Tv Will Help The Radio Stars ft. Billy Lighter

Maman disait que ça faisait trois jours que j'étais revenu du monde d'Adriana. Je ne pouvais me fier qu'à elle, parce que j'avais perdu le fil du temps. Je ne savais même pas me repérer à l’alternance du jour et de la nuit parce que je dormais de façon irrégulière à cause des médicaments. Mais je les supportais pourtant plutôt bien, ces médocs... Ils empêchaient ma poitrine de me faire mal et surtout, ils m'aidaient à supporter le sevrage de nicotine. Ou plutôt, j'étais trop crevé pour réfléchir à une parade, un moyen de me procurer des clopes, de contourner l’embargo instauré par Maman.

J'étais un tout petit peu plus réveillé aujourd'hui. J'avais réussi à me soulever pour ouvrir la tenture juste au dessus de la tête de mon lit pour laisser entrer le soleil chaud de Los Angeles à travers la fenêtre. Puis, je m'étais recouché, sur le ventre, à l'instar de mes trois Walkyries dans leur terrarium, toutes trois femmes fatales et maudites. Le soleil nous faisait du bien. Je sentais sa chaleur sur mon corps nu qui rechargeai mes batteries. J'étais un serpent, moi aussi.

J'allais me rendormir quand j'entendis la sonnette et ouvris vaguement un œil... C'était sûrement ma grand-mère qui venait me voir, mais elle non plus ne m'apporterait pas de clopes parce que « Ces putains de saloperies sont pas bonnes pour toi dans ton putain d'état, mon petit Cash... ». Je l'adorais, ma grand-mère, elle avait toujours les bons mots pour me convaincre, pour me prouver qu'elle avait raison.

J'avais envie de passer un coup de fil. Alors je tendis le bras pour attraper le cornet du téléphone qui était à terre à côté de mon lit, toujours couché sur le ventre pour profiter du soleil. Io me regarda, l'air perplexe, mais c'est sans réfléchir que je tapais de mémoire le numéro d'Evy Fallen. Trois bip résonnèrent et c'était tellement dur de garder ma tête soulevée que je la laissai tomber sur mon oreiller. Et c'est d'une voix à la fois pâteuse et étouffée que je répondis à l'accent typique de l'Indiana de la jeune journaliste.

-Heeeeeeey... Ma belle... Tu fais quoi ?

J'écoutai vaguement la réponse de la rouquine que j'étais en train d'imaginer elle aussi, allongée dans son lit sans sous-vêtements, comme moi, à prendre le soleil. Et pourtant, ce n'était pas du tout la scène qu'elle me racontait. Elle avait même l'air plutôt occupée.

-Ah... Ah ah... Ah ouais... Cool...

Deux trois onomatopées pour montrer que je n'étais pas soudainement mort à l'autre bout du fil. Et pour signaler que j'écoutais... Plus ou moins... Quand son petit discours sur ce qu'elle faisait fut terminé, elle me retourna ma question.

-Moi je fais rien. Je crois que ma grand-mère va monter... Mais elle voudra pas aller me chercher des clopes...

Je rigolai avec la jeune femme à l'autre bout du fil. Pourtant, ça n'avait vraiment rien de marrant.

-Dis, t'as pas envie de passer chez Maman, une fois ? Quand t'as le temps. On pourrait faire une interview où quoi, si tu veux. Ce serait cool pour toi, non ? Puis comme ça on rassure les fans.

Maman retrouvait tous les matins des cartes assez fun dans la boîte aux lettres pour me souhaiter de me remettre vite. C'était vraiment cool et sympa. Et un coin de ma chambre était jonché de toutes ces cartes.

-Puis je te présenterai mes serpents.

Je relevai la tête et fronçai les sourcils. Quelqu'un montait l'escalier, mais trop vite pour que ce soit ma grand-mère et en faisant trop de bruit pour que ce soit ma mère qui avait le pied si léger. Je me retournai, me couchant sur le dos avec cordon du téléphone qui s'enroula autour de mon cou. J'attrapai mollement mon drap de lit pour cacher tout aussi mollement mes parties génitales que j'avais laissées libres depuis mon dernier bain.

Billy Lighter entra sans frappé. Je souris.

-Je te laisse, ma belle. Ma grand-mère est arrivée. Ciao, Evelyn.

Je raccrochai le téléphone après avoir déroulé le cordon qui entourait mon cou, effort tellement difficile que je m'affalai bien vite de nouveau sur mon lit.

-Salut, Billy...

TV Will Help The Radio Stars ft. Cash Izbel

Trois jours avaient passé depuis la crise cardiaque de Cash. Trois jours où je n’avais pas dormis pensant au serpent et à Thor. J’en avais déduit toute une théorie bien réelle et bien palpable de ce délire de Cash.  Le serpent était la future tournée et Thor était Amon. La tournée parce que la chanson de Jim Morrison parle d’un road-trip et que le seul voyage possible pour The Lightening était la tournée. Parce que The Lightening n’allais pas en vacances ensemble, ils travaillaient ensemble. Et Amon parce qu’Amon venait du Danemark ce qui fait référence à la mythologie nordique d’où est tiré Thor et Thor est blond comme Amon. Tout prenait son sens. Lors de la tournée, il faudrait faire gaffe à Amon. Je faisais déjà gaffe à Amon. Chaque jour de ma vie j’y faisais gaffe.

Je martelais mon piano de notes dures et assurées. La sortie de l’album approchait… La tournée approchait… Les médias en parlaient déjà tout le temps… Etais-je le seul sur cette planète à ne pas la vouloir ? J’aimais pourtant mon métier c’était bien ça la contradiction. Mais j’avais un très mauvais pressentiment. Je devais tourner mon esprit vers autre chose, me ruer dans une autre quête que celle d’attendre la tournée et ma destruction. Car bizarrement j’avais l’impression que l’un viendrait avec l’autre ce qui me retournait l’estomac.

Tourner mon esprit vers autre chose, donc… J’arrêtai de marteler mon piano et me retournais vers mon miroir qui depuis sa mésaventure avait était remplacé. Rien que de la voir j’en avais mal à la main. Penser à autre chose… Penser à autre chose… Créer une chanson ? Non… Elles parleraient toutes de tournée… Je soupirai et m’avança vers ma platine pour y mettre la maquette du futur album de notre groupe. Me perdre dans une cause humanitaire ? Non… Ce serait un vrai casse-tête… Et c’est mon propre disque qui m’offrit la solution. Faire un clip ! Un clip grandiose avec une histoire exprimé de manière semi-métaphorique. Un clip avec les derniers effets spéciaux. Un clip un peu trash sans aller dans l’extrême. Un clip dont j’écriais le scénario. Je savais quelle chanson serait parfaite pour ça. D’un seul coup, la tournée disparut de mon esprit et une ébauche de scénario émergea.

Sans attendre plus, je sortis de ma maison et m’engouffrais dans ma Lamborghini. Il fallait que j’en parle à Cash ! Tout de suite ! A du 200 à l’heure je fonçais chez Cash… Plutôt chez sa mère. Un endroit où j’avais passé pas mal de temps au tout début de la carrière de notre groupe. Elle était gentille sa mère, j’aurais voulu avoir la même. Même si je ne l’avais jamais dit à Cash…

Arrivé là-bas, je garai ma voiture et sonnai à la porte d’entrée. C’était une maison modeste d’Hollywood. Personne n’aurait pu deviner qu’une rockstar se cachait là. Cash savait se faufiler, se cacher au monde sans même le vouloir. Moi j’étais très mauvais pour ça. Je n’avais toujours qu’une seule solution : la réclusion. Et j’abusais de ce stratagème comme pas permis.

Une femme ouvrit la porte. C’était la mère de Cash avec son grand sourire chaleureux. Un sourire qui à l’art de vous mettre à l’aise et qui vous prouve que vous êtes le bienvenu. J’avais toujours été le bienvenu…

-Bonjour Billy. Cash est dans sa chambre.

Je lui souris et entrai dans la maison sans rien dire. L’atmosphère de la maison était la même depuis des années. Une atmosphère chaleureuse et vivante. Pas comme chez moi dans l’Indiana…  J’espérai juste que la grand-mère de Cash n’était pas là… Parce que j’aurai été mal à l’aise de la voir… Parce que la dernière fois je l’avais insulté… Et j’avais fuis cette maison qui pouvait pourtant tout m’apporter.

Je montais en haut le plus vite que je pouvais manquant au passage de me planter dans l’escalier. Il fallait que je vois Cash avant que mon idée ne pourrisse dans mon esprit. J’ouvris la porte de sa chambre sans prendre la peine de frappé. Je n’avais pas le temps de frappé. Je découvris Cash affalé dans son lit en train de téléphoner à ma sœur. Evelyn c’était ma sœur. Il n’y avait qu’une Evelyn dans le monde pour moi. Le fait qu’il l’appelle « ma belle » ne m’étonna pas outre mesure. Cash appelait toute personne du sexe opposé avec des mots doux. Cash était comme ça, un dragueur sans l’être… Je me mis contre le mur les mains derrière le dos. J’attendais et il raccrocha pour me saluer… Je fronçai les sourcils.

-Tu mens à ma sœur ?

Je n’étais pas sa grand-mère… Et son mensonge avait été si instinctif que je m’étais permis de posé la question mais je n’attendais pas la réponse de Cash trop pressé de lui parler de mon idée. Du mur, je passais à son lit m’asseyant au bord tout en regardant mon ami.

-Tu sais… Faut pas que je pense à la tournée… Sinon je n’irai jamais… Alors, je veux faire un clip, Cash.  Tu vois, un truc avec un scénario. Je veux le faire sur un des chansons du nouvel album. Tu vois sur « Be Mine »… Je veux un truc trash… Sans être cru…

Je voulais que Cash accepte. Je le voulais vraiment… Si on était d’accord, tout le monde le serais.  

Tv Will Help The Radio Stars ft. Billy Lighter

Billy était là et Billy n'avait pas le temps pour les préliminaires... Dommage... J'aimais bien, moi. Je ne répondis à sa première question que par un sourire. De toute façon, il ne me laissa pas le temps d'y répondre. Billy n'était pas là pour une visite de courtoisie, ni pour fumer un joint tranquille dans ma chambre tout en écoutant de la bonne musique... Non, si le chanteur de The Lightening était là, c'était pour quelque chose de bien précis.

Il s'assit sur le bord de mon lit, signe que nous allions entrer dans les choses sérieuses. Et ce devait être vraiment sérieux pour que Billy passe aussi vite sur le pseudo-mensonge que j'avais dit à Evy. Mensonge qui n'était qu'une question de point de vue. Parce que j'étais réellement persuadé que c'était ma grand-mère et non lui, qui allait débarquer. Le reste, ce n'était qu'un mauvais timing entre ma vue et mon cerveau.

Si j'étais mal à l'aise d'être à poil dans mon lit alors que Billy était là ? Non.

Je me soulevai un peu pour pouvoir regarder Billy dans les yeux. Il était angoissé, parlait trop vite. Je n'étais pas encore prêt pour affronter les flots d'émotions incontrôlées de Billy. Et mon cœur augmenta le rythme quand le mot « tournée » franchit ses lèvres. Il avait peur de partir. Et moi, j'avais peur de ne pas partir.

Fidèle à lui-même, Billy exposa alors une idée. Sans transition. Avec une cause à effet qui pouvait échapper à la plupart des mortels... Mais on ne l'était déjà plus depuis un an. Alors, on se comprenait. Et surtout, je le laissais parler, comme d'habitude, jusqu'à ce que ça s'arrête.

Il voulait faire un clip, sur l'une de mes chanson préférée du prochain album. Elle était ma préférée parce qu'au niveau de la mélodie, c'était du rock pur. J'avais d'ailleurs une guitare que je n'utilisais que pour jouer cette chanson. C'était ma guitare « Be Mine », une B.C. Rich Mockingbird rouge. Quant aux paroles. Ouais. Elles seraient parfaites pour monter un scénario... Et on pouvait compter sur le talent de Billy pour ça.

Je n'avais pas quitter son regard qui se faisait presque implorant. Il attendait une réponse quant à son idée. Mais mes priorités n'étaient pas les siennes. Je me laissai aller contre mon oreiller.

-Meec... T'aurais pas des clopes ?

Bien sûr que Billy avait des clopes. La vraies question, c'était de savoir s'il daignerait m'en donner une. Et j'avais instinctivement choisi le moment propice : celui où Billy attendait avec impatience que je lui donne une réponse claire. Une clope pouvait m'y aider... Ce n'était pas du sadisme... C'était un comportement animal. Celui d'un animal apprivoisé. Tu veux quelque chose, humain ? File-moi d'abord de la bouffe.

Mon regard se tourna alors soudainement vers Io, comme si elle m'avait interpellé. Puis, revint sur Billy.

-Y aura des serpents dans le clip ?

Est-ce que je parlais réellement aux serpents ? Est-ce que je jouais un rôle ? A vous de choisir.

TV Will Help The Radio Stars ft. Cash Izbel

C’était à un Cash très faiblement vêtu (voir pas du tout…) que je déballais mon envie. J’avais envie de se clip pour oublier la tournée qui allait inévitablement arriver. Et si je voulais faire ce qu’il c’était pour que je ne cherche pas un moyen de ne pas aller sur les routes. Si je voulais faire ce clip c’était pour les fans, pour MTI, pour Cash et les autres membres de The Lightening qui n’attendaient qu’une seule chose : qu’on aille en tournée. Et ce qui pourrait paraitre être une idée mégalo, purement égoïste et faite sur un coup de tête était pour moi un acte d’altruisme énorme. Et je croyais que tout le monde le verrait comme tel.

Je m’étais assis sur son lit et je lui avais exposé les causes et les faits simultanément. Je savais que Cash allait comprendre parce que ça faisait des années qu’on se connaissait. Mon cœur battait très vite en attendant sa réponse et j’espérais que celui de Cash ne battait pas aussi vite que le mien. Parce qu’il n’aurait pas survécu. J’implorais Cash de regard sentant le regard de ses serpents sur moi. C’était désagréable.

Cash ne répondit pas à ma question. Il en posa une autre. J’implorais une réponse et lui préférais largement essayer de répondre à ses besoins primaires plutôt que de soulager ma conscience. C’était un acte calculé et je fronçai les sourcils sortant mon paquet de cigarette de ma poche ainsi que mon briquet. Je ne voulais pas négocier, je voulais une réponse. Je lui lançais une seule cigarette et m’en pris une que j’allumais avant d’envoyer le briquet à Cash avec mauvaise humeur.

-Si, j’ai toujours des clopes. Tu le sais ! Si tu meurs à cause de cette foutue clope, je te jure de te suivre aussitôt dans la tombe !

C’est ainsi que je mettrais Cash responsable de ma mort et de la sienne. C’était la punition que j’avais choisis pour sa question calculée. Une question que d’autres aurait pu remettre sur « l’innocence » du guitariste. Innocent, Cash ? N’importe quoi !

-Alors pour le clip ?

J’étais toujours en attente d’une réponse et Cash se retourna vers ses serpents. Les serpents de Cash m’avait toujours donné l’impression désagréable qu’ils étaient plus qu’humain qu’une humain. Parce que Cash leur parlait, Cash était connecté avec eux, Cash communiquait avec eux… Et j’en étais jaloux. Le regard de Cash revint enfin sur moi et une question encore traversa ses lèvres. Y aura-t-il des serpents dans le clip ? Je n’en sais rien… Pourquoi il y aurait des serpents ? Pourquoi pas autre chose…

-Je n’en sais rien Cash… Pourquoi des serpents. ? Je voyais plutôt un gars et une fille. Un gars sadique et une réelle emmerdeuse. Ce que raconte la chanson Cash… Que représenterais les serpents là-dedans ?

D’un coup, je regardais le terrarium et ravalais ma salive. Les serpents de Cash me regardaient… Ils me jugeaient… J’avais l’impression qu’ils allaient me tuer si leur race n’était pas représentée dans le clip.

-On peut peut-être faire une incursion de toi et des serpents…

Une concession pour un clip. C’était tout ce que je pouvais offrir à mon guitariste et à ses amis rampants.

Tv Will Help The Radio Stars ft. Billy Lighter

Billy céda encore plus vite que je n'aurais cru à ma demande. Il sortit son paquet de cigarettes et le lança huit centimètres de nicotine, pour mon plus grand bonheur. Mais ce ne fut pas sans me mettre en garde, alors que je souriais, satisfait. Billy me menaçait de me suivre, si jamais la clope me tuait. Et je savais pertinemment qu'il ne rigolait pas, mais qu'en plus de ne pas rigoler, il le ferait réellement. Et c'était ça aussi qui compliquait notre relation. On savait très bien tous les deux qu'on ne pouvait pas vivre l'un sans l'autre... Pas dans le sens de se voir tous les jours, non, mais on devait être sûr que l'autre vivait toujours. Et tout ça était court-circuité par notre tendance auto-destructrice personnelle.

J'allumai ma clope quand même. Je ne souriais plus, parce que je ne voulais pas que Billy meure. Mais j'avais de besoins naturels qu'il me fallait satisfaire.

-Ce n'est pas ça qui nous tuera en premier... La clope ne tue qu'à long terme.

Et on aurait pas le temps de crever de cette mort lente. On vivait trop vite et cette vie était pleine de micro-suicides : chaque fois que je prenais une dose, chaque fois que Billy prenait ce putain de lithium dont, pourtant, il ne saurait pas se passer... La mort faisait partie de notre univers, de notre vie quotidienne. Tout ce qu'elle attendait, c'était le bon moment pour frapper, quitte à se louper comme avec moi la dernière fois, ou, encore avant, dans l'incendie de l'appartement de Billy où elle avait essayé de nous avoir tous les deux.

Je retrouvai une esquisse de sourire. Un sourire complice, celui que Billy préférait, celui que j'aurais offert à un frère.

-Toi et moi ensemble, elle a pas les couilles de venir nous chercher.

Together We Stand, Divided We Fall, le monde pouvait penser le contraire, c'était pourtant comme ça que ça marchait entre Billy et moi.

Je soufflai ma première bouffée de cigarette, la savourant, la laissant sortir lentement par ma bouche et mes narines... Je l'aurais fait sortir par mes oreilles aussi, si j'avais pu. Quant à Billy, il attendait toujours ma réponse... Ce à quoi je répondis par une autre question... Une question qui venait de Io, pas un désir de ma part. Ce à quoi Billy me répondit sur un ton perplexe. Je savais que ce serait lui qui s'occuperait de ce qu'il y aurait dans le clip... Mais pour chacun des éléments qu'il allait désirer mettre dedans, il allait me demander ce que j'en pensais.

Je faisais attendre Billy, sans le faire exprès. Je savais que chaque seconde était une torture pour lui, mais j'avais besoin de temps pour formuler mes phrases, déjà habituellement. Mais ici, un élément en plus entrait en compte, un truc en plus à gérer : les vagues d'énergie qu'envoyait Billy... Ses émotions contagieuse. Il fallait que je stabilise tout ça avant de pouvoir dire quelque chose.

Je finis par hausser les épaules.

-Ce n'est rien s'il n'y a pas de serpent.

Sa réponse, Billy l'avait enfin. C'était un « ouaaaais, mec... ». Sauf que je ne l'avais pas formulé comme ça, parce que pour moi, l'idée était acceptée et appréciée dès que Billy en avait parlé. Et c'était ce genre de truc qui faisait que des fois, la connexion ne se faisait pas avec le chanteur. Là où il avait besoin d'une réponse claire, pour moi, elle n'avait pas besoin d'être dite pour être acquise.

Et ce n'était rien s'il n'y avait pas de serpent, parce que la chanson, je l'aimais. Et l'idée de Billy, sur le mec sadique et la fille chiante, je l'aimais aussi. Je visualisais bien la scène, le style... Une ambiance sombre avec une lumière bleue... Un truc qui rendrai les images presque seulement en deux couleurs.

Mes yeux semblaient se perdre dans le vide. Mais en réalité, ils étaient en train de regarder le clip.

Et d'une voix tout aussi paumée, je commençai à étoffer l'idée de Billy, à ma façon.

-Du noir et du bleu, Billy... Le gars a de grands yeux bleus... Fixes...

Je revins sur terre... Dans ma chambre et plongeai mes yeux dans ceux de Billy. J'avais vu le gars qu'il nous fallait en flash... Mais je ne savais plus où...

Puis je souris, brusquement, et mes yeux se firent rieurs... Mes expressions changeaient très vite, et ce qui pouvait être surprenant. Je secouai la tête pour enlever mes cheveux de mes yeux.

-Et pour la chieuse, Krambeurk...

Et rancunier, avec ça...

TV Will Help The Radio Stars ft. Cash Izbel

Je lui avais lancé cette clope pour mon désir personnel, pour obtenir la réponse que je désirais. Et lui m’avait demandé celle-ci pour assouvir ces propres besoins. On s’entre manipulait et je détestais ça. Je mettais sa vie en jeu parce que je n’avais pas la patience d’attendre quelques minutes et de négocier.

Alors j’avais menacé Cash. Et il ne souriait plus ce qui m’offrit une satisfaction supplémentaire. Le guitariste se défendit prétendant que la clope ne nous tueras qu’à long terme et que ce ne serait pas elle le premier danger d’une mort future. Qu’est-ce qu’une clope au milieu de milliers d’autres que Cash avait déjà fumé et fumera dans l’avenir ? Pour moi, c’était beaucoup, parce que c’était celle que je lui avais donné alors qu’il est convalescent. Si il meurt des années plus tard à cause de la clope je me rappellerais de cette clope et la considérerait comme celle qui l’aura tué.

-Peut-être… Mais si on peut éviter de mourir de quelque chose, on le fait !

Je disais ça en fumant moi-même ma clope. C’était une réplique purement hypocrite… Je fumais, il fumait et je le blâmais pour ça. On allait crever un jour et, au fond de moi, je savais que ce ne serait pas de la faute de la clope. Mes émotions me tuerait et Cash, se serait son cœur qui lâchera. C’est nos faiblesses obtenues à la naissance qui allait nous tuer.

Cash sourit. Ce sourire qui avait le donc d’arracher le mien. Le guitariste était sûr que si on n’était ensemble, pas moyen que la mort vienne nous faucher. J’approuvais de la tête. Il avait peut-être raison. Entouré des riffs de Cash, je me sentais invulnérable. Seul, je n’étais que ce gamin de l’Indiana incapable de s’occuper seul de lui.

La cigarette me faisait du bien mais ne m’empêchais pas de me demander si Cash était d’accord pour le clip. Car le but de ma visite était là et pas ailleurs. Mais au lieu de me répondre clairement le guitariste me fit part de son envie d’avoir des serpents dans le clip. Ou bien était-ce le serpent de Cash qui le voulait… Difficile à savoir. La communication entre lui et ses serpents semblaient si simple, si limpide… Alors qu’entre lui et moi c’était une suite de questions sans réponse. Sans repère… J’avais accepté les serpents… Puis Cash me dit que ce n’était rien s’il n’y en avait pas. Un pas en avant, un pas en arrière et toujours pas de réponse claire… Je pouvais juste interpréter qu’il n’était pas contre le clip vu qu’il en parlait comme quelque chose qui allait inévitablement arriver. Pour moi, ne pas être contre ça ne voulait pas dire être pour. Ça manquait d’enthousiasme.

-On verra pour les serpents.

Après avoir dit ça j’avais instinctivement envoyé un regard noir aux serpents de Cash. S’il n’y avait pas de serpents se seraient une victoire de moi sur eux. Je reposai mon regard sur le guitariste qui avait le regard dans le vide. Il avait déconnecté ou bien il réfléchissait c’était à moi de juger. Une idée traversa ses lèvres comme sortis du fin fond de son être. Du noir, du bleu… D’un coup mon clip prenait une couleur, une ambiance que je visualisais sans peine. Le gars aurait de grands yeux bleus. Quelque chose de froid, d’inhumain… Quelque chose qui personnifierait la haine sadique... Un type de haine que je pouvais ressentir quand je me disputais avec mes copines. Mais dans le clip elle serait seule cette haine, indépendante et pourrait s’exprimer sans barrière.

-Oui, bleus, fixes… Froids…

Je suivais Cash dans son idée alors qu’il revenait sur terre. Son regard croisa à nouveau le mien. Ses yeux bruns, les miens bleu-vert. Bien loin de bleu glace qu’on voulait. Cash riait et me parla d’une certain Krambeurk pour la fille. Là, j’étais perdu…

-Krambeurk ? C’est qui Krambeurk ?

La fille je l’avais déjà visualisée depuis longtemps. Ce serait une brune… Comme la plupart de mes exs… Mais surtout comme cette top-modèle qui avait précédé Ruby. Celle qui m’avait fait ressentir cette haine sadique.

-Jamais entendu un nom pareil…

C’était quelqu’un sorti de l’imagination de Cash ou bien une personne bien réelle ?

-Si elle est brun et qu’elle existe, ça me va !

Oui après il fallait qu’elle sache jouer…  

Tv Will Help The Radio Stars ft. Billy Lighter

On fumait tous les deux, dissertant sur la mort, confrontant nos visions. Ouais, on allait mourir, et très vite encore ! Mais pas si on tenait, pas si on était ensemble. Je le pensais sincèrement. A nous deux, on représentait beaucoup trop de puissance pour que quoi que ce soit ose nous approcher. A nous deux, on était invincibles.

Ce n'était pas ce que Billy pensait, lui, parce qu'il me mettait en garde en me disant de ne pas faire ou prendre les trucs qui pouvait me tuer, de les éviter. Je secouai négativement mais presque imperceptiblement la tête. Non, Billy, c'est trop tard, l'humain est imparfait, l'humain est tenté, l'humain fait des connerie. Ce qui allait le tuer lui, c'était justement d'essayer d'être parfait. Parce que c'était simplement impossible :

-On a été créés pour merder, Billy...

Et Billy avait répondu à mon sourire fraternel. On en vint finalement au clip, et à cette question à laquelle il voulait tant une réponse. Réponse que je ne lui donnai jamais. Mais était-ce encore nécessaire alors que le clip prenait forme au fur et à mesure de notre conversation. J'avais glissé à Billy l'idée des serpents... Pour l'annuler directement. Mais je savais très bien que Billy n'oublierait jamais cette requête, justement parce que je l'avais annulée... Et qu'il y aurait des serpents dans le clip.

Et puis, il y eu ces visions, ces couleurs. Froides, crues, comme des éclairs. Et ce regard que j'avais déjà vu mais n'arrivait pas à resituer. Ces yeux fixes qui faisaient froid dans le dos et qui pouvaient convenir pour illustrer les crises de Billy avec ses copines. Parce que je n'étais pas dupe. C'était bien de ça qu'on parlait ici. De ces disputes, de ces coups qui se perdaient, des regrets qui suivaient. De ces situations qui étaient presque normales pour Billy et que je détestais, et pour cause.

J'avais vécu les dernières un peu avant que Ruby ne disparaisse. Et elle avait disparu à temps, avant que ça ne dégénère, avant que Billy ne devienne dingue. Mais Ruby avait été loin d'être la première. Certaines le cherchait, certaines le méritait... Mais dans ces moment-là, l'enfant que je redevenais voyait en noir et bleu. Un ciel d'éclairs. Et j'avais peur, peur quand les yeux de Billy devenaient fixes et plus bleu que vert.

Billy planait aussi haut que moi quand je choisis de le faire brusquement redescendre, tomber, presque, avec moi. Mais comme je savais que j'allais tomber, je me préparais à me réceptionner, pas Billy...

Billy se laissa juste happer. Je souris quand il demanda qui était Krambeurk... Je n'avais de la mémoire que pour ce que je voulais. Et je n'avais pas oublié la jeune photographe de chez MTI. Je savais même qu'elle sortait avec le manager Timmy Evans, c'était tout dire...

-Eileen.....J............Kramer... La photographe.

Je n'en dis pas plus, mais si quelqu'un pouvait mériter le sort d'une petite amie typique de Billy Lighter, c'était la seule qui me venait à l'esprit. Et encore, le méritait-elle vraiment ? Non. J'aimais trop les femmes pour leur souhaiter ça, même à Kramer. Même à l'ex de Billy, Savannah, avec qui on se méprisait mutuellement. Et mon sourire, évidemment, prouvait à Billy que je n'étais pas sérieux. Mais je voulais juste qu'il se rappelle cet épisode...

-Elle est blonde et elle existe...

C'est alors que brusquement, je retombai sur le visage entier du mec au regard froid, aux grands yeux bleus. Ouais... Si Billy voulait faire ce clip, il fallait qu'on arrive à avoir ce mec. Jamais personne ne m'avait mis aussi mal à l'aise, surtout à travers un écran de télévision. Et pourtant, j'étais un adepte des films d'horreur. Mais ce n'était pas tellement ce que ce gars faisait à l'écran qui était malsain... C'était lui, son être, son regard. Avec un mec pareil, Billy aurait un clip trash rien qu'en jouant sur la suggestion.

-Tu as déjà vu Keeping Our Lands avec Robin North ?

Je profitai du fait que Billy était en train de réfléchir pour attraper d'un geste vif le paquet de clopes que Billy avait laissé traîner sur le lit. Mais je n'en pris pas, puisque je n'avais pas terminé la première qui se consumait dans ma bouche.

Et avant qu'il ne proteste, j'ajoutai :

-Notre gars est là dedans... Mais je ne sais plus son nom. Celui qui fait peur.

Avec une description pareille, si Billy connaissait ce truc, il ne pouvait pas ne pas savoir de qui je parlais. Un regard à Io me signala qu'elle approuvait l'idée.

TV Will Help The Radio Stars ft. Cash Izbel

Cash avait raison… On avait été créé pour merder. C’était la triste vérité, le seule, l’unique. Et c’est bien pour ça que j’étais perfectionniste dans mon travail de chanteur et de parolier. Parce que je merdais sur les autres plans. Parce que j’étais aussi mauvais en relation conjugale que ne l’étaient les membres de ma famille et parce que mes humeurs étaient aussi imparfaites qu’inégales. C’est pour ne pas totalement tout merder que j’étais perfectionniste. Parce que ce serait insupportable pour moi de savoir que je merdais partout.

C’est ce clip que je ne voulais pas merder. Et j’avais besoin de l’aide de Cash pour réussir. Parce que j'avais toujours besoin de son aide… Sans lui mon âme artistique se sentirait seule et abandonnée… En gros, elle n’aurait plus lieu d’être. Il m’avait envoyé l’idée des serpents avant de l’annulée. Elle restait dans un coin de ma tête… Comme une faveur que je pourrais lui resservir en temps voulu pour me faire pardonner de quelque chose.

Peu à peu, le clip prenait un ton et des couleurs. Des couleurs inquiétantes qui me ramenaient aux pires moments de ma vie. Cash avait bien saisi ce qui se tramait dans mon esprit. Il arrivait à l’exprimer et je divaguais dans son délire. Ses couleurs représenteraient les disputes et le gars auraient des yeux bleus. Des yeux froids et sadiques. Les même que les miens lors des pires moments.

Puis vint cette histoire de Krambeurk. D’un coup, je revins sur terre sortant de ma vision presque totale et achevé du clip. Je secouais me tête comme si je venais de me réveiller. Qui c’était Krambeurk ? Cash m’éclaira sur la chose… C’était Eileen Kramer, Krambeurk. Je fronçais les sourcils. Ouais, la fille photographe de MTI qui avait fait une session de photos avec Cash, Ruby et moi… Je me rappelle très bien de ce jour, bien sûr. Il m’avait par la suite conduit à essayer de me défoncer à mort avec des médicaments. Mais je n’avais rien contre cette photographe, elle avait fait son boulot et on lui avait mené la vie dure.

-Eileen est un photographe très pro. Elle fait du bon travail. Je ne vois pas ce que tu lui reproche…

D’être sérieuse peut-être. C’était bien le genre de Cash. En tout cas, la rancune de mon ami ne m’étonnait pas le moins du monde. J’étais rancunier aussi, ça expliquait quelque part pourquoi The Lightening était ce qu’il était…

Soit, de toute façon, comme le disait Cash, elle était blonde et, malgré son existence, elle ne correspondait pas à la vision de la fille que je voulais. Puis Cash plaisantait, ça se voyais à son sourire.

-Pas d’Eileen pour le clip… Je veux une brune…

Ce serait comme ça et pas autrement. Je réfléchissais à mes connaissances mais je ne connaissais pas la fille brune qui convenait à ma vision. C’est Cash qui me sortis, encore une fois, de mes pensée et me demandant si j’avais vu le série de Robin North… Je ne regardais pas beaucoup la télé mais j’avais déjà regardé un épisode ou deux…

-Vaguement… Hey !

Cash venait de fauché le paquet de cigarette que j’avais laissé trainé sur le lit. Il gardait le paquet en otage sans prendre une seule cigarette étant encore occupé avec la première. Je fronçais les sourcils alors qu’il me disait que le gars parfait pour le clip jouait dans cette série.

-Rends-moi le paquet, Cash !

Réfléchir au paquet, réfléchir au type… Réfléchir au paquet, réfléchir au type. Merde ! D’un geste violent je repris mon bien et l’enfouis dans ma poche. Je pouvais maintenant réfléchir au type. Yeux bleu… Ouais, je voyais vaguement.

-Le type qui joue le psychopathe ?

Les scènes trash je m’en rappelais. Et il y en avait quelques-unes dans cette série. Mais c’est vrai que le type en question pourrait coller au rôle du clip.

-Ouais, c’est pas con. Il faudra que je le rencontre. Je préfère le voir avant de juger… Tu sais son nom ?

Oui, il fallait que je voie le mec en vrai. Je continuais de tirer sur ma cigarette.

-Et pour la fille on fait quoi ? Un casting ?

Peut-être que Cash en connaissait une. Ou pas… Mais dans tout L.A. je supposais qu’il y avait bien la fille qu’il nous fallait quelque part.

Tv Will Help The Radio Stars ft. Billy Lighter

J'avais plaisanté sur Eileen J. Kramer. Bien sûr, la petite anglaise m'avait fait mauvaise impression la première fois. Pour la simple et bonne raison que son professionnalisme et son sérieux faisait écho au perfectionnisme de Billy. Mais comme je comprenais d'où venait ce « défaut » de Billy, je ne faisait rien contre, je ne lui mettais pas des bâtons dans les roues. The Lightening avançait déjà lentement, je n'allais pas encore en plus ralentir les choses par sabotage. Mais Kramer, elle, n'avait rien à voir avec The Lightening. Et elle avait voulu faire ses preuves et se montrer professionnelle plutôt que de profiter de notre rencontre pour se détendre et se la jouer Rock'n'Roll.

Ni Billy, ni Eileen n'avait compris que le rock, ça se vit, ça ne se crée pas, ça n'a pas besoin de rigueur. Ils me donnaient la sensation désagréable de brider eux-mêmes leurs capacités artistiques.

Mais Kramer ne correspondait pas à ce qu'on voulait pour le clip. Pas à ce que Billy voulait. Billy voulait une fille qui ressemblait à Savannah. Et le clip, au final, ne serait que l'illustration d'une période sombre pour Billy... Et pour moi, par extension.

Et j'avais beau réfléchir, je ne connaissais pas de fille qui corresponde à une réplique de Savannah. Billy aussi réfléchissait sans pouvoir sortir de nom. Normal. Si jamais cette fille existait dans notre entourage, Billy serait déjà avec. Hormis Ruby, toutes les petites amies de quelques semaines que Billy avait accumulées jusqu'ici étaient des clones de son ex.

Je préférais réfléchir au gars, parce que Savannah, je ne l'aimais pas. Je ne l'avais jamais aimée. Dès le premier jour, j'avais fait ressentir, sans dire un mot, ma désapprobation à Billy... Quant à Savannah, elle avait eu plus que compris dès la première seconde, dès que nos regards se furent croisés.

Et alors que je me repassais les parties les plus importantes de Keeping Our Lands dans ma tête, sans arriver à retomber sur le nom de ce psychopathe, je volai le paquet de clopes de Billy qui traînait.

Je tins le paquet hors de portée un moment alors que le cerveau de Billy ne savait plus où donner de la tête. Deux semaines encore auparavant, j'aurais pu considérer le paquet comme mien dès qu'il aurait été dans ma main. Mais aujourd'hui, j'avais moins de force, moins de réflexe et les médocs me shootaient à moitié. Alors Billy récupéra son bien assez vite, à ma grande déception.

Avec l'expression d'un gosse à qui on a piqué son jouet, je hochai la tête pour signaler que c'était bien du psychopathe de la série que je parlais. Et son regard me revint en tête, me faisait complètement oublier le paquet de clopes.

Billy voulais le voir avant de juger. Ça, j'en aurais pas douté une seconde et c'était bien normal.

-Je ne me rappelle pas son nom... Axel quelque chose, je crois...

Quant à la fille, je haussai les épaules...

-Je ne sais pas...

Un coup d’œil à Io, ma conseillère, puis je revins sur Billy.

-Si on prend un acteur d'Hollywood, peut-être que lui, il aura des filles à nous proposer...

Sans conviction, mais je n'avais pas envie qu'on ait recours à Maureyn. Je ne voulais pas que Legrio ait son mot à dire sur quoi que ce soit. Il n'avait pas connu cette salope de Savannah, de toute façon.

J'étais fatigué par notre petit combat pour le paquet de clope. J'éteignis d'ailleurs la première dans le cendrier sur ma table de nuit. Puis, je désignai à Billy le meuble sur lequel était amoncelé un bordel monstre.

-Doit y avoir une cassette où j'ai enregistré Keeping Our Lands dessus. Doit y avoir le nom d'Axel truc muche au générique...

J'aurais bien mis la cassette moi-même si je n'avais pas été aussi épuisé. A la place, je regardai Billy s'exécuter en m'enfonçant dans mes coussins en essayant de ne pas montrer que mon cœur battait la chamade. J'étais légèrement essoufflé.

Le magnétoscope et la télé étaient une des premières choses que j'avais achetée avec nos premières payes de concerts...

Billy actionna la cassette...

Et notre monstre apparu. Celui qu'il nous fallait.

Je murmurai en même temps que lui...

-Let's play a game...

♠

TV Will Help The Radio Stars ft. Cash Izbel

Je réfléchissais à la fille, je réfléchissais au mec. Je réfléchissais à Savannah puis à la série dont me parlait Cash avant que celui-ci me fasse réfléchir au paquet de clope qu’il venait de me voler. Il venait de parasiter mon flux d’idée. Alors j’avais régler cette interférence d’un geste violent. J’avais récupéré mon bien, le flux d’idée pouvait revenir et je pouvais me reconcentrer dessus afin d’essayer de visualiser à quel acteur pensais Cash. Je voulais le voir, je voulais le rencontrer pour juger s’il était le gars qu’il nous fallait.

Cash réfléchissait maintenant que le paquet de clope était complètement hors de sa portée. Je voulais un nom. Avoir un nom était toujours plus pratique. Mais Cash n’avait qu’un prénom dont il n’était même pas sûr. Axel… Je connaissais bien un Axel mais il n’était pas acteur… C’était un enfoiré de journaliste…

-Je connais un Axel. Mais ce n’est pas un acteur… C’est un de ces connards de Guitar&Pen…

Je lisais Guitar&Pen et, en général, ils avaient de bons articles et de bons journalistes. Ils étaient plus ou moins impartiaux et parlaient essentiellement de musique. Mais cet Axel Moriarty, lui, il avait la réputation d’être acerbe pour son bon plaisir. Il aimait descendre les groupes, surtout quand ils étaient connus. Grâce à MTI et à tous les gens qui m’entourent, j’avais réussi, jusque-là, à éviter de me le farcir en interview.

Donc l’Axel dont me parlait Cash était un autre Axel, c’était logique. Et pour ce qui était de la fille, Cash ne savait pas… Je ne savais pas, il ne savait pas… Il suffirait de demander à l’acteur d’Hollywood que Cash avait en tête s’il ne connait pas des filles brunes qui pourraient faire l’affaire. Je soupirais.

-Oui, il en connait sûrement. Il doit en croiser des tonnes des filles à Hollywood… Dommage que…

J’arrêtais ma phrase. Dommage qu’il était impossible d’engager Savannah pour le clip. Je n’osais même pas demander à son agent et encore moins à elle. Il valait mieux que j’oublie tout de suite cette idée. Je baissais les yeux alors que Cash écrasa sa clope qu’il venait de finir. Je relevai la tête alors que Cash me désignait une armoire où régnait un véritable bordel. Ce bordel me faisait tiquer parce que ce n’était pas mon bordel. Mon bordel était différent. Je me retrouvais dans mon bordel. Pas moyen de me retrouver dans celui de Cash.

Et pourtant, j’allais devoir m’y retrouver. Je me mordis la lèvre inférieure alors que Cash me certifia qu’il y avait des épisodes de la série de Robin North sur une cassette dans cette armoire-là justement. Ok… Cash n’allait pas se lever. De toute façon, je ne voulais pas qu’il se lève, j’avais trop peur qu’il meurt… Je me levai et marchai jusqu’à l’armoire. Je fouillais un peu le bordel avec des gestes mal assuré. Fouiller le bordel des autres, je n’aimais pas, j’avais l’impression de foutre le bordel quand je faisais ça. Par chance, je trouvai la cassette et j’affichai maintenant un sourire triomphal.

-Je l’ai !

Je mis la cassette dans le magnétoscope avant de prendre place à côté de Cash pour être suffisamment bien placé pour voir la télé. L’épisode démarra et, bientôt, on aperçut notre homme sur l’écran. Un véritable psychopathe. On regardait la scène de torture dans un silence de mort. Seuls les cris de supplications de la victime de notre homme transperçaient ce silence. Les yeux du type… Il nous le fallait ! C’était inévitable ! Il devait être dans le clip peu importe combien il faudra le payer. Ses yeux étaient l’incarnation même de ce que je recherchais. La scène de torture se terminait et je brisais le silence d’un presque inaudible :

-Il nous le faut !

Le reste de la série mettait en scène les aventures de Robin North, entre autres. Je n’en détournai les yeux que pour écraser ma cigarette dans le cendrier passant mon bras (et un partie de mon corps) par-dessus Cash pour arriver jusque-là. Le générique apparu à la fin. Jamais je n’avais été aussi attentif à un générique. River Moriarty…

-River Moriarty. Pas Axel…

Oui la faute de Cash était compréhensible. Le journaliste et l’acteur avaient le même nom de famille. Pourtant, Moriarty ce n’était pas le nom le plus rependu de l’univers… Soit, je m’en foutais, on avait le nom de l’acteur.

-Il nous le faut Cash. Il nous faut River ! Je prendrais contact avec lui et je le convaincrais.

Pour moi, c’était déjà dans la poche. S’il fallait 1 million de dollars à Moriarty pour jouer, je les lui donnerais.

-Faudra en parler à Maureyn…

Ouais parce qu’il fallait que notre manager nous aides pour tous les trucs qui entouraient le clip. Je repris un clope que j’allumais devant Cash. Une sorte de provocation inconsciente.

Tv Will Help The Radio Stars ft. Billy Lighter

C'était définitivement raté pour les clopes. Et je ne me sentais pas en état de me battre, même pour jouer, pour le récupérer. Et je n'étais pas non plus dans la bonne voie pour récupérer le nom de l'acteur que je cherchais non plus, apparemment. Billy connaissait bien un Axel, le gars qui écrivait pour Guitar&Pen. Ouais, moi aussi je le connaissais. Pendant la première tournée, il nous avait tourné autour comme une mouche sur un caca... Et je lisais ses interview et ses critiques aussi, quand je m'emmerdais... Ce n'était pas un mauvais critique... Il avait raison la plupart du temps, quand il parlait musique. Son problème, c'était qu'il exagérait les défauts qu'il trouvait. Et là où je n'étais pas d'accord avec le journaliste, c'était que certains défauts amenaient quelque chose, ne serait-ce que sur l'histoire de la chanson... Et puis merde, on était des rockers ! Pas Botticelli... Ce qu'on faisait venait des tripes ! Et je ne pensais pas qu'à The Lightening.

-Ah ouaaaaaais... Cet Axel-là...

Mais Axel, même si je le resituais maintenant, n'était quand même pas le mec dont on avait si désespérément besoin. Quant à la fille, on était encore dans le flou le plus complet. J'aurais certainement pu en trouver en réfléchissant un peu. Mais je voyais mal livrer une de mes connaissances féminines au gars auquel je pensais.

Je penchai la tête... Dommage que quoi, Billy ? Il n'avait pas besoin d'en dire plus, je savais à qui il pensait. Et si je n'étais pas prêt du tout à travailler avec l'ex de Billy, c'était encore la seule fille que j'aurais donné à notre psychopathe avec le sourire.

Je ma laissai retomber sur mon coussin, en souriant, les mains derrière ma tête.

-Ouaaais... Dommage...

J'envoyai alors Billy en quête de la cassette que j'avais quelque part. Il mit quelques minutes à la trouver, mais finalement, il fut victorieux et fier d'avoir trouver le Graal. Mais surtout, il avait en main la réponse à notre éternel question : c'était quoi, le nom de ce gars ?

On finit par regarder l’épisode en entier. Et quand vint la scène qui nous intéressait, Billy murmura, mais je ne manquai pas un mot de ce qu'il dit. J'avais vu juste. Convaincre Billy Lighter n'était pas si compliqué, quand on avait des visions artistiques qui s'entrecroisaient... Je pouvais voir les images dans l'esprit de Billy, je pouvais l'aider à les concrétiser en son, et en bien d'autres choses, comme aujourd'hui. Je le regardai, nos regard se croisèrent, et je hochai la tête. Ouais, c'était lui qu'il nous fallait.

On regarda le reste de l'épisode en silence, religieusement. North était bon, très bon, et loin des pubs et des films pour enfants qui avaient bercés ma propre enfance. Et quand vint le générique, vint notre réponse.

-Ouais... River... Pas Axel... River. Il nous faut ses yeux, meeec...

Billy était de nouveau plein d'énergie, tellement prêt à tout faire en même temps que sa tête semblait près d'exploser. Mieux valait pour lui que pour moi. Rester à proximité du chanteur était en train de m'exténuer. Il contacterait le fameux River. Io approuvait. Même si moi aussi, je crevais d'envie de rencontrer l'acteur. Juste pour voir s'il foutait autant les jetons en vrai.

Je ne tiquai que quand il prononça le nom de Maureyn et pris soin de cacher mes yeux avec mes cheveux alors que je fronçais les sourcils... Je supposais qu'on n'aurait pas le choix. Il allait falloir mettre le manager au courant... Mais je comptais sur la lenteur de Billy. Et sur la vivacité d'esprit de sa demi-sœur...

-Ok, ok... Tout ce qu'il nous faut est un « ouais, les mecs, allez-y... ».

Sous-entendu que le blondinet n'aurait pas son mot à dire sur le clip. Parce qu'il ne savait pas, il ne pouvait pas savoir. Il n'avait pas vécu ce qu'on avait vécu avec Savannah...

Quant à moi, j'allais faire en sorte que tout L.A. soit au courant avant même que Billy n'ait fait irruption dans le bureau de Legrio.

TV Will Help The Radio Stars ft. Cash Izbel

Axel, cet enfoiré de journaliste, n’était pas le mec dont on avait besoin et on n’aurait pas Savannah pour le clip. C’était dommage… Dommage, disait Cash aussi d’un air que je ne connaissais que trop bien. Après tout, la fille allait souffrir dans ce clip. Pas de doute donc que Cash aurait été d’accord d’avoir Savannah pour faire le rôle de la fille. C’était dommage pour lui et pour moi mais pas pour les mêmes raisons.

En attendant, on n’avait toujours pas le nom du gars. Le seul moyen de l’avoir était de visionner l’épisode de la série de Robin où se trouvait le psychopathe en question. Après une recherche difficile (plus stressante que difficile, finalement) sur l’armoire de Cash, on se mit à regarder la cassette. Torture, sang, cris et… Ses yeux… Je croisai le regard de Cash bien campé à côté de lui. On était d’accord. Il nous fallait ses yeux. Et pas d’yeux sans avoir le gars en question.

On apprécia le reste de l’épisode. Je ne savais pas depuis combien de temps je n’avais plus regardé un truc avec Cash… Surtout dans sa chambre. Cela doit remonter à un an voir plus. Et ça avait quelque chose de… Revitalisant.

Puis vint le générique et la réponse à notre question. Il nous fallait se River Moriarty. Même si son nom de famille n’avait rien d’attirant, ses yeux l’étaient. Il avait tout gagné en un regard. Il avait gagné ma bénédiction artistique. Et Cash et moi on était d’accord, il nous fallait ses yeux. Je souris à mon guitariste.

-Ouais, il nous les faut ! On les aura !

Et le mec avec aussi. Parce qu’on ne pouvait quand même pas lui arracher les yeux pour les implanter sur l’un de nous. C’est une bonne idée mais MTI ne voudra jamais… Bref, il nous fallait ce mec et je l’aurais ! Peu importe les moyens.

Première chose, prévenir notre manager. Chose que je verbalisai à Cash tout en entament une seconde cigarette. D’un coup, je senti Cash se refermer sur lui-même. Je gardais le contact visuel avec lui malgré qu’il soit maintenant parasité par les cheveux du guitariste. Je ne souriais plus, la magie venait de partir avec ma phrase sur Maureyn. Cash était d’accord pour le mettre au courant. On n’avait pas le choix de toute façon.

-Ouais, il nous faudra sa bénédiction. Mais il devrait bien aimer notre idée.

Un clip ça rapportait. Enfin à condition que les frais pour le clip n’excède pas sa rentabilité. Mais ça ce n’était pas mon problème. C’était celui de MTI. S’ils ne veulent pas essuyer tous les frais, je le ferais parce que je veux que ce clip se fasse.

Je me levai d’un seul coup. Ma mission ici était terminée. Je devais contacter Maureyn et River dans un futur proche. Il fallait que je visualisé et revisualise ce clip dans ma tête. Il fallait que je l’agrémente d’idée, que je réajuste tout.

-Je dois y aller Cash.

Je regardais mon guitariste. Ses yeux, je ne les voyais plus à cause de ses cheveux. Je me dirigeai vers la porte de la chambre de Cash et me retournai une dernière fois vers lui.

-Je te téléphonerai pour te parler de l’avancement de tout ça. Je m’occupe de tout.

Je sous-entendais par-là que le guitariste ne devait absolument pas quitter cette maison avant d’être rétabli et que je ferais tous les arrangements et déplacement nécessaire à la réalisation de ce clip. Je souris un long moment à Cash avant de disparaitre derrière la porte.

Tv Will Help The Radio Stars ft. Billy Lighter

Regarder tranquillement la télé avec Billy, en silence, me donnait l'impression d'avoir voyagé dans le temps. D'être brusquement revenu à une époque où devenir rockstar était encore un rêve et où on était encore assez naïfs pour penser que ça n'allait être que le rêve, sans se douter que ce serait aussi en grande partie un cauchemar, sans penser que la mort se rapprocherait si près de nous aussi vite et qu'elle faucherait nombre de nos amis en chemin.

Et pourtant... Tout ça ne datait pas se plus d'un an... Et ça paraissait tellement loin ! Mais avions-nous réellement changé tant que ça ? Non. Pas vraiment. Billy était déjà un rebelle, sauf que maintenant, il avait les moyens de se faire entendre. Quant à moi... J'étais resté moi... En plus méfiant et plus difficile à apprivoisé. Et Legrio en faisait les frais.

Nous étions d'accord. La machine artistique était lancée, naturellement. Et ça suffisait à Billy. Il n'avait plus aucune raison de rester ici. J'aurais aimé qu'il passe le reste de la journée ici, avec moi, à écouter des albums et même qu'il aurait pu rester dormir, comme on le faisait avant... Mais non. Et pourquoi ? Parce que Billy n'en verrait pas l'utilité. Parce que Billy était une boule d'énergie prête à tout démonter, lorsqu'il avait une idée.

Et je savais pertinemment que je ne pourrais pas le retenir. Comme je ne pourrais pas le convaincre de ne rien dire à Legrio avant d'avoir fait le clip pour ensuite le mettre devant le fait accompli.

Legrio, justement, notre cher manager. Il fallait le mettre au courant et j'allais laissé ce soin à Billy, moi, je m'occupais de mettre la ville entière au courant, c'était la seule qui comptait. Si L.A. approuvait, le blondinet ne pourrait que suivre.

Je souris à Billy et lui fit signe, n'insistant pas pour qu'il reste.

La course était lancée.