Alonso était remonté… Suffisamment remonté pour téléphoner directement à ma villa de Malibu. Il était rare quand Alonso me contactait. En générale, c’était moi qui le faisais à partir d’un restaurant ou l’autre sur la côte. Mais pas aujourd’hui.

Et si j’avais bien compris que cela ne signifiait rien de bon dès le départ, je n’imaginais pas à quel point avant qu’Alonso ne me fasse passer le message de la Casa Nuova. Un message venant de nul autre que Edward Fleming, ancien Los Diablos et homme de main d’Angelo Conti…

Et accessoirement, le plus dangereux parasite de Los Angeles.

Je tiquai en écoutant le récit d’Alonso. Le latino ne prononçait aucun nom, aucune information sensible clairement, mais nous savions nous comprendre.

« Ward », comme cette raclure aimait se faire nommer lui-même, n’avait pas hésité à s’en prendre à la jeune Isabel, protectrice numéro un des Pequeñas Manos. Une jeune femme de 17 ans… L’âge qu’avait Maritza lorsque je l’ai rencontrée à quelques pas à peine de la résidence actuelle des orphelins des Los Diablos.

Et la colère d’Alonso fut contagieuse, bien que contrairement à lui, qui affirmait s’en vouloir encore de ne pas avoir mené l’exécution de Fleming à bien, je restais totalement calme, vu de l’extérieur. Et ce bien que personne n’était là pour le voir. Frances était dans son propre bureau, John vaquait à ses occupation, ma mère était dans son annexe, probablement en train de lire un roman… Et ma belle Maritza était probablement sur le chemin du retour, à l’heure qu’il était.

-Cet enfoiré ne perd rien pour attendre ! Si je le tenais entre mes mains je le réduirais en miettes !

Je fronçai les sourcils et éloignai un rien le cornet de mon oreille.

-Je sais, mon ami.

Cette reconnaissance sembla l’apaiser un rien… ou tout du moins, il baissa le ton.

-Qu’est-ce qu’on fait ?

Je ne réfléchis qu’une seconde.

-Rapatrie les enfants. Qu’ils respectent absolument les conditions de nos concurrents.

Alonso essaya de m’anticiper.

-Très bien. Et nous irons remplacer les petits et ils verront de quel bois on se chauffe, ces macaronis à la con !

Je souris.

-Non. Vous n’approcherez pas plus la villa que les enfants.

Alonso se tut, il ne dit rien, mais je savais qu’il attendait maintenant de savoir quelles étaient mes instructions. Il me connaissait. Il savait quelle était ma façon de fonctionner.  Il savait aussi que si je n’approuvais pas son plan, c’était que j’en avais un meilleur.

-Tenez-vous à l’écart. Faites leur penser que leur tentative d’intimidation a fonctionné et pendant ce temps-là, je m’occupe de leur damer le pion.

Temporairement, tout du moins.

-Ok.

Je sentis un sourire autant que de la curiosité dans sa voix, mais il ne posa pas de question. Il savait qu’il finirait par savoir.

-Je t’enverrai ce qu’il faut afin que les meilleurs soins soient apportés à la jeune fille pour sa blessure suite à cet accident… Fais aussi le plein de nourriture, de jouets, de tout ce que nos petits auraient besoin. Et envoie-moi la note. Transmet-leur aussi toutes tes félicitations pour les services rendus.

Une fois qu’Alonso eut bien compris, je raccrochai. Mais uniquement pour mieux décrocher et composer un autre numéro.

-Erik ? Ici Jimmy. Pourriez-vous, s’il vous plait, me passer Daniele. Merci…

J’attendis un moment… Puis lorsque Daniele prit le cornet du téléphone, je n’y allai pas par quatre chemins, qu’il comprenne bien que j’étais sérieux.

-Emmène Anthony avec toi à Sydney.

@ Billy Lighter

J’allais bientôt devoir reprendre la route pour l’Australie – prochaine escale d’une tournée longue et fatigante. Putain, je n’aurais jamais imaginé pouvoir être aussi impatient à l’idée que ça se termine.

Il fallait dire que j’avais de nombreuses raisons – en dehors de la fatigue – pour espérer vouloir en finir vite. Cette raison était Samantha. Je ne pouvais pas l’emmener avec moi en Australie pour des raisons évidentes – son travail pour The Lightening et ses liens avec les Conti en faisaient partie. Pourtant – putain – qu’est-ce que j’aurais voulu qu’elle m’accompagne ! Seulement, tout était fait en sorte pour que rien ne soit facile.

Putain – pourquoi avait-il fallu qu’elle se marie avec Mario Conti… Pas que j’avais quelque chose contre Mario en particulier – je ne le connaissais quasi pas – mais contre le reste du clan, ça oui…

Mamma mia – ce n’était pas toujours facile d’être un Ricci. Surtout quand mon passé romain ou plutôt celui de mon père venait me rattraper.

Je méditais là-dessus sur un transat’ sur ma terrasse alors que Tony jouait au football dans le jardin. Il ne se passait plus de sa balle depuis qu’il avait montré ses exploits aux North – à croire que ce moment-là lui avait vraiment fait un déclic… Putain, j’espérais quand même qu’il n’allait pas finir simple footballeur… Ça serait quand même triste…

J’avais déjà bu quelques verres de whisky et j’étais sur le point d’en entamer un autre quand le ballon de cette vile – et horrible ! – créature de l’Enfer ne s’écrase précisément sur mon verre qui était tombé à terre se brisant en mille morceaux.

-Bastardo mio, tu pourrais pas faire attention ?!, m’exclamais-je en le foudroyant du regard.

Il avait sa tête d’innocent alors qu’il n’y avait que lui dans ce putain de jardin !!!

-C’est ta faute ! Ne fait pas l’innocent, dis-je en le pointant du doigt.

Vous savez ce qu’il a fait ?! Il m’a simplement ignoré en me tournant le dos pour aller gambader au fond du jardin – en faisant mine de suivre un oiseau ou je ne savais trop quoi.

-Cojone…, marmonnais-je.

Il me fallait Erik maintenant… J’étais sur le point de l’appeler mais il était venu lui-même.

-Vous avez un appel de Jimmy Reed, Monsieur, dit-il avant de constater les dégâts.

Amico mio ?

-Merci Erik…, dis-je en prenant le téléphone et en me levant pour laisser Erik nettoyer le bordel qu’avait fait cet – infâme – monstre. Salut amico mio, dis-je tout en quittant la terrasse pour marcher dans le jardin à l’écart d’Erik.

Il ne m’avait même pas salué. Il m’avait seulement dit d’emmener Tony avec moi à Sydney. Quoi ???

-Quoi ?!!, dis-je surpris. Pourquoi est-ce que je ferais ça, Jim ? Je n’ai pas du tout envie de faire ça !!

Après tant de questions, la pièce était tombée presque instantanément et avec elle étaient venues un tas de questionnements et d’inquiétudes.

-Qu’est-ce qu’il se passe, Jim ?! Il y a un problème ? Pourquoi tu me demande ça?, dis-je en parlant très vite.

Quelque chose n’allait pas et j’avais peur d’en savoir la cause.

@ Billy Lighter

Si cela avait été une blague, j’aurais sans doute ri. Mais c’était bien loin d’en être une. Pas plus que ce n’était une demande. C’était un ordre que je donnais à mon ami italien et un ordre qui pourrait bien faire la différence entre un véritable drame et le début d’une victoire dans une guerre de gangs qui commençait à couver.

Et avant de donner l’impulsion qui la ferait tout bonnement exploser, cette guerre, je comptais bien mettre à l’abri tous ceux qui pourraient être touchés. Or, pour le moment, la cible principale de la Casa Nuova était Daniele. Je me refusais à penser que les mafiosi puissent s’en prendre à un enfant qui venait à peine de passer du statut de bébé à celui de petit garçon.

-Je sais que tu n’en a pas envie, mais tu le feras. Emmène Erik avec toi aussi.

Mon ton était sûr, je surfais encore sur la vague d’instructions que je venais de donner à Alonso. Je ne savais pas alors que le prochain appel, lui, me ferait perdre une partie de mes moyens. Parce qu’il me toucherait en plein cœur et me ferait me rendre compte que si j’avais une solution temporaire pour les Ricci, je n’en avais aucune pour Maritza.

Mais forcément, mon ami sachant dans quoi nous traînions tous les deux, les liens n’étaient pas compliqués à faire pour lui. Et il se doutait bien que je ne lui ordonnais pas ça juste pour l’emmerder à jouer les papas gâteaux en pleine tournée.

Je soupirai aux questions légitimes de Daniele…

-Nous devons protéger nos enfants… Tout du moins le temps que j’évalue si le danger est réel.

Je marquai une pause, tiquant de l’œil gauche.

-Je veux qu’ils croient que leur plan a fonctionné et qu’ils se retrouvent bredouilles parce que tu seras à l’autre bout du monde. Mais une chose est sûre, ils ont décidé de passer à la vitesse supérieure.

Je grimaçai.

-Et ils ont dans leurs rangs un parasite qui en sait beaucoup trop.

@ Billy Lighter

Putain – Erik aussi ?! Je savais que si Jim me demandait ça c’était pour une bonne raison. Ce n’était pas son genre de vouloir s’immiscer dans ma vie privée en se donnant le droit de me dire quoi faire.

Il y avait autre chose et j’avais le désagréable sentiment de tout à fait savoir de quoi il en retournait.

Je m’étais enfoncé plus loin dans le jardin – pour être sûr qu’Erik ne puisse absolument rien n’entendre de cette conversation. Parce que si ça concernait la Casa Nuova – ce que je pensais bien que c’était le cas – il ne fallait pas qu’Erik ait la puce à l’oreille. Il ne savait encore rien des menaces d’Angelo et il ne fallait pas qu’il le sache.

Jim avait dit qu’il fallait protéger nos enfants – putain mais crache le morceau, amico mio ! Tu as peur des micros dans le téléphone ou quoi ?! Putain !

Le suspens était intenable – si bien que j’en avais des gestes nerveux et parasites.

Les paroles de Jim étaient floues mais j’avais pu comprendre qu’il s’agissait de la Casa Nuova. Un plan avait fonctionné mais la mafia de mon oncle avait décidé de passer à la vitesse supérieure. Sans compter qu’un homme d’Anglo en savait beaucoup trop.

-Putain, Jim !, dis-je en m’emballant un peu. Arrête de parler en omettant des choses ! Quel plan ?! Il y a un problème avec les gosses ?, demandais-je en faisant allusion aux gosses du gang de Jim qui tournaient autour de la maison. Et c’est quel parasite ? Il sait pour toi ?, demandais-je pour en savoir plus.

Ok – j’avais bien compris que si j’emmenais Tony et Erik, il n’y aura pas de problème pour l’instant. Seulement, je n’allais pas rester éternellement en Australie !

-Et qu’est-ce qu’on fera après, amico mio ?, dis-je en m’emballant un peu. Quand je reviendrais…

Je ne lui avais encore rien dit pour Samantha – qui était un autre problème dans l’équation. Il fallait d’abord que je tire un peu au clair tout ce bordel !

J’avais regardé vers Tony qui – insouciant – s’amusait à désherber ma pelouse. J’avais passé ma main sur mon visage en le regardant.

@ Billy Lighter

J’avais réussi à faire paniquer Daniele. En quelques mots, je venais de lui faire perdre tous ses moyens. Heureusement que je savais que ses problèmes d’addiction étaient en partie résolu et qu’il allait beaucoup mieux, en espérant que tout ça n’allait pas le faire replonger. J’avais assez à gérer que pour devoir m’occuper d’un junkie en plus !

Parce qu’il allait devoir assurer pour Tony s’il l’emmenait en Australie, et ce, même s’il emmenait Erik avec lui aussi.

Mais j’avais besoin que tout ce beau monde me débarrasse le plancher le temps que je puisse cogiter librement sans me soucier d’eux. Maritza allait revenir, j’aurai assez de tracas rien qu’avec elle.

Daniele haussa le ton, mais rien que le ton. Il ne parlait pas vraiment fort et je me doutais que son majordome ne devait pas être loin. Alors, faisant un énorme effort pour ne pas parler plus fort que lui, puisque moi, je risquais d’alerter Frances étant donné que hausser la voix était très loin d’être dans mes habitudes, je serrai les dents et répondis aux questions de mon ami.

-Je dois retirer mes petits et je ne peux pas les remplacer par les grands, Daniele. Je dois me replier pour mieux contre-attaquer sans mettre mes enfants en danger. Pour le bien de Tony, le tien et le mien. Parce que oui, le parasite dont je te parle est très au courant.

Fleming avait fait partie des Los Diablos bien avant que je n’en prenne le contrôle. Il était censé être mort aujourd’hui mais il avait échappé à la mise à mort que je lui avais réservée il y avait quelques années de ça.

-Je ne saurais plus te protéger pour l’instant.

Je passai une main sur mon visage, sans savoir qu’à l’autre bout du fil, Daniele faisait exactement le même geste alors qu’il me demandait ce que l’on ferait après. Car effectivement, la tournée n’allait pas durer indéfiniment…

-Espérons que j’aurai réglé le problème avant que la question ne se pose.

Je soupirai avant de faire le pire aveu de toute ma vie.

-Parce que je n’en ai aucune idée.

@ Billy Lighter

Ce coup de téléphone de Jim et son contenu ne faisait qu’ajouter une dimension inquiétante en plus à un problème déjà connu. Il ne pouvait plus faire garder ma maison pas ses gamins de l’Eastside – ce qui faisait que j’étais contraint d’emmener Erik et Tony avec moi en Australie. Putain, comme si je n’avais pas déjà assez d’inquiétudes par rapport à la Casa Nuova à travers Samantha que pour que Jim me dise que de son côté, ça n’allait pas non plus.

Il ne pouvait pas remplacer ses gamins par des plus grands – sans compter qu’il y avait un parasite qui en savait beaucoup trop. Il ne fallait pas que Jim soit mis à découvert – ça conduirait à sa perte – tout comme il ne fallait pas que je le sois non plus. Avoir une famille dans la mafia et avoir des liens avec une autre, ce n’était pas bon pour la réputation.

-Putain, amico mio, comment tu as pu laisser filer autant d’informations ?, dis-je en faisant référence au parasite.

Ce n’était pas le genre de Jim – il était méfiant, limite paranoïaque. Pourtant, il y avait bien une putain de fuite qui donnait des avantages sérieux à Angelo.

On aurait pu croire que j’en voulais à Jim mais – en réalité – j’étais seulement inquiet pour ne pas dire angoissé. Car si, en Australie, j’étais sûr que Tony serait à l’abri, j’allais quand même devoir revenir ! Jim était bien au courant et espérait que tout sera réglé avant. J’avais soupiré… Seulement, le pire résidait dans le dernier aveu de Jim. Il n’avait aucune idée de ce qu’il allait faire si le problème n’était pas réglé à mon retour.

Je m’étais arrêté de faire les cent pas dans le jardin – un rien choqué par l’aveu de Jim. Ce n’était pas son genre de ne pas avoir du plan et d’être à court d’idées.

-Putain…, soufflais-je secoué par l’aveu d’impuissance de mon meilleur ami.

Il y avait eu un silence. Jim avait jeté un froid… Seulement, j’avais encore des choses à dire et pas des moindres.

-Jim… On n’a pas que ça comme problème, dis-je en poussant un soupire. Tu vois, Samantha Mancini ? La manager adjointe de The Lightening ? C’est une de mes exs de quand j’étais jeune et que j’étais encore à Rome. Je l’ai revue à mon anniversaire et on s’est remis ensemble, dis-je en expliquant ça très rapidement à Jim avant de soupirer. Seulement, c’est aussi l’ex-belle-fille d’Angelo. Si elle est ici c’est parce qu’Angelo est ici et qu’elle est lié bien malgré elle à la Casa Nuova. J’ai promis de trouver un moyen de la sortir de là et je lui ai dit qu’en attendant elle devait faire profil bas et faire croire à Angelo que rien n’a changé…

J’avais marqué une pause pour laisser le temps à Jim de digérer l’histoire que je lui racontais sans détail et en allant assez vite – je n’avais pas le temps de me perdre dans des détails que Jim aurait trouvé superflus.

-Le problème c’est que Samantha a voulu me protéger et qu’elle a passé un deal il y a un temps avec un des soldats d’Angelo. Le deal c’est elle contre ma protection… Ce qui signifie, amico mio, que je dois la sortir de là le plus vite possible, dis-je en parlant toujours très vite parce que je n’avais aucune solution là non plus. Je sais que je ne pourrais rien faire avant mon retour et Samantha dit qu’elle pourra encore faire attendre le soldat d’Angelo mais rien n’est moins sûr. Il lui fout le jeton.

Je ne pouvais pas laisser Samantha aux mains de mon oncle – et de ses soldats – trop longtemps. Elle était en danger même si elle gardait sa « couverture ».

@ Billy Lighter

J'appuyai fort sur mes paupières de mes doigts comme si j'avais réellement envie de me faire renter les yeux dans les orbites. Je n'avais qu'une solution temporaire à offrir à Daniele et encore, si on pouvait appeler ça une solution. Mais c'était tout ce que j'avais, si toutefois je voulais à la fois protéger Daniele, Tony, Erik et les Pequenas Manos.

Quant à son retour, je n'avais aucune idée de comment nous allions le gérer... Pas encore, cela ne voulait pas dire que je ne finirais pas par avoir un plan. Après tout, ce n'était pas comme si j'avais encore vraiment eu le temps de refroidir et de cogiter: j'avais appelé Daniele directement après avoir raccroché avec Alonso.

Daniele, lui, se demandait comment j'avais pu laisser filer autant d'informations. Je serrai les dents et grommelai:

-Je ne les ai pas laissées filer, Daniele. J'ai voulu les supprimer avant qu'elles ne m'échappent. J'ai raté mon coup et ensuite, je n'ai plus vraiment eu l'occasion de le faire parce que ces petites infos savaient exactement où aller pour ne pas être effacées.

Droit dans la Casa Nuova, et pas au bas de l'échelle, Fleming avait probablement négocié sa place au vu de la valeur desdites informations.

Il y avait eu un long blanc, comme si nous cherchions en silence et chacun de notre côté une éventuelle illumination. A ceci près que plutôt que de m'éclairer, Daniele me fit sombrer encore plus dans des ténèbres dont j'avais de moins en moins l'impression que j'allais me sortir indemne.

Cela faisait partie du jeu et je le savais. Mais je n'avais pas l'habitude de perdre, par contre.

Je soupirai fortement avant que l'Italien ne m'énonce son problème. Un soupire qui était aussi une invitation à continuer, puisque de toute façon au point où on en était.

Sauf que... Sauf que je m'étais attendu à tout sauf à ce que Daniele m'avoua. Je rouvris les yeux et arrêtai littéralement de respirer jusqu'à ce qu'il ait fini de parler. Mon regard était plongé dans le vide, mes yeux écarquillés et mon cœur allait finir par être aussi en forme que celui de mon interlocuteur, à ce rythme-là...

Il y eut à nouveau un long silence, le temps que je me passe et me repasse, de mémoire, ce que Daniele venait de dire.

Bien sûr que je voyais qui était Samantha Mancini... mais je ne voyais que la manager de The Lightening. Son lien avec les Conti et la Casa Nuova, Daniele me l'apprenait à l'instant.

Je finis par respirer en prenant une bonne inspiration. Ma main était tellement serrée sur le cornet du téléphone que mes jointures en étaient blanches.

Et de ma voix naturellement profonde, je finis par dire très calmement.

-Peux-tu lui faire confiance, Daniele? Peux-tu vraiment?

Ce n'était pas une véritable question, c'était la prélude à une mise en garde.

-Parce que je peux te protéger de beaucoup de chose, Daniele, mais pas de l'aveuglement provoqué par l'amour.

Mais je ne comptais pas le dissuader de fréquenter cette femme, il était grand assez pour savoir ce qu'il faisait. Et s'il se faisait tuer par une menace venant de l'intérieur, il ne pourrait s'en vouloir qu'à lui-même.

Et d'un autre côté, quelque chose en moi espérais fermement que Daniele voit juste, que son instinct ne le trompe pas et que cette femme lui dise la vérité et ne lui ait pas tendu un piège avec une histoire qui tombait tout de même à point nommé.

La conversation que nous avions était déjà corrompue, bien que je doutais très fort que nous soyons mis sur écoute. Il n'y avait aucune suspicion planant sur moi. Pas à ma connaissance, pas jusqu'ici.

-Et le nom du soldat d'Angelo qui la menace. Celui avec qui elle a passé un deal. Je le veux.

Parce que je n'en voyais qu'un qui pouvait faire un deal aussi malsain avec une jeune femme. Le même qui avait cassé le poignet d'une enfant pour appuyer une menace.

@ Billy Lighter

Malgré sa prudence, Jim avait laissé filer des informations importantes ! Il s’était défendu. Il avait dit qu’il avait essayé de supprimer les informations avant qu’elle ne lui échappe – traduisez ça par « éliminer le parasite » - mais qu’il avait échoué.

-Putain, Jim…, dis-je en soupirant.

Putain, la situation n’était pas des plus plaisante – elle était même très grave… Je n’avais plus personne pour protéger les alentours de la villa d’une possible attaque d’Angelo sur Tony – Tony qui était loin d’être en âge de pouvoir faire face à n’importe quelle menace ! Ça me contraignait de devoir le prendre en tournée mais le pire – oui, il y avait pire ! – c’était que Jim n’avait pas encore de plan pour quand je reviendrais à Los Angeles !

Etre au pied du mur, c’était quelque chose de rare – autant pour moi que pour Jim. Pourtant nous en étions là… Angelo avait bien manigancé son coup. Il avait été patient et sa patience était récompensée. Sans compter qu’il y avait Samantha.

C’est d’elle que j’avais parlé à Jim. C’était une autre donnée dans cette équation déjà bien trop complexe. Je ne pouvais pas la laisser entre les mains de mon oncle – c’était bien trop dangereux pour elle. Le deal avec le soldat d’Angelo étant ce qui m’inquiétait le plus.

Putain – nous étions dans la merde !

J’avais entendu l’inspiration de Jim – je savais quelle question il allait poser juste après. Il allait se demander si Samantha était digne de confiance.

J’avais visé juste – amico mio m’avait posé précisément cette question-là. Je ne pouvais pas le blâmer – il se méfiait des femmes comme de la peste. Il se méfiait même de l’amour comme de la peste.

-Oui je le peux, dis-je sûr de moi. Je connais Samantha. Je sais exactement comment elle est. Son histoire tient la route… Elle n’aurait eu aucun intérêt à venir me dire la vérité chez moi. Puis, elle n’est pas comme eux, dis-je en faisant référence aux Conti.

Samantha avait plus que toute ma confiance. Je l’aimais et je savais que Jim comprendrait – il avait lui-même une femme dans sa vie. Elle était aussi son amour de jeunesse alors je comptais sur une peu de bon sens – et de compréhension – de sa part !

Jim voulait – maintenant – le nom du soldat d’Angelo avec qui Sammy avait passé le deal.

Putain !!

-Euh…, dis-je en m’arrêtant de faire les cent pas dans le jardin. Je ne sais pas, amico mio. Elle ne me l’a pas dit… Elle m’a juste dit que c’était le plus terrible. Je sais ça n’aide pas à savoir son nom, dis-je en faisant la moue.

Samantha avait oublié de me le dire – ou elle avait tellement peur de lui qu’elle n’avait pas osé me le dire.

-J’étais tellement pris par toutes ces conneries que j’ai oublié de demander, putain !, dis-je en serrant les dents Il faut dire qu’elle ne pouvait pas vraiment trop rester chez moi. Elle est plus en sécurité si elle ne joue pas avec le feu. Si Angelo sait qu’elle sort avec moi, il l’éliminera.

J’en étais sûr – Angelo était loin d’être un enfant de chœur.

-Putain, amico mio. Je n’ai aucune idée de comment la sortir de là, dis-je en soupirant.

@ Billy Lighter

Dany était certain de pouvoir faire confiance à cette femme, cette Samantha Mancini. Le contraire m’aurait étonné. Je connaissais Daniele, je savais que lorsqu’il était amoureux, il était bien différent de moi, un amoureux transit dans toute sa splendeur, show à l’italienne en prime. Quand moi, amoureux également, j’essayais désespérément de me battre contre moi-même et contre ce sentiment qui me faisait extrêmement peur, faisant de Maritza le dommage collatéral d’un combat intérieur qui ne prendrait sans doute jamais fin. Et que j’avais pourtant perdu d’avance tant j’aimais Maritza.

Pour faire simple : Daniele était amoureux de Samantha, donc il lui faisait une confiance aveugle. J’étais amoureux de Maritza, donc je m’en méfiais comme de la peste.

Deux façons complètement différentes de fonctionner.

Parce que selon moi, l’amour tronque notre jugement.

Mais quand je lui demandai le nom du soldat d’Angelo, celui qui avait menacé cette Samantha, Daniele fut incapable de me répondre.

Elle ne lui avait pas donné l’information. Pourquoi ne la lui avait-elle pas donnée, hein ?

Si j’avais eu pleine confiance en moi, si j’avais encore été dans ma zone de confort, j’aurai ricané et jeté une réplique cinglante à Daniele au sujet de la confiance et de l’amour. Mais ce n’était pas le cas. Alors je me mordis simplement la lèvre, mon cœur augmentant encore le rythme de ses battements alors que j’imaginais déjà cette femme le poignarder dans le dos au nom d’Angelo pendant son sommeil.

Certes, son histoire tenait la route. Mais j’étais bien placé pour savoir que tout bon mensonge se base sur une part e vérité.

Elle était probablement menacée par les Conti, je n’en doutais pas. Peut-être même était-elle amoureuse de Daniele également. C’était possible. Mais peut-être que sa mission à elle était de supprimer Daniele, en échange d’avoir la vie sauve elle-même.

Au point où nous en étions, tous les scénarios étaient possibles et je ne voulais fermer les yeux sur aucune des possibilités.  

Ni sur la possibilité que le plus terrible soldat d’Angelo soit Ward Fleming.

Daniele, lui, se perdait dans tout ça, oubliant Tony, s’oubliant lui-même, focalisé sur cette femme. Voilà par quoi les femmes nous tiennent et nous manipulent depuis la nuit des temps : l’amour… Au point de nous y perdre en nous rendant accro à elles.

Je m’empressai de recadrer Daniele qui semblait pris de logorrhée, inquiet de ne pas savoir comment la sortir de là.

-Nous allons commencer par NOUS sortir de là. Ensuite, nous verrons.

@ Billy Lighter