On était le lendemain… Après une journée à être resté, ensemble, au lit, on était maintenant le lendemain. J’aurais voulu rester hier jusqu’à la fin des temps mais le temps ne pouvait pas s’arrêter comme ça.

Je savais qu’il avait l’art de tourner bien trop vite quand on ne le voulait pas qu’il tourne et bien trop lentement quand on voulait qu’il tourne. Et je détestais cette impression de n’avoir aucune emprise sur lui.

Pourtant le matin était bien là et on devait sortir. Sortir pour montrer que tout allait bien. Sortir pour montrer aux gens que ce qu’ils avaient entendu n’avait rien de véridique... Et si, au fond de moi, je pensais bien que ce qu’il s’était passé était moins pire que ce que racontaient les médias, une petite voix dans ma tête me dit, pourtant, que les choses avaient été bien pires.

Mais je ne m’en rappelais plus bien. Plus les heures avançaient plus le souvenir d’avant-hier était flou.

J’avais ouvert les yeux à 4h du matin et j’étais resté fixe dans mon lit à regarder le plafond jusqu’à 9h. C’est à cette heure-là que j’avais réveillé April.

-Il faut qu’on sorte.

C’était la première chose que je lui avais dit avant, d’effectivement, sortir du lit. Je m’étais lavé, habillé et j’avais dû troquer des habits incognitos pour les habits qui se voyaient. Pourquoi ? Parce qu’il fallait qu’on soit vu… Et c’était bien ça ma hantise du jour. D’être vu. Parce que je ne voulais pas être vu. Pourtant, il le fallait.

Alors, je n’avais fait aucune coloration. Je n’avais pas, non plus, attaché mes cheveux… Je m’étais habillé pour qu’on voie très bien qui j’étais.

J’avais laissé April se préparer aussi et j’avais proposé qu’on aille, en premier lieu, au restaurant pour manger à midi. Après ça, on pourra aller ailleurs avant de revenir ici. Mais je savais que le restaurant était le meilleur endroit pour montrer qu’on s’aimait. C’était mieux qu’un bar…

Je ne voulais pas aller dans un bar.

Alors, on embarqua dans la voiture. J’avais eu très peu de geste tendre envers April. J’étais pétrifié par la peur de ce qui allait nous arriver aujourd’hui. J’imaginais déjà une marée de journaliste nous attendant devant le restaurant. Même si c’était impossible qu’ils sachent où on allait aller aujourd’hui.

Je conduisis lentement… De peur d’arriver trop vite. Je regardais, toujours, d’un air craintif, dans les rétroviseurs. Comme si je m’attendais à être suivi. Ce qui n’était, évidemment, pas le cas.

-Tu veux aller dans quel restaurant ? Tu préfères manger Italien ou autre chose ? Qu’est-ce que tu voudras faire après le restaurant ?

Je savais qu’April avait un très petit appétit. Pourtant, je ne pouvais m’empêcher de, quand même, lui poser la question. Je voulais montrer que tout allait bien. Même à nous même je voulais lui montrer que tout allait bien même si mon cerveau me criait l’inverse.

-Non ! Je sais ce qu’on va faire ! On va aller au parc… Il y a des hot-dog. Je préfère le parc.

J’avais changé de direction prenant celle du parc. Il y avait plus de monde au parc. Plus de chance d’être vu. C’était comme combattre le mal par le mal.

-Et après le parc, on ira où tu voudras.

En espérait que le « où » était chez nous…

@ Billy Lighter

Je n’ai fait que me tourner et me retourner dans notre lit toute la nuit, me repassant tous les évènements dans ma tête comme un très mauvais film et en me répétant que ça ne se pouvait pas que notre histoire qui avait connu de si beaux moments, aie pu descendre aussi bas. J’aime Billy de tout mon cœur, il n’y a aucun doute là-dessus, cependant, peut-être que je l’aime mal, ou pas de la bonne façon et, à force d’y réfléchir, j’en suis venue à me dire que c’était la même chose pour lui. Autrement dit, nous nous aimons autant que nous nous faisons du mal et ni lui ni moi ne savons comment redresser la situation.

Billy n’a pas un passé amoureux très glorieux. Sans avoir été dans le secret de ses confidences, parce que mon petit ami reste assez vague sur ses anciennes relations, ne se contentant de me dire ce que tout le monde a déjà pu apprendre d’une façon où d’une autre, je sais qu’il a beaucoup souffert en amour alors que de mon côté, il est mon premier vrai amour.  J’ai eu quelques fréquentations mais toutes se sont terminées avant d’atteindre la première base. Je n’ai pas de repère, je ne sais pas comment me comporter, ce qui doit se dire ou non. Billy est mon premier dans tout.

En ce moment, j’ai peur que notre histoire soit scindée en deux. Le avant mon mensonge et le après.  Ce serait horrible que nous vivions toute notre vie de couple avec ce fantôme, d’autant plus que les gens ont déjà commencés à en parler. Notre fantôme ne nous appartient même plus ! Nous n’avons même pas eu le temps de se l’approprié, pour l’exorciser,  s’en débarrasser. Non au lieu de ça, il va continuer de planer dans le regard et le murmure de tous et chacun.

Quand j’ai ouvert les yeux, je me rendis compte que j’avais finalement réussis à m’endormir, mais qu’au moment où j’ai dû m’assoupir, c’est celui où Billy lui a dû commencer à ruminer.  Je lui souris doucement, avec un regard plein de compassion et de désolation, un regard que je sais qu’il déteste mais dont je suis incapable de me défaire en ce moment.

Je me levais, et quand il fut sortit de la salle de bain, je pris le relais, me préparant à faire face à la musique.  Il allait faire chaud aujourd’hui, je le sentais. J’enfilais une robe soleil, légère qui dévoilais mon dos, mes jambes et mes bras. Je voulais qu’on voit que je n’arborais aucune marque, sauf celle sur mon visage, celle laissé par ma maladresse lorsque je m’étais pris les pieds dans le tapis du salon et cogné la tête contre la table.  Je remontais même mes cheveux pour dégager ma nuque.

Billy, dans la voiture, suggéra que nous allions dans un restaurant et j’acceptais d’un signe de la tête. Tant qu’on nous voyait ensemble et  amoureux. Comme je ne mangeais que très peu, l’endroit me m’importait pas vraiment alors j’allais lui dire que l’Italien m’allait très bien mais il changea d’idée et proposa des hot dog au parc. Il changea donc de direction et, une fois la voiture stationnée près du parc, nous en étions sortit et, main dans la main, avons marché jusqu’au stand à hot dog en silence. Je le sentais tendu et moi, je réfléchissais à où aller ensuite. Il y avait tant d’endroit, mais aucun ne me semblait idéal. Je préférerais retourner à la maison mais ce serait contre productif, nous avions une mission et il fallait la remplir, jusqu’au bout. Se cacher donnerait raison à tous ceux qui se donnent le droit de commenter notre vie.

Il y avait des joggeurs, des petits familles qui se lançaient la balles et d’autres qui ne faisaient que prendre du bon temps au soleil.  Il n’y avait pas foule, c’était juste correct pour un premier pas dans la société. Avec Billy, on se plaçait à un endroit stratégique pour être vu sans non plus être en plein centre de l’attention et je me rapprochais de puis pour appuyer ma tête contre ton épaule.  J’avais encore cette boule au ventre, comme un nœud formé de ma peur, de ma colère et de mon chagrin mais il ne m’étouffait plus autant.  Il fallait passer par-dessus pour  que nous puissions recommencer à vivre.

- Ici, nous sommes bien. Ça va aller…

Je lui murmurais alors même que si je lui aurais parlé à voix haute, personne ne nous aurait entendu mais c’était comme si je suspectais tout le monde de savoir nous entendre, même a distance ou alors d’être capable de lire sur les lèvres. Je me sentais devenir parano, il ne fallait pas que je me laisse envahir par ce sentiment autrement…

- Regarde, ce jeune garçon s’approche de nous avec son ballon…

Je n’allais quand même pas craindre un garçon d’environ  ans ?  Mon cœur pourtant s’emballait  et je sentais mes mains se glacer.  Il fallait que je respirer, que je me calme et, quand il fut tout près de nous et qu’il ouvrit la bouche pour parler, je cru que ma tête allait exploser!  

- Dites, je peux avoir votre autographe ?

Nerveusement, je rigolais ! Il y avait encore des gens pour faire la part des choses, où qui n’avait tout simplement pas eu le temps d’ouvrir la radio encore. Plus loin, le papa du jeune garçon regardait, ça se voyait que c’était lui qui voulait la signature de Billy mais qu’il avait envoyer son fils quémander probablement en se disant que ça passerait mieux ou je ne sais pas. Peut-on vraiment refuser quelque chose à un enfant aussi charmant ?  C’était un premier contact avec l’extérieur et il se passait plutôt bien.

@ Billy Lighter

Ce qui devait être une sortie au restaurant se transforma bien vite en une sortie au parc. J’avais changé d’avis en cours de route bifurquant un peu brutalement d’une rue à l’autre. Si l’Italien aurait convenu à April, il semblerait que ça soit la même chose pour le hot-dog. Même si je savais qu’au final, elle ne mangerait pas grand-chose, voire même rien du tout.

Quant à ce qu’on ferait après. Je la laissais se pencher sur la question sans vraiment lui demander une réponse tout de suite. Je savais que ma seule envie était, déjà, de rentrer mais je savais aussi qu’on était sorti dehors pour une raison précise.

Alors il fallait rester dehors au moins un petit moment. Le moment suffisant pour que tout le monde se rende compte que tout allait bien entre moi et April. Que jamais je ne lui ferais de mal. Jamais. D’ailleurs, April avait, sur elle, une robe qui laissait, à la vue de tous, beaucoup de sa peau immaculée. Aucun bleu… Hormis celui dans sa figure. Preuve que je ne l’avais pas frappé.

Quand on arriva au parc, on se prit par la main. Était-ce une réflexion ? Je le crois… Mais je me suis senti, aussi, comme obligé de lui prendre la main comme pour forcer le trait.

Je détestais ce sentiment d’être épié… Je détestais ce sentiment qui me poussait à devoir, constamment, me justifier. Comme si L.A. était mon tribunal et que chaque fois que je faisais quelque chose de mal à sa vue, je devais rendre des comptes.

On marcha jusqu’au stand à hot-dog où je nous pris de quoi manger. Après ça, on se plaça à terre sur l’herbe verte du parc… Ni trop près, ni trop loin des gens.

Je n’aimais pas être là… J’appréciais m’asseoir au milieu du parc… Mais uniquement quand le parc était vide. Sinon, je me sentais constamment surveillé.

J’étais constamment surveillé.

Mais je me détendis un peu quand April appuya sa tête contre mon épaule. Je mordis dans mon hot-dog alors qu’elle murmura que ça allait aller.

-Oui. Ça va aller…

J’essayais de m’en convaincre en murmurant à mon tour. Comme si j’avais peur que cette simple face soit un aveu de faiblesse et que L.A. m’entende.

Et soudain, je sentis April comme ce tendre… Ce qui me fit me tendre aussi alors qu’elle annonçait qu’un petit garçon venait vers nous.

Et il venait bien vers nous avec son ballon sous le bras.

Mais la vision même de ce petit garçon me fit me détendre. Les enfants, contrairement aux adultes, avait l’art de me mettre à l’aise. Pour moi, aucun enfant n’était capable de faire du mal. Ils étaient innocents. Alors, je n’avais pas peur de ce petit garçon.

-Oui. Ce n’est qu’un petit garçon.

Et quand il s’arrêta devant moi, je lui souris. Il voulait un autographe. Mon regarda se posa alors plus loin derrière lui où se trouvait un homme qui regardant le petit avec un sourire. Son père sans doute… Est-ce qu’il avait envoyé le petit cherché un autographe pour lui ? On dirait bien…

Je n’aimais pas ça…

Mais, quelque part, je préférais avoir le gamin devant moi plutôt que le père. Alors si j’envoyai un regard rempli de reproche au père, je souris à nouveau au petit garçon.

-Bien sûr. Tu t’appelles comment ?

J’allais mettre le nom du petit sur l’autographe… Ainsi sa sera un autographe rien que pour lui et non pour son père.

Le petit sourit.

-William.

William…

Mon sourire disparut brièvement. William, c’était mon nom aussi. Un nom que j’avais préféré oublié.

-William…

Je soufflai ça alors que le petit tendit un carnet et un stylo… Si mon cœur s’était emballé, je me repris en me raclant la gorge avant d’écrire sur la feuille :

Autographe a écrit:

Pour William de la part de Billy Lighter…

Et je signais, juste après avant de tendre le carnet au petit.

-Tiens…

Il me remercia avant de rejoindre son père d’un air triomphant. Je me tournai alors vers April.

-William… Il s’appelle comme moi… Enfin, comme je m’appelais avant. Quand j’étais dans l’Indiana…

Je ne savais pas pourquoi je disais ça. Peut-être parce que j’aimais April et que ce que je venais de ressentir, je ne pouvais pas le garder pour moi.

-J’ai appris à détester ce prénom. C’est pour ça que je me suis toujours présenter sous le nom Billy une fois arrivé à L.A.. William, c’était le gamin que j’étais. Un gamin qui avait toujours peur et qui n’était pas capable de faire face.

Je croyais avoir bien changé… Pourtant, au fond, je savais que j’étais toujours lui. Ma peur de me retrouver dans ce parc en était la preuve.  

@ Billy Lighter

Nous étions finalement installés au parc, avec chacun nos repas hot dog et il ne suffisait maintenant qu’à passer du bon temps et espérer qu’assez de gens nous voient et comprennent que notre couple allait bien et qu’il n’y avait rien de vrai dans les ragots racontés à notre sujet. Seulement, il n’y avait rien de naturel dans notre conduite, nous étions tous les deux mal à l’aise de devoir s’exposer. Je préférais, et de loin, vivre loin des regards des autres et je me voyais contrainte de me placer sous les projecteurs uniquement pour que, justement, Billy et moi puissions recommencer à vivre tranquillement.

Je jouais avec ma nourriture, plus que je ne mangeais, de toute manière, je n’aurais su avaler quoi que ce soit.  Je reposais donc mon repas et appuyais ma tête contre l’épaule de Billy en espérant que le temps passe et que bientôt nous puissions rentrer à la maison. Rien ici ne pourrait menacer notre tranquillité, je n’avais qu’à me détendre et attendre.

C’est un petit garçon, cependant, qui s’approcha de nous, armé de son ballon sous le bras, qui me fit me raidir, ce qui était parfaitement ridicule, quand on y pense. Billy avait raison, ce n’était qu’un petit garçon.  Un petit garçon qui demanda gentiment un autographe bien qu’il sembla ne pas être pour lui, mais plutôt pour son père qui regardait en notre direction et qui ne semblait pas trop vouloir s’approcher ? Et pourquoi demeurait-il à distance ? Parce qu’il avait entendu les rumeurs à la radio, lui aussi ? Ou tout simplement parce qu’il est vraiment fan de Billy Lighter et The Lighteninget qu’il n’ose pas s’approche parce qu’il ne saurait pas quoi dire et que, donc, il cru que ce serait plus facile s’il envoyait son gamin ?

Je devais croire qu’il s’agissait de la seconde option.

Je me redressais donc, laissant Billy prendre le calepin et le style que lui tendait le petit garçon et je laissais gribouiller un petit mot puis sa signature.

- Il était mignon.

Le petit garçon était visiblement fier d’avoir obtenu la précieuse signature, puis s’en alla rejoindre son père plus loin. Billy m’expliqua alors que William était son véritable prénom, celui qu’il arborait avant dans l’Indiana.  Je passais délicatement ma main sur son visage et replaçais ses cheveux tout en regardant ses beaux grands yeux dans lesquels je pouvais y voir tant de mélancolie.

- Je peux te demander pourquoi tu déteste ton prénom ?

Je ne savais pas grand-chose au sujet de Billy, il laissait toujours filtrer les informations au compte goutte et, je me disais que, peut-être si j’en savais plus, je saurais mieux comment il peut réagir. Ou pas. Il n’y avait peut-être pas de lien.

- Tu avais peur de quoi ?

Nous avions tous les deux, de toute évidence, beaucoup de démon cachés dans notre passé. Pour nous deux, l’enfance n’avait pas été forcément joyeuse. Nous étions marqués et avions apprit à vivre sans réellement cicatriser, dans mon cas, j’avais apprit à vivre avec mes blessures et à les refouler pour ne pas me laisser pourrir par elle seulement, ce n’était pas une réussite tous les jours.

@ Billy Lighter

C'est non sans me remémorer les horribles souvenirs de l’Indiana que j'avais signé l’autographe du petit garçon qui avait été envoyé par son lâche de père. Je ne pouvais, pourtant, pas refuser de signer ça pour le petit parce que je ne voulais pas que, lui, soit déçu.

Mais quand il déclara s’appeler William, ça me fit mal. Une douleur inexplicable. Pourtant, ce n'était qu'un nom. Un nom qui avait une trop grande signification pour moi. Un nom qui m'avait été donné par mes parents et que j'avais changé une fois débarqué dans ma nouvelle vie à Los Angeles. Pour faire table rase d'un passé qui m'avait marqué à jamais.

Quand le petit s'en alla très fier d'avoir obtenu ce qu'il voulait pour son père, je ne pus m'empêcher de me demander si sa vie, à ce petit William, était la même que le petit William que j'avais été. De l'extérieur on pouvait s'imaginer que non... Mais je savais qu'en général, les apparences étaient trompeuses. Parce que les gens, quand ils étaient au milieu d’autres gens faisaient en sorte de projeter l'imagine qu'ils voulaient.

Et en pensant à ça, je ne pus que penser à April et moi... Une pensée que je chassai en secouant la tête. Non. April et moi, on s'aimait. Ce qu'on montrait était réel.

C'est d'ailleurs elle qui me sortit de mes pensées angoissantes en disant que le petit était mignon. Je souris d'un faible sourire.

-Oui, il l'est.

Et je ne pus m'empêcher de dire à April qu'autrefois, je m'appelais comme ce petit. Je devais le dire. Je ne pouvais pas garder ça à l'intérieur de moi.

Alors April demanda pourquoi je détestais tant mon vrai prénom. Avec elle, je n'avais jamais parlé de mon passé dans l’Indiana. Je la regardai soupirant avant de regarder dans le vide.

-Parce qu'il représente mon passé là-bas… Dans l'Indiana.

Et elle demanda de quoi j'avais peur... La question même me fit frissonner à la fois de peur et de honte... Je pris un temps avant de relever la tête pour regarder April.

-De mon père...

J'en avais peur de lui quand j'étais petit. Peur au point que je me cachais dans le placard sous l'escalier chaque fois qu'il se mettait en colère.

-Il nous frappait ma mère et moi. Chaque fois qu'il était en colère, il nous frappait... Au début, quand il se mettait à frapper ma mère, je me mettais entre lui et elle et il s'en prenait à moi... J'ai arrêté le jour où j'étais assez grand pour me rendre compte que quand lui s'en prenait à moi, ma mère ne faisait que regarder sans bouger.

Elle ne m'avait jamais protégé. Jamais.

-Quand j'étais enfant, j'avais peur de lui... Et j'ai fini par penser que ce qu'il faisait était normal parce que, là où j'habitais, tout le monde ou presque trouvait que mon père était quelqu'un de bien...

Tout le monde l'aimait...

-Quand je suis devenu ado, j'ai commencé à faire un tas de conneries en ville... Je m'étais dit que tant qu'à être puni autant que ça soit pour quelque chose.

Je fais des conneries dans la rue... Des troubles de l'ordre public principalement. Puis, la drogue s’est emmêlée à tout ça.

-La musique m'aidait à tenir... Et, un jour, j'ai décidé de m'en aller... De partir à L.A. pour devenir rockstar.

Et j'avais réussi.

-C’est là que j'ai définitivement abandonné ce lâche de William pour Billy.

Je regardai April... Elle savait tout maintenant.

@ Billy Lighter

Le jeune garçon avait certainement déployé tout son courage pour venir nous aborder, ça ne semblait pas être facile jusqu’à ce qu’il brise la glace et qu’il se voit récompenser par Billy qui accepta, bien évidement, de lui signer un autographe. Il s’en était allé ensuite l’air victorieux, regardant le bout de papier comme s’il tenait de l’or, plus précieux encore, même.  Je le trouvais mignon et ne pu m’empêcher de le dire à Billy qui confirma qu’il l’était.

Billy, ensuite, me surprit en me disant qu’ils s’appelaient pareil, le petit garçon et lui. Son vrai prénom n’était-il pas Billy ? Non, il avait changé de prénom à son arrivée ici, à Los Angeles et m’expliqua pourquoi.

Il avait voulu tourner la page entre son passé en Indiana et sa nouvelle vie, ici à los Angeles puisque son enfance était marquée par la violence de son père et l’indifférence de sa mère. Le premier le battait, la seconde, fermait les yeux.  Je trouvais ça horrible, comment pouvions-nous en venir à battre quelqu’un que nous aimions, que nous avions mis au monde ?  Je secouais la tête, triste d’entendre ces révélations.

- Je suis désolée de l’apprendre, Billy.

Il avait été à ce point marqué par la violence de son père qu’il avait fini par croire que c’était normal.  Les gens qui connaissaient sa famille appréciait son père, c’est toujours comme ça que ça se passe en fait. De l’extérieur, tout semble parfait mais quand on s’y penche pour y voir de plus près on se rend compte que le gazon est loin d’être vert.

- Il se sentait protégé parce que les gens pensaient de lui alors ça le rendait plus fort, d’une certaine manière…

Adolescent, les choses ne se sont pas améliorées, de ce que j’en déduisais, puisque mon petit ami s’était rebellé et cherchait visiblement l’attention, mais pas de la bonne manière.  C’était un bel empilage de choses qui ont finis par dégringoler et qui l’ont conduite jusqu’ici et, aujourd’hui, il tentait de se reconstruire. Je comprenais mieux ses vives réactions à des choses qui ne valaient même pas la peine qu’on s’y attarde.

Je passais ma main dans ses cheveux et puis je m’appuyais d’avantage contre lui, c’était le seul réconfort que je pouvais lui donner, je ne voyais pas comment, de toute manière, je pouvais moi le guérir de ses vieilles blessures, uniquement par ma présence.

- William n’était pas un lâche, Billy. Au contraire. Tout ce qu’il a dû encaisser et se battre pour survivre, jusqu’à être assez fort pour avoir le courage de s’effacer pour devenir quelqu’un d’autre. As-tu déjà vu les choses sous cet angle ?

Ça prenait beaucoup de courage pour partir, tout laisser derrière et de repartir de zéro, surtout tout seul, sans avoir de support. De tout refaire sois même.  Je ne voulais pas qu’il se croit lâche, il était loin de l’être.  Puis je passais mes bras autour de son cou et le serrais tout contre moi, nous berçant doucement, au milieu de se parc, parmi tous ces gens heureux qui  vivaient leurs petites vies parfaites ou non, tranquille.

- Ne laisse pas  ton passé guider ton présent, Billy. Tu es beaucoup plus fort que ça.

Je lui disais ça parce que, bien qu’il ait dit avoir abandonné William pour de bon depuis son arrivée ici à Los Angeles, je savais qu’il n’en était rien. Cette partie de lui était encore beaucoup trop présente et  dictait ses réactions, nous l’avions vécu, j’en portais les marques.

- Je vais prendre soin de toi. Tu veux que je prenne soin de toi ?

Pour prendre soin de lui, il devait, pour commencer, accepter que l'on prenne soin de William qui vivait encore au travers de lui.

@ Billy Lighter

Je ne pouvais pas faire autrement. Je devais vider mon sac. Tout dire à la femme que j’aimais et qui partagerais ma vie. Je devais lui expliquer tout depuis le début… Et le début commençait avec William. Le début commençait dans l’Indiana. Le début commençait avec mes parents.

J’expliquai ce que mon père avait fait à William. Ce qu’il m’avait fait. Je savais que ce qu’il avait fait était mal. Je n’étais pas stupide. Mais quand j’étais plus jeune, les choses étaient plus compliquées. Avant que je ne sois adolescent, je croyais que ce que je vivais était tout à fait normal même si, au fond de moi, tout me criait l’inverse.

Et April se disait désolée. J’hochai de la tête. Elle n’y pouvait rien… Les seuls qui auraient pu changer la donne à l’époque, c’était mes parents et tous ceux qui les entouraient. Mais ces derniers voyaient mon père comme quelqu’un de bien. Il était fort apprécié à Lafayette. April disait que tout ça n’avait pas aidé car mon père se sentait, du coup, protégé. Ce qui le rendait plus fort.

-Oui. Et il le savait très bien. Il savait comment se faire aimer par tout le monde.

Ce n’est qu’à l’adolescence que je me suis rebelle. Que j’ai commencé à faire un tas de choses dans la rue pour que les coups que mon père me donnait soient justifiés. Alors que ce que j’aurais dû faire, c’était le frapper lui au lieu de subir encore et encore. Mais William n’était pas assez fort pour ça. La seule fois où il a été fort, c’est quand il a décidé de prendre son courage à deux mains et partir sans rien loin de Lafayette. C’est quand il a décidé de poursuivre son rêve.

Un rêve réalisé aujourd’hui.

Mais était-ce vraiment William qui avait fait ça ? Non. Lui était trop lâche. Celui qui l’avait fait, c’était Billy. Lui ose.

Je fixai April alors qu’elle passa sa main dans mes cheveux. Elle s’appuya, ensuite, contre moi.

Et elle déclara que William n’est pas un lâche. Elle disait qu’il avait survécu. Qu’il avait encaissé. Jusqu’à faire le choix de devenir quelqu’un d’autre. De s’effacer pour laisser la place à Billy. Je regardai April.

Oui. William a encaissé… William a même essayé de protéger sa mère. Je soupirai pensant toujours que William aurait pu faire mieux.

-J’aurais voulu que William réussisse à en faire voir à son père aussi. A mon père. J’aurais voulu avoir eu la force de dire sur tous les toits ce qu’il est vraiment.

Parce qu’il coulait toujours, à l’heure actuelle, des jours heureux dans l’Indiana.

-A l’heure qu’il est, il fait certainement encore du mal.

Mais April n’avait pas tort. William avait quand même un certain courage.

-Mais tu as raison. Je n’avais jamais vu ça sous cet angle.

Et quand elle me serra contre elle, je la serrai plus fort. Elle me soutenait et je l’aimais pour ça. Elle disait que mon passé ne devait pas guider mon présent.

Et pourtant, il le faisait sans cesse. En tournée… Dans mes chansons… Partout… Mon passé était partout.

-Ce n’est pas si facile. Mon passé est partout.

Cash le savait… Il essayait de le repousser à sa manière. Mais rien n’était facile. On l’avait bien vu à la dernière tournée.

Mais April voulait prendre soin de moi. Je lui souris un peu. J’avais envie de ça. J’avais envie qu’elle prenne soin de moi.

-Oui, je le veux.

Je ne voulais que ça et rien d’autre. Et, suite à ces paroles, j’embrassai April fermant les yeux et prolongeant le baiser jusqu’à voir, de derrière mes paupières, un flash.

Je brisai le baiser d’un coup avant de me rendre compte que quelqu’un nous photographiait. Un paparazzi, très certainement. Ou un fan un peu trop intrusif.

-Ils sont vraiment partout !

C’est ce que je dis entre mes dents serrées alors que je fixai l’intrus, un peu plus loin, avec un regard noir.

-Je…Je veux partir… S’il continue, je pense que je vais exploser. Ou alors, il faut le faire partir.

Il ne pouvait pas intervenir dans un moment pareil. Un moment réservé à April et moi. Il ne pouvait pas même si c’était exactement pour que les gens nous voient qu’on était venu ici.

@ Billy Lighter

La vie est à ce point injuste que des hommes comme le papa de Billy se croient supérieur et au dessus de tout uniquement parce qu’ils sont quelqu’un aux yeux de la communauté et ça leur permet d’être une toute autre personne dans leur vie privée Il battait sa femme et son fils pour les tenir bien au creux de sa main. Ce genre d’humain ne devrait pas exister.

- Tu sais, le pire là dedans ? Il devait vous aimez.

Je regardais Billy sachant très bien que dit comme ça, ma phrase était maladroite.

- Il ne savait pas comment le montrer ou le gérer et il perdait le contrôle, alors il vous frappait. Et plus il vous frappait, plus il se sentait coupable et plus il voyait votre douleur et donc sa propre culpabilité, plus il continuait croyant chasser sa culpabilité pour de bon.

Un cercle vicieux qui n’a fait que les anéantir tous les trois.

Tout ce que je peux faire, c’est de soutenir mon petit ami et tenter de lui apporter du réconfort puisque je ne peux pas lui voler ses démons pour les souffler au loin. Cela lui appartient de le faire et il le fera un jour, lorsqu’il comprendra qu’il est mieux sans eux. Pour le moment, il ne fait que les balayer sous le tapis en espérant ne plus les entendre geindre.

- Il est encore vivant, ton père ?

Oui, c’est fort possible qu’il le soit, Billy est dans la fleur de l’âge son père doit avoir une vingtaine de plus que lui, pas encore les pieds dans la tombe.

Billy n’a pas forcément raison alors qu’il me dit que William était un lâche. Je ne vois pas les choses de cette manière, est-ce qu’il a déjà tenté de voir son passé autrement ? D’un autre œil? Non, bien sûr que non, personne n’est bon juge lorsque cela regarde sa propre vie. Le fait est que moi, je vois William comme un enfant fort qui a su protéger sa mère malgré qu’elle ne faisait rien pour lui, qui a su se dresser entre elle et son mari, qui a grandit au travers de la merde, qui a su se relever chaque fois qu’il tombait jusqu’à avoir la force de fuir et tout quitter sans regarder derrière. Devenir quelqu’un d’autre.

- C’est à toi  de lui interdire l’accès, Billy, freine ton passé… as-tu déjà songé à… retourner dans l’Indiana et confronter ton père ?

Ce serait comme de rouvrir de vieille plaie mais s’il y reste du pue, alors peut-être qu’il faut le faire pour qu’une bonne fois pour toute, elle puisse guérir.

- Lui montrer qu’aujourd’hui, il n’a plus aucune emprise sur toi, que tu es en paix avec ton passé et qu’il est maintenant le temps qu’il porte ce fardeau.

Je voulais prendre soin de Billy, le soutenir, lui montrer qu’il a le droit d’être heureux lui aussi et de vivre un bonheur sans nuage. Il posa ses lèvres sur les miennes et je l’embrassais avec tendresse et amour. J’aurais fait durer ce baiser toute la journée si Billy n’avait pas sursauter avant de s’exclamer ‘’qu’ils sont vraiment partout’’. Alors je tournais la tête de tous les côtés, cherchant à trouver d’où se flash avait pu parvenir mais je ne vis personne, évidement, ils sont capable de se dissimuler dans la foule, ni vu ni connu !

Billy fixai au loin et tremblait de rage puis il annonça qu’il voulait rentrer.  J’acquiesçais d’un geste de tête, nous avions montré ce que nous voulions montrer alors il était effectivement plus sage de rentrer à la maison.

- D’accord, allons-y !

Je me levais et ramassais nos effets puis je me pressais contre Billy pour marcher d’un pas rapide jusqu’à sa voiture. Et puis, sans savoir pourquoi, parce que j’ai cru que ça me soulagerais et que ce serait drôle, je me retournais et fit un doigt d’honneur en direction de là où Billy fixait juste avant que l’on se lève.

@ Billy Lighter

Raconter toute cette histoire à April m’enlever comme un poids. Pourtant, ce n’était pas la première fois que je racontais ça. Je l’avais déjà fait à la presse il y a des années d’ici. Certains avaient pensés que j’exagérais alors que d’autres m’ont vu, après ça, comme le pauvre petit Billy Lighter alors que mon but n’était pas de susciter ce genre de sentiment. Mais plutôt de parler franchement de mon passé…

Et April déclara que le pire dans tout ça, c’était que mon père nous aimait sûrement, moi et ma mère. Cette idée me fit frissonner. Et si ma mère semblait lui vouer une certaine affection, moi, je le détestais.

-Peut-être…

Il aimait surtout le petit pouvoir qu’il s’était octroyé sur nos vies. Il aimait pouvoir faire ce qu’il voulait de nous.

Elle ajouta que mon père ne savait juste pas comment exprimer son amour et que, du coup, il le faisait par la violence. Et que c’est la culpabilité qui le faisait continuer à nous frapper encore et encore. Je ne savais pas si tout ça était vrai… Je ne savais pas si la théorie d’April s’appliquait à mon père… Il n’y avait qu’une chose dont j’étais certain : c’était que jamais je ne lui pardonnerais ça.

-Peut-être qu’il faisait ça parce qu’il nous aimait. Mais s’il y a des jours où je suis mal, c’est entièrement sa faute. Je le hais pour ça. Il n’avait pas le droit de me faire ça.

Je serrai les poings. Jamais je ne trouverais la moindre excuse à mon père. Jamais.

April se demanda, alors, si mon père était encore vivant. J’hochai de la tête.

-Oui, hélas. Il vit toujours à Lafayette avec ma mère.

Malgré qu’il l’avait trompé à de nombreuse reprises, elle restait avec lui. Elle était complètement dépendante de lui.

Mais April n’avait pas du tout la vision que moi de William. Pour elle, il était courageux. Courageux d’avoir protégé sa mère. Courageux d’avoir fui. C’était une vision des choses à laquelle je n’avais jamais voulu adhérer mais qui, au travers des mots de ma petite-amie, me semblait véridique.

Quant à mon passé dont je disais qu’il était difficile de faire abstraction, elle déclara que c’était à moi de le freiner. Ce n’était pas aussi simple ! Si ça l’était, je l’aurais déjà fait. Mais mon passé dictait chacun de mes mouvements. Chacune de mes pensées. Chacune de mes chansons. Il était à la fois mes démons et mon moteur artistique.

Quant à retourner dans l’Indiana confronter mon père, j’hochai négativement de la tête.

-Je suis déjà retourné dans l’Indiana pour faire des concerts. Mais jamais je ne suis retourné chez mes parents à Lafayette. J’ai essayé de lui montrer, à travers les médias, l’homme que je suis devenu. Que j’ai poursuivi mon rêve malgré tout ce qu’il avait fait pour le briser.

Je fixai April.

-Aller le voir en lui disant qu’il n’a plus aucune emprise sur moi serait mentir… Il faut, d’abord, que je me débarrasse de cette emprise.

Et je savais que ça prendra du temps. Mais, avec le contact d’April, j’étais certain d’y arriver… Tout comme j’avais cru pouvoir y arriver avec mes exs… Mais elles n’étaient pas comme April.

Et ce fut le flash d’un photographe qui brisa ce moment avec April… Qui nous ramena, d’un coup, à la réalité. On était au milieu du parc et quelqu’un en profitait pour nous prendre en photo. Je m’exclamai avant de regard vers l’endroit où je voyais quelqu’un nous fixer un appareil photo à la main.

Ça me mettait en colère ! Malgré le fait que c’était exactement pour ça qu’on était ici : pour être vu. Je détestais être pris par surprise de cette façon.

Et ça me donnait envie que d’une seule chose : de retourner chez nous. April approuva et on se leva alors que je regardais toujours dans la même direction.

C’est l’un contre l’autre qu’on retourna à ma voiture alors que j’essayais de garder mon calme. Je ne fus soulagé que quand on arriva à la voiture et où April fit un doigt d’honneur dans la direction de l’homme qui nous épiait.

C’était mérité ! J’étais fier de ce qu’elle venait de faire.

J’entrain dans notre voiture et April fit de même. Quand on fut tous les deux à l’intérieur, je l’embrassai et lui souris.

-Je t’aime, April.

Je l’aimais plus que tout. La conversation qu’on venait d’avoir était la preuve que je pouvais lui faire confiance. Qu’elle était la bonne.

@ Billy Lighter