-Promets-moi de bien te tenir, Victor…

Carrie me suppliait presque alors que j’étais couché dans le fauteuil à attendre notre invité du jour. Je cuvais encore, en fait, de la soirée de Nouvel An d’hier. Mais Carrie avait insisté pour que son oncle vienne souper ce soir. Et elle voulait que je me tienne bien, hein ! Elle m’en voulait toujours pour le diner avec Eleanor. Elle m’en voulait d’avoir, peut-être, effrayé à tout jamais sa chère demi-sœur. Je n’en peux rien moi si quelques questions innocentes avait choqué la petite bénévole…

-Ouais… Ouais… Je me tiendrais bien, Carrie. Je ne ferais pas fuir ton oncle…

Je dis ça sur un ton las. On avait beaucoup fêté ces derniers temps. Quelque part, ça me permettait d’oublier Vito Pastore qui me hantait toujours. Je vérifiais ma foutue voiture chaque fois que je l’utilisais de peur qu’elle n’explose. C’est comme ça qu’ils tuent, non, c’est foutu mafieux ? Bah, je faisais attention ! Putain, tout ça parce que cette petite conne de Gina ne m’avait pas dit qu’elle était fiancée !

Ça n’empêchait que j’avais quand même mauvaise mine. Les fêtes ne devaient pas aider à ça vu que je me saoulais à mort à chaque fois. Comme hier à la fiesta de Nouvel An dans la résidence secondaire de Hill en dehors de la ville. Putain, je ne me rappelle strictement rien de la soirée. Quand je me suis réveillé ce matin, j’étais complètement mort et on était en 86. Mais le stress que je vivais depuis ma conversation avec Reed n’améliorait en rien mon teint…

Bref, j’avais quand même pris le temps de cuver toute la journée en attendant Brent. L’oncle de Carrie était manager chez MTI et je doutais que je sois sa personne préférée. Il était très protecteur envers Carrie. Et il avait plus de caractère que Don. Cela-dit, ça, ce n’était pas forcément difficile. Quant à moi, et bien, j’aimais m’amuser à ennuyer ce pauvre vieux Brent. Surtout sur le fait qu’après autant de temps dans le business, il n’avait pas encore chopé un seul groupe qui avait le talent suffisant pour être mondialement connu. D’ailleurs, il disait souvent qu’il aurait pu chopé The Army, il y a des années d’ici mais que Ricci lui était passé devant. Moi, je pense que c’est simplement un vieux fabulateur.

-Tu ne le traitera pas de vieux fabulateur, hein ?

J’ouvris à nouveau un œil. Elle lit dans mes pensées ou quoi ? Non… Elle savait juste que c’est chaque fois ce que je disais à Brent.

-Non… Promis, je me retiendrais…

Mon ton était toujours las. Tout ce que j’attendais, là, c’était que Brent arrive et qu’on ouvre le champagne. On avait aussi du homard et tout pour le souper. Le traiteur avait tout amené tout à l’heure. Sauf que je n’avais absolument pas faim. Ça fait depuis ma discussion avec Reed que je n’ai plus d’appétit.

Le sonnette de la villa retenti alors et je bondis hors du fauteuil. Ça y est ! La guerre peut commencer. Enfin, le souper, je veux dire.

Carrie se dirigea vers la porte et je fis de même restant en retrait. Elle ouvrit à son oncle avec un grand sourire.

-Brent ! Je suis heureuse de te voir.

Elle l’enlaça. Carrie était très proche de son oncle. Elle le fit entrer et je tendis la main à Brent le Fabulateur.

-Salut, Brenty. Comment tu vas ? Toujours en quête d’un bon groupe ? Si tu veux, j’ai quelques noms.

J’en avais ? Non, en fait. Si mais pas des bons. Mais bon, Brent ne s’en rendra compte quand les albums de ceux-ci ne donneront rien. C’est toujours comme ça avec lui, non ?

Carrie roula déjà des yeux mais ne se laissa pas démonter.

-Viens au salon. Je vais ouvrir le champagne.

Pour le jour de l’an, j’étais invité chez ma nièce, Carrie. J’avais passé le réveillon de la veille avec Don, dans sa villa à Malibu. Il y avait là quelques autres managers de chez MTI, des roadies et quelques artistes qui avaient mis l’ambiance.

Mais bizarrement, personne de la famille. Carrie et Victor avait passé le réveillon chez Jessica Hill et j’ignorais où mon filleul avait fêté… En réalité, je n’étais même pas sûr qu’il avait fêté… Le connaissant, il avait été bien capable de passer le réveillon le nez dans le moteur d’une voiture, sauf peut-être si Livia avait réussi à le trainer dehors, ce que j’espérais.

Bref, mon réveillon à moi avait été assez sympa… J’avais parlé à plein de gens en buvant des Martinis Dry à la chaîne. Un de mes petits groupes avait joué et j’étais resté dormir chez mon frère pour le peu qu’il restait de nuit.

Le lendemain, en 1986, j’étais frais et dispo… J’avais l’habitude de ce genre de fête et je connaissais mes limites… Enfin, ça ne m’empêchait pas de faire des excès, mais rien de très fâcheux.

J’avais pris ma douche chez Don et quand j’avais été prêt, vers 10h30, je constatai que mon frère était dans son fauteuil, dans son salon et… il m’avait paru tellement seul, maintenant les invités partis, que j’avais décidé de rester la journée.

-Pourquoi tu ne viens pas avec moi chez Carrie ?

Il avait relevé les yeux vers moi, tripotant sa tasse de café.

-Je ne suis pas invité et je ne veux pas m’imposer.

Je m’assis sur le divan et jaugeai mon frère.

-Tu as peur que Carrie t’en veuille pour Eleanor ?

Il hocha la tête. Ce n’était que récemment que Don avait voulu nouer des liens avec sa fille illégitime. Moi, j’avais connu la jeune femme dans sa plus tendre enfance, à une époque où Don ne voulait pas en entendre parler. J’avais aidé sa mère à s’en sortir, parce qu’elle s’était retrouvée seule avec un enfant… J’avais fait ça dans le dos de Don et je doutais que la gamine s’en rappelle. Puis quand elle avait été remise à flot, je les avais perdues de vue. Je savais par Don qu’aujourd’hui, Eleanor, devenue une femme, se produisait à Broadway et j’en ressentais une certaine fierté.

-Tu sais, Don… M’est avis que si quelqu’un t’en veux dans l’histoire, ce n’est pas Carrie, mais son petit minet d’avocat.

Victor Hunter était une véritable sangsue… Et je savais qu’il n’était pas fidèle envers Carrie. Le truc, c’était que ça ne me regardait pas, même si je crevais d’envie d’ouvrir les yeux à ma nièce.

Bref, la journée passa et Don ne changea pas d’avis. Il décida de rester chez lui en espérant que Julian passe à la villa.

Je descendis donc de Malibu jusqu’à Beverly Hills où je sonnai à la porte de la magnifique demeure du couple Hunter. Je souris tout seul sur le palier en me disant que Victor avait eu beau épousé Carrie, tout le monde appelait quand même Carrie « Hughes » et pas « Hunter ».

Carrie vint m’ouvrir et me salua en me prenant dans ses bras et en déposant un baiser sur ma joue.

-Bonsoir ! Bonne année ! Bonne année à tous les deux.

Je serrai la main de Victor qui commença directement à se foutre de ma gueule. J’étais manager depuis des années mais je n’avais encore fait signer aucun grand nom. Malgré tout, je gagnais très bien ma vie avec des groupes qui étaient au moins connus aux USA.

-Je vais bien et mes groupes vont bien, merci, Victor… Un rouleau compresseur t’es passé dessus ?

Victor devait avoir vraiment abusé la veille. Il avait le teint terreux et des cernes sous les yeux. Carrie roula des yeux puis m’invita à aller au salon où le champagne nous attendait. Elle servit les verres et je levai le mien.

-A l’année 1986 !

Je bus une gorgée avant de sourire.

-Don m’a dit que vous étiez allés à New York… Pour rencontrer Eleanor… Comment est-elle ?

Je me demandais si j’allais reconnaître la petite fille que j’avais connue, dans leur description.

Carrie avait salué son oncle en le serrant dans ses bras. Carrie adorait Brent… Elle avait eu ses différents avec son père mais avec son oncle, c’était différent. Il salua Carrie en retour avant de nous souhaiter une bonne année, tradition oblige.

-Bonne année !

Carrie était enthousiaste. Il faut dire qu’elle attendait avec impatience ce souper avec Brent. Moi, j’ai largement préféré la fête chez Hill. Même si Jessica m’a, encore une fois, nié toute la soirée. Pourquoi m’inviter si c’est pour me nier ? Bonne question ! Mais c’est Jessica Hill… Il ne faut pas chercher plus loin la logique. De toute façon, il y avait eu un tas de monde à sa fête alors que Hill ne me parle pas n’à pas changé grand-chose.

Bon ! Brenty ! Il serra ma main et je le saluai par une petit question qui cachait, en fait, une pique, bien mal dissimuler. De quoi exaspérer Carrie mais Brenty ne se laissa pas démonté. Je savais qu’il lui en fallait beaucoup pour l’énerver. Il déclara que ses groupes allaient bien. Tant mieux pour lui ! Je ne sais même plus quel est le nom de ses groupes. C’est dire à quel point ils sont connus.

Mais bon. Si je savais envoyer des piques, Brent n’était pas en reste alors qu’il me demanda si un rouleau compresseur m’était passé dessus.

-C’est ce qui arrive quand on fait la fête presque tous les jours, que veux-tu… Mais bon, à ton âge, on ne fait plus ça j’imagine…

Sans doute que hier il était allé au lit une fois minuit à peine passé. Je ne savais pas où il avait fêté, d’ailleurs. Seul avec Don ? Il en serait capable. Après tout, Brent n’avait ni femme, ni enfants…

Carrie ne répliqua rien. Elle préféra nous emmener au salon pour ouvrir le champagne. Elle nous servit et son oncle trinqua à l’année 86. J’esquissai un sourire.

-A l’année 86 !

Je bus une longue gorgée de champagne avant que Brent ne parle de notre voyage à New York. C’est d’Eleanor qu’il semblait vouloir parler. Il était curieux de savoir comment elle était. Je ne pus m’empêcher de pouffer de rire rien qu’au mot « Eleanor ». Carrie, elle, fit une moue ennuyée et se réfugia dans une gorgée de champagne. Tu fuis, Carrie ? Ok, je me lance !

-Eleanor est une petit brebis effrayée.

Carrie me foudroya du regard avant de se reprendre et de regarder son oncle.

-Nous l’avons invité à venir manger au penthouse… On a vu sa représentation juste avant, elle est vraiment douée pour ce qu’elle fait. C’est une excellente chanteuse. Elle est venue chez nous et j’ai pu remarqué que c’est une femme extrêmement gentille et extrêmement sensible. Mais…

Mais ? Oh, allez, Carrie ! Dis-lui qu’Eleanor a eu peur de quelques petites questions sur son compte (en banque et en général). Tu ne veux pas ? Ok !

-Et elle est partie avant même qu’on ne passe à table parce qu’elle n’a pas aimé qu’on lui pose quelques questions sur elle. Comment on peut mieux la connaitre sans lui poser des questions ? Elle a peur de ce qu’on pourrait penser d’elle. C’est l’impression qu’elle m’a donné. Et, bon, Dieu ! Qu’est-ce qu’elle peut s’en poser des questions… Genre, Timmy Evans lui a proposé un contrat de chanteuse… Tu savais ça, Brent ? Mais elle ne sait pas trop si elle va accepter parce qu’elle a peur que ça la rapproche de Don. Elle a peur qu’on pense qu’elle est entrée chez MTI parce qu’elle est la fille du Don. Et tout un tas d’autres questions sur ce que les gens pourraient penser d’elle. Et ce n’est qu’un exemple, hein. Bref… Une petite brebis effrayée.

Mais elle ne sera pas un obstacle à l’héritage alors c’est tout ce qui compte, finalement. Carrie soupira, désespéré déjà par mes paroles. Hey ! Je n’ai fait que faire un compte rendu, moi !

On se souhaita la bonne année. Victor m’envoya une première pique, comme à son habitude. Des fois, je me demandais ce que Carrie lui trouvait. Ce petit minet pouvait être vraiment détestable, voire même méchant… Et c’était sans compter tout ce qu’il faisait dans le dos de ma nièce.

Et hop ! Une petit pique sur mon âge. En réalité, je n’avais que 10 ans de plus que Carrie. Mais c’était vrai qu’avec mes cheveux qui avaient blanchi de façon précoce, j’avais peut-être l’air plus vieux. Sauf que Victor savait très bien que âge j’avais. Donc c’était encore une fois juste par provocation.

Mais j’étais au-dessus de ça. Je n’allais pas m’énerver parce que Victor faisait un complexe d’infériorité qui l’amenait à rabaisser tout le monde.

Je lui souris.

-Détrompe-toi, j’ai fêté et bien fêté. Sauf que mon expérience, ou mon grand âge, vois-tu, fait que je n’ai pas l’air d’un zombie le lendemain.

Contrairement à lui.

On trinqua donc à cette nouvelle année. Victor, lui, semblait boire pour combattre le mal par le mal. Personnellement, j’étais en forme et ce n’était pas l’avocat qui allait me gâcher cette soirée avec Carrie. Il m’en faudrait beaucoup plus que ça.

Ils étaient allés à New-York récemment et je voyais là l’occasion de leur demander, puisqu’ils l’avaient rencontrée, ce qu’étais devenu la gamine dont j’avais aidé la mère il y avait des décennies de ça.

Mais à voir la tête de Carrie se décomposer, ça s’était mal passé. Je la regardai en haussant un sourcil interrogateur, ma coupe de champagne à la main.

Finalement, ce fut Victor qui se lança pour dire qu’Eleanor était une petite brebis effrayée.

-Ça ne doit pas être évident de renouer avec une famille qu’on ne connait pas…

La petite fille que je connaissais était enjouée, joueuse… Mais bon, mon souvenir était celui d’une enfant, pas d’une jeune femme.

Carrie enchaîna en disant qu’Eleanor était gentille, sensible et talentueuse. Voilà qui se rapprochait plus de mon souvenir.

Victor continua en brossant un tableau moins reluisant… Apparemment, il avait effrayé la petite en lui posant des questions assez intrusives.

-Ça dépend quel genre de questions tu poses… Et te connaissant, je suis sûr que tu ne lui as pas demandé sa couleur préférée ou si elle avait un chien…

Je fis la moue. Puis mon visage changea complètement quand j’appris que Timmy Evans avait dans l’idée de faire signer un contrat à Eleanor. Je serrai un peu plus mon verre… Et mes dents aussi.

-Timmy Evans ?

Oh non ! Je n’étais pas au courant de ça ! J’allais encore me faire devancer ! Nom de Dieu !

Mais si elle hésitait déjà à signer parce qu’Evans était chez MTI… Elle allait sûrement hésiter encore plus pour signer avec quelqu’un qui a le même nom que son père biologique.

Je me tournai vers Victor.

-Elle est vraiment talentueuse ?

Brent avait avoué avoir bien fête la vieille et il se vantait des frais comme un gardon alors qu’il me compara à un zombie. Ah mon bon vieux, Brent. Toujours une réplique à mes attaques. Je dois avouer que c’est limite de l’art.

-Le plus beau zombie de Los Angeles !

Je dis ça avec une touche de fierté ce qui sembla déridé un rien Carrie qui était déjà crispée par mes petites attaques innocentes envers son oncle.

Quoi qu’il en soit on finit au salon et le champagne fut servi. On trinqua à la nouvelle année qui, je l’espérais verra la mort prochaine de Pastore. Le plus vite sera le mieux en tout cas !

Tout de suite, l’oncle de Carrie emmena la conversation sur notre voyage à New York. En fait, ce n’est pas tellement des heures interminables de shopping qu’on avait fait qui l’intéressait mais bien notre rencontre avec la demi-sœur de Carrie, Eleanor Harris. Tout ça mis mal à l’aise Carrie. Elle n’osa pas se lancer alors je le fis déclarant qu’Eleanor Harris n’était rien d’autre qu’une petite brebis effrayée qui allait se cacher dans un trou ou moindre petit malaise. Brent sembla quelque peu défendre la jeune femme disant que ce n’était pas évident de nouer avec une famille qu’on ne connaissait pas. J’haussai des épaules alors que Carrie, elle, hocha de la tête :

-J’ai tout mis en œuvre pour essayer de la mettre à l’aise.

Ouais. Elle me reprochait toujours d’avoir saboter ses efforts. Sauf que je ne pensais pas que quelques petites questions allaient l’effrayer. Je ne lui avais envoyé qu’une seule pique, en réalité ! Et c’était après qu’elle ne décide de partir.

Carrie dépeignit une image un peu plus reluisante de sa demi-sœur. Mouais, à considérer qu’être très gentil et très sensible était un point positif. Dans ce monde, ce n’était pas le cas. Il fallait être bien plus endurci pour survivre. Ça, je l’avais appris dans la jet-set. Une jet-set où Eleanor Harris ne survivrait pas deux secondes. Du coup, j’en rajoutai après donnant mon propre avis plus détaillé sur la petite brebis. Mais encore une fois, Brent sembla prendre un rien la défense de la fille cachée de Don en disant que ça dépendait les questions qu’on posait. J’haussai des épaules.

-Depuis quand il y a de mauvaises questions ? Et quand bien même je n’ai pas mis un flingue sur sa tempe pour qu’elle réponde. Elle n’était pas obligée, hein. Si ça la dérangeait tant que ça…

Carrie soupira.

-Disons que Victor n’a aucun sujet tabou… Du coup, Eleanor a cru participé à un interrogatoire.

Je pris un air innocent.

-Je n’en peux rien si je suis avocat, moi. C’est une manie que de questionner les gens… Que veux-tu ?

Mais je sus que j’avais touché Brent quand j’avais évoqué le contrat que Timmy Evans avait proposé à Harris. Il n’était pas au courant, visiblement et quand il répéta le nom du manager anglais je pris un air concerné.

-Oui, Timmy Evans. Mon bon vieux Brent, tes oreilles vont bien ? Il ne faudrait pas aller les vérifier ? Je m’inquiète tu sais. Ne plus entendre quand on est manager, c’est inquiétant.

Ça explique sans doute pourquoi ses groupes sont nuls, par contre…

Brent me regarda demandant si elle était vraiment talentueuse.

-Et bien, je dirais que…

Mais Carrie me coupa sans vergogne pour lancer :

-Elle en a. Elle a parfaitement maitriser toutes les parties chants de Sandy dans sa représentation de Grease. Elle a un mangifique grain de voix. Ne demande pas à Victor ce qu’il en pense, il dormait à moitié pendant toute la représentation et, de toute façon, il n’a pas l’oreille musicale.

Je fis la moue. C’était rare quand Carrie me descendait en flèche comme ça. Mais c’était sans doute parce qu’elle m’en voulait toujours pour ce qu’il s’était passé avec Eleanor. J’haussai des épaules.

-Si Timmy Evans est allé jusqu’à lui proposer un contrat, j’imagine que, ouais, elle a du talent. Mais je doute qu’elle puisse survivre à une carrière de chanteuse sous le feu des projecteurs. C’est pas une grande ambitieuse. Si elle accepte et qu’elle a du succès, elle va se briser en mille morceau. Ça sera pas la première artiste de talent à se briser à cause du mental pas assez fort. Il y en a eu d’autres…

Des tonnes d’autres. Mais je voyais bien ça venir à l’avance. Carrie ne semblait pas d’accord.

-Si elle est bien entourée, elle peut s’en sortir… N’est-ce pas, Brent ?

Non. Même ceux qui sont entourés peuvent se faire manger tout cru par leur sentiments. Encore une fois : du déjà-vu.

Victor et moi avions une dynamique assez bien rodée qui faisait qu’aucun de nous ne prenait offense de ce que l’autre disait. En fait, il n’y avait que Carrie qui s’inquiétait que ça tourne mal… Mais je n’étais pas du genre à me laisser emporter pour les réflexions d’un gamin… D’autant que je le lui rendais bien. Je trouvais même ça assez drôle, pour dire vrai.

Je souris à Carrie pour lui assurer que tout allait bien. Elle me connaissait, elle devait le savoir… Pendant ce temps-là, Victor affirma être le plus beau zombie de Los Angeles, ce qui me fit pouffer de rire.

Une fois au salon et après avoir trinqué, je voulus en savoir plus sur leur voyage à New-York, mais surtout sur leur rencontre avec Eleanor. Le dernier souvenir que j’avais était celui d’une petite fille de quatre ans… Joueuse, pleine d’imagination et d’une gentillesse à toute épreuve…

Et apparemment, ça n’avait pas beaucoup changé. Et évidemment, Victor trouvait que toutes ces qualités étaient des tares.

Ce qui m’étonnait, c’était le terme « effrayée »… Une « brebis effrayée »…

Je pointai Victor de l’index de la main qui tenait mon verre.

-Effrayée ? Ou plutôt intimidée ? Ce n’est pas tous les jours que la jet-set vient à vous pour demander des comptes. Parce que vous représentez la jet-set de Los Angeles, les petits gars…

Parce que j’imaginais bien que c’était ce genre d’interrogatoire que Victor avait fait subir à la petite.

Carrie, elle, affirmait qu’elle avait tout fait pour mettre sa demi-sœur à l’aise. Je n’en doutais pas. Carrie avait hérité de la bienveillance de son père… Mais aussi de sa naïveté, sinon, elle ne serait pas mariée avec Victor Hunter.

Victor, lui, se défendit en disant qu’il n’y avait pas de mauvaise question et qu’il n’avait pas non plus forcé Eleanor à répondre. Ce à quoi Carrie enchaîna direct que l’avocat n’avait pas de tabou. Et lui de se défendre encore en disant qu’il était avocat et que c’était… Quoi ? Un tic ?

Je fis la moue.

-Je vois… Eleanor est passée direct devant le tribunal, si je comprends bien.

Je voyais bien le genre de question qu’avait pu lui poser Victor. Parce qu’il n’y avait qu’une seule chose qui intéressait l’avocat de Jimmy Reed.

-Parler directement d’argent quand on veut faire connaissance, ce n’est pas le bon plan, Victor. Mais si tu voulais la dégoûter de la famille Hughes pour ne pas que la part de l’héritage de Carrie soit réduite, je suppose que tu as tapé dans le mille.

Parce que contrairement à Don, je n’étais pas naïf. Je voyais assez clair dans son jeu. J’avais dit ça d’un ton calme, comme si j’énonçais ce que j’avais mangé au déjeuner.

Bref, je voulais surtout en savoir plus sur Eleanor… Et j’appris qu’elle avait du talent pour le chant. Un talent qui n’avait pas échappé à Timmy Evans. Or, ça me dérangerait vraiment que Timmy fasse signer la jeune femme. Parce que je savais comment il était. Et quoi qu’on en dise, il n’était pas si doué que ça. The Burning Fire était maudit, Lola était carrément décédée et BleedingHeart avait été voir ailleurs parce qu’il leur manquait d’attention.

Je ne voulais pas qu’Eleanor tombe entre les griffes de l’anglais. Il allait falloir agir.

J’avais murmuré le nom de mon rival et Victor en profita pour lancer un nouveau trait de son humour douteux.

-J’ai très bien entendu. Mais tu sais ce que je pense d’Evans.

Ce n’était un secret pour personne.

Quant au talent d’Eleanor, il avait conquis Carrie et endormi  Victor. Il était cependant d’accord pour dire que si elle avait attiré l’attention d’Evans, c’était qu’elle n’était pas nulle. Cependant, il doutait de sa force de caractère. Il pensait qu’elle allait se briser sous la pression d’une vraie carrière de chanteuse. Je pris une gorgée de champagne, réfléchissant alors que Carrie disait que la jeune femme pourrait s’en sortir si elle était bien entourée.

-Il y a toujours moyen. Mais Victor n’a quand même pas tort, pour le coup. Je crois savoir qu’Eleanor ne vient pas d’un milieu aisé. La jet-set, ce sera l’inconnu pour elle.

Et pour cause, que je le savais ! Mais c’était mon secret à moi.

-L’un de vous sait comment Evans l’a entendue chanter ? Il n’est pas allé à New-York dernièrement, je le saurais. Et elle ne s’est jamais produite à L.A. à ma connaissance.

Sincèrement, Brent… Quelle est la différence entre « intimidée » et « effrayée » ? Dans les deux cas, Eleanor Harris faisait bien pâle figure. Comme si la jet-set entière allait lui prêter des intentions qu’elle n’avait pas. Sincèrement, la jet-set, pour l’instant, se fichait bien de ce que faisait Eleanor Harris. Mais Brent disait qu’Eleanor avait dû se sentir intimidée pour nous car on représentait la jet-set et que, en quelque sorte, on venait lui rendre des comptes. Je roulai des yeux.

-La jet-set se fiche un peu d’Eleanor Harris, à vrai dire. Mais, ouais… Si tu veux, elle a été intimidée. Quoi que la différence entre intimidée et effrayée et assez floue, hein, Brenty !

Oui, j’avais le droit de parler pour la jet-set… Il venait de dire que nous en étions les représentants, après tout…

Carrie, elle, disait avoir tout fait pour mettre à l’aise Eleanor mais j’avais sapé ses efforts sans même réellement le vouloir. Parce que, sincèrement, je pensais avoir été relativement soft avec Harris mais ça ne l’a pas empêchée de partir la queue entre les jambes. A se demander comment elle avait pu survivre tout court, jusqu’ici. Quoi que la lâcheté était une des caractéristiques de certains membres de la famille Hughes. Don l’était.

J’avais défendus mon comportement de ce jour-là et comme j’étais un avocat, je cherchais à avoir le dernier mot face à Carrie qui semblait vouloir remettre le fait que ce souper avait tourné court sur moi. Et c’est justement ma position d’avocat que je mis en avant comme excuse pour tout justifier. Et Brent de penser qu’Eleanor, à ce souper, avait été jugé comme devant un tribunal. J’haussai des épaules.

-Si c’est l’impression qu’elle a eu, qu’en puis-je ? Ce n’était pas mon intention.

Mais Brent semblait voir clair. Parce qu’il se doutait bien que j’avais parlé d’argent à Eleanor. Ouais… Et alors ? Je ne vois pas en quoi l’argent devait être un sujet à cacher sous le tapis. Tout le monde en veux mais personne ne le montre ce qui est totalement débile. Quoi qu’Eleanor semblait s’en foutre de l’argent. Peut-être que son ambition, à elle, était de vivre dans la rue, qui sait ?

Je levai un sourcil quand Brent parla de l’héritage de Don.

-Je n’ai voulu la dégouter de rien. J’étais juste curieux. Est-ce mal à ce point ? Et quel aurait été mon intérêt de la dégouter alors qu’Harris se plait à vivre dans la classe basse ?

Carrie soupira mais se tut encore une fois.

Mais bon ! Quand je lançai le nom de Timmy Evans, Brent s’intéressa plutôt au talent d’Harris pour le chant. Comme quoi, si moi j’aime l’héritage de Don, lui semble toujours chercher sa perle rare. Il la cherche depuis avant ma naissance (j’exagère sûrement à peine), donc, c’est normal qu’il semble si troublé par le fait qu’Evans lui soit encore passé devant. Il en souffla même le nom du manager anglais. Du coup, ça me permit de lui envoyer une petite pique. Il répliqua disant que je savais ce qu’il pensait d’Evans.

-Oui. Tu le penses surcoté. Et tu n’aimes pas son attitude froide. J’ai juste ?

En gros, Brent n’aimait pas Evans. Mais on pourrait sincèrement pensé qu’il ne l’aimait pas par jalousie.

-Tu es sûr que tu n’es pas simplement jaloux, Brent ?

Ce fut à Carrie de m’agresser quand Brent demanda si Eleanor avait réellement du talent. C’était une preuve qu’elle m’en voulait toujours mais je savais que ça lui passera. Finalement, je déclarai que si Evans avait jugé qu’elle en avait c’est qu’elle devait en avoir. Brent pensait peut-être qu’Evans n’est pas si bon que ça mais il a l’oreille. Mais je doutais qu’Eleanor puisse survivre dans le milieu du business musicale et encore moins dans celui de la jet-set. Carrie elle pensait bien qu’elle pourrait y arriver en étant bien entourée. Mouais… Être entouré ne suffit parfois pas. Comme je le dis, il y a plein d’exemple qui pourrait étayé ma prédiction sur l’avenir d’Eleanor dans un monde qui n’est pas le sien.

Et Brent, cette fois, déclara que j’avais raison ce qui m’arracha un sourire en coin.

-Et sans les codes de la jet-set, elle va tomber dans tous les pièges. Et il y en a plein ! Moi, je te dis que c’est la dépression qui l’attend, la fragile Eleanor Harris.

Même sans ça, elle avait déjà l’air si peu sûre d’elle… Alors dans le monde impitoyable de la jet-set, ça sera réellement invivable. Carre me regarda avant de poser son regard sur Brent.

-Je pourrais la guider. Je connais très bien la jet-set.

Mais tu n’en connais pas tout les pièges, chérie… La preuve tu t’es mariée avec moi.

-Puis, elle n’est pas obligé de s’y mêler réellement, après tout.

Moui, ça c’est vrai… River Moriarty me l’a fait comprendre. Et repenser à River me fit légèrement tiquer. Mais le lançai à Carrie :

-Quand on est une chanteuse avec une notoriété, il n’y a pas que la jet-set qui peut te détruire, ma chère Carrie.

La presse peut le faire aussi. Ou simplement la presse des concerts et autres albums à sortir.

Brent, lui se demanda comment Evans avait entendu Eleanor chanté. Ce qu’il voulait sûrement savoir c’était à quel moment il avait raté son occasion. Il disait qu’Evans n’avait pas été à New York dernièrement. Quoi ? Il suit tous les déplacements de Timmy Evans ? L’idée me fit rigoler intérieurement.

-D’après ce qu’Eleanor a dit, elle a enregistré une démo avec un de ses amis et Evans a eu une copie. Donc, soit l’ami d’Eleanor, soit elle-même l’a envoyé chez MTI. Pas de chance, Brent ! C’est Evans qui est tombé dessus… Evans est bel et bien allé à New York dans la foulée pour proposer un contrat à Eleanor.

Mais m’est d’avis que c’est plutôt l’ami d’Eleanor qui avait envoyé cette démo parce que la petite brebis effrayée hésitait à l’idée d’accepté le contrat d’Evans. Carrie hocha de la tête pour confirmer ce que je venais de dire.

-Mais elle hésite à accepter. Elle a peur que mon père pense que ça soit une façon pour elle de se rapprocher de lui. Elle ne semble pas vouloir nouer des liens avec mon père… Du moins, elle n’en est pas certaine.

Je lançai un regard torve à Victor quand il déclara que la jet-set se foutait bien de ce que pouvait faire Eleanor Harris.

-Elle s’en fout tellement que vous avez couru jusqu’à New-York pour voir de quoi il en retournait…

Quant à la différence entre « effrayée » et « intimidée », je laissais Victor à ses propres réflexions. Je n’avais pas envie de jouer au jeu du dictionnaire avec un avocat qui retournerait de toute façon tout à son avantage même s’il avait tort…

Oui… Parfois, c’est bien de laisser Victor dans le vide.

Je voyais bien que Carrie n’était pas du tout contente du comportement de son mari lors de ce souper avorté. Rien qu’à sa tête, je pouvais facilement imaginé le jeune avocat tenter d’avaler toute crue la pauvre Eleanor, qui ne lui avait rien fait, juste pour satisfaire son pseudo sentiment de supériorité.

Et je doutais que sa récente alliance avec Jimmy Reed en fasse un homme meilleur, loin de là.

Il clama qu’il n’en pouvait rien si la demi-sœur de Carrie s’était sentie mal à l’aise. Que ce n’était pas son attention. Encore une fois, je le regardai avec un regard qui voulait dire qu’il ne fallait quand même pas me prendre pour un con. Que je savais comment il était et comment il pouvait se rendre encore pire.

Je me penchai en avant pour prendre un toast au crabe sur la table basse. Ça se mariait parfaitement avec le champagne et je reconnaissais bien là les bons goûts de Carrie… Et du traiteur, parce que j’adorais Carrie, mais de là à dire qu’elle était bonne cuisinière… L’avantage, c’était qu’elle en avait conscience et évitait de faire la cuisine quand elle le pouvait.

Victor, qui adorait parler, continuait en mode victime en demandant si c’était mal d’être curieux. Jusque-là, on pouvait presque y croire, à son petit manège de « j’ai pas fait exprès »… mais ce fut sans compter sur sa dernière remarque  sur Eleanor dont il disait qu’elle se plaisait à vivre dans la basse classe.

Je déglutis mon toast… Et mon envie de lui souligner que la mère d’Eleanor avait réussi à atteindre la classe moyenne et que c’était probablement à ce niveau, modeste mais correct, que se situait mon ancienne protégée.

Je repris un toast dans une main et m’envoyai une gorgée de champagne de l’autre.

-Être curieux peut être un atout. Ça peut même devenir une qualité. Mais il faut savoir où placer cette curiosité, Victor.

Et je disais ça à un gars dont le job était de remuer la merde dans la vie des gens pour les enfoncer au tribunal. Je soupirai, me rendant compte que ma cause était perdue.

Je tendis ma coupe à Carrie pour qu’elle la remplisse, tiens…

-Merci…

La conversation dévia… Enfin, plus ou moins. Il était toujours question d’Eleanor, mais plus précisément de son talent de chanteuse. Un talent qui n’avait pas échappé à Timmy Evans, ce qui avait de quoi me faire un peu rager. Il était toujours sur les bons plans… Mais sa gestion était de plus en plus décousue et je n’avais pas envie que ça arrive à Eleanor.

Et ça n’échappa pas à Victor… Mais bon, j’avais pas vraiment caché ce que je pensais non plus.

-Il y a un peu de ça…

Il ajouta une question, demandant si j’étais jaloux d’Evans. J’écartai les bras devant l’évidence…

-Il est jeune, il est beau, il a du flair et il est impitoyable ! Evidemment que je suis jaloux, Victor…

Mais bon… Imaginons que la jeune femme signe avec Evans… Victor ne pensait pas qu’elle pouvait survivre dans la jet-set. Et… il avait pas tort, si elle était aussi craintive que l’insinuait Victor. Selon ce dernier, c’était la dépression que la célébrité apporterait à sa belle-sœur. Je me fis pensif, enfournant un nouveau toast et me laissai aller en arrière sur le dossier du divan, ma coupe plus ou moins appuyée contre mon ventre.

Carrie souhaitait apparemment vouloir sincèrement aider Eleanor.

-Je pourrais l’aider aussi…

Mais Victor avait encore une fois raison.

-Elle pourrait se tenir loin de la jet-set… Mais pas de la presse. C’est impossible… Rien qu’à cause des tournées de promotion.

Et si Don dévoilait son lien avec elle comme il m’avait dit avoir l’intention de le faire dans sa biographie, les journalistes n’allaient pas se contenter de l’interroger sur son art.

Et ce fut tout content que Victor me raconta alors comment Timmy Evans en était venu à s’intéresser à Eleanor. Il y avait une démo quelque part chez MTI. Et en plus, Timmy était allé à New-York, contrairement à ce que je savais !

-Merde.

Je vidai mon verre en trois gorgées et le tendis à nouveau à Carrie. A ce rythme, j’allais vider le champagne à moi tout seul.

Tout en me servant, ma nièce ajouta qu’Eleanor hésitait à se lancer avec Evans, et la raison principale n’était pas tant la peur de la jet-set que le fait qu’elle n’était pas sûr de vouloir se lier à Don de quelque façon que ce soit.

Je fis la moue.

-Heureusement que Jimmy Reed est misogyne parce que c’est comme ça qu’on rate des talents.

Or, BSC était notre plus grande concurrence. Je frottai mon menton puis lançai.

-Je vais essayer d’entrer en contact avec Eleanor.

Et pas seulement parce qu’elle avait du talent. En réalité, j’étais curieux de voir quelle femme la gamine avec qui j’avais joué à une époque était devenue.

Là-dessus, on allait pas parler de ça toute la soirée, alors je souris à Victor.

-Il parait que tu tournes un film, Victor… Tu en a marre d’être le seul Hunter à ne pas être un artiste ?

J’ignorai complètement la réflexion de Brent sur le fait que la jet-set ne s’en fichait pas tant que ça d’Eleanor Harris vu qu’on était allé jusqu’à New York pour la voir. A vrai dire, ce n’est pas tant la jet-set qui en avait quelque chose à foutre mais mon compte en banque. La jet-set, elle, n’a rien à craindre d’Harris. La jet-set mange des Eleanor Harris tous les jours.

Bref, Carrie m’en voulait toujours pour comment le souper avec sa demi-sœur avait tourné et pendant que je me défendais tel l’avocat que j’étais, Brent se goinfrait avec les toast au crabe tout en sifflant le champagne. Moi, je ne buvais pas aussi vite étant donné que j’étais bien trop occuper à parler.

J’avais mis en avant qu’on ne pouvait pas me blâmer d’être curieux mais Brent disait que tout était une question de comment placer cette curiosité.

-Moi, je suis du genre à penser que tout est bon à savoir.

Le savoir c’est le pouvoir mon petit Brent ainsi, pour moi, il n’y a pas de curiosité mal placée. Un Brent qui demanda à Carrie de le resservir en champagne. Heureusement qu’on avait des bouteilles en stock, hein.

Parlant de curiosité, quand je lâchai le nom de Timmy Evans, ce fut à Brent de jouer les petits curieux. Tiens, ce n’est pas mal placé ça ? Intérieurement, je me marrais de le voir fâché à l’idée qu’Evans lui soit encore passé devant. Le pauvre Brent vivait une carrière d’occasion manquée. Et, comble de tout, Evans n’était pas sa personne préférée. Je citai quelques caractéristiques d’Evans que Brent était susceptible de ne pas aimer. Il confirma avant de confirmer aussi qu’il était jaloux. Je pris un air faussement navré.

-C’est clair que tu n’es rien de tout ça, hélas.

Oui parce que « beau » n’est pas une caractéristique que je donnerais à Brent même si certaines femmes semble être aveugle, s’il avait du flair il aurait depuis longtemps trouvé un bon groupe, il est aussi impitoyable qu’un petit chaton et même le carbone 14 ne peut le dater. Il n’a rien de comparable à Timmy Evans, en fait, qui est l’avenir de MTI.

Quoi qu’il en soit, j’étais certain que même si Harris signait avec Evans, elle ne survivrait pas trois secondes dans la jet-set. Carrie, elle, pensait bien pouvoir guider sa demi-sœur dans l’enfer de la jet-set. Pareil pour Brent… Les deux semblaient s’être pris d’affection pour le nouveau jouet de la famille Hughes.

Sauf qu’encore une fois, j’avais raison et que même si Brent et Carrie arrivait à aider Eleanor à éviter les pièges de la jet-set, elle devra quand même se confronter à la presse.

-Et comme elle ne semble pas aimer les questions m’est d’avis que ça va coincer à un moment donné. Je doutes qu’elle puisse fuir une interview chaque fois qu’une question la met mal à l’aise, hein.

Ça ne fonctionne pas comme ça. Et je savais que les journalistes pouvaient encore être plus impitoyable que moi et ce niveau. Ce qu’elle a vécu au souper sera 100 fois pire dans une vie de star de la chanson.

Je finis par éclairer Brent sur le comment Timmy Evans avait entendu la voix d’Harris. Tout ça semblait profondément ennuyer le frère de Don qui siffla une nouvelle coupe. A ce rythme-là, il allait finir par se trainer sur le tapis, hein. Mais c’était amusant de le voir aussi frustré.

Carrie explique qu’Eleanor hésitait à accepter parce qu’elle ne souhaitait pas se rapprocher de Don. Et à Brent de dire que c’était une chance que Reed n’allait jamais engager Harris parce que, sinon, c’était clair qu’elle aurait pu se tourner vers cette maison de disques-là et, ainsi, être loin de Don Hughes.

-C’est clair que MTI n’a pas à s’en faire à ce niveau-là.

Eleanor Harris ne pourra pas signer chez BSC. Seule Olivia Reed l’avait pu pour des raisons évidentes. Ah et ma sœur aussi. Mais elle, elle avait triché vu qu’elle avait signé sous le règne de Charles Reed. Preuve que ma sœur aussi n’était vraiment plus de première jeunesse.

Je suis entouré de vieux, en fait…

Bref, Brent comptait essayer d’entrer en contact avec Eleanor Harris. Peut-être qu’il voulait la piquer à Evans… En tout cas, j’allais suivre ça de près.

-Tu peux essayer mais pour l’approcher, je te conseille de changer de nom. A l’heure qu’il est, la petite brebis doit chercher à fuir tous les gens qui s’appellent Hughes.

Et ceux qui s’appellent Hunter aussi, sûrement…

Brent changea alors de sujet pour déplacer la conversation sur moi et le film de Trevor. Ce fut à moi de siffler le reste de ma coupe et de la tendre à Carrie pour qu’elle la remplisse ce qu’elle fit. J’ignorai la question sous forme de pique lancée par Brent pour répondre à l’essentiel.

-Exact ! Je joue dans le nouveau film de Trevor Price. C’est un drame d’aventure historique qui se passe au 18ème siècle. Je joue un capitaine de bateau sanguinaire. La classe, non ? Trevor a vu que, en plus d’être un très bon avocat, j’avais aussi un certain talent d’acteur.

C’est faux. Trevor n’a pas vu ça. J’ai négocier mon rôle contre la découverte de l’actrice principale, Riley Sullivan. Mais Brent n’a pas besoin de savoir la vérité.

-Est-ce que ça ne fait pas de moi l’Hunter parfait ?

Je ricanai alors que Carrie, elle, souriait.

-J’ai tellement hâte de voir le résultat final. Victor m’en dit peu pour me laisser la surprise. Mais crois-moi qu’il bosse parce qu’il est rentré complètement exténué de sa première journée de tournage.

Je tiquai sans m’en rendre compte avant de boire d’une traite ma seconde coupe de champagne. Je repris, ensuite, contenance.

-C’est parce que je donne tout dans ce rôle. Ce que je regrette c’est que Trevor ait engager River Moriarty et Kate Julian pour pouvoir avoir plus de budget pour les décors… Ces deux acteurs sont finis de mon avis… En tout cas, médiatiquement, ils sont complètement morts.

Victor avait un tas de défauts qui le rendaient détestable. A se demander comment Carrie avait pu l’épouser. Mais il y avait une chose aussi qui était vraie : Victor était un homme intelligent. Une intelligence qui le rendait impitoyable, comme Reed, comme Evans… Je n’avais pas ce genre d’intelligence. J’étais trop bienveillant pour ça.

Probablement pour ça que je n’étais pas le manager le plus connu de L.A. malgré mon nom de famille.

Mais sincèrement… Je préférais être moi-même que d’être comme Victor. Et tant pis pour la notoriété et l’argent. Au moins, je pouvais me regarder dans les yeux quand je me voyais dans un miroir.

Bref… Tout ça pour dire que Victor avait encore une fois raison quand il disait, en gros, que le savoir, c’était le pouvoir.

Quant à ma jalousie vis-à-vis de Timmy Evans, ça semblait faire bien rire Victor qui y alla d’une petite pique bien sentie en confirmant que je n’avais aucune des forces de l’Anglais.

-Et je suis trop vieux pour changer.

De toute façon, être ou ne pas être comme Timmy Evans n’allait servir à rien si Eleanor Harris n’avait pas les tripes pour supporter une vie de célébrité. En considérant qu’elle en devienne une. Elle pourrait très bien gagner sa vie en chantant à petite échelle. Le problème c’est que la notoriété est imprévisible. On ne peut pas contrôler ça.

Du coup, la presse risquait de s’en mêler et tout. Et d’écraser, peut-être la pauvre Eleanor.

Le champagne commençait tout doucement à me monter à la tête et à réchauffer mes joues. Une sensation que j’aimais assez. Je parlais plus librement quand j’étais un peu éméché.

-Ce serait le rôle d’un manager de la protéger. Moi, je suis prêt à le faire, je ne pense pas que ce soit le cas d’Evans.

Je l’avais déjà fait, en plus… Mais ça, c’était mon petit secret. Parce que je ne savais pas comment Don réagirait s’il le savait. Quoi que maintenant qu’il voulait reprendre contact avec elle, il m’en voudrait moins qu’à l’époque où il cherchait à nier avoir un enfant illégitime. J’étais prêt à parier ça.

Je ne voyais qu’une bonne chose là-dedans : quoi qu’il arrive, MTI avait la main sur la situation. Parce que BSC ne ferait jamais signer Eleanor. C’était donc à nous de la jouer fine.

Je repris un toast que j’enfournai d’un coup avant de répondre à Victor, qui me disait de changer de nom pour approcher Eleanor, tout en mâchant le plus proprement possible.

-J’irai peut-être pas jusque-là… Mais c’est clair que si ce que tu dis est au moins à moitié vrai, il faudra que j’y aille doucement.

Ma décision était prise : il fallait que je voie Eleanor… Sans objectif au départ… Juste parce que… J’en avais envie. Je voulais voir comment elle avait grandi.

Ayant fait le tour de ce chapitre, j’en ouvris un autre, sincèrement curieux au sujet de la tournure que prenait la carrière de Victor. En effet, il s’essayait actuellement au cinéma. Bon, je lui balançai un petite pique au passage, mais c’était pour le sport et parce que c’était comme ça depuis le début, entre lui et moi.

Et il était tout fier d’en parler, c’était marrant à voir.

-Le capitaine d’un bateau sanguinaire… ? Ça va, tu n’as pas trop à forcer ton jeu d’acteur. Et soit dit en passant, avocat c’est un peu être acteur aussi.

Je rigolai et déposai mon verre vide sur la table basse. Victor, lui, pensait bien être le Hunter parfait.

-Je serais toi, j’attendrais de voir d’abord les critiques. C’est un film de Trevor Price, pas de Christopher North…

C’était deux pointures différentes, dans le monde du cinéma.

Carrie, elle, le regard subitement amoureux comme si elle avait complètement oublié tout ce que son mari avait dit jusqu’ici, se réjouissait de voir le résultat. Surtout que, selon elle, il bossait bien !

-Bah, je suis content de l’apprendre. Si ça te convient, Victor, pourquoi pas ?

Je grimaçai un peu à l’évocation de Kate Julian. S’il y avait quelqu’un que je détestais encore plus qu’Evans, c’était bien l’ex-femme de mon frère. Elle avait battu Julian !

-Je sais pas pour Moriarty, mais Kate mériterait un passage en prison. Méfie-t-en comme de la peste, Victor. Je sais que tu n’es pas du genre à te laisser faire, mais c’est une vicieuse.

Sur ce, je repoussai mon verre vers Carrie… mais la bouteille était quasi vide.

-Va falloir en ouvrir une autre.

Ouais, trop vieux pour changer… Et toujours incapable de prendre la mouche, hein ? C’était rare les gens qui ne prenaient pas la mouche à mes piques et je devais avouer que c’était toujours un petit défi personnel que d’essayer de faire sortir Brent de ses gongs.

Bon, ça sera pas sur ce coup-là… Et on continua de parler d’Eleanor Harris que je voyais incapable de survivre dans un monde où elle aurait une certaine notoriété. Et ça même si Brent et Carrie semblait vouloir jouer les protecteurs avec elle. Ce fut aussi l’occasion pour Brent de mettre en avant que lui saurait protéger la jeune femme ce qui ne sera pas le cas d’Evans. C’est clair que Timmy Evans était plutôt du style à gérer ses artistes qu’à les protéger comme s’ils étaient des petits enfants fragiles. Même si, là, Brent semblait vouloir simplement avoir un artiste intéressante dans sa liste de protégés et pouvait, enfin, percer. A son âge, moi, je pense qu’il est déjà bien trop tard pour ça. Je ricanai, donc.

-Ouais… En gros, tu penses être meilleur qu’Evans pour manager Eleanor… Tu es désespéré à ce point, Brent ? Tu n’as même pas encore entendu de quoi elle est capable.

C’est comme s’il était déjà prêt à l’engager sans même avoir entendu la fille chanter. C’est triste à quel point le pauvre Brent est désespéré.

Pour l’instant, de toute façon, la balle était dans le camp d’Eleanor. Même si Brent semblait vouloir mettre son grain de sel en allant rencontrer la jeune femme. Moi, je n’étais pas sûr que la petite brebis allait accepté rien que parce que Brent s’appelait Hughes. Après le souper de l’autre jour, pas sûr qu’Eleanor veuille revoir un seul Hughes de sa vie. Mais Brent, lui, restait confiant bien qu’il savait qu’il devra y aller doucement.

-Très doucement ! Sinon, elle va s’enfuir dans un trou.

Après le thème Eleanor, c’est sur le thème de mon film que Brent me questionna… De quoi me faire, à son tour, siffler le champagne. Mais je me repris bien vite pour expliquer quel était mon rôle dans le nouveau film de Price. Evidemment, Brent ne tarda pas à dire que je n’aurais pas à forcer mon jeu… Je ne le pris pas mal. Je savais que la plupart des gens pensaient que j’étais un connard fini. Quelque part, j’aimais avoir cette réputation.

-C’est vrai. Avocat c’est être un peu un acteur. Il faut savoir parler en tout cas et être clair. Tout es une question de diction. Et j’ai une excellent diction.

Un peu comme Ian… Il avait cette réputation là aussi. Mais je me savais encore meilleur que mon ignoble neveu.

-Et c’est vrai que je ne dois pas fort me forcer… Mais ça reste quand même un rôle. Ce type n’est pas totalement moi alors il faut quand même du talent.

Je finis par ajouter que j’étais le Hunter parfait. Mais Brent me disait d’attendre les critiques car il s’agissait d’un film de Trevor Price et pas de Christopher North. Je ricanai.

-Il faut dire que je n’ai pas fort envie de jouer dans le nouveau film de North… Il va encore essayer de faire pleurer dans les chaumière sur le sort des pauvres petits immigrés… C’est ce que j’ai entendu en tout cas. Pas mon genre du film…

Pas mon genre de film du tout ! Je préférais largement le scénario de Trevor même si certaines parties était sérieusement tirées par les cheveux.

-Puis, peu importe la critique. Tant que je joue bien c’est tout ce qui compte. Le scénario et tout, ce qu’il vaut, je m’en fiche. C’est moi que je veux mettre en avant.  

En gros, le film de Trevor était pour moi un tremplin pour faire parler de moi et obtenir une certaine notoriété. L’avocat-acteur. Le couteau suisse. Je voulais obtenir ce que je cherchais depuis longtemps : la gloire. J’avais déjà l’argent. Je voulais ce qui allait avec, maintenant !

Mais pour ça, j’allais devoir me coltiner River Moriarty et Kate Julian. Et si ça jouait sérieusement sur mon sommeil (en plus des menaces de Pastore), je savais que je pouvais tenir le coup. Brent ne portait pas non plus Kate dans son cœur. Il faut dire qu’il encaissait mal ce qu’elle avait fait enduré au frère de Carrie. D’ailleurs, cette dernière répliqua :

-C’est un monstre cette femme… Mais je sais que Victor sait se défendre.

Elle se leva ensuite pour aller chercher une nouvelle bouteille de champagne alors que je fixai Brent.

-Ne t’en fais pas… Je sais parfaitement comment fonctionne Kate Julian. J’en ai passé des fêtes avec elle. Je sais qu’elle est cinglé depuis que j’ai 16 ans… Je ne comprends toujours pas comment ma sœur a pu restée amie avec elle pendant autant d’année. Vicky est bien trop gentille…

Beaucoup trop gentille ! Je fis la moue en pensant à River…

-Quant à Moriarty, je parie que si Vanya Kournikova n’avait pas fait son émission à la con sur les conditions des patients au Hollywood Mental Health Center, il y serait toujours. Il est réellement cinglé. Et c’est pas un foutu rôle qu’il joue. Dans ma carrière d’avocat, j’en ai vu des sociopathe et je suis prêt à parié qu’il n’était pas interné pour rien…

Mon regard se fit alors plus absent alors que je repensai au soir où j’avais, pour la première fois, rencontrer River. Je tentai de me reprendre mais c’est sans vraiment d’assurance que je lançai :

-Je survivrai…

Sauf que j’avais remarqué que j’avais manqué d’assurance alors je changeai totalement de sujet alors que Carrie avait, à nouveau, rempli nos verres.

-Et toi, Brenty ? Toujours pas de petite amie ? J’imagine que non. Tu es trop vieux pour ça…

Je regardai Victor par-dessus ma coupe de champagne quand il demanda si j’étais désespéré. Je souris et en pris une gorgée.

-Meilleur qu’Evans ? Non. Différent. Quant à savoir ce que fait Eleanor comme musique…

Je l’avais déjà vue faire des petits spectacles pour sa mère et moi alors qu’elle savait à peine marcher. Ça comptait ?

-Pour être à Broadway, il ne faut pas être une nullité, Victor.

Mais il faudrait que j’y aille doucement, pour l’approcher. Et encore une fois, je me demandai si la mère d’Eleanor lui avait parlé de moi. Si c’était de cas, aurais-je plus de chance d’établir un lien positif ? Pas sûr.

Ça faisait bien rire Victor, n attendant, mais passons.

Autant parler de la nouvelle future carrière de Victor ! Puisqu’il jouait dans un film, actuellement. Bon, un film de Trevor Price, mais il fallait bien commencer par quelque part. Et sincèrement, même si Victor n’était pas mon humain préféré, je ne lui souhaitais que de réussir.

Parce que j’étais pas du genre à vouloir enfoncer les gens pour le plaisir, c’était ridicule.

Apparemment, Victor n’avait quand même pas besoin de moi pour s’envoyer des fleurs, affirmant que sa diction était parfaite.

Je souris :

-Comme Ian.

Je savais que, comme beaucoup de monde, Victor ne pouvait pas piffer son neveu. Moi, je n’avais jamais vraiment fréquenté le gamin mais j’avais vu tous ses films et aussi Keeping Our Lands où son personnage mourrait d’une façon assez atroce. D’ailleurs, River Moriarty alias Kraken jouait aussi avec Victor désormais. De même que cette… Enfin… Kate quoi.

Victor défendait son travail d’acteur en disant qu’il fallait du talent parce que son personnage n’était quand même pas vraiment lui.

-Je peux imaginer, si ça se passe au 18ième siècle… J’ai vraiment hâte de voir ça.

C’était sincère… Même si, comme je le soulignai, Price n’était pas North. North qui travaillait sur un nouveau film dont le synopsis semblait donné de l’urticaire à Victor… Qui me fit rire avec ses propos plus qu’à la limite du racisme.

-Toi aussi, tu es trop vieux pour changer, déjà, on dirait. Tu sais que la minorité, ici, à L.A., c’est toi, Victor ?

La population de Latinos, pour ne compter qu’eux, était très importante à L.A.. Moi, qui n’était pas raciste pour deux balles, ne faisant aucune différence entre moi et un afro-américain, par exemple, ça ne me dérangeait pas le moins du monde. Et j’avais sincèrement hâte de voir le film de North.

On en revint au film de Victor et je lui dis de se méfier de l’ex-femme de mon frère. Pour moi, elle aurait du être en prison. Mais bon, l’argent achète tout, y compris la liberté.

Victor n’avait apparemment pas peur de Kate Julian. C’était vrai qu’il la connaissait depuis longtemps. Sa sœur avait été la meilleure amie de Kate pendant longtemps, lors de l’âge d’or du Golden Triplet.

-Tant mieux si tu sais comment la prendre. Moi, je serais incapable de travailler avec elle. C’est dire !

Par contre… Je le vis clairement tiquer quand il parla de Moriarty. Et pour faire avoir ce genre d’expression à Victor, fallait déjà y aller. Carrie, elle, alla chercher une nouvelle bouteille de champagne.

Victor disait avoir vu beaucoup de gens assez barrés. Dans son travail, c’était inévitable. Et pour lui, River méritait d’être interné comme il l’avait été pendant un temps. Je haussai les sourcils.

-C’est sérieux ? A ce point-là ?

Carrie revint avec la bouteille et nous servit, permettant du même coup à Victor de dévier la conversation sur moi… Et ma vie amoureuse.

-Heu… Non, pas de petite amie… Ce n’est pas mon but non plus… J’aime ma liberté, batifoler ici et là…

Je rigolai devant l’air amusé de Carrie qui me connaissait par cœur.

-Je me vois mal en couple avec des enfants et tout ça. Mais peut-être que tu as raison, c’est trop tard pour ça.

Brenty ne se croyait pas meilleur d’Evans mais différent. Trop de modestie… C’est typique des Hughes ça… Pas étonnant qu’Eleanor soit telle qu’elle est. C’est dans leurs gênes. Et à Brent de dire que si elle faisait Broadway c’est qu’elle ne devait pas être une nullité. Moui… Peut-être… J’haussai nonchalamment des épaules.

Bref, Brent comptait bien aller la rencontrer de toute façon… Qu’il se débrouille avec elle tant qu’il n’éveillait pas chez elle des ambitions démesurées pour l’héritage de Don.

On passa, ensuite, à mon film. Enfin, celui de Trevor Price dans lequel je jouais. Je dus me reprendre parce que repenser à River et Kate me donnait sérieusement envie de vomir. Mais je mis en avant que le talent, je l’avais et que ma diction était l’une des meilleurs qui soit. Evidemment, Brent ne tarda pas à citer Ian comme référence ce qui me fit rouler des yeux.

-C’est plutôt Ian qui fait comme moi… Je suis né avant lui.

Je n’étais pas spécialement être comparé à la petite coqueluche des Hunter. Pour moi, j’étais le Hunter parfait parce que j’avais à la fois du talent et un cerveau. Et je mis en avant qu’il ne fallait pas sous-estimer mon talent naturel pour l’acting même si mon rôle me ressemblait. Ce n’était quand même pas tout à fait moi ce que Brent consenti à accepter.

-Tu ne seras pas déçu !

Mais Brent sous-entendait aussi que la qualité du film ne serait pas comparable à ce que faisait, par exemple, Christopher North. Sauf que North était aussi en train de faire un film dont le scénario ne m’emballait pas du tout ! Puis, je ne vois pas où j’aurais un place dans un film quasi uniquement composé de latino. Je suis blond aux yeux bleus. Et même si Christopher avait trouvé de quoi casé Hank, il ne saura pas me caser moi. Evidemment, Brent y alla de son petit commentaire sur le fait que j’étais, moi aussi, trop vieux pour changer et je fis la moue quand il affirma que j’étais une minorité à L.A..

-Pas à Beverly Hills. Et c’est bien l’un des seuls endroits qui compte dans cette foutue ville.

Les latinos étaient entassé dans l’Eastside et à South L.A. là où ils dealaient leur drogue. Quoi qu’il en soit, Christopher North ne m’aura pas comme public pour son nouveau film. Je préférais largement le scénario de Trevor Price et tant pis si ça n’était pas assez bien pour les Oscars.

Brent m’avait dit de me méfier de Kate Julian. Je savais parfaitement bien de quoi elle était capable. Notre passif était assez accablant et je m’étais toujours demandé pourquoi Vicky n’avait pas ouvert les yeux plus tôt. C’est pas faute de lui avoir répété que cette femme était absolument maléfique. C’était probablement la seule chose sur laquelle Brent, Carrie et moi seront d’accord aujourd’hui. Brent affirma qu’il ne saurais pas travailler avec elle. Je ricanai :

-Ne t’en fais pas. Kate Julian n’a aucun talent pour le chant alors tu n’auras jamais à te la coltiner…

Quant à Moriarty, je ne cachai pas le fait que, pour moi, il devrait, effectivement retourner à l’hôpital psychiatrique. Ce type avait quelque chose d’aussi maléfique que Kate en lui. Et je sentais bien que chacun de ses phrases avaient un tas de sous-entendu. Mes dires semblaient étonner Brent.

-Oui ! A ce point-là ! Si un jour tu le croises tu ne pourras que constater que c’est un cinglé. Je ne comprendre pas pourquoi Jerry The Kid et Robin North l’ont défendu. Ils sont certainement extrêmement aveugle pour ne pas voir à quel point Moriarty a un grain. Et ce n’est pas du method acting…

Bref… Je finis par souffler, peu sûr de moi, que j’allais survivre. Je n’avais pas vraiment le choix. Tout ça parce que Trevor avait voulu faire des économies…

Alors, pour complètement me reprendre, je changeai de sujet pour viser Brent et son éternel célibat. Il confirma ne pas avoir de petite amie et ne pas en chercher une. Il préférait batifoler. De quoi me faire ricaner.

-Ouais… Je vois…

Je vois ce que tu veux dire, Brenty… Quoi qu’être en couple n’empêche pas de batifoler. Mais je n’étais pas stupide au point de lancer cette pensée tout haut.

Il ne se voyait pas en couple avec des enfants et n’excluait pas non plus que tout ça était trop tard. Mais Carrie, elle, voyait les choses tout autrement.

-Moi, je pense qu’un jour tu tomberas sur la bonne, Brent. Une femme dont tu ne pourras détourner le regard. Ça arrive sans prévenir ces choses-là. Je suis bien placée pour le savoir.

Elle me lança alors un regard amoureux. Oh, Carrie, si tu savais…

Mais elle ne sait pas alors tant mieux. Je lui souris lui faisant un petit clin d’œil avant m’envoyer ma coupe de champagne.

-Bon ! On passe à table ? Du homard, ça te va Brent ?

Il n’y avait pas vraiment le choix de tout façon.  

Je rigolai quand Victor affirma que c’était Ian qui l’imitait et non l’inverse. Ça aurait pu être logique… Sauf que Ian était acteur avant Victor. Mais bref… Si je le contredisais sur tout, on avait pas fini. Même si ça m’amusait de voir Victor jaloux d’un môme de quoi ? 14 ans ?

Il affirma que je n’allais pas être déçu du film dans lequel il jouait.

-Je n’en doute pas. En plus, tu sais que je suis bon public.

Je regardais et écoutais un peu de tout. Comme tout le monde, il y avait des choses que j’appréciais plus que d’autres. Mais je ne descendais que rarement des films ou des chansons en flèche. Pour moi, on pouvait trouver du bon en tout.

Mais ce n’était pas le cas de Victor qui critiquait le film de North qui n’était même pas encore sorti. Je n’étais même pas sûr qu’ils aient déjà commencé à tourner. Et vu le synopsis dudit film, il y alla de remarques presque pas racistes… C’était désolant d’être si jeune et d’avoir l’esprit aussi étroit. Surtout en vivant dans une ville où toutes les nationalités se côtoyaient.

Il déclara que Beverly Hills était peuplée presque uniquement de blancs becs comme lui.

-Il y a des latinos aussi à Beverly Hills, tu sais…

Peu, peut-être, mais il y en avait. Il y avait des acteurs latinos qui réussissaient bien. Des musiciens aussi.

Là-dessus, Victor me parla du reste du cast de son film. Kate Julian, que je détestais, et River Moriarty, que je ne connaissais qu’à travers l’écran de ma télévision.

Jamais je ne saurais travailler avec la première. Mais Victor disait que ça n’arriverait pas.

-Elle saurait même chanter que je ne lui proposerais rien. Elle pourrait toujours danser sur sa tête.

Mais ça semblait être River qui perturbait le plus Victor. Pour lui, c’était un sociopathe, quelqu’un de dangereux. Je perçus quelque chose dans sa voix que je n’aurais jamais cru entendre un jour : la peur. Et ça avait quelque chose d’impressionnant qui me laissa un peu pantois.

-Si c’est un sociopathe… Je suppose qu’il sait comment cacher ses vices.

Je terminai mon verre.

-Fais attention à toi.

Oui, j’étais même protecteur envers Victor. C’était plus fort que moi. En plus, le malaise de l’avocat devait être profond parce qu’il dévia la conversation sur moi et mes aventures amoureuse alors qu’il n’y avait pas un sujet qu’il aimait plus que lui-même.

Il n’y avait rien de bien neuf dans ma vie de ce côté-là, cependant. J’étais un véritable électron libre, j’avais toujours été comme ça. Je passais de femmes en femmes sans jamais m’engager vraiment. J’avais comme un don pour séduire sans jamais faire miroiter aux femmes plus d’une nuit de pur amusement. Et en générale, j’entretenais de très bons rapports avec ces dames, même après.

Carrie, elle, pensait qu’un jour, je trouverais chaussure à mon pied. Je rigolai.

-Encore faudrait-il que je le veuille…

Puis je regardai le couple devant moi d’un air torve quand Carrie regarda Victor avec tout l’amour du monde… Si elle savait… Mais je ne voulais pas lui faire de mal. Je devrais, pourtant. Valait mieux qu’elle l’apprenne par moi que de le découvrir un jour par elle-même.

Mais fallait croire que j’avais pas les couilles pour le faire.

Là-dessus, Victor nous invita à passer à table et je me levai de mon divan.

-Du homard ! Parfait !

Je donnai ma coupe vide à Carrie.

-Je vais continuer au Martini Dry, ma belle.

On s’installa à table et Carrie disposa les plats du traiteur. J’en avais déjà l’eau à la bouche. Tout en me servant, je demandai.

-Un de vous a vu Julian, récemment ? Il n’était pas au réveillon chez Don hier et je ne l’ai pas vu à Noël non plus. Olivia non plus, d’ailleurs.

Brenty essayait d’avoir le dernier mot en ce qui concernait le film de Christopher North et du nombre de latino présent à Los Angeles. Il disait qu’il y en avait même à Beverly Hills. Je fis la moue.

-J’en suis conscient mais, pour cause, là, ils sont en minorités.

Quoi qu’il en soit, le film de North ne m’intéressait pas. Quant à celui que j’étais en train de tourner, il aurait été parfait s’il n’y avait pas eu Kate Julian et River Moriarty dedans. Brent ne portait pas Kate Julian dans son cœur et affirma que, jamais de sa vie (enfin, de ce qu’il en reste), il ne travaillera avec la mannequin. De toute façon, elle ne savait pas chanter, alors, il ne risquait pas de bosser avec elle de sitôt. Mais il déclara que même si elle savait chanter, il ne lui proposerait rien. Je ricanai.

-Tu n’aurais pas parlé de Kate, je t’aurais dit que c’est comme ça qu’on rate des occasion… Mais comme tu parles de Kate, alors, pour une fois, j’approuve.

Car tout le monde, ici, n’aimait pas Kate Julian. Je crois, d’ailleurs, que dans la jet-set plus grand monde ne l’aime. Suffisait de la voir à la fête du yacht de Ricci. Personne ne l’avait vraiment approché ce jour-là.

Quant à River Moriarty, je l’avais catégorisé de « sociopathe ». Pour moi, il méritait sa place à l’hôpital psychiatrique et je râlais intérieurement sur les gens comme North, Williams et Kournikova qui avait cherché à sortir l’acteur sa « détention ». Ils s’étaient tous les trois fait embobiné. Moi, j’avais vu clair dans le jeu de l’acteur qui se faisait un malin plaisir à me mettre mal à l’aise. Mais d’après Brent, si ce que je disais était vrai alors Moriarty savait sûrement cacher ses vices.

-Ouais… Mais moi, je vois clair dans son jeu. Je suis avocat. J’ai l’habitude de reconnaitre les gens coupables.

J’en fréquentais tous les jour ! Car il était rare que je défende des innocents.

Je finis par hocher de la tête quand Brent me disait de faire attention à moi. C’était un réflexe… Dans d’autres circonstances, je lui aurais envoyer une pique devant tant trop de gentillesse.

Et comme le sujet ne me mettait pas vraiment à l’aise, j’en changeai pour parler des amours de Brent. Il n’avait pas encore de femmes et, très sincèrement, j’étais certain qu’il n’en aura jamais. Carrie pensait le contraire mais Carrie vivait dans un monde de paillettes roses. Parce que Brent n’avait aucune volonté de se mettre en couple. Je ricanai mais n’ajoutai rien. N’empêche que, parfois, j’enviais sérieusement Brent. Il n’avait pas besoin de se cacher quand il coucher avec des filles. Moi, je devais toujours faire en sorte que Carrie n’apprenne rien…

Bon, elle m’aidait beaucoup à ça mais n’empêche…

Je proposai qu’on passe à table et c’est ce qu’on fit alors que Carrie pris la coupe de Brent vu qu’il voulait continuer au Martini Dry. On pris place à table alors que Carrie amena les plats du traiteur et disposa les bons verres avant de tous nous servir en alcool. Du vin pour moi et Carrie.

Ce fut, ensuite, Julian qui arriva sur le tapis. Apparemment, Brent ne l’avait pas vu des fêtes… Ni même sa femme, Livia. J’haussai des épaules alors que c’est Carrie qui répondit :

-Nous ne les avons pas vu non plus pendant les fêtes. Il faut dire que c’est rare quand on fête avec la famille Hughes. Hier on a été chez Jessica et au réveillon de Noël on est allé chez les parents de Victor.

Je fixai Brent.

-La dernière fois qu’on les a vu c’était à l’inauguration du yacht de Ricci. Ils y était ensemble… Enfin, au début… Après un moment, je n’ai plus vu que Julian et il est reparti assez tôt, je dois dire. C’est pas un grand fêtard… Sans doute qu’ils ont passé les fêtes tout seuls ou avec des amis… Ils ont des amis ?

Ouais, ils avaient leurs amis de Fairfax, je pense…

-Moi, je pense qu’autant Julian qu’Olivia, ils sont bien trop sage pour leur bien. Quand j’ai causé à la gamine, j’ai bien vu qu’elle était beaucoup trop sérieuse…

Si jeune et déjà si vieux dans leur tête. C’est triste… Ils devraient se décoincer.

Victor cherchait à avoir le dernier mot alors je lui concédai gentiment parce que sinon, il n’allait pas me lâcher avec cette histoire de minorité. On parla plutôt des gens qui jouaient avec lui, Moriarty et Kate Julian.

Apparemment, mon neveu par alliance était bien mal entouré, pour le coup. Avec Kate qui était tarée et l’autre qui était un sociopathe, tout ça me semblait un peu dangereux. Mais une chose était sûre : je ne travaillerais jamais avec Kate. Heureusement, elle n’avait aucun talent pour la musique donc je n’y serais jamais confronté.

Et Victor approuva.

Quant à Moriarty, je me demandais, si ça se voyait tat que ça qu’il était pas net, comment il n’était pas toujours interné. Mais apparemment, il savait se cacher, sauf de Victor qui en avait vu d’autres, des psychopathes. Il disait savoir reconnaître les gens coupables.

-Mouais… Mais je suppose que s’il avait tué quelqu’un, ça se saurait quand même, non ?

Je n’en avais aucune idée, je n’avais jamais essayé de tuer personne.

Après avoir parlé un peu de mes relations amoureuses sans lendemains, on alla s’installer dans la salle à manger et Carrie fit le service, me donnant mon Martini Dry et se servant du vin à elle et à Victor.

Je me servis du homard et du pain au crabe…

Tout en demandant si quelqu’un avait vu mon filleul dernièrement parce que ce n’était pas mon cas.

Mais Carrie affirma qu’ils n’avaient pas non plus vu le jeune couple le plus en vogue de L.A.

Je fis la moue… un peu inquiet… Mais mon visage se détendit en un air rêveur quand elle parla de Jessica Hill.

-Aaah… Jessica…

Que de bons souvenirs.

-C’était bien ?

Puis Victor confirma que la dernière fois qu’il avait vu les deux jeunes, c’était à l’inauguration du yacht de Ricci. Une fête à laquelle je n’étais pas allé car, étant manager chez MTI, ça aurait été mal vu. Bien que Samantha Ricci y était, mais seulement en sa qualité d’épouse du roi de la soirée.

J’enfournai un bout de Homard.

-Oui, ils ont des amis. Notamment la fille de Sniper, Jess.

Je hochai la tête quand Victor affirma qu’ils étaient beaucoup trop sérieux pour leur âge.

-Julian a toujours été comme ça. Et je respecte totalement leur choix de s’être marié tôt mais…

Je haussai les épaules.

-Je sais pas… C’est un peu se mettre des restrictions à un âge où le principe c’est d’explorer toutes les possibilités.

Moriarty était un sujet qui me mettait mal à l’aise mais je tentais de faire bonne figure en m’acharnant sur celui que je considérais comme un sociopathe. Brent déclara que si Moriarty avait tué quelqu’un, ça se saurait. Non. Pas forcément. J’ai des clients dont certains cadavres n’ont jamais été retrouvés. Bien que je savais que, pour certain, je devais prendre avec des pincettes le palmarès qu’ils se donnaient.

Pour ce qui était de Moriarty, l’idée me fit frissonner… Avait-il tué ? Je n’en sais rien ! J’en doute.

-Pas forcément… Mais je ne pense pas qu’il ait tué qui que ce soit. Tu peux être un sadique sans cœur sans tuer. C’est une façon d’être. Et River est un sadique sans cœur.

Après que j’ai changé de sujet, on finit par passer à table où Carrie apporta le homard avant de nous recharger en alcool. Je buvais plus et plus vite comme pour oublier complètement Moriarty, Kate et le film… Le fait que Brent parle de Julian, le frère de Carrie, aida un peu à ça.

Il n’avait, ainsi, eu aucune nouvelle de Julian lors des fêtes. C’était notre cas aussi mais il était clair qu’on avait pas cherché à en savoir plus sur ce que faisaient Julian et Olivia de leurs fêtes. Ce n’était pas de grand fêtard alors ils étaient un peu les dernier auxquels je pensais pour faire la fête. Carrie déclara dont qu’on avait passé nos fêtes ailleurs. Chez Jessica, notamment. Ça sembla rendre Brent rêveur. Je ricanai.

-Elle ne t’a pas invité ?

Non, sinon, il serait sans doute venu. Même si, visiblement, Brent aimait passé du temps avec Jessica. L’idée me fit grimacer intérieurement. J’essayais de les imager et c’était horrible !

Il demanda si c’était bien. J’haussai des épaules.

-C’était correcte… J’ai vu de meilleures fêtes. Disons que les gens qui y vont ne rajeunissent pas…

C’est surtout que Carrie était là et qu’il était plus difficile de se cacher chez Jessica que sur la grande plage et le yacht de Ricci. Du coup, j’avais dû me tenir plus ou moins tranquille. Carrie, elle, sourit.

-C’était très bien. Je regrette simplement que Victoria n’était pas présente. Mais elle a un petit ami maintenant et elle a passé le réveillon de Nouvel An avec Tobby et Ian.

Ouais… C’est clair que sans Vicky, c’était moins drôle. Elle n’était pas non plus venue chez mes parents à Noël sans doute parce qu’elle avait peur de les présenter à Cooper… Ou alors c’était moi le soucis, je ne sais pas…

Je n’allais pas manger Cooper, hein… Quoi que… J’avais bien mangé Eleanor, après tout.

Bon, pour en revenir au couple Julian/Olivia, on ne les avais, donc, pas vu depuis un moment. Moi, je me permis de demander s’ils avaient des amis, ce que Brent confirma. Ils étaient, notamment, ami avec Jess Kurtz.

-Je vois…

Quoi qu’il en soit, je trouvais Julian et Olivia bien trop sérieux pour leur âge. Quand j’avais 19 ans, j’étais déjà à l’Université mais ça ne m’empêchait pas de m’amuser. On peut bien faire les choses sans être coincé du cul, hein ! Mais Brent rétorqua que Julian avait toujours été comme ça. Moui, c’est vrai. Et Brenty respectait le mariage plus que prématuré des deux jeunes même s’il trouvait que c’était se mettre des limites.

-Je ne te le fais pas dire ! Pour moi, se marier si jeune c’est du suicide social. Et, pour être honnête, plus tu fais ça jeune, plus le risque de divorce est élevé. Et ça, c’est bien l’avocat qui parle.

Carrie et son romantisme à deux balles rétorqua :

-C’est vrai que c’est jeune. Mais ils s’aiment et leur couple à tenu malgré beaucoup d’épreuves.

Elle parlait de l’enlèvement de Livia, là ? Moui, certainement. Ça avait fait la une des journaux, en tout cas. Confiante, elle ajouta :

-Je suis sûr qu’ils vont bien. Ils sont souvent très occupés. Julian avec ses études et sa marque de voiture. Quant à Olivia, elle a aussi des études en cours et elle doit gérer sa carrière de chanteuse. Ils ont une vie bien remplie.

Trop de mon avis… Entre les études et leurs boulot, je me demande où ils casent : « fête », « baise » et « dormir ».

-Mouais, m’est d’avis qu’ils ne s’étouffent pas avec leur temps-libre. Bref, jamais je ne voudrais de leur foutue vie sans fête. N’est-pas, Brent ? Sans fête, la vie ne sers à rien.

Aucun doute : Victor ne portait pas Moriarty dans son cœur. Je le soupçonnais même d’en avoir clairement peur. Mais je ne soulignai pas ça. J’avais du respect pour les gens et je n’allais pas souligner ce genre de chose devant son épouse. Pour un homme, ce serait vexant… Pour une femme aussi, d’ailleurs.

Alors la conversation tourna sur mon filleul que je n’avais pas vu de toutes les fêtes. Etait-ce vraiment étonnant ? Pas vraiment… Julian n’était pas un grand fêtard mais j’aurais cru que Livia l’aurait un peu forcé à faire au moins acte de présence pendant une ou deux heures hier, au réveillon chez Don.

Mais non, aucune trace d’eux.

Victor et Carrie ne les avaient pas vus non plus, m’expliquant qu’eux avaient passé le réveillon chez Jessica Hill. Ce qui me fit sourire et m’exclamer un peu malgré moi… Jessica m’inspirait… Pas mal de choses, en fait. Même si j’étais loin d’en être amoureux et c’était réciproque.

Victor ricana et me demanda pour l’invitation.

-Si, elle m’a invité… Mais si j’y étais allé, il n’y aurait eu aucun Hughes à la fête de Don. Fallait bien que je soutienne mon frère.

Est-ce que je regrettais d’avoir été chez Don plutôt que chez Jessica ? Non, une fête est une fête… Et pas dit que ça aurait été moi qui aurais eu le petit bonus de la part de Jessica, ça aurait pu très bien être quelqu’un d’autre.

Je demandai comment c’était et Victor se plaignit, en gros, de n’avoir été entouré que de vieux, ce qui me fit rire.

-Victor… A partir de quel âge considères-tu les gens comme vieux ? Trente ans ? Ça te pend au nez, je te signale.

Carrie, elle, regrettait l’absence de Victoria. Mais l’entourage de la chanteuse et sœur de Victor avait légèrement changé récemment.

-Je comprends… Mais tu verras, connaissant Victoria, elle ne sera pas absente de ce genre d’événement bien longtemps.

Parce que Vicky, elle, était une fêtarde. Et elle savait aussi que sa présence à ce genre de fête était bonne pour sa promotion.

Pour en revenir à Julian et Livia, on était d’accord pour dire qu’ils étaient bien sérieux pour leur âge. Julian avait toujours été sérieux, même enfant. Il était aussi assez torturé ce qui se traduisait par un renfermement sur lui-même.

Je respectais tout à fait les choix que le jeune couple avait faits (de toute façon, ça les regardait eux, pas moi). Et si je considérais juste qu’ils s’étaient mis des limites un peu tôt, sans jugement pour autant… Victor, lui, parlait carrément de suicide social.

-Tu y vas un peu fort, je trouve.

Je pris une gorgée de Martini Dry.

-Olivia est partie en tournée, elle a rencontré des gens, participé à des événements… La plupart du temps sans Julian, on est d’accord. Mais ce n’est pas parce qu’ils sont mariés qu’ils sont obligés d’être collés l’un à l’autre.

Victor avait aussi parlé de taux de divorce plus élevé chez les jeunes mariés. Je fis la moue.

-Bah… Non… ils s’aiment.

Et Carrie me rejoignit dans cette impression. Il était vrai que le couple en avait déjà vu des vertes et des pas mûres. Et en plus, je pensais bien que personne ne pouvait mieux les comprendre qu’eux-mêmes, car ils étaient tous les deux des héritiers importants à Los Angeles.

Carrie ajouta qu’ils avaient des vies bien remplies, avec leurs projets respectifs.

Je levai mon verre.

-Ils iront loin.

Et quoi qu’il arrive, je serais là s’ils avaient besoin d’aide.

Je bus une gorgée de Martini Dry alors que Victor soulignait l’importance des fêtes. Je rigolai.

-Je ne te le fais pas dire.