Le tournage de Keeping Our Lands avait enfin repris depuis quelques jours. Et j’étais on ne pouvait plus heureux d’avoir terminée cette fichue tournée de promotion pour Factory War. J’en avais bien plus qu’asser d’entendre parler des mêmes sujets douloureux sur Hank à chaque interview que je faisais…

Hier, je ne tournais pas… Alors, j’avais passé ma journée chez mes parents pour éviter de rester seul chez moi. Ma mère avait fait un bon repas… Quant à mon père, il m’avait parlé de son tout nouveau projet de film où Hank tiendra le rôle principal. Je savais, même si mon père ne le disait qu’à moitié, que c’était pour qu’Hank puisse se focaliser sur quelque chose et évite de faire trop de conneries… Sans compter que, maintenant, il allait se marier et que c’était pas vraiment le moment d’accumuler les faux-pas. Je n’arrivais pas vraiment à avoir l’avis de mon père sur ce qu’il pensait du mariage d’Hank et de Bailey mais il faut dire que je n’osais pas poser directement la question…

Bref, mon père était, surtout, emballé à l’idée de me décrire le projet et c’est ce qu’il avait fait. Je fus, par contre, surpris que ça soit Daniele Ricci l’unique producteur du film… J’aurais plutôt vu Dylan dans ce rôle-là vu que Ricci n’avait aucune expérience dans l’industrie cinématographique. Mais mon père m’avait expliqué les raisons de ce choix-là.

C’était encore une raison qui concernait Hank… Et pas dans le sens positif… C’était quand même incroyable à quel point mon oncle était incapable de rester en dehors de la merde.

Bref, la journée d’hier avait, du coup, était assez bonne et avec des nouvelles plutôt positives mais j’avais quand même était content de retourner tourner.

C’est, d’ailleurs, sur le lieu de tournage, dans les studios hollywoodiens, que je me rendais en repensant à hier. Quand je fus arrivé et garé, je m’étais dirigé vers ma loge non sans remarquer, en chemin, que la porte de la loge de Ian était condamnée avec un papier où il était marqué : « Temporairement hors service ». Je levai un sourcil me demandant bien comme on pouvait rendre une loge « hors service ». Connaissant les lubies du jeune Hunter, c’était possible que ça ne soit que pour un miroir fissuré…  

Après avoir déposé mes affaires dans ma propre loge, j’allai rejoindre les autres acteurs et Ben au bord du plateau. Le tournage n’avait pas encore repris. Les techniciens étaient toujours sur le pied de guerre pour préparer le plateau. Je fis signe à Ben qui me fit signe en souriant malgré qu’il soit très occupé à discuter avec un des producteurs.

Je repérai, ensuite, River et souris. Je n’avais aucune idée de ce qu’il s’était passé sur le plateau hier. Ben allait sûrement me faire un topo sur l’histoire. A moins que River ne s’en charge vu que je savais qu’il avait participé au tournage d’hier.

Je m’approchai de lui en souriant.

-Salut River ! Tu as l’air en forme.

Je tapai amicalement sur son épaule. River était un type bizarre mais on s’entendait très bien.

-Tu sais ce qui est arrivé à la loge de Ian ? J’ai vu qu’elle était hors service…

Lui devait, sans doute, être au courant.

@ Billy Lighter

Mon torse me piquait un peu… C’était amusant… Un peu comme si je pouvais me sentir cicatriser. Henri était rassuré que je ne fasse aucune scène torse nu, parce que, fatalement, ça se serait vu, sinon, que le sang qui maculait mon torse hier n’était pas du maquillage.

Très calme, j’étais assis sur la chaise qui portait mon nom et je regardais le plateau pour aujourd’hui se construire devant mes grands yeux fixes. De River, je glissais de nouveau vers Kraken. Il n’y avait pas de grandes différences, de toute façon : Kraken était aussi un bâtard, Kraken avait aussi des besoins…

Sauf que Kraken pouvait le faire… Il pouvait le faire comme il l’avait fait avec Damon.

Dans mon costume, les maquilleurs et costumiers tournant autour de moi comme autant de serviteurs que je méritais depuis que j’avais tué le roi Damon, je sirotais tranquillement un coca, avec une paille pour ne pas abimer le maquillage que j’avais déjà, dans un de ces gobelets rouges que j’avais l’impression de n’avoir jamais vu que sur des plateaux de tournage…

Mon regard quitta deux secondes le plateau alors que je percevais un peu mieux, maintenant que les techniciens faisaient un peu moins de bruit, des bribes de conversations entre l’un des producteur de Keeping Our Lands et Ben, le réalisateur.

Le CSA avait sauté sur la scène de la mort du gosse et affirmait que celle-ci devait soit être en partie censurée, soit retournée pour être plus acceptable à l’écran. Le producteur, le sourire aux lèvres, disait avec fierté que le CSA avait dit aussi que c’était probablement la scène la plus horrible et malsaine qui leur avait été donné de voir dans toute l’histoire de leur création.

Et Ben de rétorquer avec le même sourire fier que c’était justement ça l’idée et qu’il allait s’arranger pour négocier ça, bien conscient que cet épisode en particulier ne devait pas être vu par de jeunes enfants… Il pensait pouvoir s’en sortir en promettant de mettre un avertissement dans le générique de début de l’épisode.

Sans que je m’en rende compte, d’entendre ça avait dessiné un sourire sur mon visage alors qu’une maquilleuse se penchait sur moi doucement. Mes yeux se braquèrent sr elle, simplement parce que je l’avais vue bouger dans mon champ de vision et elle eut une brève inspiration de surprise. Puis, se reprenant, sa main sur son cœur, elle rigola de sa propre réaction.

-Mon dieu, ne faites pas ça… J’ai failli faire une crise cardiaque.

Je souris et aspirai du coca à la paille jusqu’à ce que ça fasse du bruit parce qu’il n’y avait plus de liquide.

Elle se mit à me passer doucement un large pinceau avec de la poudre blanche sur le visage… Elle continuait à parler aussi, un peu comme ces gens qui ne peuvent s’empêcher de parler en regardant un film d’horreur pour se rassurer.

-Ça ne sert strictement à rien, ce que je fais là. Votre peau est naturellement blanche… Comment vous pouvez avoir des yeux aussi magnifiques qu’effrayant aussi, je ne me l’expliquerai jamais.

Comment est-ce qu’on pouvait parler autant pour ne rien dire, je ne me l’expliquerai jamais non plus…

-Vous ne parlez pas beaucoup, hein ?

Faudrait déjà que tu me laisses en placer une…

Heureusement, Robin arriva, vêtu de tous les atours qui en faisaient le Roi du peuple, mais pas encore le Roi officiel, et mon visage s’illumina… la fille s’en alla comme si l’arrivée du Roi Tarlan exigeait qu’elle se retire. Sauvé.

Je levai les yeux vers North.

-Salut Tarlan !

Il me tapa sur l’épaule et sa présence, alors que j’étais calme, commença à m’exciter comme un gosse. C’était un plaisir de jouer avec lui, comme avec Ian d’ailleurs. Parce qu’aucun des deux ne donnait l’impression de jouer, c’était de l’immersion totale.

Robin voulut savoir ce qui était arrivé à Ian… A la loge de Ian. Mon sourire s’élargit, dévoilant mes dents inégales.

-Damon m’a shooté dans les couilles… Alors j’ai écrasé le crâne de Ian.

Puis, prenant un ton très solennel, dans un souffle, mes yeux braqués dans ceux, presque aussi bleus que les miens, de Robin :

-Le Roi est mort. Longue vie au Roi.

@ Billy Lighter

J’étais allé sur le plateau avant de passer par la case maquillage qui prenait toujours un peu de temps. J’aimais, avant ça, me mettre dans le bain et savoir ce qu’il s’était passé le jour précédent. Surtout quand j’avais été absent ledit jour. Il se passe toujours en tas de trucs en dehors et dans la série alors j’aimais les savoirs avant d’être fin prêt à tourner mes propres scènes. C’était ça Keeping Our Lands. Des surprises tous les jours. Chaque matin chacun des acteurs se posaient, sans doute, ma même question : est-ce que mon personnage sera encore là demain. Et c’était une chose que j’adorais avec le concept de Ben.

Ben était, pour moi, un génie de la réalisation. Sans compter qu’il n’avait pas peur du CSA. J’avais même l’impression qu’il s’amusait à les choquer. Ben était un rebelle de la télévision. Il était bien moins conventionnel que mon père.

Arrivé sur le plateau, je repérai River dont le maquillage recevait quelques retouches. Je souris et m’approchai de mon collègue et ami. La maquilleuse nous laissa nous deux. Je saluai River et il fit de même. River était déjà fin prêt à tourner. Il était en costume et maquillé. J’avais parfois l’impression qu’il vivait ici. Il arrivait toujours avant moi. Sans compter qu’il appelait tous les acteurs par leur nom de scène. Mais River était un adepte du method acting.

Je lui posai des questions sur la loge de Ian qui semblait en travaux ou je ne sais trop quoi. River sourit et m’expliqua que Damon lui avait shooté dans les couilles et qu’il avait écrasé ma tête à Ian. Je levai un sourcil le temps d’associer les idées alors que River, son regard braqué sur moi, disait que le roi était mort. Ah ! Ça y est, j’ai compris ! Un sourire s’afficha sur mon visage.

-Alors, comme ça, le roi Damon est mort. Et tu l’as tué.

Ça signifiait que Ian ne mettrait plus les pieds ici comme l’indiquait une clause dans chacun de nos contrats. Je suppose que le petit avait dû mal le prendre étant donné son caractère. Sans compter qu’il avait dit, dans une interview de L.A.People, qu’il voyait son personnage gagné.

-Laisse-moi devinez… Ian l’a très mal pris et il a ravagé sa loge… C’est Ben qui a dû être soulagé d’être débarrassé du petit.

Ben haïssait Ian, l’enfant. Mais il adorait l’acteur d’où le fait que le petit avait participé à la série. Quant à moi, j’étais un peu soulagé de ne plus entendre ses crises de nerfs même si je devais avouer que c’était un des meilleurs acteurs de sa génération. Je laissai apparaitre un sourire en coin.

-J’aurais voulu voir la scène en live. Ça devait être beau. J’imagine que tu t’es bien amusé, River même si t’y a laissé tes couilles…

Il adorait les scènes de violence. Il était totalement habité par son rôle dans ce genre de scène. Il en était même totalement effrayant.

@ Billy Lighter

Robin voulait savoir ce qui était arrivé à Ian… Et à la loge de Ian. Normalement, ce n’était pas encore le moment de le lui dire, je ne devrai le lui dire, triomphalement, que lorsque Ben aurait dit « Action ! ». Alors je m’embrouillais un peu, entre Ian et Damon…

Mais je répondis, comme un miroir, au sourire que je vis s’afficher sur le visage de North. Le Roi Tarlan était satisfait, mais ce n’était pas tant ça l’important. L’important, c’était que j’avais royalement pris mon pied ! Et j’avais passé mon temps, jusqu’ici, avant de passer à l’habillage et au maquillage, à regarder en boucle la scène qui avait été tournée hier et sur laquelle les techniciens travaillaient désormais sur les détails pour masquer tous les « trucs » qui faisaient que j’avais tué Damon, sans tuer Ian.

Je hochai fièrement la tête, mes yeux brillants, quand Tarlan reformula tout haut ce que je venais de dire. Ouais, Damon était mort… Et je l’avais tué.

Robin se fit à la fois pensif et amusé, parlant de Ian, de la loge… J’avais du mal, parce que Ian n’était plus ici et n’allait plus revenir… C’était, en quelque sorte, comme s’il était vraiment mort.

J’aimais penser ça.

Alors je fronçai les sourcils, parce qu’il fallait que je me concentre sur ce qui s’était passé après la scène… Après la scène, Henri m’avait pris à part, dans ma propre loge, pour désinfecter les blessures sur mon torse.

Mais j’avais entendu encore et encore les cris et les pleurs de Damon, comme ceux d’un fantôme… Sa loge étant à côté de la mienne. Il y avait eu les cris, mais aussi les chocs contre les murs…

Jusqu’à ce que ça se calme brusquement.

Mon regard se perdit dans le vide.

-Ouais… Ouais il a cassé sa loge…

Je passai ma langue sur mes lèvres, revenant sur Robin…

-C’est dommage. J’aimais bien Damon… Mais il m’a fait mal.

Et j’éclatai de rire quand Robin affirma qu’il aurait voulu voir la scène en live.

-Ouais, tu as raté quelque chose. C’était un véritable triomphe ! Tu aurais dû voir la tête de Damon ! Je crois qu’il en a pissé dans son pantalon.

J’eus un sourire extrêmement mauvais. Ce n’était que justice.

-Moi, en tout cas, j’en pisse encore du sang aujourd’hui…

Rien à voir avec le method acting, je pissais réellement du sang depuis le coup de pied que m’avait donné Ian.

La mère de Damon, l’actrice qui jouait la mère de Damon, passa dans mon champ de vision et mon regard de glace l’accrocha et la suivit avec gourmandise. Ne la quittant pas des yeux, je dis à Robin sur un ton excité.

-Tu es officiellement roi maintenant.

Je désignai la jeune femme du menton.

-Alors, je veux ça. Parce que j’ai tué Damon.

@ Billy Lighter

Damon était, donc, mort. Je venais d’avoir la confirmation par River. Ça signifiait qu’on aurait plus à devoir supporter les crises du petit Ian. Ça me soulageait un peu… Mais en même temps, j’étais un peu triste pour l’enfant qui croyait qu’il allait encore jouer longtemps ce rôle.

Mais c’était ça la vie d’acteur. Et c’était ça que j’avais voulu lui expliquer, à Ian, avant qu’il ne me remballe parce qu’il me disait n’avoir rien à apprendre.

Je fis les liens et supposai que la loge devait avoir été mise hors service par Ian lui-même dans un accès de rage. C’était bien le genre du petit de faire des choses pareilles. Il s’énervait vite et d’une façon disproportionnée en général. River confirma ma supposition et je souris.

-C’est du Ian tout craché…

Je plaignais un peu ceux qui auraient à faire les travaux. Mais bon, le mal était fait.

River disait qu’il aimait Damon et qu’il regrettais un peu sa mort. C’était assez difficile de savoir si c’était de Ian qu’il parlait ou de son personnage. Une chose était sûr, River avec eu mal. Je rigolai.

-C’est les aléas du métier, ça.

En tout cas, j’aurais voulu être là pour voir la scène. River et Ian était tous les deux de grands acteurs et la scène devait avoir été bien faite. J’ai hâte de voir ce que ça donnait. Mon collègue confirma que j’avais bien raté quelque chose et que le petit avait eu peur.

-J’imagine.

River disait même qu’il pissait toujours du sang aujourd’hui. J’éclatai à nouveau de rire. Le petit avait dû y aller fort pour que River en pisse encore du sang. Mais je m’arrêtai un peu de rire quand même. Ça ne devait pas être drôle pour lui. Ça devait même être douloureux.

-Tu devrais peut-être aller voir un médecin… Faut faire gaffe avec ces trucs-là.

C’était un simple conseil. River pouvait en faire ce qu’il veut. Mais à sa place je m’inquiéterais un peu.

Et, alors que je donnai mon conseil à River, l’actrice qui jouait la mère de Damon passa pas loin de nous. Je suppose qu’elle aura pas mal de scène à tourner aujourd’hui vu que Damon est maintenant mort. Elle devait être soulagée aussi… Elle détestait Ian, la pauvre. Elle s’en plaignait tous les jours.

River, qui était déjà dans son rôle, déclara que j’étais roi. Je souris.

-Il semblerait.

Il désigna, alors, la mère de Damon et disait qu’il la voulait. Dans le scénario, Kraken rêvait d’avoir la mère de Damon. Je regardais River en souriant.

-On verra si le scénario te donnera le droit de l’avoir.

Car tout dépendait des scénaristes. Et pas de moi. Mais je connaissais suffisamment mon propre personnage pour savoir que Kraken risquait de tomber sur un os.

-Mais n’y croit pas trop.

Je disais ça en rigolant et en tapant amicalement sur l’épaule de River.

Ben arriva, alors, près de nous. Il semblait détendu et content. Je lui souris.

-Salut Ben !

Il me salua et nous regarda River et moi.

-Va te préparer, Robin. Le scénario est dans ta loge. Je suppose que River t’a fait un topo. Vous allez faire la scène de l’annonce de la mort de Ian… Heu, je veux dire Damon. Même si j’aurais aimé que les deux soient morts.

Il ricana et je lui souris.

-Ok, je vais me préparer.

Je souris à River avant de les quitter pour filer dans ma loge pour me préparer.

@ Billy Lighter

Je racontai mon aventure avec Damon au Roi Tarlan, sortant parfois des répliques que j’allais devoir dire à nouveau une fois que la caméra sera en train de tourner. Mais je ne pouvais pas parler de Ian et de sa loge, sans passer par ce qui était arrivé au Roi Damon. Parce que Ian était Damon.

Et j’étais Kraken… Et Kraken avait été blessé par Damon lors de sa lente exécution.

J’avais mal.

Le Roi officiel du royaume rétorqua que c’était les aléas du métier… Je le pris comme les aléas du métier de mercenaire et non pas du métier d’acteur, levant mes yeux de glace vers Tarlan et sa prestigieuse et naturelle stature, en ricanant.

-Des aléas qui méritent compensation…

Je conseillai à Robin d’aller voir la scène qui avait été enregistrée hier. La scène que j’avais passé mon temps à regarder en boucle un peu avant d’aller me préparer. J’avouai aussi, pour montrer à quel point la scène n’avait pas été seulement de l’acting, que je pissais encore du sang suite au coup de pieds du gamin dans mes parties génitales.

Robin me conseilla d’aller voir un médecin.

-J’ai essayé de me faire soigner hier… Je n’ai pas réussi à contacter qui de droit.

Pas moyen de contacter Bailey hier soir… Pourtant, elle aurait pu soulager ma douleur… J’aurais pu lui passer ma douleur. Depuis des mois, ma prostituée préférée ne donnait plus signe de vie… J’en venais à me dire qu’il faudrait peut-être que je me résigne à me faire du bien tout seul en l’imaginant pourrir dans un caniveau de l’Eastside.

Mais mon attention fut détournée par la mère de Damon qui passa à quelques mètres de nous, souriante comme jamais je ne l’avais vue souriante… Et alors que je la suivais du regard avec gourmandise, je réclamai mon dû à Tarlan.

Il me sourit, mais ne me promit rien. Et ce ne fut pas cette absence de promesse qui me fit grimacer, mais bien les lancements dans mes parties intimes et mon bas-ventre alors que mon corps réagissait à la vue de la mère de feu Damon.

Tarlan me frappa sur l’épaule amicalement, mais mon ton à moi n’eus rien d’amical. Je posai ma main sur mon entrejambe douloureux… Et qui, entre nous, avait pas une couleur normale non plus, depuis hier.

-Ne fais pas d’erreur, mon bon roi. Tu sais que les bons sentiments n’ont pas leur place ici… Ils se payent même plutôt chers.

Mais Ben arriva alors, avec toute la fierté qu’être le véritable roi de tout ce bordel procurait.

Il annonça que la scène d’aujourd’hui, ce que je savais déjà, allait consister en l’annonce, par moi-même, de la mort de Damon au Roi Tarlan. Je regardai Ben en fronçant les sourcils quand il affirma qu’il aurait aimé que tant Ian que Damon soient mort.

-Il fallait le dire plus tôt… Tu m’as dit de ne pas lui faire mal…

Ben secoua brièvement la tête, comme s’il m’avait mal entendu, avant de dire…

-Heu… ouais… Tu peux avoir l’air un peu moins sérieux quand tu dis ça ?

Pour toute réponse, je penchai la tête sur le côté en souriant… J’en aurais été presque mignon…

Robin, lui, affirma qu’il allait se préparer.

-Grouille… J’ai de bonnes nouvelles pour toi, Tarlan.

Je posai mon coca vide, me levai, m’étirai et croisai le regard de Ben.

-Quoi ?

Ben secoua encore la tête.

-Oh non, rien…

Je m’éloignai alors, et allai passer en revue mes troupes dépareillées qui allaient former, avec moi, la délégation chargée d’apporter fièrement la nouvelle de la Mort de Damon au nouveau Roi. Je pris aussi quelques accessoires au passage dont un grand sac de cuir.

On se plaça à l’entrée du plateau aménagé comme une salle du trône et attendit que les figurants qui représenteraient la cour de Tarlan se placent, puis que Robin s’installe lui-même à la table où il avait l’habitude de s’asseoir pour recevoir les doléances de son peuple qui venait de prendre une expansion fulgurante.

Ils commencèrent, créant un brouhaha moyenâgeux agréablement chaotique seulement parfois calmé par le Roi qui prenait la parole… Ce fut en plein milieu d’un de ses discours que ma troupe de mercenaires et moi entrâmes, armés jusqu’aux dents.

Le brouhaha s’était éteint d’un coup alors que je traversais, en tête, la salle du trône.

Les plus fous d’entre nous faisant des signes de langues obscènes aux femmes présentes dans l’assemblée, certains allaient même jusqu’à les approcher et les peloter, ricanant quand ils se prenaient une tarte en pleine poire en retour…

Mais moi, c’était Tarlan que je ne quittai pas des yeux. Arrivé à hauteur de sa table, je piochai dans mon sac de cuir et posai une tête d’enfant blond décapité, un moulage parfait et étrangement réaliste, bien que légèrement écrabouillé, de la tête du petit Ian, devant Tarlan à qui je souris de toutes mes dents inégales et sales.

-Le Roi est mort.

@ Billy Lighter

Ian semblait avoir porté un sacré coup à River. Mais dans l’élan de l’improvisation, ce genre de choses pouvait arriver. Et ça était arrivé à River qui demandait une compensation. Je levai un sourcil. Il avait demandé une compensation financière à Ben ? Ou bien, il était simplement encore dans son rôle et c’est donc à mon qu’il demandant compensation ? C’était jamais facile à savoir avec River. Et je me contentai, donc, de rire. Pauvre River. Il semblait avoir eu vachement mal. Assez pour que je lui conseille d’aller voir un médecin. On savait jamais. Il fallait pas rigoler avec ces trucs-là. Il disait avoir essayé de se faire soigner hier mais qu’il n’avait pas réussi à contacter la bonne personne. Je laissai apparaitre un sourire en coin.

-Ça, c’est pas de chance.

Je doutais vraiment que ça doit d’un médecin dont parlait River. Mais je doute que la technique qu’il avait en tête soit la meilleure solution…

Finalement, notre conversation retomba sur notre show et la mère de Damon que Kraken me demandait comme trophée. Je ne savais pas ce que Ben avait prévu à ce niveau mais je connaissais assez mon personnage que pour faire déchanter River. Et il grimaça avant de me dire de ne pas faire d’erreur. Que les bons sentiments étaient fatales ici. Je souris.

-Ne t’en fais pas pour moi. Je sais ce que je fais.

Je sais que je préférais que mon personnage meure avec de bons sentiments plutôt qu’il vive en étant un Damon bis.

Ben arriva pour me demander d’aller me préparer. Je devais encore passer par le maquillage et aller lire ma scène. Il expliqua que Damon était mort et qu’il aurait bien voulu que Ian aussi. L’humour noir de Ben me faisait toujours rire. Ce n’est pas étonnant que ce soit lui l’auteur de toutes ces tueries. Je rigolai avant que River, avec un sérieux effrayant, lui avait dit de ne pas tuer Ian… Je ne savais pas si je devais rire ou m’inquiéter. En tout cas, Ben, souligna tout le sérieux avec lequel River venait de dire ça.

-T’en fais pas, Ben. Il est juste à fond dans son rôle.

C’était toujours l’impression que ça me donnait. Un River totalement dans son rôle de Kraken, du début à la fin de la journée.

Je finis par me retirer alors que River me pressait. Je me dépêchai de passer au maquillage tout en mémorisant ma scène. Un truc que j’avais appris à faire pendant le tournage de cette série. Je n’avais jamais procédé comme ça avant.

Après tout ça, je pris place sur le plateau. J’étais le roi Tarlan. Chargé de gagner la guerre. J’étais assis à la table qui surplombait la salle. J’entendais les conversations de mes sujets. Ils ne parlaient que de cette guerre. On venait de gagner une bataille importante. La première depuis bien longtemps. J’avais vu, moi-même, Damon prendre la fuite comme le pleutre qu’il était. Il avait abandonné ses troupes agonisantes pour sauver sa propre vie.

Je finis par prendre la parole arrêtant, du même coup, les conversations. Je glorifiais le courage qu’avait eu mes soldats. Je glorifiais cette victoire.

Et j’en étais à la moitié de mon discours quand la troupe de Kraken entra sans attendre mon consentement. Je fronçai les sourcils alors que tous les regards s’étaient tournés vers le chef des mercenaires.

C’est moi qui les avais engagés pour nous aider dans la guerre contre le roi Damon. Je détestais les mercenaires pour tout ce qu’ils représentaient. Mais c’était la guerre… Et il fallait parfois mettre de l’eau dans son vin pour la gagner. C’est ce que j’avais fait en engageant la bande de Kraken. Un guerrier sanguinaire et sans scrupule.

Mais aujourd’hui, en voyant l’attitude de ses guerriers et de Kraken en personne, je commençais à regretter mon choix. Un choix qui avait été largement contesté par un de mes meilleurs généraux.

Je me levai surplombant Kraken qui, arrivé à hauteur de la table, sorti une tête d’un sac. La tête du roi Damon. Je pris le temps d’encaisser la nouvelle. De penser à ce que ça impliquait. La tête de l’enfant mort provoqua un émoi dans la salle avant qu’un silence de plomb ne retombe sur la pièce après un signe de ma main.

Le roi Damon était mort. Tué par un mercenaire sans pitié. Et Kraken confirma la chose. Je lui parlai d'une voix sévère et profonde:

-Ce n’est pas parce que tu es un mercenaire, Kraken, que tu ne dois pas t’annoncer avant de faire irruption ici avec tes guerriers armés jusqu’aux dents.

Je fis signe à un de mes hommes de dégager la tête de la table. Je n’avais pas besoin de ce trophée. Je n’étais pas de ce genre. Je ne trouvais aucune gloire dans la mort d’un enfant aussi puissant et vil soit-il.

Je reposai mon regard sur Kraken.

-Ton aide nous a été précieuse, Kraken. La mort du roi Damon était indispensable à notre quête d’une paix durable.

Je le regardais toujours. Mes yeux bleus se fixant sur les siens.

-Toi et tes hommes serez payés comme il se doit.

Et j’espérais que c’était la dernière fois que j’aurais recourt à Kraken pour gagner une bataille. Le meurtre de Damon était suffisant.

@ Billy Lighter

J’avais fait une entrée triomphale, à la tête de ma petite bande qui constituait la délégation chargée d’aller apprendre à Tarlan que le Roi Damon était mort… et d’encaisser le chèque, aussi. La salle était soudain silencieuse, on avait même coupé le sifflet à celui que le peuple des bonnes gens avait désigné comme nouveau roi alors que Damon les saignait à blanc à coups de taxes, de guerres dispendieuses et de lois surréalistes.

Mais pour se débarrasser d’une vermine, Tarlan s’était offert les services d’une autre vermine : moi.

Le nouveau Roi s’était levé alors que j’arrivais face à lui, la table où il présidait nous séparant. Il était légèrement plus grand que moi, mais son armure et ses fourrures d’apparat lui donnaient une impression de grandeur, comparé à moi, vêtu de cuir dur, plus léger et plus pratique…

Mais ce ne fut pas moi, cependant, qui blêmi d’effroi devant une tête coupée. Un long murmure avait parcouru la salle face à ce spectacle que je leur offrais. Mes hommes, eux, dont la plupart étaient issus de parties de jambes en l’air consanguines ou élevés à coups de triques et de fouet ou encore de coups de poings répétitifs sur la tête, jubilèrent, ricanant comme des hyènes plus que comme des humains.

Je ricanai, moi aussi, puis sifflai un grand coup strident à vriller les tympans de la salle et les rires de mes hommes se turent directement.

Démonstration de puissance face à Tarlan… Il tenait peut-être ses gens par la loyauté et les bons sentiments, par beaucoup de promesses d’un monde meilleur aussi. Mais ils allaient vite déchanter, comme Tarlan lui-même, quand ce dernier se rendra compte que régner est plus complexe qu’il l’imagine et qu’il ne peut pas tenir toutes ces promesses. Le peuple imbécile tiendra-t-il alors compte du fait que Tarlan lui-même rencontrera des difficultés insurmontables ? Non. Le peuple dira juste qu’il leur a menti et il tombera alors en disgrâce jusqu’à être destitué par un autre.

Tout comme Damon.

Et peut-être qu’alors, on m’engagera encore.

Moi, je tenais mes gars par la peur. Même l’homme le plus dépourvu de cervelle comprend la peur.

Tarlan prit la parole et je fis alors e seul dont le rire résonna dans la salle.

-Veuillez m’excuser, votre Altesse. L’on a oublié de m’enseigner les bonnes manières, dans la fosse boueuse d’où je viens.

Tarlan fit un signe et l’un de ses gardes emporta la tête de Damon. Je suivis cette dernière des yeux, une pointe de déception dans mes yeux bleus.

-Si tu n’en veux pas, laisse-moi au moins la garder…

Je l’ajouterai à ma collection de têtes d’enfants.

Tarlan, lui, promit que nous serions payés comme il se devait, après m’avoir remercié d’avoir participé à sa « quête d’une paix durable »… La paix ne m’intéressait pas vraiment… S’il y avait la paix, qui allait m’engager ? Damon m’avait au moins proposé une place dans la garde royale, lui, au moins… Avant de perdre la tête…

Je passai ma langue sur mes lèvres, puis me penchai en avant, jusqu’à poser mes coudes sur la table et croiser mes bras, levant mon regard sur Tarlan. Je ne pris la parole qu’après quelques secondes, le silence qui s’était installé, interrompu seulement par de petits cris outrés ou effrayés de femmes de l’assemblées que mes hommes continuaient de peloter discrètement.

-Une paix… durable…

Je penchai la tête, mes yeux ne quittant pas Tarlan.

-La longueur de cette paix à laquelle tu aspires, Tarlan, dépendra de la grandeur de la récompense que tu nous réserves.

Mes yeux brillèrent alors que mes hommes approuvèrent avec force de cris et de rire mon court discours. Je me redressai, souriant en coin. Tarlan connaissait la réputation de mon armée, car nous étions suffisamment nombreux pour être considérés comme une armée. Et suffisamment fous que pour être crains.

Je sautai brusquement sur la table, non sans grimacer à la réception tant mon entrejambe blessé par Damon me faisait mal. Et je me tournai vers mes hommes et l’assemblée.

-Pas vrai, les gars ?

Des hurlements et des rires encore plus forts. Je me retournai, c’était désormais moi qui surplombais Tarlan.

-Et tu sais ce que je veux.

@ Billy Lighter

L’entrée de Kraken avait fait grand bruit au sein de ma cour. Lui et son armée de mercenaires sans foi ni loi savaient comment se faire remarquer. Kraken et sa bande ne savait faire qu’une chose : traquer et tuer. Ils ne connaissaient rien d’autre… Et c’est pour ça que j’avais tant tergiversé avant de daigner les engager pour participer à la guerre contre Damon.

Damon dont il me rapporta la tête triomphalement en le déposant sans aucune pudeur sur la table qui nous séparait. Un murmure d’effroi et de surprise s’empara de ma cour alors que le sourire de Kraken était aussi sadique que sans pitié. Ce murmure se conjugua aux jubilations grossières des hommes de Kraken.

Damon était mort… Et Kraken venait de m’en apporter une preuve accablante.

Kraken fit taire ses hommes. Si on pouvait croire qu’ils n’avaient tous aucun maitre, Kraken venait de démontrer à toute ma cour l’inverse. Tous ses mercenaires avaient un maitre et c’était Kraken. Tout le monde avait peur de Kraken même les plus grands seigneurs. Ces à cause de cette peur que mes plus grands généraux avaient eu des réticences quant à engager Kraken.

Parce qu’il était encore plus imprévisible qu’il n’était doué. Cette entrevue en était la preuve. Jamais je n’aurais cru qu’il viendrait comme ça m’apporter la tête du Damon sur un plateau.

Mais, si ma cour était terrorisée, moi je restais calme et ouvris la bouche pour rappeler Kraken à l’ordre. C’est son rire qui me répondit. Son rire et ses excuses teintées d’ironie.

Je fis disparaitre la tête de Damon. La preuve de sa mort était là. Il n’était pas nécessaire d’exposer la tête du défunt roi plus longtemps. Je n’étais pas Damon. Je n’étais pas le genre de roi à jubiler devant le cadavre de ses ennemis. Non. Je préférais largement la diplomatie à l’horreur de la guerre. Je préférais largement régner sur un royaume en paix. Il paix qui n’aurait pas été possible d’avoir avec Damon au pouvoir. Et Damon n’avait rien voulu entendre ni de son peuple, ni de ses seigneurs. C’était ça qui nous avais poussé à se dresser contre lui.

Si je ne voulais aucun trophée, Kraken, lui, voulait bien récupérer la tête du roi Damon. Je fronçais les sourcils évitant d’ajouter un commentaire à cette demande qui montrait encore, à tous, les différences qu’il y avait encore moi et Kraken. Je me contentai de remercier Kraken pour sa participation à la paix durable qu’on pourra, désormais, instaurer étant donné la défaite et la mort du roi Damon. J’espérais intérieurement ne plus devoir recourir aux services des mercenaires de Kraken. Mais Damon m’avait poussé tellement loin dans mes retranchement que je n’avais pas eu le choix. C’était Kraken ou la défaite.

Le résultat palliait, pour le moment, les regrets. Même si la manière dont ses hommes se comportaient dans ma cour me déplaisait atrocement.

Kraken répéta mes mots avant de dire que la durée de la paix dépendra de la récompense que j’allais attribuer à Kraken et ses hommes. Je fronçais les sourcils. Je pouvais entendre une menace sous les paroles de Kraken. Et ce dernier, alors que les cris de ses hommes résonnèrent dans la pièce, monta sur la table pour montrer, encore une fois, l’étendue de son pouvoir et de sa puissance.

Mon plus proche général avait déjà sa main sur le manche de son épée. La tournure des évènements ne me plaisait pas.

Kraken me fit face déclarant que je savais ce qu’il voulait. Il me regardait de haut. Mais ce n’était pas ça qui me décontenança.

-Tu veux la reine.

Je regardais Kraken droit dans les yeux, nos yeux bleus se répondant. Kraken voulait la mère de Damon comme trophée. C’était ça qu’il voulait plus que tout l’argent que je pouvais lui offrir. Je ne lui avais pas fait la promesse que j’accéderais à sa demande.

-Damon tenait ses sujets par la peur. Sa mort va entrainer sa mère à prendre le trône et tenter de s'accrocher au pouvoir. Son armée est aux abois et je m’en irais, donc, négocier avec elle la paix.

Si elle refuse, elle sera enfermée. Mais jamais je ne la donnerais en pâture à un homme comme Kraken.

-Je ne te la donnerais pas. Je ne suis pas ce genre de roi. La mère de Damon est coupable d’avoir laissé faire son fils et de l’avoir aidé à perpétrer sa politique sanguinaire mais elle mérite un jugement comme tout le monde. Je ne peux pas te la donner, Kraken.

Je disais ça avec fermeté, mes deux point appuyer sur la table où trônait Kraken.

-Tu seras payé Kraken. Assez d’or pour que toi et tes hommes puissiez vivre dignement.

C’était mon offre de départ. Il n’y aura pas de cadeau bonus.

- Maintenant, demande-leur de cesser de se comporter comme des sauvages dans ma salle de trône.

Je disais ça avec plus de fermeté encore et sans quitter le mercenaire du regard.

@ Billy Lighter

J’étais ravi de l’effet qu’on donnait. Celle d’une puissance chaotique et indomptable. Nous étions redoutable, chacun d’entre nous. Une belle bande de dégénérés qui n’auraient pas eu plus d’ambition que celle d’être des bandits de grands chemins si, un jour, je n’avais pas été le lien entre tous ces monstres perdus, leur donnant une voie à suivre.

Une voie dont le seul principe était d’augmenter le rendement de nos vices.

Nous assouvissions nos besoins viscéraux. Et on était payés pour.

Mais voilà… J’avais une idée fixe, depuis le début de cette guerre.

Et debout sur la table de Tarlan, lui faisant face, j’avais affirmé qu’il savait quelle était cette obsession.

Je hochai la tête lentement, lui souriant les yeux brillants autant que mes lèvres, quand il formula tout haut mon désir.

Je voulais la Reine… La mère du Roi Damon. J’avais bien vu que le général de Tarlan était prêt à attaquer sur ordre. Mais dans tous les cas, j’aurais une longueur d’avance : parce que personne n’aurait à me donner l’ordre de tuer son Roi, si l’envie m’en prenait.

Mais le jeu serait beaucoup moins drôle si je tuais tout le monde.

Je ne quittais pas les yeux bleus de Tarlan… Quant à ma jubilation, je n’avais pas besoin de l’exprimer quand mes hommes s’en chargeaient, à plusieurs voix, de lui donner une vie propre résonnant sur les murs de pierre de la salle du trône du Roi du Peuple.

Un Roi qui reprit la parole pour un trop long discours, tout ça pour me dire « non ».

Je posai un genou sur la table, rapprochant mon visage de celui de Tarlan qui ne quittait pas mon regard, faisant fi de son général qui avança d’un pas alors que certains de mes hommes, à qui la nature avait accordé un minimum de jugeote, étaient déjà prêts à intervenir.

Il demanda à ce que j’ordonne à mes hommes de se calmer, mais je ne le fis pas.

Mon souffle fétide en plein visage de Tarlan, je regardai quelques secondes ses yeux de plus près. Il ne cillait pas, on devait lui rendre ça.

-Bien…

Je souris, éloignai mon visage du sien et sautai au bas de la table, marchant droit vers mes hommes qui m’emboîtèrent le pas au fur et à mesure que je passais à côté d’eux, libérant des filles que certains avaient attrapées pour les toucher.

Sans me retourner, j’annonçai à Tarlan :

-Puisque tu ne me la donnes pas… Je vais aller la prendre.

Je lançai donc le début d’une course qui mènerait soit à une « paix durable », soit à une ère de ténèbres.

-Coupez !

Je marchais toujours tout droit, sortant du plateau, sortant du décor, droit vers mon but qui applaudissait Tarlan en le regardant… Des yeux bleus, de longs cheveux blonds, des courbes délicieuses, de quoi soulager mon entrejambe blessé par Damon.

Mais Henri se plaça devant moi, posant ses deux mains sur mes épaules, un sourire forcé aux lèvres.

-Bien joué River ! Très bien joué !

Je secouai la tête et plissai les yeux parce que la lumière des spots m’ébloui soudainement, comme s’ils n’avaient pas été là avant.

Mon regard cilla et je regardai autour de moi.

-On doit la refaire ? On peut la refaire ?

@ Billy Lighter

Kraken voulait son dû : la mère du roi Damon. Il la désirait plus que tout l’argent du monde. Je savais que l’or que je lui proposais ne le satisferait jamais entièrement. Mais je ne comptais pas donner la mère de Damon à Kraken. Je ne voulais pas faire l’apologie de la barbarie en faisant cet acte. Car je savais ce que réservais Kraken à cette femme. Ce n’était pas l’enchainer par le mariage qu’il voulait. C’était quelque chose de pire. Quelque chose qui fera regretter à la mère de Damon d’être née.

Et je ne voulais pas ça pour elle. J’espérais, au fond, rallier un accord avec elle et la laisser vivre dans un château à pleurer son fils à l’écart du pouvoir. Je ne voulais pas la donner au roi des Barbares.

C’est ça que je disais à Kraken. Je refusais à coup de long discours sa demande en lui proposant l’or promis. Il posa alors son genou sur la table se mettant, à nouveau, à ma hauteur. Lui qui s’était mis sur ce piédestal pour paraitre plus grands aux yeux de ma cour. Je vis, du coin de l’œil, mon général s’avancer un peu alors que les hommes de Kraken étaient prêts à bondir si les choses tendaient à se dégrader.

Mais je ne bronchai pas soutenant le regard de Kraken malgré l’horrible odeur qui sortait de sa bouche. Je n’avais pas peur de lui. Jamais je n’aurais peur d’un mercenaire sans foi ni loi.

Kraken finit par sourire et s’éloigner. Ce mouvement fit se détendre mon général qui n’en resta pas moins sur ses gardes. Le chef des mercenaires ne se retourna pas, il marchait d’un pas décidé vers la sortie, ses hommes le suivant pour le plus grand soulagement de toute ma cour.

Il déclara, alors, que si je ne lui donnais pas la mère de Damon, il allait aller s’en emparer lui-même. Je fronçais les sourcils mais ne dit rien. Il vaudra mieux agir que dire.

-Coupez !

Je souris voyant River sortir carrément du décor. Le connaissant, il devait encore bien être dans son rôle et il se dirigeait vers la mère de Damon. Enfin, l’actrice qui faisait la mère de Damon. Celle-ci applaudissait et je lui fis un grand sourire en levant mon pouce.

-C’était super les gars.

C’est ce que lança Ben alors que je sortis, moi aussi, du décor. Il était satisfait de la scène, ça voulait dire qu’on n’aurait pas besoin de la refaire.

Je tournai mon regard vers River qui avait été intercepté par son agent. Henri Finley, un type qui avait toujours l’air stressé et craintif. Je l’entendis d’ici féliciter son protégé. Je m’approchai d’eux entendant River demandé si on pouvait la refaire. Je mis ma main sur son épaule en souriant.

-Non, je ne pense pas. Ben a l’air plutôt satisfait. On a assez gérer pour ne pas avoir à la refaire. T’étais à fond dedans. J’ai bien cru que t’allais me sauter dessus même si ce n’était pas dans le script.

Je rigolai. River n’était pas réputé pour suivre toujours le script. Parfois, il ajoutait des paroles ou des gestes qui rendaient la scène encore meilleure. J’admirais ça chez lui.

-Bon, je sens que je vais aller visionner la mort de Damon, moi. Tu as encore une scène à tourner, River ?

Moi, j’en avais encore. Mais plus tard. J’avais le temps de prendre une pause.

@ Billy Lighter

C’était fini, terminé. Et il fallait que j’aille m’emparer de la mère de Damon. Je ne comprenais pas pourquoi Tarlan ne voulait pas me la donner et s’évertuait à se compliquer la vie. Parce qu’il allait se mettre cette femme à dos et moi avec par la même occasion.

C’était fini, terminé… Et Henri comprit que s’il ne s’interposait pas entre moi et mon dû légitime, j’allais la prendre… Et pas forcément que dans un sens.

Henri qui me tira de la peau confortable de Kraken pour quelques secondes au moins. Il me félicita, me dit que c’était bien joué… Si c’était si bien joué, c’était parce que je ne jouais pas. Je voulais rester et vivre dans le monde de Keeping Our Lands… Je pourrais vivre normalement dans le monde de Keeping Our Lands…

Alors je voulais la refaire, la scène, juste pour y retourner, même si ce n’était que pour répéter les mêmes phrases.

Je sentis une main se poser sur mon épaule et me tournai vers Tarlan qui affirmait que Ben ne voudrait pas la refaire. C’était son problème à North, aussi ! Il avait tendance à mettre les scènes en boîte en une seule prise !

Je grimaçai et baissai les yeux. Jusqu’à secouer négativement la tête quand Tarlan affirma qu’il avait bien cru que j’allais lui sauter dessus.

-J’ai besoin de quelqu’un pour jouer. Je ne peux pas tuer tout le monde.

A vous de voir le sens de « jouer »…

Mais un grand sourire réapparut sur mon visage quand Robin affirma qu’il allait aller visionner la mort de Damon. Mes yeux brillaient d’excitation, déjà. Henri, lui, regarda Robin avec reconnaissance.

-Non non. Plus de scène à tourner aujourd’hui. Je vais venir voir ça avec toi.

Et ce fut à mon tour de poser ma main sur l’épaule de Tarlan afin de l’inviter à m’accompagner jusqu’à la salle de visionnage.

Je ne me lasserai jamais de voir Damon crier, pleurer… et crever.

@ Billy Lighter