Fleming n’aimait pas ma petite intervention, encore moins d’être immobilisé. Mais je compris bien vite, car il me l’expliqua, qu’il venait de vivre quelque chose de vraiment pas cool. Ça, quand on fait partie d’un gang, il faut s’attendre à tout… Même et surtout à ce que ses proches soient touchés. Selon lui, ça n’avait rien à voir avec Finan qui était dans le couloir.

Sa petite amie s’était pris une balle mais j’appris aussi qu’il avait des jumeaux et que l’un d’entre eux étaient mort… Quelque chose de pas facile à vivre, même pour quelqu’un comme Fleming. Alors je fini par le lâcher.

-Tout doux ok ? Tu peux aller voir ta fille. Conrad t’accompagnera, mais après, j’aurai quelques questions à te poser.

Je mis ma main sur l’épaule de Conrad.

-Tu ne le quitte pas des yeux. Il va voir sa fille et c’est tout.

Je me demandais quel âge avait ses jumeaux et qui avait été assez crapuleux pour s’en prendre à des enfants.

Et ce n’était certainement pas Finan. C’était certes un Los Diablos, mais pas du genre à s’en prendre à des enfants.

Je sortis de la salle d’attente et rejoignis Finan et… Nell… Que je reconnus enfin maintenant qu’elle n’avait plus le visage caché contre le torse de l’Irlandais.

-Nell ?

Je l’escortais souvent lors de ses distributions de nourriture aux SDF. Mais je ne voyais pas ce qu’elle faisait ici avec Finan.

Je les regardai l’un puis l’autre…

-Cette histoire devient de plus en plus étrange… Je peux savoir ce que tu fais là ? Je suppose que le deuxième blessé par balle c’est toi, Finan… Et qu’est-ce que Nell fait avec un type comme toi ?

Je fis la moue.

-Tu devrais profiter de ta nouvelle notoriété pour quitter le gang… A moins que ce ne soit pour ça qu’ils t’aient tiré dessus.

J’avais envie d’allumer une clope, mais je ne pouvais pas dans l’enceinte de l’hôpital.

-Bref, racontez-moi tout… Et aussi ce que vous savez de ce qui est arrivé à Fleming et sa famille…

Keller m’immobilisait toujours alors que je lui racontais, en bref, ce qu’il s’était passé. Je n’avais pas vraiment l’esprit à inventer une histoire originale. Je n’avais pas eu le temps d’y réfléchir assez que pour exploiter toutes ses failles. Mes pensées n’étaient que vers Sky ce qui parasitait complètement ma capacité à embobiner les flics.

Il fallait que je retrouve un esprit clair. Alors, je demandais à aller voir ma fille.

Et Keller me lâcha. Je me tournai vers lui le foudroyant du regard. J’avais toujours mal. Toujours la même douleur qui ne voulait pas s’en aller.

Il fallait qu’elle parte !

Keller déclara que je pouvais aller voir Heaven mais que l’autre Irlandais devait m’accompagner. Greenly, pas Quinn… Et après, je devrais répondre à leurs foutues questions. J’hochai de la tête alors que Keller lança un ordre à Greenly. A croire que les Irlandais n’étaient faits qu’à exécuter les ordres.

Je lançai sur un ton bien ironique.

-Comme si j’allais m’échapper…

Je n’allais pas quitter cet endroit tant que je ne serais pas sûr que Sky est hors de danger. Alors Keller n’avait rien n’à craindre… Mais il me fila tout de même son Irlandais pour me suivre à la trace.

Je fus, donc, escorté par Greenly à qui je n’adressais pas la parole. De toute façon, je ne comprenais rien à ce qu’il disait, en général. Son accent était aussi marqué que celui de Quinn mais j’avais l’impression que Greenly mâchait ses mots en prime de tout.

Lui, par contre, m’adressa la parole me demandant pourquoi je me dirigeais vers le service de néonatologie.

-Ne me parles pas… Je ne comprends rien à ce que tu dis, de toute façon.

Je dis ça sur un ton sec avant d’arriver au service où se trouvait Heaven. Je demandai à une infirmière où se trouvait ma fille en donnant mon nom et elle m’emmena devant une vitre qui donnait vue sur une salle où se trouvait une couveuse où dormait Heaven.

Elle est minuscule…

Ce fut ma première pensée alors que Greenly était en retrait. Minuscule mais elle avait déjà pas mal de cheveux. Des cheveux noirs. Plus noir encore que les miens. Mon cœur battait plus vite, sans que je comprenne pourquoi.

Je pouvais la voir respirer paisiblement. Elle n’avait aucune idée de ce qu’il s’était passé… Aucune. Elle ne savait même pas que sa mère était entre la vie et la mort. Elle n’avait même aucune idée de qui était sa mère.

-C’est une battante.

C’était la voix d’une femme. Une infirmière. Je ne me tournai pas vers elle mais me contentai d’hocher la tête.

J’espère qu’elle tient ça de Sky…

Je continuais de regarder Heaven sans rien dire. Et, après de longues minutes, quelque chose me frappa réellement…

Si Sky meurt… Heaven sera la seule chose qui restera de Sky… La seule chose à protéger. Et, inconsciemment, je m’accrochais à cette idée. Pourquoi ? Parce que je sentais, au fond de moi, que si Sky mourait et que je n’avais plus rien quelque chose allait lâcher dans ma tête. Je le sentais.

Et je ne voulais pas perdre le contrôle. Un contrôle duquel je m’étais toujours venté.

Il fallait que Sky vive… Et si ce n’était pas le cas, il fallait qu’Heaven vive. Parce que sinon, j’allais devenir dingue.

Il fallait que je les préserve pour ma survie personnelle.

Quand je pris conscience de ça… Heaven gagna une importance que je n’avais jamais eu pour elle avant de la voir.

Et je lâchai :

-Elle ressemble à Sky.

Ce qui fit ouvrir la bouche de l’Irlandais… Parce que, ouais, les Irlandais, ça aime commenter… Ils peuvent pas s’empêcher de ne pas l’ouvrir.

-Je ne sais pas à quoi ressemble Sky… Mais cette gamine te ressemble tout autant.

Il a raison… Mais je préférais penser qu’elle ressemblait à Sky. Pas parce que je me détestais. Non. J’étais très loin de me détester. Mais parce qu’Heaven est, pour l’instant, ce qui reste de Sky. Alors, elle ressemble à Sky.

-Je ne comprends rien à ce que tu dis, l’Irlandais.

Ouais. Alors, qu’il se taise et me laisse tranquille. Parce que je n’allais pas bouger d’ici. Il faudra d’ailleurs que je mette en place un plan de protection jusqu’à-ce qu’Heaven sache tenir un flingue. Tant qu’elle était à l’hôpital, je pourrais m’en charger.

Après… Après, je dois y réfléchir.

J’espérais que Nell trouvera le courage de déballer, une nouvelle fois, l’histoire qu’elle avait inventé tantôt. Je savais que je lui en demandais beaucoup. Je savais que je demandais, encore une fois, de faire un trait sur ses valeurs morales pour sauver mon cul. Et je m’en voulais pour ça. J’utilisais, quelque part, l’affection qu’elle avait pour moi pour me sortir du merdier où je m’étais mis.

Et, avant que Fleming et Greenly ne sorte de la salle d’attente, je ne pus m’empêcher d’envoyer un regard désolé à Nell. Je savais que ce n’était pas assez que pour me faire pardonner mais je préférais ne pas trop parler ouvertement ici.

Et Fleming finit par s’en aller. Pour aller voir sa fille si j’avais bien compris. Il ne me regarda pas escorté, qu’il était, par Conrad.

Ok… J’avais bien compris que ça sera Keller qui posera les questions. Je devrais avouer que j’aurais préféré Conrad… Ouais… Conrad avait beaucoup de sympathie pour moi. Ses parents avaient connu les miens.

Jordan s’approcha de moi et s’exclama en voyant Nell qu’il connaissait. Il me regarda, regarda Nell, ensuite avant de revenir sur moi clamant que cette histoire était de plus en plus étrange.

Il se demandait ce que Nell faisait là… Je la laissai répondre avant qu’il ne fasse la conclusion que j’étais le second blessé par balle. J’hochai de la tête avant d’être, je dois l’avouer, un peu blessé par le « qu’est-ce que Nell fait avec un type comme moi ? ».

J’esquissai un sourire un peu jaune et dit sur un ton ironique :

-Un type comme moi ? Elle m’accompagne, voilà tout…

Je voyais très bien ce que Jordan voulait dire par « un type comme toi ». Ce qu’il voulait dire c’est « un Los Diablos ». Je ne pourrais pas compter le nombre de fois où Keller et Greenly m’ont dit que je devrais changer de métier. Je crois qu’ils me l’ont dit à chaque fois que je ne suis retrouvé en cellule. Les flics étaient comme ça. Pour eux, il y avait des Los Diablos qui resteraient Los Diablos parce qu’ils n’avaient pas les capacités d’être autre chose et il y en avait d’autre, comme moi, qu’ils trouvaient simplement que c’était du gâchis. C’est toujours l’impression que ça m’a donné.

D’ailleurs, Keller me servit bien vite le discours que de nombreuses personnes me servent depuis que mon single faisait un carton.

C’était ça le discours : « Bon Dieu, Finan, pourquoi ne quittes-tu pas ce foutu gang maintenant que tu es connu ? ».

Mais avant de répliquer, je ne pus m’empêcher de froncer les sourcils et de regarder autour de nous. Heureusement, il n’y avait personne. Et je finis signe à Keller de baisser le ton si c’était pour parler de ça. J’avais aucune envie que ça se sache !

-Non… Ceux n’est pas « eux » qui m’ont tiré dessus. Et je n’ai rien quitté du tout.

Bref, il voulait que je raconte tout et que, en prime, je lui explique ce qu’il s’était passé avec Fleming. Ça sous entendait qu’il pensait que tout était lié ? Fort probable. Du moins, il ne fermait pas cette porte.

Je soupirai :

-Pour Fleming, je ne sais que ce que j’ai entendu une fois arriver ici. Il est arrivé bien avant nous si j’ai bien compris. Donc, je n’en sais pas plus que toi. Ça faisait des siècles que je n’avais plus vu Fleming. Je croyais même qu’il était mort, c’est dire. Donc, je n’en sais pas plus que toi sur ce qui est arrivé à Fleming et sa petite-amie.

J’avais le mensonge facile. J’étais un Los Diablos. Il fallait souvent mentir pour s’en tirer. Et aujourd’hui ne faisait pas exception.

-Quant à moi. On se promenait au parc avec Nell et un type a voulu nous braquer. Je pensais que ce n’était qu’une petite frappe. J’en ai l’habitude… Alors, j’ai tenté de l’empêcher de nous voler mais le type était armé. Il m’a tiré dessus avant de se rendre compte qu’il avait fait une connerie et il s’est enfui. Du coup, on est venu ici pour retirer cette foutue balle. Les médecins l’ont, si tu veux l’avoir.

Je passai une main sur mon visage. J’étais crevé et je n’avais pas fini journée. Je frottai mes yeux.

-Le type était… Brun, je pense. Ou noir de cheveux. Il faisait noir donc difficile de voir les nuances… Il était petit… Et… Ses vêtements…

Je me tournais vers Nell.

-Tu te rappelles de ses vêtements ?

Si je décrivais tout sans hésiter Keller allait peut-être pensé que j’avais les idées bien claires pour quelqu’un qui s’était pris une balle.

Je ne connais pas Sky mais j’ai du chagrin pour elle.

En revanche, je connais son petit ami, Ward Fleming, et j’ai tout autant de tristesse pour lui cependant je ne peux m’empêcher de croire que tout ceci résulte de ses choix. Fort probablement que Sky avait également fait ses propres choix, après tout, on ne pouvait pas vivre avec Ward Fleming tout en ignorant les enjeux. Ward pouvait faire en sorte que cela n’arrive pas soit en ne laissant aucune femme entrer dans sa vie soit en changeant tout simplement de vie. C’était cette seconde option la meilleure.

Je m’étais éloignée de Finan pour cette raison.

J’avais mal à la tête avec tous ces drames. Une femme entre la vie et la mort, un bébé n’ayant pu pousser son premier cri et un autre, peut-être orpheline de mère et avec un père n’ayant aucunement la capacité de prendre soin d’elle.

La réaction de Ward face à tout ceci était explosive et m’avait figée dans les bras de Finan qui lui non plus, ne broncha pas. C’était comme si, quelque part, nous trouvions légitime qu’il explose et exprime toute la peur de perdre mais qu’en même temps, nous avions peur de prendre la place du docteur et de subir les foudres de Fleming.

Les policiers arrivèrent et je reconnu le duo de choc dont faisait partit Jordan Keller. Je ne savais pas si j’étais heureuse ou non de le voir, sachant que je devrais lui mentir. Mon amitié pour Finan et tout ce qu’il encourait si j’étais honnête me plaçais dans une situation délicate. J’avais beaucoup de respect pour Jordan, je ne pouvais pas croire que j’allais volontairement lui mentir.

Keller prit les choses en mains et demanda ensuite à Conrad d’accompagner Ward afin qu’il puisse voir sa fille.

Le temps était venu pour Finan de répondre aux questions et je me tournais davantage pour faire face à Jordan qui s’étonna de me voir là.

- Salut Jordan, dis-je timidement.

Jordan entra tout de suite dans le vif du sujet sur un ton que je trouvais plutôt passif-agressif. Il était surpris de me voir avec un type comme Finan et je n’étais pas certaine de ce que cette remarque voulait vraiment dire et, si Finan se défendit qu’à moitié en précisant que je ne faisais que le raccompagner, je me sentis le besoin de donner mon point de vu, moi aussi.

- Je connais Finan depuis plusieurs années. C’est un ami précieux.

L’histoire, celle que j’avais imaginé était toute simple à la base mais la présence de Fleming ici venait de tout changer. Disons que ça n’aidait pas à notre crédibilité et que l’enquête serait très certainement plus poussée.

Finan expliqua que les deux évènements n’étaient pas reliés avant d’expliquer comment il s’était prit une balle et de commencer la description de l’agression et de l’agresseur.

- Ses vêtements…

Je devais sortir de ma torpeur et assurer… Finan comptait sur moi.

- Un jeans déchiré et une veste de cuire noir.

Puis, un détail m’effleura l’esprit et je fu légèrement pris de panique. Nous avions pris un taxi pour nous rendre à l’hôpital et le chauffeur de taxi n’avait pas été content du sang laisser sur sa banquette arrière. Ça allait tôt ou tard revenir nous hanter. Valait mieux tôt que tard.

- En fait, Finan a oublié de dire qu’après s’être fait tirer dessus, il a voulu minimiser sa blessure et m’a convaincu que ce n’était rien. Nous sommes allés chez moi et j’ai insisté pour voir ce qu’il en était… Quand j’ai vu que la balle avait fait plus que l’effleurer, j’ai téléphoné un taxi qui nous a conduit ici.

J’avais accepté de mentir mais j’allais au moins donner le plus d’élément correct. De quoi aurions nous l’air si l’information du taxi venait à sortir ? La police voudrait savoir pourquoi nous avions omis un détail comme celui-là qui, tout compte fait n’est pas si important, sauf quand on oubliait de le mentionner. Je ne savais pas comment ça fonctionnait dans la tête d’un flic mais je me disais que tout ce qui pouvait sembler suspect allait être vérifier plus que nécessaire.

- Je pense qu’il avait un accent que notre agresseur avait un accent mexicain. Je suis désolée dans la panique, je pense que mon cerveau s’est embrumé.

J’étais étonné de voir Nell avec Finan… A se demander si elle se promenait avec Finan la rockstar ou Finan le Los Diablos. Mais je connaissais Finan, si ça se trouvait, en l’absence d’une de nos patrouille, il s’était proposé pour protéger Nell des éventuels dangers qu’elle pourrait encourir dans les petites rues de l’Eastside le temps qu’elle distribue du pain et du café aux plus démunis.

D’où qu’elle me disait que c’était un ami précieux.

-Je comprends.

Je grattai ma tempe.

-Vous m’excuserez d’être aussi perplexe, mais quand je vois deux Los Diablos impliqués dans des blessures par balle, il y a de quoi être suspicieux.

Mais comme moi, Finan n’avait pas vu Fleming depuis des siècles et il croyait qu’il était mort. Il n’en savait pas plus que moi sur Fleming et sa petite amie… Sa petite amie… Sky… Sky comment ? C’était pas un prénom qui courait les rues et j’eux un petit stress au creux de l’estomac.

Quant à eux, ils se promenaient dans le parc où ils avaient été agressés… Finan avait voulu jouer les héros et s’était pris une balle dans l’épaule.

Nell ajouta quelques détails comme le fait qu’ils avaient pris le taxi pour venir de chez elle à ici… Je notais tout ça dans mon carnet… Et sans que je leur demande, ils me firent une description de leur agresseur…

Nell lui avait reconnu un accent mexicain.

-Ah ? Et il a dit quoi pour que tu puisses reconnaître son accent ?

Mon regard alla de Nell à Finan et vice versa…

-Tu sais Finan, que je pourrais t’arrêter simplement pour ton appartenance aux Los Diablos ?... Pareil pour Fleming…

Je fis la grimace.

-Mais on va dire que c’est mon jour de bonté… Vous êtes sûrs que vous n’avez rien à ajouter ?

Puis, je regardai Nell…

-Qu’est-ce que tu faisais dans le parc en pleine nuit ? Tu sais pourtant bien que tu peux nous appeler à tout moment pour tes actes de bienfaisance… Pourquoi choisir Finan ?

Puis je regardais Finan.

-Finan qui ferait bien de se concentrer sur sa musique. Je ne veux pas qu’il meurt, je veux en entendre plus.

Ok, j’avoue… J’avais moyennement aimé la réflexion de Jordan quand il s’était demandé ce que Nell foutait avec moi. J’avais beaucoup de respect pour Keller et son collègue. J’étais pas le genre de type qui en voulait au flic pour rien. Je savais qu’ils faisaient leur travail. Je savais que celui que devrait changer de métier, c’est moi, pas eux. Qu’eux, ils font juste en sorte que les gens puissent vivre en paix… Mais j’étais crevé et ce n’était pas la première fois, sur un lapse de temps très court, qu’on me soulignait que, maintenant, je n’avais plus besoin des Los Diablos et que je pouvais être autre-chose qu’un « type comme moi ».

Ce n’était pas aussi simple… Pas parce que j’avais peur des représailles si jamais je quittais le gang mais parce que je n’arrivais pas à me résoudre à les abandonner.

D’où mon ton autant ironique et amer mais Nell ne tarda pas à prendre, en quelque sorte, ma défense. Et je devais avouer que ça me fit du bien de l’entendre dire ça. Surtout que Jordan sembla comprendre et, du coup, je n’ajoutai rien hormis un sourire sincère adressé à Nell.

Puis… Bah… Jordan fut perplexe. Ouais. Je savais qu’il était loin d’être stupide et que de voir deux Los Diablos impliquée dans des blessures par balle au même moment, c’était suspect. Et… Bah, il faut dire qu’il n’avait pas tort étant donné que c’était précisément lié… Mais ça, Keller ne devait pas le savoir. Tout comme il ne semblait pas savoir que Ward n’était plus un Los Diablos. Les flics étaient souvent des guerres en retard mais ils avaient des désavantages… Les Los Diablos étaient bien organisés et il était difficile d’en tirer des informations.

Du coup, je ne fis que dire :

-Je comprends... Pourtant, pour une fois, ça n’a rien n’à voir.

Convaincs-toi toi-même, Finan !

Et j’expliquai que je n’avais plus vu Fleming depuis des siècles ce qui, pour la cause, était vrai si on excluait aujourd’hui.

Puis, j’expliquai la même histoire qu’avait inventée Nell plus tôt avant de jouer les types hésitant sur la tenue qu’il portait et Nell compléta les informations. Je savais qu’elle n’était pas à l’aise de mentir à des flics mais je trouverais un moyen de me faire pardonner. Je ne savais pas encore comment… Mais je trouverais.

Elle étoffa alors l’histoire pour justifier notre voyage en taxi ce qui était particulièrement bien vu. Et elle ajouta même un détail : l’accent. Un accent mexicain… Du coup, on venait de décrire quelqu’un qui rentrait dans les fameux 50% d’Amon… Bonne chance pour trouver ce mec imaginaire… J’hochai de la tête pour approuver les dires de Nell mais Jordan demanda comment Nell avait pu reconnaitre son accent et je vins à la rescousse de mon amie :

-Bah, il a demandé pas forcément gentiment nos portefeuilles, donc…

Le regard de Jordan nous toisait l’un et l’autre. Je savais qu’il cogitait. Qu’il essayait de trouver des failles à notre histoire mais je me contentais de garder le même regard et les mêmes expressions.

Et il déclara qu’il pourrait simplement m’embarqué rien que parce que j’étais un Los Diablos. Pareil pour Fleming. Je le savais… Et il était seul maitre de cette décision. Je n’étais pas en position de force. Je le savais. Mais il y avait tout de même quelque chose qui titillait mon orgueil de Los Diablos et que je me permis, là, de mettre au clair une bonne fois pour toute :

-Ward n’est plus un Los Diablos.

C’était comme-ci je le défendais face à Keller. Mais, en fait, non… Mon regard montrait que tout ça était de l’orgueil. Ward avait été éjecté des Los Diablos et qu’il ait encore ce statut dans la bouche de certains ne pouvait que titiller le Los Diablos que j’étais. Ça s’entendait dans mon ton sérieux.

-Ça fait des années qu’il ne l’est plus.

Mais je n’irais pas jusqu’à dire qu’il est chef des New Soldados. Ma vie dépendait déjà de celle de Sky allait je n’allais pas empirer mon cas.

Et pour le reste, que je le dis, il est seul juge… Mais Jordan déclara que c’était son jour de bonté ce qui amena un sourire franc de ma part. Et à sa question, je fis mine de réfléchir. Avant d’ajouter :

-Non… Rien d’autre…

Puis, il s’adressa à Nell. Nell que Jordan aurait préféré qu’elle fasse appelle aux flics qu’à moi. Je regardai Nell la laissant répondre et s’expliquer à Jordan… Je ne pouvais pas répondre pour elle, pour la cause étant donné que… Bah, en réalité, je ne l’avais jamais escorté nulle part. En fait, je n’avais même pas dit qu’on était dans le parc pour des œuvres de bienfaisances… Mais Jordan, qui connaissait Nell, en était venu à cette conclusion logique. Parce que Nell ne se serait jamais promené la nuit pour autre chose que ça…

Puis, il s’adressa à moi… Et me fit une remarque que bien d’autre m’avait fait mais d’une manière qui me fit prendre un air grave avant que je ne soupire.

-Crois-moi… Je donne tout pour la musique.

Je lui donnais ce qu’il me restait d’heures de sommeils.

Quant à ne pas mourir. C’était une autre histoire et ça me fit un pincement au cœur. Alors, comme pour me convaincre moi-même et convaincre Jordan, j’ajoutai :

-Je ferais attention… Mais les choses ne sont pas aussi simples, Keller.

Il le savait. Il était flics dans l’Eastside…

L’interrogatoire venait de commencer et mon cœur s’emballait déjà. Je regrettais ma bonne mauvaise idée même si je savais que c’était le seul moyen de sauver Finan. Le fait est que cela m’obligeait à mentir à Jordan Keller pour qui j’avais beaucoup de respect.  Peut-être qu’un jour j’aurai l’occasion de lui expliquer pourquoi je lui ai mentis et peut-être aussi qu’il comprendrait que j’ai agit pour aider Finan.

Finan déballa l’histoire dans entrer trop dans les détails. C’était une stratégie prudente à adopter seulement il avait oublié de mentionner que nous étions arrivés ici en taxi. Puisque tout fini toujours par se savoir, je préférais dévoiler ce fait que de tenter de le passer sous silence. Je profitais donc qu’il me retourne la question concernant l’habillement de notre agresseur pour parler de notre balade en taxi.

J’avais dit à Finan que je n’étais pas doué pour mentir, la preuve étant que je me crus obligé d’ajouter que notre agresseur avait un accent mexicain ce qui n’échappa pas à l’écoute de Jordan qui me demanda ce que l’homme avait dit pour que je puisse dire qu’il avait un accent.

Finan répondit pour moi d’abord mais comme Jordan c’était adressé à moi, je compris que je devais moi aussi dire quelque chose.

- C’est ce qu’il a dit. Vos portefeuilles, tout de suite ! Quelque chose comme ça. Pardon, Jordan. Ça m’a complètement secoué toute cette histoire j’ai peur de ne plus savoir gérer mes émotions.

Je ne tentais pas de jouer à la victime, j’étais réellement remuée par tout ce que j’avais vécu ce soir. Déjà de voir Finan arrivé chez moi en plein début de nuit, l’épaule en sang, puis apprendre pour la petite amie de Fleming et ses bébés… ça, ça avait été la goutte de trop.

Finan cru bon de préciser que Ward Fleming n’était plus un Los Diablos et si je n’avais pas été si épuisée et que nous n’avions pas été en présence d’un flic, je lui aurais donné un bon coup de coude dans les côtes. C’était vraiment nécessaire ? Ça n’allait pas changer grand-chose à la soirée.

Je soupirais ensuite. Je n’avais pas vu venir la question de Jordan et je ne pouvais pas dire que je revenais de St-John parce qu’il pourrait aller vérifier mes paroles et il était hors de question que je passe pour une menteuse… bien que j’en devenais une, ce soir. Je ne voulais pas impliquer d’autre gens, c’était surtout ça, la raison. Je savais que là-bas, ils se sentiraient le devoir de confirmer mes dires.

- Je n’arrivais pas à dormir. Je ne faisais que penser au vieux Léo que nous avions sorti de la rue il y a un moment de cela et à qui j’ai refusé un billet de cinq pour qu’il puisse s’acheter un hamburger.

Je haussais des épaules en baissant la tête, un peu honteuse.

- Quand je l’ai vu mendier ce matin, ça m’a mise en colère ! Nous avions vraiment travaillé fort pour l’aider et… J’ai été prise de remord alors que j’allais me mettre au lit et je suis sortit pour tenter de le retrouver.  Je suis tombé sur Finan et il m’a à peu près servi le même sermon.

Je relevais les yeux pour regarder Finan, puis je regardais Jordan avec un air désolé.

- Avec ce que j’ai vécu ce soir, je ne suis pas prête de recommencer, ou alors non pas sans te passer un coup de fil d’abord.

Tout ce que je voulais maintenant, c’était de partir. La tête commençait à me tourner, trop de fatigue et d’émotion en même temps. Jordan ne faisait que son boulot, je comprenais l’importance de ses questions, de quoi me faire sentir encore plus mal parce qu’il allait courir après un homme inventé de toute pièce qui, pourtant, pouvait être n’importe qui dans l’Eastside. Moi qui passais ma vie à combattre les injustices, voilà que je venais d’en créer une belle !

- Est-ce que nous pouvons rentrer ? Je me sens très fatiguée avec tout ce que nous avons vécu ce soir. Si tu veux, je passe demain au poste. Peut-être qu’avec une bonne nuit de repos, mes idées seront plus claires.

Je ne pu m’empêcher de regarder vers le couloir par où était partit Ward en compagnie de Greenly puis je m’adressais de nouveau à Jordan.

- Est-ce que tu crois que tu sauras me donner des nouvelles de Sky et du bébé ? Je sais que je ne la connais pas mais ça m’a grandement bouleversée d’apprendre ce triste drame. Il y a des fous partout, maintenant !

Mouais… L’histoire de Finan et de Nell se tenait… Tout du moins, ça se serait tenu encore mieux s’il n’y avait pas eu l’histoire de Ward Fleming et de sa Sky qui était dans un état apparemment critique… De même que leurs jumeaux… Je ne savais pas qu’on parlait de jumeaux qui n’étaient même pas encore nés…

Je ne savais même pas si on parlait de Sky, la babysitter de Grant qui était aussi enceinte…

Bref, je demandai quelques détails à Nell et Finan… Ils s’étaient apparemment faits braqués par un latino dans l’Eastside…

Et ça n’avait SURTOUT rien à voir avec l’histoire de Ward.

Mais ce qui me fit lever un sourcil, ce fut que Finan me dise que Ward n’était plus un Los Diablos et ce depuis des années… Y avait pas à dire, on était vraiment toujours trois guerres en retard sur les événements… Comment vouliez-vous qu’on maintienne l’ordre dans ce quartier ?

Nell se disait secouée et ça se voyait… Je ne creusai pas plus de leur côté… ça pouvait très bien être vrai, même si mon instinct de flic me hurlaient que les deux histoires étaient liées.

Et elle avait aussi une histoire pour s’être retrouvée dans la rue en pleine nuit, et avoir retrouvé Finan…

-Bon, allez… On va dire que je vous crois…

Que pouvais-je faire d’autre ? Je n’étais pas devin. Et je ne pouvais pas juger quelqu’un coupable simplement parce que je le sentais.

Je dis à Finan que je préférais qu’il s’adonne à sa musique, que je voulais en entendre plus… Qu’il pouvait quitter les Los Diablos pour s’adonner à la musique… Et il me jura qu’il donnait tout pour la musique.

Quant à Nell, elle me dit qu’elle pourrait passer au poste demain matin pour m’en raconter plus. Je hochai la tête. Ouais, ce ne serait pas de refus.

-Ouais, vous pouvez rentrer chez vous.

Je lui souris gentiment.

-Et si j’en ai, je te donnerai des nouvelles de Sky et de ses jumeaux.

Je les laissai donc aller avant d’aller rejoindre Conrad à la maternité… Ward semblait plus ou moins calmé même s’il devait bouillonner à l’intérieur. Je regardai à travers la vitre et vis une toute petite créature qui avait l’air tellement fragile.

C’est là que je compris que la dénommée Sky avait pris une balle qui avait entrainé la naissance prématurée de ses bébés… Mais pourquoi n’y en avait-il qu’un ? Aucun doute que l’autre n’avait pas survécu… Et je n’allais pas poser la question à Ward pour ne pas déclencher une nouvelle crise de colère chez Ward.

-Qu’est-ce qui s’est passé, Ward ? Il parait que tu ne fais plus partie des Los Diablos…

Nell avait enchainé en répétant ce que l’homme qu’on avait inventé nous avait dit lors d’une agression qu’on avait tout autant inventé. Elle déclara être secouée et, ça, je savais qu’elle ne le jouait pas et que, du coup, elle ne mentait pas. Elle était réellement secouée… Je l’avais entrainé dans cette histoire alors qu’elle n’avait rien n’à y faire… Mais je n’avais pas réellement eut le choix… Je n’aurais jamais su arrivé à l’hôpital sans aide… En fait, sans aide, j’aurais évité l’hôpital ce qui n’aurait pas été une bonne idée.

Bref, j’avais entrainé Nell là-dedans et elle en avait été secouée. D’autant plus depuis qu’on avait reçu les nouvelles de Sky et ses bébés.

Et je m’en voulais un peu, je dois dire. Pour toute la soirée dans son ensemble, je m’en voulais.

Après ça, Nell inventa une autre histoire pour expliquer comment elle et moi, on s’était retrouvé dans le parc aussi tard et je devais avouer que Nell avait donné tellement de détails que je ne savais pas si Jordan trouverait ça suspect ou bien trop fouillé pour avoir été inventé. En fait, j’étais trop crevé que pour savoir ce qui était bon à dire ou non.

Elle déclara qu’elle n’était pas prête à recommencer. J’hochai de la tête avant d’avouer :

-Et moi, de me prendre pour un héro…

Je m’attendais à ce que Jordan creuse, teste notre histoire mais il déclara qu’il nous croyait bien que j’entendais dans son ton qu’il trouvait tout ça suspect. Et ça l’était assurément. J’hochai de la tête ne disant rien avant d’avouer que je donnais tout pour la musique.

Après quoi, Nell demanda l’autorisation de pouvoir rentré. Elle proposa de repasser au poste de police demain ce qui, j’imagine, fit en sorte que Jordan nous laisse partir comme ça. Je fixai le flic :

-Merci, Jordan.

C’était sincère. Et même si c’était un « merci de ne pas avoir creusé », je faisais voir ça comme un « merci de nous laisser aller ».

Quant à Nell elle ajouta qu’elle aimerait avoir des nouvelles de Sky de la part de Jordan dès qu’il en aurait. Preuve que tout ça l’avait touché. Jordan accepta et, moi, je ne dis rien. Comme si dire quelque chose allait me trahir de quoi que ce soit.

Ensuite, Keller s’en alla et, Nell et moi, on put partir tout de suite. Une fois dehors je soupirai de soulagement, fixant Nell.

-Merci… Je crois que je vais devoir redoubler d’imagination pour te rendre la pareille un jour. Non seulement tu as fait en sorte que je ne crève pas mais, en plus, tu as menti aux flics pour moi.

Je la fixai d’un air désolé.

-Je suis désolé de t’avoir entrainé là-dedans…

J’étais sincère. Si j’avais pu éviter ça à Nell, je l’aurais fait. Je me mordis la lèvre.

-Si jamais tu as des nouvelles de Sky, est-ce que tu pourras me les transmettre ? Je la connais… Elle a été à l’orphelinat avec moi et ce qui s’est passé ce soir c’est rien que parce que je n’ai pas pu m’empêcher de lui faire la morale.

Ce qui m’avait valu les foudres de Ward et ce qui avait, en conséquences de tout ça, envoyé Sky entre la vie et la mort.

-J’espère qu’elle s’en sortira… Pour sa fille…

Parce qu’avec uniquement Fleming pour veiller sur elle, elle n’était pas sauver la pauvre gamine.

Je fixai encore Nell.

-Je vais t’appeler un taxi… Je ne prends pas le même. Avec tout ça, j’ai encore du pain sur la planche, cette nuit… Je dois mettre des gens au courant de la mort de Camilo…

Je dis ça avec de la fatigue et de la tristesse dans la voix.

Je ne disais plus rien… Je me contentais de regarder Heaven dormir. Une infirmière était restée à mes côtés et me regardait regarder. Greenly, lui, n’avait plus rien dit depuis que je lui avais fait comprendre que je ne comprenais rien à ce qu’il disait. Et je pensais à Sky… Mais aussi à tout ce que j’allais faire subir à Quinn si jamais elle ne s’en sortait pas… Une balle dans la tête ne suffira pas à atténuer la colère que je ressentais si jamais elle meurt. Quinn devra souffrir et je savais précisément son point faible : les Los Diablos. Il les considérait comme sa famille… Mais il avait une affection particulière pour Alonso qui était son meilleur ami mais, aussi, pour Alvaro, le fils de son ex.

Si je lui retirais Alonso et Alvaro, Quinn souffrira. Et quand il aura bien souffert, je l’achèverais.

C’était le plan…

Je continuai de fixer Heaven… Et quand ce plan fut forgé dans ma tête, je ne pensais plus qu’à elle. Cette minuscule petite chose qui dormait comme si rien n’était arrivé. L’infirmière me sortit alors de mes pensées.

-Comment allez-vous l’appeler ?

Je n’avais pas levé le regard. Je continuais de regarder ma fille.

-Heaven. Sky voulait l’appeler Heaven. Elle s’appellera Heaven.

L’infirmière sourit. En tout cas, je crois qu’elle sourit, parce que j’entendais son sourire dans sa voix quand elle ajouta :

-C’est un prénom magnifique.

J’hochai de la tête. Je me rappelle que trouver un prénom m’était tout à fait égal quand Sky avait mis cette question sur le tapis. Mais, maintenant, tout ce qui avait importé à Sky m’importait.

-J’espère que votre femme s’en sortira.

Elle devait s’en sortir.

-Alors, priez pour ce que ça arrive.

C’est ce que je dis sans détourner le regard de la vitre. Oui, qu’elle prier. Qu’elle prie pour L.A.. Parce que si jamais Sky ne s’en sort pas, L.A. allait le savoir.

Elle mit sa main sur mon épaule avant de s’éloigner. Je ne dis plus rien mais Keller finit par arriver. Il ne dit rien, dans un premier temps, il se contenta de regarder Heaven avant, d’enfin, ouvrir la bouche.

Première question : « qu’est-ce qu’il s’est passé ? ».

-Je suis Irlandais où quoi ?

C’est ce que je lançais sur un ton calme alors que je n’avais pas détourné le regard vers Jordan. Je regardais toujours Heaven. Je lançai ensuite.

-Ce que je veux dire c’est : tu ne m’as pas compris la première fois ? Je t’ai dit ce qui est arrivé. Sky était seule à la maison. Je rentais. J’ai entendu un coup de feu. Quand je suis entré, il était trop tard. Il s’est barré par la fenêtre qui donne sur l’escalier de secours. Je n’ai pas vu qui s’était. Je n’ai pas couru après parce me femme pissait le sang au sol. Voilà ce qu’il s’est passé.

Il avait aussi appris, je le supposais par Quinn, que je ne faisais plus partie des Los Diablos. Je savais que la police n’était jamais très informée. Si elle l’était, je serais en prison à l’heure qu’il est. Mais le fait est que la police de L.A. est clairement dix guerres en retard.

-Ça fait trois ans, Keller… Il faut mettre vos dossiers à jour.

Je parlais toujours d’un ton monocorde en regardant Heaven.

-Je n’en fais plus partie… Ils ont essayé de me descendre à l’époque mais ce fut un échec. Quitter les Los Diablos te vaut toujours une balle dans la tête mais ils ne savent pas viser.

En réalité, les choses ne s’était pas passée comme ça. Alonso n’avait pas voulu m’exécuter parce que je voulais quitter les Los Diablos mais parce que j’utilisais les Los Diablos pour un trafic clandestins et que je jouais les taupes pour le Casa Nuova.

-Après j’ai changé de cap. Je suis indépendant maintenant…

Ça pouvait tout dire et rien dire. Ça pouvait dire que j’avais un job légal comme indépendant ou ça voulait dire ce que c’était, c’est-à-dire que j’avais mon propre gang.

-Et je suis marié… Enfin, si Sky survit… Si elle ne survit pas…

Je n’achevai pas ma phrase alors que ma voix avait tremblé de colère à mes derniers mots.

-J'ai plus qu'Heaven d’elle…

Je montrai Heaven du doigt cherchant, inconsciemment, une porte de sortie dans la pitié que pourrait avoir Keller pour ma situation.

J’étais crevée, complètement vidée, exténuée comme jamais je ne m’étais sentie auparavant pourtant, je trouvais encore moyen de tenir et pire, d’inventer une histoire assez crédible pour expliquer la blessure de Finan et pour raconter aussi comment cela se faisait que nous trainions ensemble en pleine nuit. Je m’étais bien mise en colère à cause du vieux Léo, pourtant, sans le savoir, il me devait une fière chandelle. Si Jordan arpentait les rues dans les prochains jours, il allait certainement tomber sur l’homme que nous avions sortit de la rue et qui y était replongé.

Peut-être que c’était ça que nous appelions être sous l’adrénaline ?

Possible.

Je n’avais pas envie de débattre sur le sujet. Je proposais plutôt à Jordan de repasser demain au poste si jamais j’avais d’autres informations qui me revenais en tête et en même temps, je lui demandais s’il pourra me donner des nouvelles de Sky et de son bébé.

- Merci Jordan.

Je lui offris un sourire fané mais sincère. Il ne m’en tiendrait certainement pas rigueur. Il tourna les talons et s’en alla dans la même direction qu’avaient emprunter Ward et Conrad et je me retrouvais à nouveau seule avec Finan. Nous restâmes tous deux silencieux jusqu’à ce que nous soyons à l’extérieure et, une fois-là je pourrais un son… comme un soupire de délivrance, de souffrance, de fatigue… un mélange de plein d’émotions que je n’arrivais plus à contenir.

Finan débitait un tas de mots, d’excuses qu’il allait me devoir, de services que je lui avais rendu avant de finalement me dire qu’il était désolé de m’avoir entraîné là-dedans. J’aurais voulu le faire taire, je ne lui en voulais pas, je pense qu’il avait fait ce qu’il y avait de mieux à faire pour lui dans les circonstances, mais j’en voulais au Karma qui avait une drôle de façon de toujours me ramener Finan dans ma vie au moment où je m’y attendais le moins.

- Ça va aller, t’en fais pas…

Il n’avait pas besoin de chercher à comment me rendre la pareille… Même en usant bien fort de mon imagination, je voyais mal comment un jour, je pourrais avoir besoin d’un service de sa part équivalent à ce qui venait de se passer ce soir.

Finan connaissait Sky. Ils avaient tous les deux étés au même orphelinat et il se sentait responsable de ce qui lui était arrivé. J’étais vraiment curieuse de savoir ce qu’il sous entendait par ce qu’il venait de dire mais le moment était très mal choisi pour demander des explications.

- Je te donnerai des nouvelles si j’en ai. Je pensais venir ici de temps en temps, pour voir comment elle va.

C’était à condition que Ward ne m’interdise pas de venir m’assoir près de la porte de sa petite amie. Ce qui c’était passé ce soir venait de me lier à cette femme et son enfant, c’était comme ça, c’était plus fort que moi, à partir de maintenant, je voulais prendre soins d’elles et par la bande, soin de Ward Fleming aussi absurde que cela puisse sembler.

J’acquiesçais d’un signe de la tête à la proposition de Finan. Tout ce que je voulais était de rentrer chez moi, de me retrouver toute seule, de prendre une douche et de me glisser sous les draps pour pleurer toutes les larmes de mon corps avant de m’endormir d’épuisement.

Ward me répéta ce qu’il m’avait dit plus tôt, sa version n’avait pas changé d’un iota mais il y restait des zones d’ombre que je me devais d’éclaircir…

J’y allais sur un ton neutre, malgré que la scène me chagrinait un rien… Cette pauvre petite créature dans son bocal, cette petite fille, allait avoir un début de vie vraiment pas facile. Surtout si elle se retrouvait avec Ward pour seule famille.

-Par où l’individu est rentré ? Est-ce que c’est Sky qui l’a laissé rentrer ?

Auquel cas, c’était quelqu’un en qui Sky croyait pouvoir avoir un minimum confiance… Est-ce qu’elle était seulement au courant de qui était Ward Fleming et de ce à quoi elle s’engageait en sortant avec lui ?

Je laissai aussi entendre que j’avais appris qu’il ne faisait plus partie des Los Diablos. Il me précisa que ça faisait déjà trois ans… Aucune chance qu’on gagne la guerre contre la drogue avec de tels retards… C’était pour ça que je ne me faisais plus d’illusion, me contentant de colmater la fuite avec ce que je pouvais.

Et apparemment, il avait failli être exécuté pour ça… Je prenais note de tout, dans ma tête… j’avais une bonne mémoire et écrire dans mon carnet n’aurait fait que me ralentir.

Ward m’annonça alors être indépendant. Je levai un sourcil.

-Venant de toi, ça sonne plus comme tueur à gage que boulanger.

Il ajouta qu’il était marié… enfin… si Sky survivait… Sa gorge se serra et il dit ne plus avoir d’elle que la petite Heaven…

-Je suis désolé pour toi. Personne ne mérite de vivre ce que tu vis. Personne…

J’en revins à mon job…

-Tu n’as vraiment rien vu ? Demain, il faudrait que les enquêteurs viennent examiner ton logement, pour essayer de comprendre ce qu’il s’est passé et découvrir qui a fait ça.

Parce que ça ressemblait vraiment à un règlement de compte.

Je pinçai mes lèvres puis me lançai…

-Dis-moi, Ward… est-ce que Sky est babysitter ?

L’opération venait de se terminer. Je jetais mes gants couverts de sang et je poussais un soupir teinté d’incertitude alors qu’on roulait la civière de la jeune femme vers sa chambre aux soins intensifs. J’avais fait tout ce qui était en mon pouvoir pour la sauver mais rien n’était encore certains. Elle avait perdu beaucoup trop de sang, le temps alloué à la césarienne avait joué contre elle.

On m’appelait Dieu, dans le service de traumatologie. J’avais sauvé des cas bien plus complexe qu’elle, j’avais accompli des miracles, sans vouloir me venter, mais c’était la plus stricte vérité. Je ne savais pas sauver tout le monde, il y avait bien évidement des causes perdues.

Je n’étais pas près à placer Sky Fleming dans la case des causes perdues, mais ses chances étaient très minces. Pendant la césarienne, la jeune femme avait fait un arrêt cardiaque, l’urgence de sortir les bébés de là avait retardé les soins dont elle avait grandement besoin mais les bébés en elle, je n’avais aucune chance de réparer les dégâts. De toute façon, cela aurait été impossible.
J’avais fait de mon mieux.

- Tu as fait de ton mieux, vieux !

Greene avait raison mais est-ce que mon mieux avait été suffisant ?

La jeune femme était sous assistance respiratoire, alors la réponse était non. Ça n’avait pas été suffisant.

Le temps.

Le temps avait joué contre elle.

Je retirais ma jaquette de chirurgien et je m’en allais aux soins intensifs donner mes instructions à l’équipe de garde et je spécifiais bien qu’ils devaient me faire demander pour le moindre petit changement.

- C’est bien comprit ? Je veux qu’on me fasse demander pour la moindre petite chose. Que ce soit une variation de température ou un spasme musculaire ! Je veux qu’on me prévienne !

Je n’avais pas l’habitude de faire autant de zèle mais Sky Fleming avait quelque chose de spéciale que je me devais de préserver. Cette jeune femme avait éveillé en moi un sentiment de protection fort, sans en avoir conscience. Ensuite, c’est vers la maternité que je me dirigeais. Je voulais faire connaissance avec le petit miracle, une petite battante, comme ça mère et j’espérais que ce lien entre elle suffise au deux pour continuer le combat et le gagner.

Dans le corridor, ce trouvait trois hommes. Je devinais en me rapprochant qu’il s’agissait de deux enquêteurs et fort probablement le père de ce petit miracle qui dormait dans la couveuse, j’en allais avoir le cœur net s’il se tournait vers moi alors que je l’aborderais.

- Monsieur Fleming ?

L’homme détacha son regard de la vitrine de la maternité pour me regarder. J’avais ma réponse et je saluais d’un geste de tête les deux autres hommes. L’un d’eux était Conrad Greenly. Je l’avais déjà croisé aux urgences pour une tout autre histoire.

- Bonsoir, je suis le chirurgien qui a opéré votre femme, Dr. Benton

J’y allais sans transition, il était inutile de toute façon de tourner autour du pot, le suspens n’allait servir à rien.

- Votre femme se bat actuellement pour sa vie. Il y a eu rupture de plusieurs vaisseaux sanguins, son foie à été atteint, la balle a provoqué la déchirure de plusieurs tissus abdominaux.  Le temps a joué contre nous, l’urgence était de sortir les bébés de là afin que je puisse faire mon travail. Mon collègue vous a informé que, malheureusement, votre épouse a fait un arrêt cardiaque sur la table d’opération.

Tout ceci ensemble venait compliquer la donne sans compter que beaucoup d’autres facteurs pouvaient apparaitre.

- Nous devons surveiller de très, très près son état.  Nous craignons pour ses reins, un hémopéritoine a été évité de justesse à ce niveau et son cœur s’affaiblit sous les efforts. Nous avons provoqué le coma pour l’aider à mieux passer au travers. Dans les prochaines heures, nous serons fixés pour ses reins mais il n’est pas exclu que je doive à nouveau opérer votre femme. Monsieur Fleming, je suis sincèrement navré.

Je savais que mon histoire ne suffirait pas à Keller et qu’il allait creuser. Et il commença en demandant par où l’individu était entré. Si c’était Sky qui lui avait ouvert… Il a oublié le passage où je lui disais que le type était déjà là quand je suis monté dans l’appartement ? Je répondis sur un ton agacé :

-Comment tu veux que j’en sois certain de par où il est entré ? Il était déjà là quand je suis arrivé. Mais Sky n’aurait pas ouvert à n’importe qui. Elle sait que ce n’est pas safe. Elle n’est pas stupide. Je pense qu’il est entré par la fenêtre. La vitre était complètement cassée. Assez pour sortir par là vers l’escalier de secours.

Puis, il demanda pour les Los Diablos et je lui confirmai que je n’en faisais plus partie depuis longtemps. Preuve que les flics n’avaient encore aucune idée de qui était El Lider et que, à ce rythme, ils n’étaient pas prêt de le découvrir. Les Los Diablos, les New Soldados… Tous avaient des années d’avance sur eux. La guerre de la drogue, ils ne la gagneront jamais, les flics de L.A…

Et ils le savent.

Je lâchai, donc, que j’étais indépendant sans en dire plus et Keller trouvait que ça sonnait plus « tueur à gage » que « boulanger ». Je ricanai d’un ricanement fatigué.

-Crois ce que tu veux Keller…

Pour la cause, je n’étais ni tueur à gage, ni boulanger… J’étais autre chose. J’étais mieux que ça. Je ne répondais plus au sifflet de personne. J’étais mon propre leader. Ce qui me rendait plus efficace.

Puis, je revins à Sky… Et rien qu’à penser qu’elle pourrait d’être retiré à jamais provoquait en moi une tempête que j’avais du mal à contenir. Ça faisait mal à chaque fois… Il fallait que je supprime cette douleur mais je n’avais aucune idée de comment faire.

Et ça fit remonter des souvenirs à la surface… Des souvenirs que je dû fermer deux secondes les yeux pour les réprimer avant d’entendre Keller dire que personne ne méritait de vivre ce que j’avais vécu. Je ricanai à nouveau de ce ricanement fatigué :

-Certains ne seraient pas d’accord avec toi… Certains diraient que je l’ai largement mérité.

J’avais tué… Je ne saurais même pas dire combien de personne j’avais tué. Mais c’était beaucoup. Bien plus que mon père qui croupissait en isolement pour une série de meurtres. Sauf que j’étais meilleur que lui et, que, de ce fait, on ne m’avait jamais pris pour ces meurtres. Faire partie d’un gang avait facilité tout ça.

Puis, Keller parla des enquêteurs. Ceux qui allaient venir demain dans mon appartement… Je savais qu’il allait falloir que je fasse en sorte que ma version soit crédible et dès que Keller et son Irlandais seront partis, je devrais mettre rapidement un plan en place. Je savais déjà comment procéder… Il ne fallait laisser aucune faille.

Comme toute réponse à Keller, j’hochai de la tête montrant que j’allais coopérer quoi qu’il arrive.

-Non… Hormis que le type était petit et qu’il avait les cheveux foncés. Je n’ai pas eu le temps de voir son visage.

Ensuite, Keller posa une question qui, je l’imaginais, devait le tirailler depuis que j’avais donné le nom de Sky. Il demanda si elle était babysitter. Je ne voyais pas bien en quoi mentir allait faire une différence alors je répondis tout en continuant à regarder Heaven.

-Oui. Sky est babysitter. Tu l’as même engagée, Keller, pour ton pupille. Un fils de Los Diablos. Raoul Hernandez. Il est mort il y a longtemps.

Parce que, pour moi, il n’y avait qu’Heaven. Pas Grant Custer. Et je n’avais pas envie que Keller me surveille juste parce qu’il sait que je sais que Custer est le mien. Donc, je préférais jouer le type qui croyait savoir des choses mais qui était à côté de la plaque.

-Sky l’adore. Grant.

Je dis ça sur un ton neutre. Encore une façon de montrer à Keller que je ne toucherais pas à Grant.

Je l’avais promis à Sky.

C’est tout ce que je pus dire avant qu’un médecin ne m’appelle. Cette fois, je détournai les yeux d’Heaven pour faire face au médecin. Il se présenta comment le chirurgien qui avait opéré Sky. J’hochai de la tête attendant ses foutues nouvelles.

Et il m’expliqua en entrant dans les détails. Il y avait des choses que je savais déjà… D’autres pas… J’écoutais tout ça avec un regard neutre… Mais à l’intérieur de moi, c’était le chaos…

Sky n’était pas sortie d’affaire. Loin de là. Et elle était dans le coma et pas à l’abri d’une autre opération.

Je ne sais pas combien de fois j’ai tué Quinn dans ma tête mais ça fait une fois de plus.

Je ne dis rien… Je me tournai encore une fois vers Heaven qui dormait toujours. Mes muscles étaient tendus… J’essayais de me contenir mais, à nouveau, je ne pus m’empêcher de frapper le mur de mon poing juste à côté de la vitre.

Mais cette fois, j’évitai de m’en prendre au médecin… Je me contentai de serrer la mâchoire. Parce que si Keller et Greenly m’embarquaient, je n’aurais aucune chance d’aller mettre en place que je devais mettre en place.

-Je fixai Heaven mais c’est au chirurgien que je m’adressai :

-Faites tout ce qu’il faut. Mais il faut la garder en vie. Je veux qu’elle reste en vie.

Il le fallait…

Ward pensait que l’individu qui avait tiré sur Sky était entré par la fenêtre… Parce qu’il pensait que Sky n’était pas stupide, parce qu’elle connaissait le danger. J’imaginais donc que la babysitter de mon pupille savait très bien qui était Ward Fleming.

L’amour rendait vraiment aveugle.

J’appris que malgré tout, Ward ne faisait plus partie des Los Diablos. Qu’il était indépendant maintenant. C’était peut-être pour ça que Sky avait été prise pour cible. On ne quittait pas un gang comme ça. Mais Ward se disait indépendant maintenant, ce qui lui valut une pique de ma part. Mais je n’en sus pas plus puisqu’il me dit de croire ce que je voulais…

Puis, il me sembla le voir ciller alors que je lui disais que personne ne méritait de vivre ce qu’il était en train de vivre. Il eut un ricanement fatigué avant de dire que tout le monde ne pensait pas comme moi.

-C’est pas parce que je suis flic que je souhaite le malheur des pourris… Surtout de leurs familles qui n’en peuvent rien.

J’en revins à mon enquête mais Ward, comme Nell et Finan, ne pouvait pas me donner beaucoup de détails sur celui qui leur avait fait ça.

Mais quand je demandai si Sky était baby sitter, là, il me donna plus de détail. Il savait que je l’avais engagée pour Grant. Il disait que c’était le fils de Raoul Hernandez, un Los Diablos mort il y avait longtemps de ça. Alors soit il mentait, soit la mère de Grant avait menti à Ward. Peu importait, je préférais que ça reste comme ça.

Il ajouta d’un ton neutre que Sky adorait Grant…

-Grant l’adore aussi…

Il était d’ailleurs hyper jaloux que celui qu’il nommait Sam Lesserre A.K.A Ward Fleming l’ait mise enceinte.

Au moins, j’étais sûr que Ward ne ferait pas de mal à Grant… Je pense que c’était le message qu’il voulait me faire passer.

Le chirurgien arriva alors, disant que Sky se battait pour sa vie…

Nous n’avions plus rien à faire ici… Demain, des enquêteurs iraient voir les lieux du crime… En attendant…

-Nous souhaitons un prompt rétablissement à Sky… Nous te laissons à ta famille maintenant…

D’autres l’interrogeraient, peut-être plus tard… Pour nous, c’était terminé pour cette nuit.