Hank North. Don avait été le premier à quitter le navire, laissant Julian aux ‘’soins’’ de Kate et de l’acteur. Ici, je ne jugeais pas la décision prise à l’époque par Don car, comme je le mentionnais, Kate s’était insinuée dans la tête de son ex tel une araignée venimeuse, y tissant ses toiles infectées, brisant jugement et raisonnement.

Brent partageait mon avis comme quoi il n’y avait pas vraiment de bons termes pour parler de son ex-belle-sœur. De toute façon, même si je ne pouvais l’éviter dans mes pages, je ne ferai pas non plus son procès. Cette femme ne méritait pas autant d’attention.

Ce fut ensuite sur Eleanor que je me dirigeais, visiblement maladroitement, en abordant un secret qu’on m’avait confié sans me préciser qu’il en était un. À voir l’air de Brent, je compris que je venais de faire un faut pas et je m’en excusais. Pour rattraper un peu le coup et mettre un contexte à mon indiscrétion,  je lui rapportais les mots qu’avaient eues Lucy et Eleanor à son égard. Un sourire éclaira son visage avant qu’il dise n’avoir jamais réalisé à quel point il avait compté pour elles.

- Ça ne paraitra pas dans le livre, vous avez ma parole.

Brent me parla alors des raisons qui l’avait poussé à veiller sur l’ancienne maitresse de son frère et de la fille qu’ils avaient eu ensemble.

- Que ce soit par bonté ou par culpabilité, c’est tout à votre honneur d’avoir tenté de faire la différence pour ces femmes.

Ceci pouvait clore notre entretient, j’avais assez de matériel pour terminer la rédaction de la biographie de Don. Je fermais mon calepin, rangeais mon stylo et récupérais mon enregistreur que j’avais déjà mis en arrêt quand Eleanor était venue sur le sujet. Comme avec tous les autres, je promis de leur faire lire ce qui ressortirait de notre entretient afin d’avoir la certitude que le tout était conforme. C’était pour moi une garanti que les propos rapportés seraient conformes.

On se serra la main et Brent me rappela de lui envoyer mon livre le plus terrifiant. Je rigolais en hochant la tête.

- Vous devrez me faire la liste de ceux que vous avez lus. Comme ça, je pourrai mieux choisir et je l’espère, vous surprendre ! En tous les cas Brent, ce fut un véritable plaisir que de discuter avec vous !