Allongé torse nu sur le béton brûlant des premières journées étouffantes que nous offrait Los Angeles, je fermais les yeux, ma cigarette se consumant au gré de ma respiration tellement lente qu’elle en devenait imperceptible. Mes pensées divaguaient au rythme des roues de plastique et de gommes qui embrassaient ce même sol aride parfois à quelques centimètres seulement de mon corps.

Je restais cependant immobile, comme le Serpent prenant le soleil et se gorgeant de son énergie. Mon sang froid se réchauffait et j’étais rassuré de percevoir à nouveau la lumière et la chaleur du Désert qui s’étendait réellement à quelques miles seulement au-delà de la frontière de cette ville qui m’avait vu naître.

Un skate-board me frôla à nouveau, faisant rougeoyer les cendres au bout de ma cigarette et je laissai échapper un profond soupire enfumé.

Je me sentais bien, je n’étais pas sous l’influence des passeurs et je sentais le Désert tout près malgré tout.

Comme à l’aube de chaque nouveau Big Bang.

Billy avait trouvé la fille de Be Mine ! suffisamment forte cette fois pour subir et résister aux assauts du monstre envoyé par la Mort elle-même… La Mort qui, jalouse, m’avait récemment privé de mon amante pour tenter de retrouver sa place dans ma vie imprudente.

Billy et moi étions d’accord sur la fille et le lieu de tournage.

Ne nous restait plus qu’à créer.

Mais cette année ne verrait pas de nouvelle tournée de The Lightening. Nous n’étions pas prêts pour ça. Les morts de l’Apocalypse de St-Louis n’étaient pas encore devenus poussière et hantaient toujours nos pensées et nos cauchemars.

1983 allait être l’année du feu, du métal, de l’anarchie et de l’innocence.

Pour cette fois, la foudre ne s’étendrait pas au-delà de Los Angeles… Ni dans ce monde, ni dans un autre… Sauf à travers les écrans de télévision.

Un nouveau souffle se fit sentir dans mes cheveux bouclés, mais sans être accompagné du roulement lancinant autant qu’agréable des skate-boards. J’inspirai en même temps pour en saisir l’essence et reconnu un parfum particulier que j’avais déjà senti une fois.

Le parfum de l’innocence, de l’audace et du talent.

Le parfum d’Olivia Cortez.

La fille du Diable.

Sans ouvrir les yeux, ma cigarette presque au filtre suivant mes mouvements de mes lèvres, ma voix juvénile s’éleva doucement :

-Il t’a donné ta chance, petit démon ?

@ Billy Lighter

C’est avec mon sac en bandoulière dans lequel j’ai mis mon journal que je me suis dirigé vers le skate-park. J’ai besoin d’une nouvelle chanson. Une seule, pour compléter une liste plutôt sécuritaire de chansons que j’interpréterai en tournée. Sur la route, peut-être aurais-je de l’inspiration pour en écrire de nouvelles mais avant de partir, je voudrais avoir assez de matériel pour tester auprès du public ce qui pourra constituer mon futur premier album.

Il fait particulièrement chaud. De quoi me faire presque regretter de ne pas avoir choisis un endroit à l’ombre, comme le grand parc à Hollywood. J’aurais peut-être rencontré Aunt Betty qui aurait certainement une nouvelle aventure palpitante à me raconter.  J’ai l’impression que mes semelles collent sur le béton mais je me rends compte que c’est simplement que j’ai marché sur un chewing-gum.

Je m’installe  le dos contre une rampe  de skate, genoux remontés et mon journal appuyé dessus et je regarde autour de moi en cherchant des mots clés.

« soleil… adolescents… chaud… merde ! J’ai oublié ma bouteille d’eau !... amour de jeunesse… amour rime avec toujours… arghhh !!! »

J’aurais dû apporter ma guitare avec moi !

Rageusement, je biffe dans mon journal les mots que je n’ai pas encore écrit avant de relever brusquement ma tête en envoyant mes long cheveux vers l’arrière que je retiens ensuite d’une main sur mon front, les yeux perdus au loin.

Il y a un homme, étendu sur le sol, qui ne semble pas se soucier le moins du monde qu’on roule tout autour de lui. Comme s’il n’existait pas.

Je serais prête à sacrifier ma voix  sur l’identité du comateux tant je suis certaine de l’avoir reconnu. Il n’y en a pas deux des comme lui. D’un bond, je me relève attrapant mon sac d’une main, mon journal de l’autre puis je traverse le skate park jusqu’à être tout près de Cash Izbel dont la cigarette menace de lui brûler les lèvres s’il continu de tirer dessus.

Sans même ouvrir les yeux, il me reconnait et moi, fascinée, je souris avant de m’assoir en tailleur à ses côtés.

- Je l’ai envoutée avec ma voix, il n’a pas eu le choix !

J’étire mes bras vers l’Arrière, mes paumes contre le béton pour profiter un peu du soleil, et qui sait si une idée ne passerait pas au même moment, voyageant de Cash à moi.

Rien.

Peut-être que nos énergies sont trop ramollie par la chaleur pour faire naître l’inspiration.

- Je l’ai saisi et je vais prendre mon envole, Cash. Haut, très très haut !

Là ou le vent me poussera, aux 4 coins du monde.

@ Billy Lighter

Les yeux toujours fermés, je souris au moment même où la cendre s’éteignit au bout de mon mégot quand la voix de la jeune démone confirma que j’avais vu juste malgré ma cécité due à mes paupières closes.

Je portai lentement ma main à ma bouche pour en retirer le mégot et le pose sur le béton brûlant à côté de moi, exhalant une toute dernière infime bouffée de fumée.

La voix d’Olivia Cortez était fière, une fierté qui faisait partie intégrante de sa personne comme un don… Ou une malédiction… Ce serait à elle de doser pour pouvoir en faire l’un ou l’autre.

-A « envouté », préfère « convaincu »…

Je passai rapidement la langue entre mes lèvres, comme un serpent.

-Et si le choix est le sien alors tu y gagnes plus que s’il n’avait pas d’autre choix.

Je savais que la démone avait essayé d’attirer l’attention de son père sur elle. Tout simplement parce qu’elle en avait parlé dans l’interview qu’elle avait donné à Guitar&Pen. Et c’était de ce père inconnu que nous parlions sur le béton aride du skate park dont les ondulations me rappelaient ce Désert auquel je n’avais plus accès.

Ma main voyagea à côté de moi, à tâtons, jusqu’à trouver mon paquet de cigarettes. J’en allumai une sans jamais rouvrir les yeux, laissant la démone affirmer que la chance qu’elle avait, elle l’avait saisie et qu’elle était désormais prête à voler haut, très haut.

Je levai lentement le bras pour pointer le soleil de mon index, à l’aveuglette.

-Fait attention en passant près du soleil alors…

J’inspirai un grand coup, ma cigarette se consumant à ma bouche et la fumée ressortant par mes narines après un passage dans mes poumons sans doute déjà dévastés.

-Qu’est-ce que tu vas dire au monde ?

Parce que quel autre but y avait-il à faire une tournée mondiale ? Quel autre but, dans la musique, que de faire passer un message ou faire découvrir un autre monde. Créer l’évasion... Sublimer le réel…

Ou le rendre pire encore… Comme aimait le faire Billy.

Comme ce que nous allions faire avec Be Mine !

@ Billy Lighter

Cash est et sera toujours l’être le plus énigmatique qu’il m’aura été donné de rencontrer. Je fais la moue, songeuse quand il souligne à envouté, préfère serait plus juste. J’hausse des épaules parce que le mot n’a pas de réelle importance puisqu’au fond de moi, je sais pourquoi ça a fonctionné pour moi et que malheureusement, je ne le dois pas à mon talent.

Enfin, pas qu’à ça.

Et la petit phrase pas si anodine que ça de Cash me fait légèrement frissonner. Parle t-il de mon talent ou de mon père ?

Je préfère ne pas approfondir le sujet.

Mon enthousiasme ne s’éteint pas pour autant puisque de très belles opportunités s’offrent à moi, dont la tournée sur laquelle je travail pour pondre de nouvelles chansons et les rendent parfaite pour les offrir au public.

Ma fusée vient de décoller.

- Je crois qu’il y a pire que de se brûler les ailes…

Ne pas en avoir, ou les perdre.

Ou se les faire couper.

Cash me donne l’impression d’être dans une sale période. Il est… fidele a lui-même mais  avec une touche de gris de plus ce qui fait que la lueur qu’il avait allumer en moi semble vaciller aujourd’hui.

Et comme s’il lisait dans mes pensées, je le sens venir l’écraser entre son pouce et son index quand il me demande ce que j’ai l’intention de dire au monde.

- Pour le moment ? J’ai ça !

Je ne sais pas s’il regarde derrière ses verres fumés mais je lui montre ma belle page pleine de rature et de gribouillis qui ne veulent absolument rien dire. C’est désespérant. On dirait que plus je réfléchis, moins je trouve et je sais qu’il est inutile de me martyriser le cerveau. Sauf me stresser d’avantage, rien n’en sortira de cette façon.

- Je suis venue ici pour trouver l’inspiration mais là, tout de suite je n’ai rien trouver encore… si tu as des idées, je suis preneuse !

Quoi que je ne sais pas si Cash saurait m’aider dans mon processus de création. Quoi que deux têtes valent mieux qu’une, pas vrai ?

- Je voudrais aller un peu ailleurs. Écrire un truc qui accroche et surprends.

Ouais… on voudrait tous ça le truc c’est que c’est plus facile a dire qu’à faire…

@ Billy Lighter

Je souris quand Olivia répondit avec toute l’innocence, l’arrogance et la crédulité de sa jeunesse qu’il devait y avoir bien pire que de se brûler les ailes. Peut-être… Pas sûr… Aurais-je sacrifié The Lightening si ça pouvait ramener les morts de St-Louis ?

Non.

Je ne brûlerais les ailes de The Lightening pour rien au monde.

Je soufflai comme un dragon par le nez la fumée qui envahissait mes poumons.

-Vas dire ça à celui que Daniele Ricci a ramené d’entre les morts. Vas dire ça à ceux qui te tiennent encore la main pour t’apprendre à marcher avant de courir.

Je tirai sur ma cigarette avant d’ajouter, d’une voix plus profonde.

-Vas dire ça à celui qui éteindrait le soleil pour ne pas que ça arrive.

Mon regard se perdit vers l’astre, protégé par mes lunettes de soleil qui ne suffiraient quand même pas à ce que ses rayons ne me détruisent pas la rétine.

-Parce qu’aujourd’hui, tu ne parles qu’à celui qui est prêt à laisser des gens mourir pour garder ses ailes.

Comme Gaïana, consumée par Be Mine !, consumée par moi-même pour l’avoir emmenée avec moi dans le Désert.

Je refermai mes yeux qui, tels que je me visualisais dans mon esprit à l’instant, avaient des pupilles biseautées.

Je voulus savoir ce qu’elle voulait dire au monde. Et pour réponse, elle me désigna son carnet ouvert sur une page pleine d’idées chaotiques attendant de s’entrechoquer par hasard dans l’espoir de donner quelque chose.

A la force de mes abdos, je me redressai d’un coup, comme un cobra. Je ne dis rien. Elle parla. Avouant qu’elle n’avait pas d’inspiration et qu’elle voulait aller ailleurs que là où elle avait déjà été. D’un geste vif, j’attrapai son carnet, le fermai sans même regarder dedans et le posai sur le béton brûlant à côté de moi.

-Le papier, ça ne fait pas de musique.

Je la regardai de haut en bas derrière mes verres fumés.

-Tout ce que tu as besoin se trouve là…

Je pointai sa tête, comme l’avait fait Aunt Betty avec moi il n’y avait pas si longtemps de cela.

-Et là.

Je pointai son cœur et laissai retomber ma main.

-Et tu es encore assez jeune pour être libre. Je ne vois pas de chaînes. Rien qui te retient. Pas encore corrompue par la célébrité, pas encore adulée par des milliers de fans qui penseront te connaître mais n’auront rien compris.

Je souris.

-Mais tous les moyens, tu les as. Parce que tu as signé un pacte avec le diable.

A elle. Et à aucune autre.

@ Billy Lighter

Je baisse la tête comme une enfant qui se fait gronder alors que Cash  y va de ses raisons pourquoi il ne vaut mieux pas se brûler les ailes. Je comprends ce qu’il m’explique et ça me fait frissonner,  lisant entre les lignes.  N’en demeure pas moins qu’avoir la chance de voler, ne serait-ce qu’un tout petit moment demeure formidable, inespéré,  mais ne pas avoir la chance de le faire ou s’en voir privé pour diverses raisons demeure vraiment triste. L’un comme l’autre, je préfère ne pas y penser et être reconnaissante de la chance que j’ai.

Mais je fronce des sourcils, ne sachant pas si je dois me lever et prendre les jambes à mon cou quand il me dit que je parle à celui qui n’hésiterait pas à laisser les autres crever plutôt que de renoncer à ses ailes, ou si je dois y voir une métaphore.

- Je… j’ai beaucoup a apprendre…, dis-je humblement la tête toujours baissée.

J’ai devant moi un artiste pour qui j’aile plus grand respect et dont la musique m’a fait voyager au-delà des rêves qu’une adolescente de mon âge peut avoir. L’inspiration que je peux trouver à  son contact ne se compare à rien des expériences que j’ai pu vivre. Bientôt, je partirai en tourner et j’aurai la chance de partager la scène avec d’autres mecs que j’adore et qui m’apportent énormément tant par leur expérience de la musique que par le plaisir de leur compagnie mais, aujourd’hui, je me trouve avec Cash et c’est en lui que je peux trouver l’étincelle qui me manque.

Mon cahier n’est rempli que de ratures, d’idées futiles, pour ne pas dire insipide. Rien qui fera courir les foules pour me voir. Cash prend alors mon cahier pour le balancer plus loin sur le sol brûlant. Je fixe la couverture orange qui semble prendre presque feu sous les chauds rayons du soleil.

Tout ça est dans ma tête.

Et dans mon cœur.

Comme me le fait comprendre Cash, c’est là que je dois aller pour trouver les mots que j’ai envie de chanter.

Ça gronde en dedans de moi.

« Mais tous les moyens, tu les as. Parce que tu as signé un pacte avec le diable. »

J’ai signé un pacte avec le diable. Mais je ne lui ai pas vendu mon âme ! Et ce diable qui revient sans cesse, sournoisement, prend de plus en plus la forme ou plutôt le visage de mon père.

« Mais tous les moyens, tu les as. » Pourquoi ?  Parce que Jimmy Reed le veut bien ? Parce qu’il fera en sorte que je sois intouchable ? Comme pour l’article qu’il m’a eu avec le journaliste de Guitare&Pen ? Et pour combien d’autres choses que je ne sais pas ?

- Je ne sais plus qui je suis !

Et ça, ben ça fait atrocement mal.

Je ne me retiens pas de hurler, même si ça fait stopper les skates bordeurs de rouler en rond sur les pistes. Même si j’ai l’impression  que les oiseaux ont cessé  de voler, effrayé par mon cri.

- Ça, ça fait du bien !

Je prends la main de Cash et m’approche de lui pour le regarder au travers ses verres fumés.

- Je vais les prendre, les moyens. Et pas parce que j’ai signé,  mais parce que, comme tu le dis, je n’ai pas de chaîne et que je suis libre !

Et naïve ?  Ouais… ça aussi et surement trop !

@ Billy Lighter

J’avais senti la jeune démone baisser les yeux. Mais je souris de l’entendre dire qu’elle avait beaucoup à apprendre. A son âge, ce qui ne remontait pas encore à bien loin, j’aurais répondu avec encore plus de prétention, plus de certitudes… Me sentant protégé et béni par Los Angeles elle-même.

Je n’aurais en tout cas jamais dit, comme Livia, que j’avais beaucoup à apprendre. Dans mon monde, j’étais le roi Serpent, dans le monde de Billy, la moitié d’un Big Bang…

Je pensais n’avoir rien à apprendre. Aujourd’hui encore, il avait fallu que la mort me vole Gaïana pour me rappeler à son bon souvenir. Il avait fallu les morts de Saint Louis pour m’ouvrir les yeux et fermer la porte…

Et chaque fois, je la rouvrais.

Je sifflai longuement avant de dire…

-Comme tout le monde… Tout le temps… Et certains n’apprennent jamais.

Je n’apprenais jamais. The Lightening était un éternel recommencement, explosion sur explosion.

Nous créions quelque chose. Et ensuite tout devait repartir depuis le début. Tout le processus était à refaire.

Il n’y avait pas d’évolution dans The Lightening. Nous n’atteignons que l’état d’embryon primitif, étions avorté, puis devions renaître encore.

Je me redressai attrapant le cahier de la jeune fille, n’y lisant rien parce que son âme ne s’y trouvait pas. Je la lui pointai.

A travers mes verres fumés, je captai le regard de Livia… Un regard à la fois bleu et rouge de rage. Elle affirma ne plus savoir qui elle était. J’ouvris la bouche pour dire quelque chose, mais la démone se mit à hurler à en fait stopper net les skate-boarders et me fis plaquer les mains sur mes oreilles. Je fis la grimace le temps que ça dura et ne retirai prudemment mes mains que lorsqu’elle eut fini.

Je repris ensuite une cigarette avec une expression sur le visage, comme si j’avais été un peu sonné par ce cri. Je pris doucement le temps de m’allumer puis relevai mon regard vers elle.

-Tu dis que tu ne sais plus qui tu es… Mais est-ce que tu l’as déjà su un jour ?

Je passai ma langue entre mes lèvres alors que la fumée s’échappait lentement de mes narines.

Je penchai la tête.

-Sans les moyens que tu as acquis, tu crierais aussi fort que tu viens de le faire.

Je penchai la tête d’un côté, puis lentement, de l’autre, comme un serpent charmé ou un serpent charmeur.

-Sauf que personne ne t’entendrait.

J’enlevai mes lunettes de soleil pour qu’elle puisse voir mes yeux et que je puisse voir la vraie couleur des siens.

-De toute façon, l’important, ce n’est pas comment tu as eu ces moyens. C’est ce que tu vas en faire.

Je regardai autour, les skate-boarders qui s’étaient arrêtés autour de nous nous regardant toujours parce qu’ils nous avaient reconnu, mais sans oser nous approcher. Comme s’il y avait une bulle dans laquelle nous nous étions isolés du reste du monde.

-Alors chante, Livia. Chante.

@ Billy Lighter

Ce que je veux, depuis toujours, presque autant que de retrouver mon père, c’est de divertir les gens avec mes chansons. Celles que je compose moi-même selon l’inspiration.  J’ai eu pour habitude d’observer ce qui se passe autour de moi pour  coucher sur les feuilles, les mots et mélodies de mes créations.  Seulement aujourd’hui alors que je m’apprête à prendre concrètement mon envole, je ne trouve plus les mots, ni même les sons pour m’exprimer.

Cash, tant toute sa splendeur métaphorique, me fait comprendre que ce n’est pas en noircissant mes feuilles que je vais y arriver. Ça vient remuer en moi bien des choses et me fait pousser un grand cri libérateur.

Un cri qui sembla même étonné pour ne pas dire décontenancer le mystique Cash Izbel.  
Un cri que je retenais peut-être depuis trop longtemps et qui venait brimer l’inspiration que je cherche désespérément.

Un cri qui vient exorciser certaines blessures, d’orgueil sans doute, et qui me libère d’une pression que je traine depuis l’annonce de cette tournée.

- Non, tu as raison.

Je n’ai jamais su répondre à cette question. Ce fut prétentieux alors de dire que je ne le savais plus, alors que je suis toujours en quête de la réponse. Ne le saurais-je vraiment un jour ? Je commence à en douter. Mais est-ce vraiment important, quand on peut continuer d’avancer ?

Le chant a toujours fait partit de moi d’aussi loin que je me souvienne. Ça devrait être la seule chose qui me préoccupe vraiment. Et comme le dit Cash, qu’importe de comment j’ai eu les moyens. L’important c’est ce que j’en ferai, comment je vais les utiliser.

Autour de nous, les adolescents sur roues semblent être figés dans le temps. En fait, ils nous observent, ils observent Cash. Il y a cette fascination à la fois grisante et un peu effrayante  qui vient avec ce que j’aspire devenir.

Cash, qui a retiré ses lunettes de soleil me fixe de son regard pénétrant. Comme la première fois où je l’ai rencontré, j’ai l’impression qu’il sait lire jusqu’au plus profond de mon âme.
J’hoche de la tête alors qu’il me demande de chanter.

J’entrouvre les lèvres, ne laissant filtrer que de frêles notes, à peine audible mais,  doucement, elles prennent en assurance et commencent à former une mélodie que je fredonne. Ne mélodie que j’étoffe de mots, qui me viennent presque tout seuls.

Je crois que j’ai retrouvé l’inspiration !

@ Billy Lighter