J’avais accompagné Billy jusqu’à la tour MTI aujourd’hui… Depuis sa rupture plus que brutale avec April, je vivais dans sa villa de Malibu pour être 24h sur 24 et 7 jours sur 7 à ses côtés. Je ne dormais pratiquement pas la nuit, guettant le moindre bruit suspect.

Billy n’avait jamais fait de tentative de suicide à proprement parler. Mais je savais que le stress, la colère et toutes ces autres émotions qu’il ressentait 1000 fois plus fort que la moyenne des gens pouvaient lui faire faire une connerie comme prendre trop de médicaments d’un coup dans le but de se calmer… Non de se tuer.

Du coup, j’avais mis ses médicaments dans la cuisine. Comme ça, il était obligé de se lever pour en prendre et il était pratiquement impossible que je ne l’entende pas faire, ce qui me permettait de garder un œil sur lui.

Fort heureusement, The Lightening n’était pas dans une période creuse. Leur nouvel album était sorti depuis peu et ils étaient en pleine tournée de promotion.

Résultat, il devait voir Lenny Knowles et Samantha Ricci, ses managers, assez souvent pour planifier différents événements.

Billy était donc obligé de sortir de sa villa… Et moi aussi par la même occasion.

J’avais laissé Billy aller discuter avec eux dans leur bureau. Il n’avait pas non plus besoin que je sois collé tout le temps à ses basques.

Je m’étais donc installé dans la salle d’attente près de l’entrée du bureau et, bercé par les petits bruits ambiants, tout avait commencé à se faire plus lointain… Jusqu’à ce que je finisse par sentir ma tête partir en avant de temps en temps.

J’étais littéralement en train de tomber de sommeil.

Je grognais chaque fois que je me sentais partir. De temps en temps, je sursautais.

Jusqu’à ce que je finisse par sombrer vraiment dans un sommeil sans rêve, le menton appuyé contre la poitrine.

Pas facile tous les jours, d’être le garde du corps de Billy Lighter.

Vous savez a quoi on reconnait qu'on a passé une bonne soirée ? L'état dans lequel on est le lendemain et autant vous dire que le mien me permettait de dire que ma soirée avait été fort agréable. J'avais passée la soirée au "Crazy Ginger", ce bar rock dans le quartier sud. Faut dire que y'avait une sacrée ambiance, entre les petits groupes qui passent jouer leur musique, les habitués du comptoir et les gens un peu louche, ca fait un drôle de melting-pot.

J'avais décidé d'aller là-bas sur un coup de tête, après qu'une sympathique demoiselle m'ai laissée un tract pour le concert du soir. C'était apparemment un petit groupe de punk, des trouble-fêtes connus dans le quartier pour jouer très fort. N'ayant rien d'autre a faire, je vais pas mentir que j'avais sauter sur l'occasion d'aller voir ce que valait la scène un peu underground de L.A.
Sincèrement, ils étaient vraiment pas très bon musicalement, ca jouait quatre accords en boucles avec un chanteur qui hurlait sa haine du monde capitaliste mais mon dieu qu'elle ambiance ils avaient foutus ces pugilistes aux cheveux dressés. Les pogos étaient mortels, j'ai bien cru que j'allais perdre une ou deux cotes.

Bon tout ca pour dire que mon état d'aujourd'hui n'était pas glorieux. Une gueule pas fraiche, des bleus sur les jambes, une haleine mélangeant whisky et cigarette, le parfait accoutrement de la rockeuse. Heureusement que j'avais pas grand chose de prévue. Je devais juste aller déposer deux, trois papiers au bureau de MTI.

Avant d'aller dans la tour des grands patrons, se laver était nécessaire histoire d'avoir l'air un peu présentable. Je me dirigeais donc vers la petite salle de bain de mon appartement. Le contact de l'eau froide fut un vrai régal pour mon corps, pour mon mental aussi d'ailleurs. C'est une habitude que j'avais prise depuis nos premiers festivals quand j'étais plus jeune. A l'époque trouver de l'eau chaude, c'était mission quasi impossible donc c'était douche froide ou rien du tout. Mon choix a été vite fait.

Une fois la douche finie, un brin de toilette effectué, un petit coup de mascara et de rouge a lèvres, histoire d'être presque séduisante, j'enfile un short en jean, un long t-shirt et une paire de vans. J'attrape mon sac a mains, j'y met mes cigarettes, mon briquet, les dits papiers et me voila partie pour MTI.

Après une trentaine de minute de marche, lunette de soleil sur le nez et grand sourire, je débarque a l'accueil de la tour et je m'approche de ce qui me semble être l'accueil.

"Bonjour, on m'a dit de ramener ces papiers en mains propres. Le seul problème, c'est que je sais pas trop a qui je dois les donner enfaite.... Vraiment désolée de vous déranger....  Oui c'est bien moi, Ella Andersen... D'accord, je vais donner ca au RH.... Merci beaucoup, bonne journée  

Me voila partie dans un dédale de couloir tous plus sobre les uns que les autres. Faudra dire au patron de revoir la déco, c'est plus gai dans un cimetière. Je comprends l'idée de faire quelque chose de sobre mais la c'est juste tristoune enfaite. Bon j'irais pas lui dire en face, j'ai pas envie de ruiner toute mes chances de marcher dans le monde la musique.
Putain, elle m'a dit quel étage la réceptionniste déjà ? Et merde je suis vraiment trop conne. Comment j'ai fait pour oublier ca en cinq minute ? Va vraiment falloir que je demande mon chemin a quelqu'un qui bosse la ? Je continue a déambuler dans les couloirs quand soudain j'aperçois mon sauveur au loin. Celui qui va surement me sortir de cette petite galère. Je le vois assis sur une chaise, complètement endormi. Je m'approche de lui.

Bah alors, on a eu une soirée compliquée mon pote ? lui dis-je en claquant des doigts a coté de son oreille Je t'ai déjà dit que c'était plus de ton âge papi hahahaha ! Qu'est ce que tu fais la a dormir sur une chaise ? T'as pas de lit chez toi ? C'est si épuisant que ca ça d'être le body Guard d'une rockstar ?  

Pas de rêve, donc… Fallait pas demander comme j’étais épuisé. Ça ne m’arrivait pas souvent d’être aussi épuisé et pourtant, je suivais The Lightening pratiquement depuis leur tout début. J’en avais fait des tournées ! J’en avais fait des soirées !

Mais là, ce qui était le plus fatigant, c’était le stress constant. Comme si j’absorbais tout le mal-être de Billy Lighter. Et encore, c’était un peu prétentieux de dire ça. Parce que je savais d’expérience que personne de totalement sain d’esprit (ce que je pensais être), ne pouvait savoir ce que pouvait ressentir la rockstar.

Alors le départ d’April avait été comme de placer un détonateur sur du putain de Semtex… Sans avoir aucun contrôle sur le moment où ça allait péter.

Alors ouais, cette petite pause pendant que Billy était avec ses managers était une bénédiction. Même si je n’avais pas eu l’intention de m’endormir.

Mais à un moment, le corps reprend le dessus sur l’esprit et on ne peut rien y faire.

Je ronflais donc paisiblement, les bras croisés, la tête penchée en avant, ne rêvant à rien, cherchant juste à recharger un rien mes batteries quand…

Clac ! Clac ! Clac !

Je ne sursautai pas… J’étais d’un tempérament trop calme pour ça. Je n’étais pas un de ces gardes du corps nerveux qui sautait sur tout ce qui bougeait comme un vétéran du Vietnam traumatisé… Non, et c’était ce tempérament qui était un atout pour travailler avec Billy Lighter et même The Lightening tout entier.

Après tout, Luke Werner, ancien garde du corps de Cash, avait été un nerveux… Et il avait pas tenu le coup.

Moi, j’étais là depuis des années.

De plus, j’avais clairement conscience de là où j’étais. Même si je dormais, je savais très bien que j’étais dans la tour MTI et qu’il ne pouvait pas vraiment arriver grand-chose de bien grave.

En fait, avant d’ouvrir les yeux et d’entendre la voix féminine qui s’adressa à moi, je pensais que c’était Billy qui avait fini son entretien.

Mais non, c’était juste Ella.

J’arrêtai de ronfler et ouvris un œil.

-Papy ? Sérieusement ?

Je souris. La jeune bassiste de session avait 12 ans de moins que moi… Ce qui était certes conséquent, mais de là à me traiter de vieux.

-Qu’est-ce qu’il y a ? Tu veux que je te change ta couche ?

Je m’étirai et baillai… Avant de soupirer bruyamment, encore plus avachi sur ma chaise que je ne l’étais déjà. Il n’y avait aucune méchanceté dans le ton de ma voix… C’était juste de la taquinerie entre ami… Parce que j’appréciais pas mal Ella. Elle était jeune, mais pas dénuée d’intelligence.

-Passe une semaine H24 avec Billy Lighter et on verra si tu ne prends pas 10 ans dans la tronche d’un coup.

Je me frottai les yeux…

-Tu n’es pas aux studios, aujourd’hui ?

Tu seras surpris d'apprendre que ce que je porte actuellement est bien moins confortable qu'une couche. lui dis-je en faisant un clin d'oeil. Je me permets de lui faire ce genre de blague parce que je sais que c'est un bon gars Liam. C'est un des premiers employés de MTI avec qui je me suis bien entendue. J'avais eu l'occasion de le croiser plusieurs fois et le feeling était finalement assez vite bien passé entre nous. Faut dire que derrière ces muscles abondants et ces yeux bleus, y'avait un cerveau qui tournait vite et bien. Il avait toujours un petit trait d'esprit bien sentie ou un argument malin dans nos discussions.

Voyant qu'il s'installait tranquillement dans son fauteuil, je fis de même prête a me lancer dans une longue discussion.

Passer une semaine H24 avec ce fou furieux de Billy Lighter ? Je suis a la fois très tentée par l'expérience et en même temps vu ton état j'ai vraiment pas envie. lui dis-je en souriant. Après si ca me permet de jammer avec Cash Izbel , j'avoue que ca fait pencher la balance. C'est fou a quel point ce gars est surpuissant un manche entre les mains. D'ailleurs, ils vont faire une tournée pour leur nouvel album? Je l'ai écouté et franchement il est super cool. Bon dommage que leur bassiste n'ai pas mon niveau mais bon, on peut pas tout avoir non plus hahaha. Non sans rire, les morceaux "Hell", "I Lead A Reckless Life" et " Ain't That Fresh ?" c'est quelque chose quand même. Commencer et finir un album de ballade avec des morceaux aussi rock et puissant c'est une idée que j'aime bien.

J'adorais parler, on me l'avait souvent reprocher surtout mon père qu'était un vrai taiseux, chose assez peu banal pour un musicien. Mais quand il était question de musique c'était encore pire, je pouvais jacasser pendant des heures. J'espère que Liam était pas presser par le temps parce que la, il s'en doutait pas mais il s'était engagé sur pente glissante. Je glissais ma main dans mon sac pour attraper une cigarette et mon briquet. "On peut fumer a l'intérieur ici ? Ou les règles sont aussi chiantes que la déco ? T'en veux une d'ailleurs ?"

"Non, pas de studio pour moi aujourd'hui. Le groupe avait qui je dois bosser enregistrent les voix en ce moment et je prefere encore pas être la... Tu m'entendras pas souvent dire ca mais le niveau des gars est dramatique. C'est vraiment du La mineur/Fa/Do/Sol sur toute les chansons avec très peu de place pour autre chose que la voix."Y'avait pas beaucoup de projet intéressant en moment pour moi. C'était bien le principal problème de mon travail, devoir participer a des albums même si je trouve que les propositions musicales sont absolument nul. J'en ais profité pour venir déposer des papiers importants. D'ailleurs tu dois savoir ou c'est les RH toi non ? J'étais en quête de leur bureau avant de te tomber dessus. Tu penses que tu m'y accompagner vite fait ou papy a pas finit sa sieste ? A ta place je dirais oui, t'en profiterais pour me raconter un peu ce que tu fais en ce moment, comment va la vie pour toi sur le chemin.

Ce fut plus fort que moi et je rougis quand elle insinua qu’elle portait… Quoi ? En fait ? Tu n’en sais rien, Liam, de ce qu’elle porte sous son short en jeans. Et tu ne veux pas savoir. Ça ne se fait pas, même seulement d’y penser !

Non mais !

J’avais toujours été très timide avec les femmes et j’étais très pudique dans mes conversations. Je faisais rarement des blagues sur le sexe ou des insinuations du genre. Pas que je ne trouvais pas ça amusant, mais j’avais atrocement peur de paraître vulgaire.

Pas que ce que venais de dire Ella était vulgaire, ça restait une réflexion assez gentille. Mais c’était les images qui m’étaient venues en tête qui me faisait rougir. Mais j’arrivai à sourire, même à rire un peu, sans arriver vraiment à cacher ce soudain accès de timidité.

On se mit à parler plutôt boulot, un terrain sur lequel je me débrouillais beaucoup mieux. Ella s’assit à côté de moi et dès ce moment, je sus que la conversation allait durer un moment. Je connaissais assez la jeune femme pour savoir qu’elle adorait parler… Et que quand elle était lancée, il était très difficile de l’arrêter.

Mais ce n’était pas grave, parce que sa conversation était toujours très agréable. Or, je découvris avec plaisir qu’elle avait écouté le dernier album de The Lightening.

-Arf, ne fait pas attention à mon état… Ce n’est rien. Je fais toujours mon travail avec plaisir. S’occuper de Billy est peut-être la meilleure chose qui me soit arrivée. Après, il y a des hauts et des bas.

Je souris à Ella, me redressant un peu sur ma chaise.

-Je vois que tu as aimé l’album. Ça valait le coup d’attendre, non ? Aint’ That Fresh ? est ma chanson préférée. Et oui, il y aura une tournée, dès que la tournée de promotion sera terminée.

La chanson Ain’t That Fresh était un hymne contre la guerre et m’avait touché profondément. Billy avait su trouver les mots justes et Cash avait sublimé ça avec sa guitare. Pour moi, c’était un vrai chef d’œuvre.

Elle fouilla dans son sac à la recherche de ses cigarettes, demandant si on pouvait fumer dans la tour MTI. Je la regardai, un peu perplexe.

-Bien sûr que tu peux fumer. Il n’y a que dans les hôpitaux qu’on ne peut pas, à ma connaissance. Et non merci, je ne fume pas.

Le jour où on ne pourrait plus fumer à l’intérieur, il y aurait des émeutes. Personnellement, je ne fumais pas, mais Cash et Billy allaient en faire une maladie si une telle interdiction entrait en vigueur.

Ella n’était pas aux studios aujourd’hui parce que le groupe pour qui elle travaillait enregistrait les voix. Et, chose rare, elle se plaignit du niveau de ses partenaires actuels. Elle me parla des notes qu’ils utilisaient mais ça ne me parlait pas vraiment, étant loin d’être un musicien moi-même.

-L’avantage de ta position, c’est qu’une fois que ton contrat avec eux sera fini, tu pourras passer à autre chose.

Elle était ici pour déposer des papiers, en fait, mais elle ne savait pas où étaient les ressources humaines. Je me levai et m’étirai, faisant craquer mes articulations.

-Oui, je sais où c’est, je t’accompagne. Je pense que Billy en a encore pour un moment.

Je l’invitai à me suivre, fourrant mes mains dans mes poches… La tour était immense et la section qu’Ella cherchait était pas tout près.

-Moi ça va… Mais je ne peux pas en dire autant de Billy. Tu as du le lire dans L.A. People : sa petite amie, April, s’est taillée en lui laissant juste un mot. Du coup, là, j’en suis à protéger Billy de lui-même. Je vis chez lui depuis qu’April est partie.