SPLASH!

Ça, c'est le bruit que fait l'eau du verre que Stiles vient de me jeter à la figure en plein sommeil. Je vous dit pas ma bonne humeur après. Je me suis réveillé en sursaut et il n'a pas fallu une minute de plus pour sortir du lit et de courir après ce con de frère qui me fait toujours ce genre de blagues idiotes.

« Putain!!! Je t'aurais Stilinski!!! »

Stilinski, c'est son surnom. Pourquoi? J'en sais rien, ça nous est venus à tous de le surnommer comme ça à une époque tellement lointaine que je ne m'en souviens plus. Sans doute dû à son teint tellement blafard qui nous fait penser à un soviétique qui ne connait pas la lumière du jour. Stiles et moi n'avions pas le même père ce qui faisait qu'il y avait de relativement grosses différences physiques entre nous. Tout le monde pense toujours qu'on est cousins, pas frères. Pourtant, c'est bien le cas. Malheureusement.

Bref, vous vous en doutez, j'ai réussi à le rattraper et au dernier moment, avant que mon poing ne vienne se heurter contre son estomac il s'est aplati en formulant de vaines excuses. Mouais, c'est trop facile ça. Je regardais mon frère avec des yeux menaçants et Stilinski a eu tôt fait de baisser son regard.

Ce qui ne l'empêcha pas, deux minutes après, de me taquiner avec son sarcasme habituel comme si rien ne s'était passé... Habillé d'un peignoir, prêt à rejoindre ma douche, il me regarde et fronce les sourcils.

« Attention!!!! ... Tu marches sur tes pantoufles!! »

À mon tour de froncer les sourcils et de mater mes pieds... Et mes pantoufles. Putain, y avait moyen d'être con! Je levais les yeux au ciel et soupirais. On le changera jamais. Et qui plus est, c'est mon frère. Et on partageait le même petit appartement. La poisse.


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« Dis, on va au parc d'attraction?! On va fêter votre réussite pour Bleeding Heart! Vous avez enfin votre contrat, trop le top!! »
Et oui, cela faisait maintenant deux jours que nous avions joué notre concert et malgré une petite bourde de Duncan à la guitare, on a réussi à plaire au manager qui nous a promis un contrat. On s'était tous levé de bonne heure hier pour aller le signer et nous y voilà, à nous la belle vie. En voyant mon frère se réjouir autant, j'avais l'impression de revoir Duncan, fière comme un paon, ne tenant pas sur place. Il fallait dire qu'en terme de réjouissances, ils savaient y faire tous les deux. Moi, je suis le plus blasé. À croire que rien ne m'émeut. Mais je souris tout de même à la proposition de Stilinski. Aller au parc d'attraction? Oué, pourquoi pas après tout.

Le parc le plus proche était à Santa Monica. C'était déjà pas la porte à côté non plus. J'ai pris le volant pour y aller car laisser Stiles conduire, c'était pour me sentir mal après et frôler la crise de vomissement, comme si les attractions fortes du parc ne suffiraient pas pour ça. J'ai beau être grand et plutôt baraqué, quand j'me sens mal, j'me sens mal. Surtout que Stilinski conduit comme une merde, je me demande encore comment j'ai survécu à tous ces trajets en sa compagnie en tant que passager. Cela relève du miracle.

En sortant de la voiture, un vent frais et salé nous gifla le visage. Le parc d'attraction est juste à côté de la plage, ce qui fait un excellent mixte. Quand on en peut plus des attractions, on s'éloigne et on se pose un peu sur le sable ou on trempe ses pieds dans l'eau. J'aimais Santa Monica et c'est vrai que cette sortie me faisait plaisir.

Stilinski, pile électrique qu'il était, s'encourut déjà jusqu'au parc sans m'attendre. Il avait amené un pote avec nous, que je connaissais à peine mais qu'importe. Ce gars aimait visiblement bien Bleeding Heart et était venu nous écouter avec Stiles deux jours avant alors autant le prendre avec. Je n'étais pas quelqu'un de contraignant pour ça. Celui-ci le suivit, courant pour le rattraper. Quant à moi, je pris le temps de marcher jusque là-bas à mon aise. C'était mon jour de congé et autant en profiter pour prendre mon temps. Les deux jeunes garçons s'étaient déjà infiltrés dans la file d'attente pour une attraction forte lorsque je les rejoignis. Je m'insérais avec eux et voilà que commençait enfin la vraie bonne partie de la journée.

On avait déjà fait quelques attractions quand enfin, le pote de Stilinski nous tirait littéralement jusqu'au Zombie, trop content de faire une attraction forte. Au passage, il bouscula une jeune fille juste devant nous, riant aux éclats parce que j'avais trébuché cinq minutes avant. Imaginez ma tête de mécontent. Enfin, vous savez, je suis le roi pour bouder. C'est l'expression la plus sincère et naturelle que vous pourriez voir afficher sur mon visage.

Alors je boudais, comme de coutume. Stilinski repassa alors à un sujet de discussion plus sérieux, me donnant un coup de coude, disant pour une enième fois qu'il était trop content pour notre groupe. C'est bon, c'est bon... On a compris! Mais le pote de Stiles continuait, presque tout aussi heureux que s'il faisait lui-même parti du groupe. Mon dieu! Heureusement que Duncan n'était pas de la partie.

La file, même si elle était longue, avançait encore assez rapidement. Si bien qu'on arrivait aux différents portails pour chaque wagon. Stiles m'indiqua le portail juste à côté, où se trouvait la jolie rouquine, et je n'avais finalement pas le choix si je voulais passer en même temps qu'eux. J'espérais juste ne pas déranger. Un wagon pour moi seul ne m'aurait pas déplu mais au regard taquin que me lançait mon frère, il devait avoir quelque chose derrière la tête et je fronçais des sourcils.

Le portail s'ouvrit devant la rouquine et elle s'avança non sans manquer de tomber. J'entendis mon frère et son pote glousser à côté, je leur jetais un regard glacial. Non mais! Pas la peine de rire des autres de la sorte. Je venais d'avoir le coup juste avant, je savais ce que c'était. Ils me tapaient déjà sur le système!

Je m'installais à côté de la jeune fille, tentant de me faire petit. C'est que ces wagons de Zombie n'étaient pas très larges. Je gardais le silence mais entendait encore Stiles parler grossièrement derrière. Je tournais la tête vers lui pour l'intimider du regard à se calmer un peu.

« Salut, tu es le bassiste de Bleeding Heart pas vrai? J'adore votre groupe! Tu t'appelles comment? »

Nouveaux gloussements derrière nous, au loin et je rejette un coup d'oeil avant de poser mon regard sur la jeune fille. Elle était vraiment belle, même si j'étais le mec le plus désintéressé qu'elle puisse rencontrer. Bien que je ne dirais probablement pas non non plus...

« Euh... Tu nous connais? »

Pour une fois, je m'autorisais à sourire, histoire de détendre l'atmosphère. Je voulais pas avoir l'air d'un vieux grognon. Même si c'était ce que j'étais pour Stilinski. Je pourrais peut-être leurrer une fan qui ne me connait pas encore vraiment.

« Je m'appelle Drake et toi? »

Je trouvais étrange qu'elle nous connaisse mais ne sache pas nos noms. Nos plus grands fans sont généralement des personnes proches qui sont déjà venus nous dire bonjour. On était assez proche de nos admirateurs en somme quoi. J'étais étonné de ne pas avoir déjà vu une fille avec un si joli minois dans le public. Enfin, c'est vrai que lorsque je me concentre, je ne fais attention à rien d'autre qu'à ma basse...

Les wagons se mirent en branle et on avança doucement. L'attraction commençait par une énorme montée, lente et puis... une descente tout aussi énorme que la montée. J'allais avoir mon estomac tout retourné à la fin de l'attraction. Espérons que je dégobille pas tout ce que j'ai mangé dans la journée.

« Bon, paraît que ça secoue... Accroches-toi bien. »

Je me permis un dernier regard sur la jolie rouquine puis regardais devant moi juste à l'instant où les wagons entamaient la superbe descente qui firent crier mon frère et son pote de plaisir derrière nous.

J'avais tenu bon, j'ai été secoué dans tous les sens, reçu de l'eau dans la figure, un zombie m'avait roté du vert dessus qui était d'ailleurs très nauséabond mais... Mon estomac a tenu le coup. J'étais d'ailleurs tout aussi décoiffé que ne l'étaient toutes les autres personnes sortant de l'attraction. Sauf les chauves, puisqu'ils n'ont pas de cheveux... Enfin bref.

J'entendais encore les deux garçons rire en sortant du wagon alors que la barre de sécurité nous libérait. Je levais les yeux au ciel, ils ne s'arrêteraient donc jamais. Mais voilà que je baissais mon regard que je voyais la jeune fille, dont je ne connaissais d'ailleurs toujours pas le nom, manquer de trébucher. Je la rattrapais au dernier moment, ma main attrapa son bras et instinctivement de l'autre main j'avais fini par la soulever légèrement et vérifier qu'elle tenait bien sur ses jambes. Dis donc, en voilà une qui avait visiblement bien besoin de manger.

« M..Merci, j'ai perdu l'équilibre avec tout ces tours qu'on a fait. Je ne m'attendais pas à ça. Désolée si je t'ai dérangée durant l'attraction, mais ça bougeait pas mal. »

« Pas de quoi. C'est vrai que ça a de quoi donner le tournis ce Zombie. » répondais-je en souriant.

Je mettais les mains dans les poches de mon jeans et du coin de l'oeil je voyais mon frère avancer au loin avec son pote. Il n'avait même pas fait attention à ce que son grand frère le suive.

« C'est vrai que tu étais assez envahissante, c'est rare qu'une parfaite inconnue vienne ainsi se cacher dans ma veste sans même se présenter. » disais-je amicalement pour continuer la conversation.

C'est à ce moment-là que la jeune fille tournait la tête ailleurs, droit sur Stiles qui rigolait toujours comme un boeuf. Tiens, étonnant, il avait fini par m'attendre. Mais voilà que la rouquine disparaissait aussi soudainement qu'elle était apparue. Je la voyais partir alors que je me dirigeais lentement vers mon frère quand je remarquais un objet au sol. Je le ramassais. Il s'agissait d'une clé avec euh... une peluche porte-clef méconnaissable rose bonbon.

Sans attendre, je rattrapais la jeune fille au pas de course, quelques mètres plus loin. Posant ma main sur son épaule pour lui attirer l'attention, je lui montrais ses clés dès qu'elle se retournait vers moi.

« Je pense que tu as dû faire tomber ceci en trébuchant à l'instant. »

Je pense qu'elle était étonnée de me voir lui rendre ses clefs, elle s'était retournée mais d'une manière un peu méfiante. Javais peut-être été un peu brusque en arrivant vers elle comme ça. Mais j'avais eu peur de ne plus la voir avec toute cette foule dans le parc.

Elle regardait l'objet que je lui tendais quelques secondes, visiblement perdue dans ses pensées puis enfin me sourit et me répondit. Son visage s'illuminait quand elle souriait. C'était mignon.

« Si tu savais comme tu me sauve la vie. Je n'ai pas de double, et j'aurais du passer la nuit dehors. Je peux t'offrir un milk-shake pour te remercier? Ou autre chose si tu préfère, mais j'insiste. »

Je lui souriais en retour. J'avouais être un peu comme un cheveu dans la soupe entre mon frère et son pote. Je n'avais rien d'autre à faire que de les suivre d'attraction en attraction pour me retrouver seul dans un wagon neuf fois sur dix.

« Avec grand plaisir. Mais c'est moi qui offre. C'est non négociable. »

J'aurai eu l'air de quoi si je me faisais offrir un verre par une fille? Je ne roule peut-être pas sur l'or mais j'avais de quoi vivre aisément. Surtout que mon frère est venu avec moi et qu'il participait aux frais de l'appartement qu'on louait. Autant l'un que l'autre, ça nous permettait de faire quelques économies. Une fois que notre contrat avec Bleeding Heart s'officialisera, je pourrais me permettre de mettre la compta définitivement sur le côté.

Je levais mon bras et d'un geste de la main, je fis comprendre à Stiles et son pote de ne plus m'attendre. Ils sont partis sans se poser de questions. Je savais qu'en rentrant à la maison, j'aurai droit à de nombreuses questions et sous-entendus. Pas souvent que je me décide de passer du temps avec une fille. Je devrais mordre sur ma chique ou alors, j'irai dormir chez Duncan. Son frère voulait toujours bien nous loger. D'ailleurs, presque tout le groupe y loge 356 jours sur l'année.

« Au fait, tu ne t'es toujours pas présentée. »

J'avais remis les mains dans mes poches et commençait à marcher vers le marchand de glace à côté de la rouquine. Il y avait du monde dans le parc mais il était encore assez aisé de circuler entre les attractions sans se faire bousculer, contrairement aux journées chaudes en plein été.

On s'arrêtait près du stand où on servait diverses sucreries, légèrement en retrait par rapport à la file, histoire de prendre le temps de lire ce qu'il y avait à prendre et de choisir.

« Tu veux prendre quoi? »

Je savais enfin son nom. Elle s'appelait Sélène. Je ne l'avais encore jamais entendu, je supposais qu'il devait être étranger peut-être, mais ça sonnait bien. Sélène.

Sélène n'avait rien répondu quand j'avais dit que ce serait moi qui payait. Je la voyais fouiller ses poches du coin de l'oeil quand on marchait puis replacer une mèche derrière son oreille. Ce qui me laissait le loisir de pouvoir regarder son petit sourire triomphant tandis que l'on marchait dans la foule.

« Tu veux prendre quoi? » lui avais-je demandé au stand.

Et je la voyais sortir de ses pensées, son petit sourire rêveur s'effaça laissant place à un regard attentif pour elle choisir ce qu'elle voulait. Je jetais un oeil sur la carte aussi.

« Je vais prendre un chocolat chaud au caramel avec chantilly. »

Je souris sans lâcher la carte des yeux puis m'avançai dans la file où je commandais pour nous deux.

« Un chocolat chaud au caramel avec chantilly et une barbapapa. »

Ça faisait longtemps que je n'en avais plus mangé, et on en trouvait qu'en fête foraine. C'était l'occasion idéale d'en manger une. Je pouvais même en proposer à Sélène.

Je payais la note puis reçu le chocolat chaud que je prenais sur le comptoir et tendais le gobelet bouillant à la jeune fille.

« Voici pour toi. Attention c'est super chaud. »

Puis la dame derrière le comptoir me tendit une barbapapa tellement bien fournie que j'avais du mal à ne pas en avoir sur les mains en tenant le bâton. On s'écartait alors du stand pour laisser place aux prochains dans la file.

« On reste ici ou tu préfères peut-être aller sur la plage? » je demandais ça en prenant de la barbapapa dans les doigts et le mettre en bouche... Mmmmh, comme c'est bon.

J'étais soulagé que Sélène choisisse d'aller à la plage. L'idée du parc d'attraction venait de mon frère et tant qu'on monte dans les attractions, ce n'est pas gênant mais j'avouais que je n'appréciais pas trop la foule. Étrange pour un musicien vous allez me dire? Ben, me produire sur une scène ne me dérangeait pas, puis ma basse parlait pour moi... Tandis qu'ici, je me sentais comme oppressé par ces gens qui allaient et venaient partout.

On dépassait alors plusieurs attractions et petits stands en tout genre. Sélène riait de me voir me démerder avec mon bâton de barbapapa et j'en souris, la bouche pleine de sucre. On continuait d'avancer doucement. Et je ne sais trop comment, j'étais peut-être trop absorbé par l'énorme cumulus rose devant mes yeux dont je me délectais les papilles mais... J'avais perdu la jeune fille. Je regardais devant, derrière, à gauche à droite mais nulle trace de la rouquine. Je revenais alors quelques pas en arrière mais je ne la voyais toujours pas.

Moi qui pensait être un garçon assez galant, voire parfois même trop... J'avais honte d'avoir perdu une fille comme ça, sans raison. Elle s'était littéralement volatilisée. Et j'avais beau revenir en arrière, je ne repérais aucun indice qui pourrait m'indiquer où elle se trouvait... Bon, on avait dit qu'on allait à la plage. Elle m'attendait peut-être là-bas.

Je descendais de la petite bute, entre les dunes, lorsqu'enfin je repérai une jeune fille sur le ponton un peu plus loin, les pieds se balançant dans le vide. Et seule. En me rapprochant, je la reconnus instantanément. Sa fine silhouette, ses longs cheveux roux balayés par le vent et son air absent, plongée dans ses pensées.

Mes pas résonnaient sur le bois brut en craquant ici et là. Mon arrivée n'était pas discrète mais qu'importe.

« Ben alors, où t'étais passée? Je t'ai cherchée partout. »

Je ne comprenais toujours pas comment on en était à être l'un à côté de l'autre, à soudainement ne plus se voir et se manquer. L'un partant d'un côté et l'autre de l'autre.

Je prenais place à côté de la jeune fille. Elle tenait toujours son chocolat chaud dans ses mains. La crème fraîche avait disparu, ainsi que la moitié du liquide. Doucement je lui présentais la barbapapa qui me restait. C'est à dire... Encore 3/4 au minimum.

« Tu en veux? »

Sélène se servit et et j'en profitai alors à mon tour d'en reprendre un bout entre mes doigts et de le manger. Ça passait tellement bien ces petites saloperies.

Les parcs d'attractions avaient tendance à lui faire perdre la tête? C'était une première! Enfin, de la manière dont elle le disait, tellement sérieusement... ça faisait presque peur. Devais-je partir en courant?

« J'ai bien vu que ça te faisait perdre la tête! D'abord tu trébuches tout le temps, tu te caches dans ma veste puis tu arrives à te perdre sans l'aide de personne. Chapeau! »

Je l'avais bien sûr dit pour la taquiner. J'espérais quand même qu'elle n'était pas vraiment maboule. Mais quand je tournais ma tête pour la voir, non, elle n'en avait pas l'air. Aussi, lui proposais-je ma barbapapa et elle n'avait pas eu besoin de répondre. Elle se servit directement. Et alors qu'on mangeait tranquillement la barbapapa qui fondait à vue d'oeil, on contemplait le soleil qui doucement descendait à l'horizon, nous offrant un magnifique spectacle avec le ciel zébré de nuages dont la couleur variait d'orange à rose, s'obscurcissant au fil de l'heure au violet. Et les minutes s'écoulaient ainsi, et le silence qui durait ici n'était absolument pas pesant. Ils nous laissaient l'occasion d'écouter le chant de vagues venant s'échouer sur le sable fin de la plage.

Je la sentis poser sa tête contre mon épaule et je ne pus m'empêcher de la regarder. Elle semblait tout à fait à l'aise. Pfffiou, elle allait vite quand même cette fille-là. Ou alors, elle ne connaissait tout simplement la gêne... Ou n'avait juste pas peur d'être repoussée. En tout cas, elle était étonnante! Ça lui donnait un certain charme en plus, car elle ne semblait même pas s'en rendre compte...

Elle prenait la parole alors que je reprenais une bouchée de barbapapa. Sélène parlait du groupe. Ha. C'est vrai, j'avais presque oublié qu'elle nous connaissait. Elle nous avait vu à notre dernier concert au Dizzy Warhol en fait? Comment était-elle au courant?

« Comment tu sais qu'on a un contrat et un manager? »

Je mangeais encore une bouchée de barbapapa.

« Mais oui, ça risque. Enfin, au début faudra surtout qu'on sorte notre premier album, on doit encore créer quelques chansons du coup. C'est pas pour tout de suite quoi. »

Sélène avait relevé la tête pour me regarder et l'intensité de son regard me mit presque mal à l'aise et je lui souris malgré moi. La barbapapa était presque terminée, il ne restait que deux petits bouts du cumulus rose du début. Je pris le restant entre mes doigts et présenta le dernier bout de nuage à Sélène, lui proposant de le manger ainsi directement. Si elle était aussi franche dès le départ, pourquoi pas moi? Je la regardais avec un regard inquisiteur, comme pour lui poser la question si elle le voulait ou pas. On reste dans la subtilité quand même. Dans les pire des cas, je le mange moi. Je passe pas trop pour l'abruti de service qu'on repousse comme un malpropre.

Je l'avais taquinée et elle n'avait visiblement pas osé réagir. J'espérais ne pas l'avoir blessée. Mais non, elle continuait alors à regarder le paysage et posait sa tête contre mon épaule. On passait à un autre sujet de conversation, la faisant tourner autour de Bleeding Heart.

« Oh t'inquiètes, Stilinski a la langue bien pendue... Et son pote aussi visiblement. »

Ils avaient été absolument grotesques pendant toute la journée, j'étais content de les avoir lâchés et de pouvoir profiter d'un moment de calme avec Sélène.

On terminait la barbapapa et voyant qu'il ne restait qu'une bouchée, je la proposais à Sélène, tel un parfait gentleman. Je tenais le restant de la sucrerie dans mes doigts et lui demandais d'un regard inquisiteur si elle en voulait. Sa réponse était sans équivoque, prenant le restant de barbapapa en bouche, passant sa langue sur mes doigts au passage. Et ses yeux ne m'avaient pas lâché d'une semelle alors que j'affichais un sourire amusé et intéressé.

Quand elle avait terminé de lécher le restant de rose sur mes doigts, elle avança son visage vers le mien. Sans même y réfléchir je fis de même et nos lèvres se rencontrèrent, fermant chacun nos yeux pour profiter pleinement du baiser. C'était un baiser timide mais au bout de quelques secondes, on prenait confiance et ma langue vint s'insérer entre ses lèvres pour en demander plus, ma main venant s'enfouir dans ses cheveux et attirer son visage vers moi.

Je la relâchais ensuite, écartant mon visage pour mettre fin à notre baiser et rouvrant mes yeux pour regarder la belle femme que j'avais devant moi. Le vent balayait ses cheveux devant son visage. Je me permis de lui remettre une mèche de cheveux en arrière et je la sentis frissonner. Allez, c'est bon. Je retirais ma veste de cuire et la lui passais par-dessus les épaules. Il me restait encore un fin pull sur le dos pour ne pas que je meurs de froid à mon tour, juste parfait.

Je lui avais mis ma veste sur les épaules et j'étais content de la voir renifler le cuir comme pour s'en imprégner. De nouveau, c'était mignon. Elle était attachante, de la manière dont elle avait réussi à se rapprocher de moi, toujours très naturelle.

On changeait alors de sujet. Elle voulait visiblement rentrer chez elle. J'avouais qu'en sa compagnie, je n'étais pas vraiment pressé de rentrer mais je pouvais la comprendre, comme l'air commençait à bien se rafraîchir et que la nuit tombait doucement.

« Connaissant mon frère, je pense pas qu'il m'attendra. S'il ne m'a toujours pas vu d'ici le moment où il veut partir, il partira certainement sans moi. »

Je savais qu'au pire, je pouvais le téléphoner depuis une cabine téléphonique et il serait venu me chercher. Ou bien même Duncan, toujours là aussi pour m'aider ou se rendre serviable. Et je ferai la même chose pour eux, tout naturellement.

« Ça va, je tenterai de venir te voir dès que j'aurai du temps pour me le permettre. »

Une mèche rebelle était encore revenue devant ses yeux et je la dégageais une fois de plus derrière son oreille.

« Je te raccompagne? »

Je ne voulais pas la laisser partir seule. Quelle genre de mec je serais de la laisser repartir à cette heure-ci alors que dans quelques minutes le ciel se serait entièrement obscurci?

Je me levais et tendais la main à Sélène pour l'aider à se relever, la hissant vers le haut par la seule force de mes bras. Je gardais alors sa main dans la mienne tandis qu'on reprenait déjà au moins le chemin vers la civilisation. Ainsi, je serais sûr de ne pas la perdre en chemin, douée comme elle semblait l'être... Je devais veiller sur elle.

Elle me racontait que sa voiture était au garage, ou en tout cas, hors d'état d'usage. C'était embêtant. Je connaissais ça. Avoir une voiture ce n'était pas vraiment donné. J'étais content que Stiles participait aux frais de la nôtre. On se la partageait. Étant donné qu'il ne travaille pas encore, pas officiellement, il ne prends pas part aux frais concernant l'assurance et l'entretien mais on mettait de l'essence chacun son tour.

« Oui, c'est une bonne idée. En plus, c'est un peu un coin paumé ici. Y a pas grand chose aux alentours et les maisons sont très vite loin, surtout à pied. »

Puis de toute manière, j'y pensais déjà quand j'imaginais Stiles partir sans m'attendre. C'était la solution la plus facile et pratique. Même si elle avait un certain coût.

Main dans la main, on avait fini par rejoindre le parc et fendre la foule pour sortir de l'autre côté. Seulement, en chemin, Sélène me tira la main pour m'arrêter. Je m'étais alors retournée vers elle et elle m'indiqua d'un geste de la main la bagarre qui faisait rage aux machines aux sous. Je comprenais rapidement où elle voulait en venir en voyant Stiles recevoir une raclée. Sans doute bien méritée, le connaissant. Je lâchais un soupir et levais les yeux au ciel.

« Attends-moi là. » disais-je à son oreille pour tenter de couvrir le bruit ambiant.

Puis je me dirigeais vers la bagarre, déjà furieux contre Stiles de s'attirer ainsi aussi facilement des ennuis. Je fendis la foule et ni de une ni de deux, je traversais le groupe sans problème. Un gars attrapa mon épaule et me fixait avec colère en se demandant bien ce que je foutais là. Je le foudroyais du regard, d'un sérieux mortel et avant de voir s'il allait m'en foutre une ou pas, je plongeais mes mains sur les deux merdeux attrapant leurs vestes, leurs gilets ou qu'importe, les soulevant et les tirant vers moi tel de vulgaires chatons qu'une maman chat aurait pris dans sa gueule.

Une fois sur pieds, je les poussais devant moi pour les faire dégager de là. Un autre gars me toucha l'épaule pour me demander des comptes. Je gardais toujours mon antique regard qui tue et levai les mains pour m'expliquer et inciter le groupe à revenir au calme.

« C'est bon, c'est bon, ils sont désolés, ils ne le referont plus et on dégage. »

Stiles et son pote s'étaient automatiquement rapprochés de Sélène et je les rejoignais tous les trois, mortellement en colère par la tournure des événements. J'avançais devant, sans même un geste pour Sélène qui n'avait pourtant rien fait. Ils n'avaient qu'à suivre, moi, je retournais à la voiture, point barre.

Mon frère cria encore quelques mots à l'autre bande et je me retournais vers lui, lui prenant la devanture de sa veste comme si je voulais le soulever.

« Putain Stilinski!! Tais - toi! » J'avais prononcé les deux derniers mots en articulant bien, prenant mon temps pour les dire et que Stiles comprenne bien.

Je le relâchais ensuite et repartais devant en marchant d'un pas décidé alors que mon frère devait tirer la gueule derrière moi. Non mais merde quoi!

C'était vraiment pas le moment de m'embêter, une fois énervé, il était dure de me refaire descendre dans les tours. Alors, pour éviter de dire des conneries et vouloir frapper n'importe où n'importe qui, je marchais devant à une allure soutenue. Dans mon petit monde.

C'est sans compter Sélène qui venait à mon côté et prenait ma main pour y entrelacer ses doigts. Mais comme je l'ai déjà dit, c'était pas le moment. Aussi, je retirais ma main sans ménagement, regardant toujours droit devant moi. Je fuyais son regard comme la peste, je ne voulais pas qu'elle lise la froideur et l'énervement qui devait luire dans mes yeux à ce moment-là. Pressant encore un peu le pas pour qu'elle reste un peu plus derrière moi.

On arrivait dans le parking et je slalomais entre les voitures, suivit des autres. Ainsi que Sélène. Je m'arrêtais près de notre voiture et regardait Stiles.

« Les clefs, s'il-te-plaît. »

J'avais parlé poliment mais il n'y avait aucun doute sur le fait que Stiles n'avait tout simplement pas le choix au vu de l'intonation que j'avais mis dedans. Il fouilla dans ses poches puis me les lança. Je les attrapais au vol et déverrouilla les portes. J'ouvrais celle du côté passager, présentant la place à Sélène.

« On te dépose vite fait? » J'avais essayé de prendre un ton plus agréable mais ça m'était encore un peu difficile.

C'était à elle de choisir, moi, je m'en foutais maintenant. J'avouais que je n'étais plus d'humeur à faire preuve d'une grande courtoisie. Pendant ce temps-là, les deux garçons prenaient place sur la banquette arrière.

Bon, j'avais peut-être menti quand je disais que je m'en foutais que je partirai sans elle si elle refusait. Ça elle venait de refuser. Prétextant qu'elle avait déjà appelé un taxi pour revenir la chercher. Hors, je ne l'avais pas vu approché une cabine téléphonique depuis l'attraction du zombie. C'était très peu probable. Mais je n'allais pas mettre le doigt sur le fait qu'elle venait de me mentir.

Je pinçais mes lèvres et prenais une grande inspiration, tenant toujours la porte côté passager. Je prenais le temps pour reprendre la parole et être moins... autoritaire? De mauvaise humeur? Il fallait absolument que je me calme. Et surtout, que je ne laisse pas filtrer l'orage qui grondait en moi à travers mes gestes et paroles.

« Je me vois mal te laisser ici alors que je peux te déposer. Stiles, on s'en fiche. Il sait ce que je pense, j'vais pas lui faire la morale, il est assez grand pour ça, qu'il se démerde. » sortais-je alors avec une voix déjà plus douce et contenue.

Je soupirais, déjà las de cette situation. Stiles avait encore tout fait foiré. Pour une fois qu'une fille me plaisait... Je passais délicatement ma main sur son bras, la laissant glisser le long de la veste.

« Tu veux vraiment pas que je te dépose? » ma voix était encore plus basse et j'osais enfin la regarder dans les yeux depuis «l'incident» avec mon frère.

En plus, deux paires de yeux nous fixaient depuis la fenêtre de la voiture désormais. Attendant qu'on se décide.

« Ou laisse-moi au moins te rapprocher de chez toi. »

Enfin bref, monte dans cette putain de bagnole. Bon non, je ne voulais pas le dire comme ça, mais je ne tenais pas à la laisser sur le parking comme une pauvre malheureuse, vu en plus comme je l'avais quelque peu "rejetée" en ne voulant pas lui prendre la main... Elle qui n'avait pourtant rien demandé... Pourquoi prenais-je toujours la mouche aussi rapidement...?

Ça m'en coûtait beaucoup de devoir ainsi me retenir et me calmer de la sorte. J'espérais qu'elle le remarquerait, que je faisais ainsi des efforts pour elle. Car je n'en fais pas tous les jours. Et j'espérais au moins que ça la fasse changer d'avis, que je n'ai pas eu à faire ça en vain. Ça m'aurait fait chier et foutu plus en rogne encore qu'avant.

Et alors que je la regardais dans l'expectative, elle me répondit d'un sourire qui effaça toute sa gêne dû à la tournure des événements. Et sans doute aussi de peine de l'avoir un peu rabrouée d'une certaine manière.

Son sourire me mit du baume au coeur, heureux de ne pas à devoir insister une fois encore. Elle se rapprocha alors de moi. J'étais un peu surpris mais ne me reculai pas pour autant. Elle se hissa sur la pointe des pieds pour poser un baiser sur mes lèvres auquel je ne répondis que furtivement. Un baiser chaste, pour lequel j'avais tout de même pris le temps de fermer les yeux une seconde. Et tout de suite, je sentais la pression en moi diminuer, former une boule d'énergie dans mon ventre qui se transformait en désir. J'avais envie de la toucher, de l'embrasser encore, de la prendre dans mes bras protecteurs, de la sentir collée tout contre moi. Mais je n'en fis rien. Je ne lui rendis qu'un faible sourire. Je retournais à ma réalité. Avec deux jeunes adultes à peine sortis de l'adolescence sur le siège arrière.

Je fermais la porte de Sélène lorsqu'elle s'était enfin installée sur la siège passager. Je contournais le capot de la voiture et m'asseyait derrière le volant. Je tournais la clef et le moteur démarra. C'est parti. Fini la plage, fini le parc d'attraction, et fini les emmerdes... Du moins l'espérais-je.

Je menais la voiture entre les différents rangées du parking, tout droit vers la sortie.

« Tu habites dans quel coin? » demandais-je en osant quitter la route des yeux pour regarder Sélène le temps d'une demi-seconde en attendant sa réponse.