June a toujours cru qu’elle serait misérable. Sa mère est tombée enceinte sans vraiment le vouloir. Aussi loin que remonte ses souvenirs, June ne se souvient pas avoir connu son père. Il est parti quand elle avait trois ans. Rien de bien étonnant, ses parents ne se sont jamais sans doute aimé, sans doute qu’ils se trompaient depuis le début, peut-être même que June est la fille du facteur. Tout ça pour dire qu’elle a grandi sans son père, il l’a vu une ou deux fois, avant de fonder une autre famille, avec une femme bien plus respectable que la mère de June.

Elle n’a toutefois pas grandi sans présence masculine. Il y en a eu des nouveaux amants. Des beaux des moches, des vieux, des jeunes, camés, alcooliques, sains, mariés, divorcés. Tout y est passé. Et si Anna la mère de June, n’a jamais vraiment fait attention à elle, elle a toujours veillé à ce que chacun de ses concubins traite bien l’enfant. Il lui est souvent arrivé de louper l’école, ou d’attendre des heures au portail une mère qui n’arrivait jamais. June s’est construite seule, c’est ce qu’elle aime se dire. Ce n’est pas que sa mère ne l’aimait pas, elle ne savait juste pas y faire, elle était irresponsable. La jeune enfant se sentait à l’écart, souvent exclue, moquée, parfois même harcelée. Elle n’a jamais aimé l’école, elle n’a jamais été douée non plus. Elle a essayé de se protéger comme elle le pouvait, en se tenant à l’écart de tous. C’était ce qu’il y avait de mieux à faire.

Et puis, elle a rencontré Orion. Elle a senti en lui la même solitude, la même folie. Elle a vu en lui un partenaire, quelqu’un d’aussi misérable, d’aussi condamné qu’elle. Aussitôt, ils sont devenus inséparables. Bonne ou mauvaise nouvelle ? Question de point de vue. Son monde s’est vite réduit à Orion, lui qui lui permettait de fuir sa solitude, lui qui la comprenait si bien. Ils étaient aussi fous l’un que l’autre, aussi cassés, les deux laissés pour compte dont on rigolait. Au fur et à mesure, il devint de plus en plus rare de les croiser dans les couloirs du lycée. Ils ont plongé la tête la première dans l’alcool, la drogue, et toutes les folies qui leur faisaient envie. Ils ne se refusaient rien, et ce n’était sans doute pas quelques nuits passées dans une cellule qui allaient les arrêter. Orion et June ont vite formé un duo redoutable pour eux comme pour les autres. Ils ont fini par louper tous leurs examens aux lycées en oubliant de s’y présenter, c’est à peine s’ils s’en sont rendus compte.

La vie aurait pu continuer ainsi indéfiniment, jusqu’à ce que l’un des d’eux crève de leurs conneries sans doute. Au début, participer à ce casting était une façon de plus de s’amuser : aucune chance d’être pris. June se savait loin être moche et elle était bien placée pour savoir à quel point Orion était beau, mais quand ils ont appris qu’ils avaient été choisis, elle est restée interdite. Ils étaient peut-être deux ratés, misérables, mais apparemment le monde du mannequinat venait de les accueillir. C’est donc tout juste à vingt ans que tout s’est accéléré pour eux. De shootings en shootings, ils ont commencé à être connus, ils n’avaient pas grand-chose à gérer, le manager qui avait bien voulu s’occuper d’eux les maternaient comme il le fallait.
Bien entendu, ça n’a rien changé à leurs habitudes. Après tout, ils étaient toujours les mêmes.
Un beau duo de ratés ayant réussis.

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