Depuis le décès de ma tante, je navigue entre deux sphères diamétralement opposée l’une de l’autre. Par moment, je me sens incroyablement bien, légère et j’ai des projets pleins la tête et l’énergie qui vient avec. À d’autre, je croule d’anxiété, je ne sais plus comment occuper mes journées ni si ça vaut la peine d’essayer de passer au travers.

J’avais dit à Billy que j’étais prête à vivre différemment, à voir la vie autrement à commencer par nous, intimement. Je n’en ai pas été capable. Je crois que je n’en serai pas capable tant que ma propre relation avec mon corps ne sera pas plus saine.

J’ai pris une pause du Wild et de l’hôpital.

J’avais besoin de penser à autre chose, de vivre autre chose. De me laisser guider par Billy et guérir, petit à petit de tous mes maux. Je ne sais aucunement les efforts qu’il a dû déployer pour passer au travers tout ça avec moi mais je sais que sans Billy, je n’en aurais pas été capable.
Tout est encore bien loin d’être terminé.

Un soir, très tard, alors que j’étais sur le point de m’endormir dans ses bras pendant que nous écoutions en boucle l’une des pièces classiques préférés de ma tante, Billy m’a surprise avec une demande venue de nulle part et pour laquelle, je n’étais pas préparée.

Je me souviens avoir ouvert les yeux très grands et avoir forcé mes neurones encore actives pour réfléchir à toute vitesse à une réponse convenable.

‘’ On en discute demain, ok ? ’’ n’est pas vraiment ce que j’appel une réponse convenable mais ce fut la mienne et j’allais l’assumer jusqu'au lendemain matin.  Nous nous étions endormis sur le grand fauteuil du salon, blottis dans les bras l’un de l’autre.

J’aurais pu lui dire tout simplement que je ne savais pas comment faire. Je n’ai jamais fait ça moi, en plus ! Tourner un clip !? Mais à quoi pense t-il ? Mon style ne correspond pas à celui de The Lightening , si ?

Le matin, j’avais tout fait pour repousser la conversation. Ça avait quand même été facile puisque Billy avait à se rendre aux studios de MTI. Il y passe plus en plus de temps.  Lui et son groupe travaillent très fort sur leur nouvel album. J’ai eu la chance d’en entendre un peu et je suis emballé par leur création. Si, certaine pièce égratigne mon genre, c’est loin de m’atteindre moi personnellement.

Je sais faire la différence entre une œuvre de fiction, bien qu’inspiré de ressentit véridique et la vie telle qu’elle est. Ils disent ce qu’ils ont à dire c’est tout ce qui compte.

Ce soir, je suis seule à la villa et j’attends que Billy rentre. Je suis nerveuse mais de belle façon. Je ne saurais dire pourquoi en fait, c’est peut-être la lune qui est dans l’axe de venus mais ce soir, pourrait être le bon soir… non pas pour lui parler du clip mais… de nous deux.

J’en ai le cœur qui bat à grande vitesse dans ma poitrine et, quand il ouvre la porte, j’ai l’impression qu’il va exploser mais, en fait, non, il se dégonfle parce que Billy n’est pas seul.

- Bonsoir vous deux ! Encore une grosse soirée au studio ?

Cash et moi n’avons pas eu l’occasion de vraiment faire connaissance encore mais pour les fois où j’ai eu la chance de le croiser chez MTI, il m’a paru fort sympathique. En tous les cas, c’est l’effet qu’il me fait, malgré son air ténébreux et mystérieux.

Peut-être ont-ils quelques trucs à discuter ensemble, pour l’album où pour tout autre chose, je leur propose donc de leur servir des bières et des chips puis, après j’irai me coucher… et attendre Billy.

@ Billy Lighter

Des montagnes russes… Mon humeur faisait des montagnes russes. Depuis l’entrée d’April dans ma vie, je faisais plusieurs fois des tours de grand-huit passant d’une humeur maussade à être totalement heureux. Il n’y avait jamais des éclats de colère.

Pas pour le moment.

C’était juste moi qui me calquait sur les humeurs changeantes d’April au lieu qu’elle se calque sur le mienne. Depuis la mort de sa tante, April était aussi stable que je ne l’étais.

Et si nos humeurs changeaient constamment… Notre relation, elle, stagnait tout comme les projets qu’on voulait faire ensemble. Elle stagnait à cause de l’ombre de la mort de sa tante qui planait toujours. Une ombre qui avait investi ma villa en plus du cœur d’April et qui commençait à me contaminer insidieusement si bien que je passais du temps en studio avec Cash.

Il fallait que ça s’arrête ! Il fallait sortir de là avant que ça nous consume au point où je ne pourrais plus le supporter. Pas April elle-même mais cette ambiance de mort qui nous entourait.

Alors pour en sortir, il fallait qu’April sorte et fasse quelque chose. C’est pour ça que je lui avais proposé de tenir le rôle dans le clip Be Mine. Un projet qu’on avait laissé dans les cartons et que je voulais, maintenant, commencer. Avec April. Avec April et personne d’autre.

Mais à ma demande, elle avait reporté sa réponse au lendemain. Mais le lendemain on n’en avait pas parlé tout de suite comme si April essayait d’éviter… Et avant que mon humeur ne change encore une fois, j’étais parti aux studios de MTI rejoindre Cash.

Toute le journée j’ai chanté et créé avec lui. Toute la journée j’ai craché ma frustration dans le micro mettant une touche finale à nos nouvelles compositions.

Il le fallait… C’était vital. Aussi vital qu’April participe à Be Mine.

Parce qu’elle était la fille de Be Mine.

Et Cash devait le savoir.

Alors je lui avais dit que je voulais lui présenter ma nouvelle petite-amie. Que c’était elle la fille que je voulais pour le clip. C’était ce que je lui ais répéter plusieurs fois pendant la journée l’obligeant d’une façon à prendre la route avec moi, le soir, pour Malibu.

Parce que si Cash était là, je savais que j’aurais plus de mal d’exploser en cas de refus d’April. Si Cash était là, je me croyais capable de résister à mes démons intérieurs.

Parce que j’aimais April et je ne voulais pas qu’il lui arrive quelque chose.

Sur la route, je n’avais pas parlé. Seule la musique résonnait dans ma Lamborghini. Cash n’avait pas l’habitude de trop parler de toute façon. La musique suffisait… Et la musique qui passait, c’était la démo de notre album. Un album qui était dans la fibre de la chanson Be Mine.

On arriva à ma villa et j’ouvris la porte alors qu’April nous accueilli. Je lui souris à sa question.

-Oui. Quand on veut faire les choses bien, il faut y passer du temps.

C’est ce que le public a tendance à oublier parfois. Pour que les choses soient parfaites, il faut du temps !

Elle nous proposa des bières et des chips. J’hochais la tête.

-Oui, merci, April. On devrait aller dans le salon pour discuter.

Une discussion qui la concernait. Et sur le chemin vers le salon, je m’adressai à Cash.

-Tu as déjà vu April, Cash. C’est elle qui aura le rôle dans le clip. Elle sera parfaite pour ça.

On n’en avait pas encore vraiment parlé mais j’imaginais que, maintenant, elle y avait réfléchi. J’espérais qu’elle allait accepter.

Je m’installai dans le salon me prenant une cigarette que j’allumai d’un geste naturellement nerveux avant de regarder Cash.

-Le clip doit être fait bientôt et April a beaucoup de charisme et sait bouger. Elle sera parfaite.

Je me répétais mais je voulais entendre un « oui » de la part de Cash et d’April.

@ Billy Lighter

Chaque fois que Billy arrivait au studio, il était comme nimbé d’une aura sombre qui finissait par s’atténuer au fils des mélodies et des chansons que nous égrainions entre les quatre murs du studio 4. Il déversait tout ce qu’il y avait de mauvais dans son micro, je l’aidai en lui déroulant un tapis de note sur lequel surfer et donner le meilleur de son art. Un tremplin pour sa colère, sa frustration, sa haine.

Une haine qui allait être le porte-drapeau de notre album Bitch pratiquement abouti.

Mais chaque jour, le travail sur Billy était à recommencer, car chaque jour, il se présentait à nouveau au micro avec cette aura noire tout autour de lui. A se demander où il se trainait la nuit pour revenir avec l’âme aussi sale.

Souvent, tard le soir quand nous nous séparions sans un mot sur le pas de la porte des studios MTI, cette âme était apaisée. Le lendemain, elle revenait chamboulée.

La musique était salvatrice, la création était salvatrice. Billy pouvait s’exprimer.

Jusqu’à ce soir où il m’avait ouvert la porte de sa villa. Il voulait me présenter April, sa petite-amie.

La fille de Be Mine !

Evidemment, qu’elle était la fille de Be Mine ! Cela ne pouvait être qu’elle ! Pas Gaïana ! Pas Apolline Mclagan ! April.

Parce qu’elle était la petite-amie de Billy.

La petite-amie de Billy pouvait être n’importe qui.

Mais la fille de Be Mine ! ne pouvait être que la petite-amie de Billy.

J’avais donc souris, hoché la tête, allumé une cigarette et était monté dans sa Lamborghini, laissant ma CRX sur le parking des studios.

Une fois chez Billy, je le suivis dans la villa de mon pas nonchalant, ondulant légèrement comme le Serpent. Mes yeux noirs cachés derrière des lunettes de soleil inutiles à cette heure et à l’intérieur, une nouvelle clope entre mes lèvres métis.

La fille de Be Mine ! nous accueillit et je souris vaguement, planant encore sur les notes qui résonnaient encore sous mes boucles de cheveux. Elle constata que nous étions restés longtemps en studio, Billy répondit que la perfection demandait du temps et je renchéris.

-Et on a jamais assez de temps…

La jeune femme proposa des bières et des chips. Billy accepta la proposition et on alla au salon où Billy s’alluma une cigarette en même temps que j’écrasai la mienne dans le cendrier placé sur le grand piano sur le banc duquel je pris place, caressant sensuellement les touches de mes doigts sans les faire chanter. Tout en écoutant Billy… Je soufflai un long et vaporeux nuage de fumée…

-J’ai déjà vu April…

Je l’avais croisée. Plusieurs fois. Son physique attirait le regard, sa façon de bouger avait quelque chose d’hypnotique. Une danseuse.

Je regardai Billy à travers les verres fumés de mes lunettes.

-Elle est parfaite parce que Be Mine ! lui est destiné.

La chanson a été écrite pour la petite-amie de Billy. Qu’importe que son nom soit Savannah, Ruby, April…

Quand la jeune femme réapparut dans le salon, je pris la bière qu’elle m’offrit, caché derrière mes lunettes et mes cheveux, dissimulant le Roi du Désert que j’étais réellement, incognito à L.A. Mes bras que mon t-shirt laissait nus permettaient de voir, cependant, que la musique et la création avait eu un effet régénérant non négligeable sur les cicatrices laissées par de trop nombreux voyages.

-Merci… Bienvenue dans le train de Be Mine !

Je pris une bonne gorgée de ma boisson et essuyai mes lèvres d’une main.

-J’espère que tu n’as pas froid aux yeux.

Puis à Billy…

-Qui va la frapper ? Maintenant que River Moriarty est enfermé à l’hôpital ?...

@ Billy Lighter

Billy n’est pas seul quand il rentre et, sans dire que ça ne me fait rien, je suis quand même heureuse de rencontrer officiellement Cash.  De par mon travail au Wild Wild Beaches, j’ai eu la chance de croiser déjà par le passé l’acolyte de Billy. La situation aurait pu être légèrement empreinte de malaise mais je n’ai jamais eu honte de mon travail et des circonstances qui font que j’ai pu rencontrer certaines personnes.  

Je leur propose donc des bières et des chips, vu l’heure tardives, je  crois que c’est l’idéal et ma tante m’aurait dit qu’une bonne hôtesse sait toujours offrir quelque chose, peut importe l’heure.  Je me dirige donc vers la cuisine, mon pas légèrement freiner quand j’entends Billy par derrière moi que c’était moi qui aurait le rôle.

Je n’ai pas accordé à la demande de Billy, l’attention qu’elle méritait. Non pas parce que je n’ai pas envie de le faire, au contraire. Mais bien parce que je ne me sens pas forcément à la hauteur et que tout c’est passé si rapidement entre nous deux que j’aurais voulu prendre quelques jours pour  nous deux, pour s’arrêter et profiter d’une accalmie que nous n’aurions pas volé.

J’ai accordé beaucoup trop d’importance à ce que pourrait dire les gens, suite au décès de ma tante, en me voyant mordre dans la vie à belles dents, comme si c’était pêcher que de reprendre ma vie en main maintenant que je suis libérer du fardeau de la maladie.

C’est faut.

Et un peu vrai…

Un pack de bière en main et les chips de l’autre, je les rejoins au salon, déposant le précieux butin sur la table basse disposée entre les deux immenses fauteuils puis offre une bière à Cash avant d’en offrir également une à Billy.

Il serait faux de dire que je puisse me sentir comme un petit peu placée devant un fait accompli alors que Cash me souhaite la bienvenue à bord du train Be Mine!, ce n’est pas le cas. Peut-être que j’aurais voulu en discuter encore d’avantage avec Billy mais quand on y pense, si Cash es lui aussi d’accord avec cette idée, c’est peut-être que je suis celle qui leur faut.

- C’est un projet qui tombe comme du ciel.  Un gros projet et j’ai peur de ne pas être à la hauteur. Cela dit, j’accepte d’y prendre part et je vous promets de donner le meilleur de moi-même pour que la vidéo soit à la hauteur de vos expectations.

Je ne vois pas quoi dire d’autre, de toute façon !

J’en mourrais d’envie, mes craintes perpétuelles et les œillères du deuil m’ont fait me poser les mauvaises questions alors que tout ce qu’il me fallait, c’était peut-être ce petit coup de pied au cul pour  me faire officiellement lâcher prise.

Je me sens soudainement légère et revigoré d’une belle énergie. C’est l’effet que cela fait, quand on lâche prise ?  Il semblerait ! Avoir su, je l’aurais fait plus tôt ! Et puis, je vais réaliser l’un des rêves de ma tante.

Danser.

M’amuser en dansant, donner vie à un projet par la danse, m’en imprégner, me l’approprier comme si je faisais l’amour à la musique en laissant mon corps s’en exprimer.  Et pour officialiser la chose, je décide de m’ouvrir une bière moi aussi et de trinquer avec eux à cette folle aventure qui va commencer pour eux comme pour moi.

@ Billy Lighter

On avait passé beaucoup de temps au studio mais atteindre au plus près la perfection demandait du temps.

Beaucoup de temps.

Et comme le disait Cash, on n’avait jamais assez de temps. J’approuvai fermement de la tête les mots de mon guitariste. Si les journées pouvaient être plus longues, je demanderais à ce qu’elles le soient !

On prit place au salon alors qu’April était partie chercher des chips et des bières. Cash s’installa au piano. Je le laissais faire. Il semblait caresser les touches sans qu’aucune d’entre elles ne fasse le moindre son. Je le regardais alors qu’il disait avoir déjà vu April. Je la voulais pour Be Mine. Il fallait que Cash accepte… Quand j’avais choisi Apolline, il n’avait cessé de me montrer à quel point il n’était pas d’accord.

Mais ici, il accepta directement disant que Be Mine lui était destinée. Ça m’arracha un frisson parce que Cash venait de traduire tout haut ce que je n’osais penser tout bas.

-Oui… Elle est parfaite…

Parfaite elle l’était autant pour le rôle qu’en général. Une contradiction qui n’était pas sans me rappeler ma relation avec Savannah ou même celle avec Ruby. Deux femmes que j’avais profondément aimées.

April finit par revenir avec de quoi manger. Je lui souris avant que Cash ne lui souhaite la bienvenue dans le train de Be Mine. Je regardais April qui n’avait, concrètement, pas encore dit si elle était d’accord ou pas. Mais je savais que si elle voyait l’enthousiasme de Cash et le mien, elle serait convaincue.

Et elle le fut. Ce qui donnait des réticences à April c’était la peur de ne pas être à la hauteur. Un manque de confiance en elle qui ne se voyait pas quand elle dansait.

-Tu seras à la hauteur, April. N’en doute pas une seule seconde.

Le doute était un ennemi. Si j’avais douté une seule seconde avant de partir de l’Indiana, je ne serais peut-être jamais parti. Et qui sait ce qu’il serait arrivé si j’étais resté là-bas…

Elle s’ouvrit alors une bière et je bus une gorgée de la mienne avant de sourire à April. Cash, lui, se posa une autre question importante même si la façon dont il la prononça me fit frissonner encore. Le clip de Be Mine était violent mais réaliste. Il parlait de l’homme que j’étais parfois… De l’homme que je regrettais d’être souvent.

Je fixai Cash.

-Samantha semble avoir trouvé un candidat. Elle doit le rencontrer bientôt. Je ne sais pas qui c’est mais j’ai confiance en Samantha.

Que River ne puisse pas participer était en même temps dommage et en même temps un soulagement. Ce type avait quelque chose qui n’allait pas. Il avait quelque chose de mal en lui. Je pouvais le sentir chaque fois que j’étais à proximité de lui. Mais il aurait été parfait pour représenter le Billy que je ne voulais plus être.

Je regardais April.

-Je ne sais pas qui sera ton partenaire… Sûrement un acteur mais je ne saurais pas dire qui… Dès que je le sais, on organisera une rencontre.

Je voulais que tout soit parfait dans les moindres détails.

@ Billy Lighter

April revint avec des bières et des chips, traînant derrière elle quelque chose que je plissai les yeux pour mieux voir… Quelque chose qui me semblait familier. Mais en premier lieu, sans arriver à vraiment voir.

Et puis, je lui souhaitai la bienvenue dans notre projet Be Mine !

Elle était parfaite. Elle était la petite-amie de Billy. C’était d’elle et de toutes les autres qu’il parlait dans cette chanson. D’elle lorsqu’un jour elle se retrouverait devant un Billy qu’elle ne connaissait peut-être pas encore.

Un Billy qui finirait par changer de mode et d’humeur. Un Billy qui ne saurait plus qui sont ses amis et qui sont ses ennemis. Un Billy qui s’attaquerait à ce qui est le plus lourd à porter, l’Amour.

Elle était parfaite.

Mais elle-même en doutait.

Ma bière en main, je la regardais toujours, laissant glisser mes doigts sur le piano. Billy lui répliqua qu’elle serait à la hauteur… Qu’elle ne devait pas douter. Le doute, c’était le monopole de Billy. Elle devait être sûre. Pour que Billy soit sûr aussi.

Pas l’inverse.

Billy n’est pas un pilier. Billy a besoin d’un pilier.

Jusqu’ici, j’étais le seul qui tenait.

J’ajoutai de ma voix inégale.

-Tu dois juste être toi.

Peu importait qui elle était. Elle devait être elle. Parce que ce n’était pas sa personne qui comptait. C’était ce que Billy y avait vu, ce qui l’avait lié à elle. Ce qui avait fait qu’il l’avait acceptée dans son univers.

Pour illustrer mieux comment il allait la traiter quand, comme toutes les autres, elle allait atteindre ses limites.

Restait à savoir qui allait représenter Billy lui-même, maintenant que River Moriarty était enfermé car il avait montré au monde ce que j’avais vu dès le départ… Ce que j’avais vu et qui m’avait fasciné autant qu’effrayé. Ce que j’avais vu et que j’avais voulu utiliser, à nos risques et périls.

Je me rallumai une cigarette, sans rien dire, quand Billy prononça le nom de Samantha. Je l’avais rencontrée une fois… Au mauvais moment, dans le mauvais contexte…

En train de marcher sur les plates-bandes de The Lightening… Et ce alors que d’autres femmes les avaient déjà piétinées sans scrupules.

Je soufflai ma fumée par mes narines en sifflant comme le Serpent, mes yeux braqués sur Billy qui avait confiance en la manager.

-Ça devrait être notre choix. Elle ne te connait pas comme nous on te connait.

Nous, nous savions que Billy pouvait être plus proche de Moriarty que de n’importe qui d’autres lorsqu’il s’emportait.

April allait l’apprendre aussi.

Et quand je la regardai à nouveau, ce fut pour voir ce que je n’étais pas arrivé à voir jusqu’ici.

L’aura noire qui nimbait Billy chaque matin quand il arrivait au studio.

Elle venait d’elle.

Elle était déjà en train de le salir. De le parasiter.

Je relevai mes lunettes de soleil, pour la regarder de mes yeux naturellement d’un noir profond. A la fois fasciné et effrayé à l’idée que Bailly ait à subir ça… Encore.

-Tu es définitivement la fille de Be Mine !

@ Billy Lighter

J’ai besoin de changer d’air, de reprendre ma vie en main avant qu’elle ne finisse par m’échapper complètement.  Je pensais que tout irais mieux une fois la maison de ma tante vidée et les funérailles passer mais de vivre jour après jour avec le vide laissé par son absence, devient de plus en plus pesant, malgré les efforts que je mets à accepter ce que je ne peux changer.

Tout est aller si vite, depuis que j’ai rencontré Billy que je ne peux faire autrement que d’avoir cette sensation troublante d’être assise sur une fusée. Je devrais être reconnaissante, et je le suis, mais il reste toujours cette ombre qui plane et qui fini toujours par m’atteindre alors que je me pensais à l’abri.

Ce soir, je souffle aussi fort que je peux pour chasser le nuage en me disant que je ne risque absolument rien à dire oui au projet de mon petit ami et de son groupe. Même, je dois y avoir une certaine marque de respect ou nommez-le comme vous le voulez mais Billy à pensée à moi, Cash est d’accord avec son choix, je ne peux qu’en être flattée et lever le nez sur une si belle aventure qui aura tout le mérite que de me changer définitivement les idées ne peut être que bienvenue.

Et de le dire à haute voix semble satisfaire mon petit ami qui ne tari pas d’éloge en répétant que je serai parfaite et à la hauteur des attentes alors que Cash, caché derrière ses lunettes de soleil, caresse les touches du piano en me conseillant, si tel est vraiment un conseil, d’être tout simplement moi.

C’est que… ce n’est pas facile que d’être moi en ce moment…mais je comprends le sens de sa phrase et je hoche de la tête à l’affirmative.

Billy parla de celui qui devrait être mon partenaire devant la caméra, un choix de leur manager, Samantha Mancini en qui il a confiance ce qui ne semble pas être le cas de Cash qui lui, targue qu’elle ne connait pas Billy comme eux le connaisse.

À ce moment là, ma tête fait des demi pivots de Billy à Cash, de Cash à Billy dans cet échange pour lequel je suis complètement larguée. Je sais pour avoir déjà parlé avec Billy qu’au départ, ce devait être l’acteur River Moriarty qui devait jouer le rôle et je ne lui ai pas caché que j’étais soulagé qu’il ne fasse plus partie du projet. Pour l’avoir vu uniquement à l’écran ce type me met drôlement mal à l’aise alors imaginez en vrai ?

Ça aurait pu mettre en péril le bon déroulement du tournage.

- je suis impatiente de le rencontrer. J’imagine qu’il faudra voir si la chimie est bonne entre nous deux.

Idéalement, il faudrait dégager quelque chose de vraiment fort à l’écran pour rendre les paroles de la chanson encore plus crédible, pour que l’impact soit fort et que la vidéo soit à la hauteur des attentes des fans qui l’attendent depuis très longtemps maintenant.

Tant de choses à penser, prévoir et planifier.

J’en suis à passer dans la tête, les noms des acteurs les plus en vogue de Los Angeles sans arriver à me fixer sur l’un d’eux. Il y en a tant ! En fait je crois que nous sommes tous les trois un peu perdus dans nos pensées respectives et je ne remarque pas tout de suite que Cash me fixe.

Son regard pourtant ne me quitte pas, je le vois, maintenant qu’il a relevés ses lunettes de soleil et que ses billes noires comme la nuit semblent me scruter jusqu’à l’âme. C’est inconfortable, détestable, c’est presque comme si je pouvais entendre le sifflement de sa langue retentir dans ma tête.

Ma respiration s’en trouve accélérée mais je suis incapable de lui dire de cesser de me regarder comme ça. C’est un peu comme s’il venait de me prendre au lasso et que je ne voyais plus comment m’en sortir. C’est lui qui, en quelque sorte, donne du leste à la corde en me disant que j’étais bel et bien la fille de Be Mine.

- Qu’est-ce qui te fais être certain que je suis la bonne ?

Je m’adresse à lui mais la question vaut aussi pour Billy. Ils sont convaincus que je serai à la hauteur mais j’aimerais bien savoir pourquoi.  Je ne voudrais pas avoir mérité cette chance uniquement parce que je suis la petite amie de Billy.

@ Billy Lighter

April doutait mais je savais qu’elle était la bonne et qu’elle sera à la hauteur. Je n’avais pas de doutes là-dessus. Je voulais qu’elle le sache et qu’elle prenne confiance pour illuminer l’écran quand tout sera mis en clip.

Parce que je pouvais déjà voir le clip en tête. Je pouvais déjà voir April bouger au rythme effréné de la chanson Be Mine. Tout était dans ma tête mais je savais que la difficulté était de faire prendre vie, en réalité, à ce que j’avais en tête.

Mais April m’aidera à ça. Cash lui disait qu’elle n’aurait qu’à être elle pour faire les choses bien. J’approuvai mon guitariste de la tête. Oui, April devra être elle et ne pas forcément jouer. Je ne cherchais pas réellement une actrice. Je cherchais quelqu’un qui pourrait vivre ce que je visualise dans ma tête.

Et April le pourra. Elle et personne d’autre.

On n’avait pas encore l’identité de celui qui jouera l’homme du clip. Le choix était entre les mains de Samantha en qui je commençais à avoir de plus en plus confiance. Elle n’était pas comme Watson… Elle faisait les choses pour The Lightening. Cash, lui, avait encore des doutes. Il disait que ce choix aurait dû être le nôtre.

Je soufflai la fumée regardant mon guitariste droit dans les yeux.

-Je sais qu’elle fera le bon choix. Elle pensera à des choses qu’on ne pense pas, j’en suis sûr.

Je ne voulais pas débattre sur Samantha avec Cash. On n’était pas d’accord et je ne voulais pas briser notre symbiose actuelle.

C’est pour ça que je revins sur April en souriant quand elle parla de l’acteur qui jouera avec elle dans le clip.

-Oui. On organisera une rencontre. Il faudra que ça fonctionne entre vous. Sinon, ça se verra à l’écran. Et je veux un clip parfait.

Et si la chimie ne fonctionne pas. On trouvera un autre acteur pour jouer l’homme. Parce qu’April, elle, était le choix indiscutable du casting.

Cash déclara à nouveau et sans lien avec ce qu’on venait de dire (mais bien avec mes pensées) qu’April était bien la fille de Be Mine. Il regardait intensément April qui elle, s’interrogea sur ce qui lui faisait penser qu’elle était bien la bonne.

Mon regard se détourna de Cash pour se poser sur ma petite-amie.

-Tu vis avec moi… La fille de Be Mine a vécu avec moi aussi en quelque sorte. Les paroles, c’est moi qui les ait écrites et seul quelqu’un qui m’est proche pourrait pouvoir jouer parfaitement cette fille.

C’était une explication pleine de non-dits, pleine de zone d’ombre que je ne voulais pas dire tout haut parce que j’avais du mal à les accepter moi-même.

-Et tu n’es pas une actrice… C’est un avantage. Une actrice aura tendance à vouloir jouer ça comme un travail sans réellement le vivre. Toi, tu pourras le vivre parce que tu n’es pas bridé par des codes d’acteurs.

C’était mon explication. Mais, au fond, le fait que c’était la bonne venait du fait que je sentais qu’elle était la bonne. Mais sans vouloir vraiment me l’expliquer même à moi-même.

@ Billy Lighter

La fumée de ma cigarette s’échappait lentement par mes narines tandis que Billy parlait de Samantha Mancini. Du bon choix qu’elle allait faire… De la confiance qu’il lui accordait. Tout ce qui aurait pu le protéger, Billy l’avait hurlé dans notre dernier album. Il l’avait évacué.

La magie de l’alchimie brisée, il n’avait plus rien, plus de colère, plus de haine et plus de frustration pour le protéger des harpies.

Et William n’apprenait pas vite.

C’était pour ça que la même histoire recommençait toujours au début. Une longue traversée d’un vide intersidéral, puis un problème, un événement qui réveillait la tempête Lighter qui invoquait alors The Lightening le temps de quelques éclairs… Puis le calme après la tempête…

C’était là que nous en étions… Au calme après la tempête. Juste avant le début d’un nouveau cycle.

Billy faisait confiance à Mancini. Très bien.

-Peut-être que ce sera elle qui signera la nouvelle tempête…

Mon regard avait dévié sur la fille de Be Mine ! quand elle s’était manifestée, espérant que l’entente soit bonne entre elle et l’acteur qui serait désigné. Que la chimie soit bonne entre eux… Que ça fonctionne entre eux. Je bus une gorgée de bière…

-Ou que vous ayez vraiment envie de vous en faire baver l’un l’autre.

Parce que c’était bien là le sujet du clip, de la chanson… Pas d’entente, pas de complicité… Que du dysfonctionnement.

Puis j’avais remarqué, j’avais senti que c’était elle qui mettait Billy d’humeur maussade… Qui rendait Billy triste. Qui lui faisait du mal par un amour trop envahissant. Un jeu dans lequel Billy aimait à se plonger.

Ce qui faisait d’elle, effectivement, la fille de Be Mine !… Et preuve en était qu’alors même que je lui faisais cette affirmation, mes yeux noirs plongés dans les siens, elle reposa la question. Sous une autre forme légèrement différente.

Qu’est-ce qui te fait croire que je suis la bonne ?

Faisant automatiquement planer un sentiment d’insécurité totale dans toute la villa. Je pouvais en voir clairement les volutes noires et vicieuses et je voyais aussi Billy les absorber comme une éponge. Billy devait être soutenu… Il ne pouvait pas soutenir cette fille. Et quand il allait s’en rendre compte…

…elle allait avoir mal.

Billy lui répondit… une réponse qu’il aurait pu sortir à un journaliste qui lui aurait posé la question.

J’attendis qu’il ait fini… Et donnai ma version de la réponse.

-Tu es la bonne… parce que tu n’auras pas besoin de jouer.

Parce qu’elle allait finir par vivre Be Mine !

Je fis retomber mes lunettes sur mon nez… Me coupant du monde… Me protégeant de ce que cette fille dégageait et que Billy avalait.

Et jouai sur le piano de Billy une mélodie sortie de nulle part.

@ Billy Lighter

L’opinion de Billy et celle de Cash diverge en ce qui concerne Samantha Mancini, leur manager, et non pas simplement parce qu’elle est nouvelle dans le portrait mais parce qu’elle est une femme, aussi bêtement que ça.  Leur dernier album n’a pas besoin de sous titre pour faire comprendre à qui veut bien l’entendre, qu’ils ont une dent, pour ne pas dire tout le dentier, contre la gente féminine.

Ils peuvent bien avoir toutes les raisons du monde d’en vouloir a certaines d’entre nous mais ce n’est pas une raison pour nous placer toutes dans le même panier, non ?

Enfin, qu’importe, j’ai surtout très hâte de savoir avec qui je partagerai l’écran. Il me semble que d’avoir une bonne chimie avec mon partenaire de jeu sera un atout, surtout que je n’ai jamais fait ça, jouer devant la caméra. Je ne voudrais pas que ma prestation ne rende pas bien et qu’on dise ensuite du clip tant attendu qu’il est mauvais.

C’est aussi l’opinion de Billy qui désir plus que tout que son projet soit parfait. On ne peut pas lui en vouloir de viser la perfection. Je suis cependant perplexe devant l’attitude de Cash qui se contente de commenter qu’on puisse simplement avoir envie de s’arracher la tête.

Il me cherche ou c’est que moi ?

- Bah, même pour en arriver à ça, il faut quand même s’entendre. Si ce n’est au moins que pour se coordonner et jouer sur le même ton.

Mais qui suis-je pour le contredire ?

Malgré l’enthousiasme de Billy, du moins, celui dont il est capable de faire preuve,  je  me questionne sur mes capacités à personnifier convenablement la fille dont il parle dans sa chanson.  Ce n’est quand même pas une ode à l’amour, pour dire vrai, c’est même un peu flippant de me faire dire que je suis vraiment la bonne.

L’explication de Billy me donne froid dans le dos, je ne peux pas le nier. Non plus que l’arrogance de Cash, sans vraiment en être, enfonce juste un petit peu plus le clou. Donc, je suis la bonne parce que je suis une salope qui fera souffrir Billy ? Non, attendez, j’ai mal compris…

Ou pas.

Je m’abstiens quand même de renchérir avec mes questions parce que je sens que ça pourrait irriter le célèbre musicien qui laisse ses doigts courir sur les notes d’ivoires. Je ne voudrais pas freiner un élan créatif et me prendre un retour de flamme.

Muette et songeuse, je glisse ma main dans celle de Billy, écoutant la mélodie magnifique qui naît au bout des doigts de Cash. Comment un homme si peu… trop… enfin comment il peut arriver lui à créer toute cette poésie ?

Au son du piano, je fini par me dire que tout ce qui compte, c’est ce qu’en pense Billy et la façon dont je ferai vivre le clip, que Cash en soit content ou non. Il a dit que j’étais la bonne et je lui prouverai qu’à l’écran, je saurai l’être.

Tournant la tête vers Billy, je lui souris et lui murmure :

- Je suis heureuse de vivre ce projet avec toi.

@ Billy Lighter