J’étais stressé.

Rien de plus normal, vous me direz… Je redoutais cette rencontre avec celle qui était ma fille et que j’avais rejetée alors qu’elle n’était qu’une petite fille. A cette époque, je n’avais pas assumé mais il était désormais tant de réparer cela du mieux que je pouvais.

Pour ça, je devais assumer ce que j’avais fait et espérer un pardon de la part d’Eleanor. Mais pour obtenir ce pardon, il fallait que je la voie en face à face.

La première étape était de la contacter. Je savais qu’elle travaillait à Saint-John comme bénévole alors c’est à cet endroit que j’avais téléphoné. Je n’étais pas tombé sur Eleanor mais sur un autre employé de la mission. Ça m’avait soulagé, quelque part, de ne pas directement tomber sur elle… Peut-être m’aurait-elle raccroché au nez ? Ça aurait été légitime.

J’avais déclaré à cet employé que ce que faisait Saint-John m’intéressait beaucoup. Peut-être allait-il prendre ça comme une contre-attaque par rapport à ce que faisait Jimmy Reed pour United For Youth… Il pensait sans doute que je voulais aussi bien me faire voir que le boss de BSC. Or, ce n’était pas le cas. Si Jimmy Reed devait sans cesse s’efforcer d’adoucir son image, moi, je n’avais pas ce problème. Je donnais, d’ailleurs, à de nombreuses œuvres de charités depuis des décennies… Mais je n’avais pas d’autres choix que de procéder comme ça afin de pouvoir rencontrer Eleanor. J’avais, d’ailleurs, demandé à la voir elle pour discuter d’un potentiel don substantiels.

Il avait dit qu’il allait faire passer le message.

Peu après ce coup de fil, ma secrétaire avait eut un appel de Saint-John pour booker un rendez-vous dans mon imposante villa. J’avais préféré cet endroit pour discuter. C’était plus chaleureux que mon bureau chez MTI.

Et nous étions le jour du rendez-vous. A quelques minutes à peine de l’arrivée d’Eleanor. J’avais les mains moite et j’attendais patiemment dans mon grand salon. Je savais que personne d’autres n’allait venir aujourd’hui… Je m’en étais assuré.

Mon stress ne fit que monter quand j’entendis la sonnette retentir. Je savais que mon majordome allait aller ouvrir. Je l’entendais déjà s’affairer à cette tâche. Il faisait silencieux dans la villa.

Trop silencieux.

J’entendis une voix de femme et celle de mon majordome. Des pas arrivaient jusqu’ici et quand Eleanor entra dans la pièce, mon majordome l’introduisit.

-Monsieur. Voici Eleanor Harris.

Je m’étais levé.

-Merci.

Mon majordome se retira me laissant face à Eleanor.

-Bonjour Eleanor. Je suis heureux d’enfin vous rencontrer.

Elle savait que j’étais son père. Elle savait aussi que je l’avais rejeté. Donc, je m’attendais à une réaction froide de sa part.

-Entrez et venez vous asseoir… Vous voulez quelque chose à boire ?

Je ne savais pas par où commencer. Il y avait tant à dire.

Ma vie était sens dessus dessous depuis ma rupture avec Jordan. Je ne m’en remettais tout simplement pas puisque je ne comprenais pas comment nous avions pu en arriver là. Peut-être était-ce moi qui avait une vision erroné d’un couple mais j’avais visiblement cru à tort que ça devait fonctionner de façon respectueuse et que la communication devait être la clé. Or, mon ex petit ami avait toujours fonctionné de façon impulsive pour ne pas dire violente et égoïste.

Quand il s’était fait retirer la garde de Grant, je n’avais pas ridiculisé ses émotions en les qualifiant de débile. Je ne l’avais pas empêché de s’exprimer en lui fermant le clapet pour mieux profiter de ma nuit. Je l’avais écouté, je lui avais permis de pleurer dans mes bras, je l’avais soutenu au meilleur de mes capacités. Puis, quand je n’étais pas en accord avec sa façon de se comporter ou des décisions qu’il prenait, je ne l’avais pas rejeté comme il avait fait avec moi, en me jetant à la rue.

Depuis notre rupture, je squattais la Mission St-John’s pour laquelle je m’étais tant investi bien qu’aujourd’hui, je n’avais plus le cœur de donner au suivant. Je me disais que si je continuais d’aider sans regard pour l’histoire de la personne secourue, je risquais de m’attirer à nouveau les foudres de Jordan. Qui sait si la personne n’était pas un sbire de Ward Fleming ?! Ça suffirait bien à m’accuser de je ne savais plus quel maux.

J’étais en attente d’un appel.

J’avais répondu à une annonce dans le journal. On cherchait des figurants pour une production musical à Broadway. Partir de Los Angeles me ferait du bien. Je changerais d’air, de paysage, je ne risquerais plus de croiser Jordan à chaque coin de rue et de voir son regard assassin. Il me détestait à un point tel que je le pensais capable de me rouler dessus avec sa voiture de police.

Finalement, j’avais bien reçu un appel mais pas celui que j’espérais recevoir. En fait, j’avais espéré cet appel pendant des années mais il n’était jamais venu et aujourd’hui, je jugeais ce coup de fil comme trop peu, trop tard. À quoi bon vouloir nouer un lien qui ne conduirait jamais nulle part ?

Malgré mon ressentiment, je décidais tout de même d’accepter la rencontre que me proposait Don Hughes, le donneur de sperme ayant contribué à me concevoir. Je m’étais rendue à son immense villa à Malibu et je fut accueillie pas un majordome, rien de moins ! Saviez vous combien de famille la Mission pourrait aider avec le salaire annuel d’un domestique comme celui-là ? Tant de richesse mal investi, ça me donnait la nausée ! Don n’était-il pas capable d’ouvrir lui-même sa porte ?

Je me retrouvais vite devant un homme que je ne connaissais pas m ais qui pourtant, était une partie de moi-même. Quel sentiment troublant, fort probablement très débile, même !

- Ah oui ? J’ai pourtant le souvenir de ma mère tentant d’arranger des rencontres avec vous, sans succès. Mauvais timing, je suppose.

Il n’allait pas me faire pleurer avec sa fausse joie. Ma mère avait essayé pendant des années de me faire rencontrer mon père. Je me souvenais même de l’avoir entendu au téléphone alors qu’elle me pensait endormi, lui dire que tout ce qu’elle voulait, c’était qu’il me voit une seule fois, qu’elle n’en avait rien à faire de son argent.

Aujourd’hui, il voulait me faire croire qu’il avait été impatient de me rencontrer ?

En plus d’être lâche, Don Hughes était un menteur.

- Non merci, je ne compte pas rester longtemps, il est inutile que je m’assied et, merci, je n’ai pas soif.

Je le regardais, conservant une distance que je jugeais raisonnable entre nous deux. Je voulais qu’il aille droit au but, qu’il me dise pourquoi il m’avait fait venir ici.

J’avais déclara à Eleanor être heureux de la voir. C’était sincère. Bien que la situation était stressante, la rencontrer pour la première fois était un moment important. Seulement, je voyais bien qu’Eleanor n’était en rien ravie d’être ici. Ça se voyait sur son visage. Elle ne souriait pas. Elle semblait marqué par pas mal d’émotions négatives.

Je pouvais la comprendre.

Et je pouvais comprendre qu’elle me rétorque en soulignant les nombreuses tentatives de sa mère afin d’arrangée une rencontre. Tentatives que j’avais balayé d’un revers de la main à l’époque. J’avais tellement peur des scandales. Désormais, je m’en voulais d’avoir été lâche et d’avoir procédé de la sorte.

Je pris un air grave face à la colère d’Eleanor. Une colère légitime qui n’en était pas moins douloureuse pour moi. Mais j’espérais que si je m’expliquais elle puisse me pardonner.

Elle refusa de s’asseoir clamant qu’elle ne resterais pas longtemps. Je restai, donc, debout, moi aussi, face à elle.

-D’accord…

Je me raclai la gorge cherchant mes mots et fuyants quelque peu le regard d’Eleanor. Je finis par plonger mon regard dans le sien. Ses yeux étaient bleus. Plus foncés que ceux de Julian. Mais je voyais en Eleanor certains traits des yeux. Les mêmes traits que j’avais pu voir sur les rares photos que j’avais d’elle et que j’avais glané dans des magazines ou autres journaux locaux.

-Je comprends votre colère… Je comprends que vous puissiez m’en vouloir autant toi que votre mère. Mon attitude à l’époque vis-à-vis de vous est inexcusable. J’ai cru qu’en balayant mon adultère sous le tapis, il finirait par ne jamais faire surface et ne jamais entacher mon image. J’ai été extrêmement lâche et égoïste. Cela pendant des années.

Je pris un air sincèrement désolé sachant que des mots et autres excuses ne pouvaient jamais réparé ce que j’avais fait. C’était ça ma grande peur. Qu’Eleanor ne puisse jamais me pardonner. Si elle ne le faisait pas, je pourrais la comprendre.

-J’aurais dû répondre aux demandes de votre mère. Elle ne méritait pas un tel dédain de ma part.

La mère d’Eleanor était une femme charmante et intelligente. Je n’avais pas sauté la barrière avec la première venue… Je l’avais aimé le temps de notre aventure. Sincèrement aimé.

Et, après, je l’avais trahi.

Je me tournai vers ma table basse et pris en mains les morceaux d’articles découpé que Juliet avait découvert par accident.

Je les montrai à Eleanor.

-Malgré tout, un part de moi a toujours voulu te connaitre… J’ai suivi ta carrière de loin. Ce voyage en Europe pour une comédie musicale… Tes travaux de bénévoles pour Saint-John… Je me rassurais en voyant que tu étais devenue une personne extraordinaire qui est prompt à aider les autres…

J’étais passé au tutoiement sans m’en rendre compte.

En toute honnêteté, je ne comprenais pas bien ce que je venais faire ici, dans la belle et trop grande villa de Don Hughes. Il était vingt-cinq and en retard était-il au courant ? Je m’étais tout de même déplacée, possiblement par curiosité bien que je ne fondais aucun espoir dans cette rencontre, trop déçue et désillusionnée par la gent masculine, toute catégorie confondue.

Le majordome me conduisit au salon où se trouvait le donneur de sperme ayant servit à me concevoir. Je ne voyais pas Don autrement que comme un contributeur minoritaire de la personne que j’étais. Ma mère m’avait élevé toute seule sans jamais rien recevoir de lui, elle n’avait non plus jamais rien demandé.

Don me proposa de m’assoir mais je refusais en disant que je n’avais pas l’intention de rester longtemps. Pourquoi lui accorderais-je mon attention alors que depuis ma naissance, il n’avait jamais daigné faire u n tout petit geste vers moi ?

La façon qu’il avait de s’adresser à moi m’écorchait les oreilles. Vouvoyait-il ses enfants ? Puis ses excuses, si pour autant ça en étaient sonnaient faux à mes oreilles. Ce qu’il me disait, il aurait dû le dire à ma mère puisque ce fut elle qui avait dû redoubler d’effort, pour ne pas dire tripler afin que je ne manque de rien.

- Lâche et égoïste, c’est le moins que l’on puisse dire, mais pourquoi à moi ? C’est à ma mère que vous devriez dire tout ça. Après tout c’est forcément elle qui a le plus souffert de votre lâcheté et égoïsme.

Don prit un air désolé qui, un court instant, semblait être sincère. En fait, je ne savais pas quoi penser de cette conversation. Peut-être voulait-il vraiment faire amende honorable et réparer l’irréparable. Rien n’était impossible mais mes blessures extrêmement profondes causées par les mots cruels de Jordan et la manipulation de Ward faisaient office d’œillères sur mon jugement.

- Vous savez, un bébé se fait à deux. C’est toujours plus facile pour un homme de nier ensuite sa paternité alors que c’est la femme qui reste prise avec la grossesse et les responsabilités qui viennent avec.

Ça arrivait souvent qu’à la mission, de jeunes filles enceintes venaient nous voir car elles ne savaient pas quoi faire. C’était d’une tristesse sans nom. Forcément, ça me rappela avec quel désespoir Jordan m’avait demandé d’être la mère de ses bébés, alors qu’en larmes, il essayait d’assimiler le départ de Grant. Je ne pus faire autrement que d’être soulagée qu’on ait pas mis en branle ce projet ce qui m’aurait lié inévitablement à lui pour le restant de ma vie.

Don alla chercher ensuite ce qui semblaient être des découpures de journaux. Il avait gardé les écrits sur ma présence dans le musicale Les Misérables en Europe et même certains articles qui parlaient de la Mission St-John et dans lesquels j’étais cités ou mentionnés.

- Pourquoi avoir tant tardé alors ? Et… Ou plutôt… Pourquoi maintenant ? Pourquoi avoir décidé que c’était le bon moment pour me rencontrer ? Vous êtes mourant et vous ne voulez pas emporter ça dans la tombe ?

Certaine personne désirait régler de vieux dossiers poussiéreux au moment de leur mort, comme s’ils craignaient de vivre dans l’au-delà avec le poids de leur culpabilité. C’est pour ça que je me disais que Don devait en être rendu là.

Je me rendis compte alors qu’il avait cessé de me vouvoyer et ça me fit sourire, et rire un peu.

- Je n’aime pas qu’on me vouvoie, surtout par une personne âgée…Ben… P…Pa…Pas que vous êtes vieux… Quand même un peu…

Je tentai de faire amande honorable en mettant en avant mon erreur, la lâcheté de l’époque et mon égoïsme. J’avais expliqué ma démarche bien que je savais que les raisons ne m’excusaient pas. Au contraire même. Mais je ne voulais pas mentir à Eleanor en me donnant de fausses excuses.

Elle confirma ma lâcheté et mon égoïsme. Elle mit en avant que mes excuses devaient être faites à sa mère et non à elle. Elle disait que c’était surtout elle qui avait souffert de tout ça. Eleanor avait sans doute raison. Sa mère l’avait élevée seule car j’avais fui mes responsabilités de peur d’entacher ma réputation et de ruiner mon mariage qui, de toute façon, s’était terminé quelques temps après.

-Vous avez raison… Vous êtes le premier pas dans ma démarche. Je compte aussi m’excuser auprès de votre mère.

Hormis des excuses, je ne pouvais, hélas, pas revenir en arrière afin de réparer mes torts. Je pris un air grave lorsque Eleanor m’expliqua qu’il était toujours plus facile pour un homme de ne pas assumer un enfant. Il n’en était pas de même pour une femme. J’hochai de la tête.

-Je le sais. Les femmes sont des êtres courageux. Je regrette de ne pas avoir eu le courage de votre mère.

J’avais quitté son regard pour me tourner vers la table et montrer les quelques coupures de journaux que j’avais gardé et qui parlait d’elle. C’est comme ça que j’avais pu voir ce que ma fille était devenue. Car, au fond de moi, j’avais eu envie de connaitre cet enfant. Mais je n’avais pas trouvé le courage, avant aujourd’hui, de réparer les torts que je lui avais causé et que j’avais causé à sa mère.

J’avais expliqué avoir voulu la connaitre. Ça sembla la surprendre et elle se posait un tas de questions légitimes. Elle se mit ensuite à sourire. Un sourire que je découvrais et qui me fit sourire à mon tour. Je rigolai même quand elle déclara que j’étais une personne âgée avant de s’excuser quelque part.

-Disons que je ne suis plus vraiment jeune, c’est vrai.

J’allais m’en tenir au tutoiement alors si Eleanor n’aimait pas qu’on la vouvoie.

Je repris mon sérieux pour répondre à toutes ses questions.

-Je ne suis pas mourant. Mais j’ai décidé, il y a quelques temps, de faire ma biographie. Je ne compte pas faire ça seule. J’ai engagé l’écrivaine Juliet Jones pour ça. C’est une écrivaine de talent. J’aime ses livres.

Je me raclai la gorge avant de reprendre.

-Faire sa biographie implique de ressasser le passé et c’est grâce à Juliet que je me suis repenché sur toi. Elle a vu les coupures. C’est elle qui m’a aidé à me décider. Ça faisait longtemps que je voulais te rencontrer sans trouver la force ou les mots. Je savais que je ne pourrais réparer le passé…

Je soupirai.

-Je ne le peux toujours pas… Mais je voulais au moins essayer de te connaitre pour ne pas regretter de ne l’avoir jamais fait. Et puis… A quoi beau raconter ma vie si je ne suis pas entièrement honnête. Hors du est une part de ma vie et je me devais d’être au moins honnête avec moi-même. Si tu ne veux pas apparaitre dans mon récit, j’accepterais ça. Même si ce n’est pas tant ça qui a de l’importance mais de pouvoir te voir en vrai et te dire tout ça.

Don Hughes avait de bien belles intentions cachées au travers de piètres excuses. Tout ce qu’il me disait, c’était à ma mère qu’il aurait dû le dire. De nous deux, ce fut sans aucun doute elle qui avait essuyé le plus de revers et de déception vis-à-vis le rejet de Don qu’elle avait aimé. Ça me rendait triste car je constatais qu’elle et moi avions cru les belles paroles d’hommes qui nous avaient vulgairement rejeter une fois leur plaisir consommé.

- Je ne crois pas qu’elle voudra vous parler mais au moins, elle ne pourra plus vous reprocher de ne pas avoir essayer.

Elle ne pourrait que lui reprocher d’avoir mis trop de temps ce qui restait la plus strict vérité.

Ce qu’avait fait Don n’était qu’un cas parmi tant d’autres. Combien de jeunes filles trouvaient refuge à la Mission après avoir découvert être enceintes ? Chaque fois qu’une d’entre elles passait la porte, je pouvais imaginer ma mère et ressentir la douleur qu’elle avait dû ressentir.

Don s’était alors retourné pour prendre ce qui semblait être des articles de journaux qui dataient. Il avoua avec ce que je pensais être une pointe de fierté et de nostalgie qu’il avait suivit au travers différents articles, mon semblant de carrière et mon bénévolat. Je ne savais pas comment interpréter cette confidence. Jamais de ma vie je n’aurais cru que Don Hughes ait pu s’intéresser à moi. Je l’aurais plutôt imaginé bruler le journal qui mentionnait mon nom, pour éviter de faire face à la réalité.

Sentait-il sa mort ? C’est ce que je voulu savoir en lui demandant pourquoi il entreprenait cette démarche aujourd’hui. Qu’est-ce que cela allait lui apporter après tout ce temps. Il avait deux enfants élevés, il ne devait pas avoir envie d’ajouter un troisième marmot à sa tribu. En tous les cas, moi je n’avais pas envie de me retrouver sous l’arbre de noël avec les deux autres.

Don expliqua que, s’il était vrai qu’il n’était plus une petite jeunesse, il n’en était pas pour autant mourant. Il avait décidé de faire écrire sa biographie par Juliet Jones, une auteur dont je raffolais de ses livres même si l’horreur n’était pas ma tasse de thé. Sa façon d’écrire était magnifique, presque poétique et rendait même la pire tuerie en une œuvre fantasmagorique.

Alors que Don continuait ses explications, je m’avançais et contournais le divan pour m’y assoir, comme si ce qu’il me disait me sciait les jambes et qu’elles ne pouvaient plus me supporter. L’homme d’affaire voulait révéler dans sa biographie être mon père et donc, lever le voile sur toute une vie de questionnement. Ce n’était pas une façon de réparer le passer car comme il le disait, il ne le pourrait pas mais ça représentait pour lui une façon de faire amende honorable et un moyen de nouer un lien avec moi.

La question cependant était de savoir si moi j’en avais envie.

- Je ne sais pas si j’en ai envie… J’ai le droit d’y réfléchir ?

Puis il n’y avait pas que moi là-dedans. Les enfants de Don, Carrie et Julian avaient peut-être leur opinion sur le sujet. Comment verraient-ils mon arrivés dans le livre de leur père ? Leur avait-il déjà parlé de moi?

- Comment vos enfants vont réagir ? Est-ce que ça vaut la peine de briser votre harmonie familiale pour moi qui ne sera jamais vraiment un membre à part entière de votre famille ?

Je ne me berçais de de fausses illusions, je ne l’avais jamais fait non plus. Ce n’était pas parce que Don Hughes ressentait aujourd’hui le besoin de révéler ses secrets qu’il allait en plus me coucher sur son testament. De toute façon, je ne voulais rien de lui. Ma mère ne lui avait jamais rien demandé et je n’allais pas commencer à le faire !

Je devais aussi des excuses à la mère d’Eleanor. Elle avait le plus souffert de mon comportement et de mes choix de l’époque. Mais Eleanor n’était pas certaine que sa mère accepte de me parler. Toutefois, elle ajouta qu’elle ne pourrait plus me reprocher de ne pas avoir essayer. J’hochai de la tête comprenant totalement.

-Je lui ouvrirais la porte pour une discussion. Si elle accepte tant mieux et, sinon, j’accepterais sa décision.

Eleanor restait froide et méfiante alors j’avais sortis mes coupures de journaux que j’avais récolter au fur et à mesures des années. De loin, j’avais pu suivre son début de carrière dans l’art de la scène mais, aussi, son activité de bénévole pour Saint-John. Eleanor avait indéniablement un grand cœur et du talent pour plusieurs choses. Mes enfants avaient tous des talents très différents et des caractère tout aussi différents.

Eleanor se questionnait ce qui était légitime et j’avais expliqué pourquoi j’avais décidé de la contacter pour lui parler. J’avais parlé de Juliet Jones et de mon projet de biographie. Que c’était la jeune écrivaine et ses remarques avisées qui m’avait décidé à sauter le pas et à me retrouvé ici face à ma fille.

Une fille qui avait fini par s’asseoir doucement dans l’un de mes fauteuils. J’avais pris place face à elle m’asseyant aussi. Quelque part, qu’elle prenne le temps de s’asseoir me rassurait. C’est que j’avais réussi à créer un contact assez sain que pour qu’on puisse continuer à parler et que je puisse répondre à toutes ses questions.

J’avais parlé du fait de faire paraitre notre lien dans la biographie mais que je ne le ferais que si elle m’en donnait l’autorisation. Elle disait ne pas savoir si elle en a envie. Elle souhaitait un temps pour réfléchir.

-Oui, bien sûr. Prends ton temps. Mais si tu a envie que ça paraisse alors je te ferais lire le passage avant que le livre ne soit publier.

Elle posa d’autres questions pertinentes. Elle voulait savoir ce qu’allait en penser mes deux autres enfants. Elle semblait consciente que tout ça pourrait briser l’harmonie de ma famille.

Je réfléchis quelques instants. Je connaissais mes enfants et je pouvais plus ou moins prévoir leur réaction.

-Julian réagira bien. C’est une jeune homme sensible qui voudra sans doute te connaitre. Je sais que lui et sa femme, la jeune Livia, seront bienveillant vis-à-vis de tout ça.

Livia pourrait même se sentir proche d’Eleanor vu que, elle aussi, avait pris le temps avant d’être reconnue par Jimmy Reed.

Restait Carrie.

-Quant à ma fille aînée… Disons qu’elle ne sera sans doute pas très heureuse d’apprendre que j’ai trompé sa mère. Mais mon mariage avec sa mère étant terminé depuis longtemps, je crois qu’elle prendra cela avec beaucoup de recul. C’est une femme intelligente. Ces derniers temps, nous sommes très proches alors je pourrais lui parler posément de tout ça.

Je continuai de soutenir le regard d’Eleanor.

-Notre harmonie familiale ne pourra, je le pense, que se renforcer. Moins il y a de secrets, mieux c’est. Or, c’est un secret que j’ai bien trop longtemps gardé.

Je me tus avant de reprendre.

-Mais, parle-moi un peu de toi… As-tu un mari ? Des enfants ?

Don avait l’intention de réparer ses erreurs du passé et il commençait par moi en tentant de façon maladroite mais honnête, de nouer un lien. Il avait aussi décidé d’approcher ma mère et lui demander pardon pour toutes ces années de silence et le mal qu’il lui avait fait en reniant à la fois leur brève histoire et ma conception. Je ne pouvais pas parler pour ma mère bien que je me doutais qu’elle refuse de lui accorder autant d’attention que je ne le faisais présentement, cependant, elle ne pourrait plus lui en vouloir de ne pas avoir essayer.

Comme l’adage le disait si bien, mieux valait tard que jamais.

Mon attitude face à Don était fermée et froide. Je ne voyais aucun intérêt à ressasser le passé, ce qui avait été fait ne pourrait pas être changé et je ne me sentais pas moins bien dans ma peau pour ne pas avoir eu de père. Au contraire, ce fait m’avait rendu plus forte et capable d’affronter la vie et les ruelles de l’Eastside, ses truands et ses beaux policiers au cœur de pierre.

Je n’aurais jamais imaginé par contre que Don ait pu s’intéressé, même de très loin, à ma vie en conservant le peu d’article de journaux parlant de moi. Je n’étais pas une célébrité, loin de là mais ma participation aux Misérablesen Europe m,avait valu d’être mentionnée dans l’hebdo local tout comme les quelques activités de la Mission St-John’s pour qui je ne comptais plus les heures à y faire du bénévolat.

Ça me fit tout drôle de penser que Don ait pu lire ces quelques lignes et ressentir une certaine fierté, moi qui avait toujours été persuadé qu’il se souciait autant de moi que de la première couche de Julian. Je commençais à perdre en rigueur et mes jambes elles, à ramollir. Quant ensuite il mentionna son intention de faire publier sa biographie et qu’il désirait parler de moi dedans, ça en fut trop et je contournais le divan pour m’y installer, le temps de reprendre un peu mes esprits.

Ça faisait beaucoup en peu de temps !

- Si je décide de dire oui, je voudrais lire avant, ce serait la moindre des choses. Et maman aussi, parce que vous ne pourrez pas vraiment parler de moi sans parler d’elle.

Ma mère n’était pas connue non plus mais ceux nous connaissant découvrirait tout un pan de notre vie que nous avions gardé pour nous deux. Je pensais à la famille qui, sans jugé, pensait que ma mère n’avait jamais su l’identité de mon père. Comme si elle avait la cuisse légère, alors qu’il n’en était rien.

Ça allait remuer beaucoup de chose pour un paquet de gens, comme les enfants de Don, Julian et Carrie. Comment allaient-ils réagit lorsqu’ils apprendraient mon existence ? J’avais peur que cela ne brise leur harmonie familiale. En ce qui me concernais, je n’avais rien à y perdre, rien à y gagner mais mon demi-frère et ma demi-sœur eux, verraient probablement les choses autrement.

Don s’était lui aussi assit et, sur un ton sondeur empreint de tendresse, disait que Julian réagirait bien à la nouvelle puisqu’il était quelqu’un de sensible et que sa bienveillance le pousserait à vouloir me rencontrer. Quant à Carrie, elle serait probablement plus sur ses gardes et réfléchie par rapport à tout cela, probablement parce que ma conception serait plus proche de la fin du mariage de ses parents, elle y verrait peut-être un lien.

C’était très gros à envisager tout ça, je n’étais pas certaine de savoir comment gérer cette situation mais une chose était certaine, j’étais beaucoup m oins hostile et fermée vis-à-vis de Don maintenant que je ne l’étais a mon arrivée à sa villa. Ce dernier, probablement parce qu’il sentait qu’il avait pu percer ma carapace pas très épaisse tenta d’en apprendre davantage sur moi. J’avais laissé de côté mon attitude réfractaire me permettant d’être plus encline à lui répondre.

- Pas de mari, pas d’enfant. Je viens d’être larguée par un homme avec qui j’avais cru faire le reste de ma vie mais… Je me suis trompée, il faut croire.

Je passais bien près de dire que je ne serais pas la première à faire ce genre d’erreur mais je m’arrêtais à temps. Si je l’avais dit, ça n’aurais même pas été pour pointer Don mais parce que ce genre d’histoire arrive à tellement de fille !

- La mission est tout ce que j’ai de plus précieux, avec ma mère. Et je… Je suis en attente d’une réponse pour un rôle à Broadway. Ça me fera di bien de changer d’air, de m’éloigner d’ici et de la police de Los Angeles !

J’avais parlé de ma biographie à Eleanor. De mon avis, elle avait le droit de dire « non » quant au fait d’y apparaitre ou non. J’avais décidé d’être sincère avec les gens qui la lirait mais je ne le ferais que si Eleanor me donne l’aval. Sinon, je ne parlerais pas d’elle.

Elle déclara bien vouloir lire les choses avant si jamais elle décidait d’accepter. Elle voulait aussi que sa mère puisse lire. Il était clair que je ne pouvais pas parler d’Eleanor sans parler de sa mère. Ainsi, sa demande était totalement légitime.

-Bien entendu. Toi et ta mère aurez le droit, toutes les deux, de lire et de commenter avant la sortie du livre.

Je savais quel impact ça pourrait avoir sur ma vie… Mais aussi sur celle d’Eleanor et sa mère. Après tout, si elles n’étaient pas connues, elles connaissaient quand même des gens et des gens les connaissaient. Ça allait sans doute changer leur vie d’une façon ou d’une autre que notre lien soit révéler au monde.

Mais Eleanor se demandait comment mes enfants allaient réagir à tout ça. Je les connaissais et je pouvais plus ou moins prévoir leurs réactions. Je savais que Julian serait enclin à vouloir connaitre sa demi-sœur. C’était une garçon ouvert et je savais qu’il accepterait Eleanor comme un membre de notre famille.

Pour Carrie, je savais que ça serait une autre pair de manches pour bien des raisons. Mais je savais qu’elle saurait prendre les choses posément une fois sa surprise passée. Il était loin le temps où Carrie réagissait sur des coups de sang. Elle avait largement pris en maturité depuis. Son seul défaut restait qu’elle avait bien du mal à choisir le bon mari.

Maintenant que Eleanor était assise, j’avais l’impression qu’elle était plus encline à vouloir discuter. Alors, je lui posai quelques questions afin de mieux la connaitre. Car, hormis ce que j’avais lu dans les différents articles, je ne savais pratiquement rien d’elle.

Elle s’ouvrit alors un peu plus disant qu’elle n’avait ni mari, ni enfant. Je pris un air triste lorsqu’elle déclara qu’elle s’était fait largué il y a peu par un homme avec qui elle avait pensé pouvoir faire sa vie.

-Je suis sincèrement désolé. Ayant vécu deux divorces, je sais ce que ça fait. La vie à deux n’est pas toujours facile et ne fonctionne pas toujours comme on le voudrait. J’espère que tu pourras trouvé le bon, un jour.

Elle disait que ce qu’elle avait de plus précieux était la mission et sa mère. Elle pensait aussi tenter Broadway. Je savais qu’elle était douée en art dramatique. Par contre, je fus surpris quand elle parla de la police de Los Angeles.

-Tu devrais tenter Broadway. De ce que j’ai lu, tu avais un certain talent pour les arts de la scène. Mais… Pourquoi veux-tu t’éloigner de la police de Los Angeles ? Tu as des ennuis avec eux ?

Don avait envie de déterrer le passé parce qu’il avait envie d’écrie sa biographie. Je n’avais pas d’idée sur ce dont j’avais envie mais une chose était certaine, que je dise oui ou non, il allait devoir en parler avec ma mère car elle était autant concernée que moi. Après tout, il ne pouvait pas parler de sa fille illégitime sans aborder sa relation adultère.

- J’apprécie que vous me donniez le choix.

Cependant, je ne savais pas comment ma mère verrait tout cela. Il se pouvait fort bien qu’elle refuse qu’on parle d’elle et alors, Juliet Jones devrait faire preuve de prouesse pour réussir à me caser dans l’histoire sans parler de ma mère. Surtout que des gens risquaient de nous reconnaitre. Nous n’étions pas connues mais n’en demeurait pas moi quand nous avions des amis et de la famille qui lisaient !

Après m’être inquiété de ce qu’allaient penser les enfants de Don a mon arrivée dans leur portrait familiale, Don me rassura et, tout compte fait, n’en tenait qu’à lui d’assumer ses erreurs du passé et les conséquences qui venaient avec. Je n’allais pas m’excuser d’exister et encore moins des envies de Don de réparer ses coches mal taillées.

J’étais plus détendue et je m’étais assise sur le divan alors que Don se permettait de me questionner sur ma vie personnelle. Je n’avais rien à cacher, ou du moins plus rien alors je répondis simplement que je n’avais pas d’enfant parce que l’homme avec qui je pensais faire ma vie et fonder ma propre famille m’avait récemment largué.

- C’est pas grave… Ça ne devait pas être le bon pour moi, il faut croire.

Ça me faisait mal de le dire parce que j’aimais encore Jordan mais je ne me sentais pas capable de lui pardonner la dureté de ses paroles, sa fermeture d’esprit et le regard assassin qu’il a eu pour moi avant de me jeter dehors comme si j’étais une moins que rien.

J’avais mentionné être en attente d’une réponse de Broadway, que cela me ferait du bien de me changer les esprits, de voir autre chose que Los Angeles et surtout, de squatter ailleurs qu’à la mission. Don m’encourageait à partir en disant que j’avais un certains talent. Je le pensais aussi, sans vouloir sembler prétentieuse mais on m’avait fait que de bonne critiques pour le dernier rôle que j’avais tenue et la production n’était pas la moindre !

- J’aime beaucoup être sur la scène, tenir un rôle. Ce serait pour Grease, je serais vraiment très heureuse d’être prise. La compétition sera sans doute féroce pour obtenir un rôle alors… Je ne me berce pas d’illusion.

Même si j’avais grand besoin de m’accrocher à un rêve en ce moment. D’être à New York et offrir une représentation soir après soir m’aèrerais l’esprit au point que mon cœur meurtrit pourrait amorcer sa guérison.

- Parce que mon ex petit ami est policier et que chaque fois que je croise une voiture, j’ai toujours autant peur qu’espoir qu’il soit au volant, qu’il s’arrête et qu’il en sorte pour me prendre dans ses bras en me disant qu’il s’est trompé et qu’il regrette.

Je haussais des épaules, presque sur le point de fondre en larmes. J’en chassais une discrètement du revers de la main tout en inspirant avant de me reprendre.

- Mais ça n’arrivera pas… Je le connais et quand il a une idée en tête, absolument rien ne peut l’en faire changer.

Nous avions convenu que, dès qu’Eleanor serait fixée sur le fait de, oui ou non, apparaitre dans ma biographie, elle et sa mère pourraient lire les pages qui leur seront consacrées.

Après ça, et comme Eleanor avait fini par s’asseoir et semblait moins hostile à mon égard, je me permis de poser des questions plus personnelles sur celle qui était ma fille. C’était important… J’avais envie de la connaitre depuis bien longtemps mais ma lâcheté m’en avait empêché. Désormais que j’avais sauté le pas, je n’allais pas laisser passer l’occasion d’en apprendre plus sur Eleanor.

Ainsi, j’appris qu’elle était récemment séparée de son petit ami. Une rupture qui, visiblement la touchait. Elle semblait avoir effleuré l’idée de pouvoir fondé une famille avec cet homme mais ses espoirs s’étaient envolés. Elle avait subi une énorme déception. Ma propre vie avait son lot de déboire amoureux aussi. D’abord avec la mère de Carrie et, ensuite, avec celle de Julian.

Elle disait que ce n’était pas grave. Que ça ne devait pas être le bon.

-J’espère que tu pourras trouver le bon. Ce n’est pas une quête facile. Je suis de mauvais conseils pour ça… Je n’ai pas non plus eu beaucoup de chance en amour.

J’avais profondément aimé la mère de Carrie ainsi que Kate… Mais les choses ne se sont pas passé comme prévu.

Elle parla alors de Broadway. J’avais lu qu’elle avait du talent alors je l’encourageai à suivre cette voie. Elle avoua aimer la scène. Apparemment, elle avait l’opportunité de faire la version Broadway de Grease. Un film qui a eut pas mal de succès. Moi-même j’avais beaucoup aimé.

-Tente-le… Tu n’as rien n’à perdre. Celui qui tente voit souvent la chance lui sourire.

Quand j’avais fondé MTI, c’est ce que j’avais fait. J’avais tenté le coup et fait quelques paris risqués qui avaient payés.

Elle voulait changer d’air et éviter la police de Los Angeles. Cette remarque me fit me questionner tout haut mais, heureusement, Eleanor n’avait pas de problème avec la loi… Son ex-petit ami était simplement un policier et que voir la police de Los Angeles allait indéniablement lui faire penser à lui et à sa rupture.

Elle aimerait que ce policier s’excuse mais elle savait que ça ne serait jamais le cas… Je pris un air désolé.

-Tu l’aimes toujours… Se remettre d’une rupture n’est jamais facile. Mais je suis sûr que tu arriveras à aller de l’avant. Tu travaille pour Saint-John. Tu dois en voir des choses difficiles là-bas. Bientôt, voir une voiture de police ne te fera plus autant de mal. Il faut laisser le temps au temps et se concentrer sur ce qu’on aime et sur ceux qu’on aime.

Je souris.

-Peut-être qu’à Broadway, tu trouveras à la fois un travail mais, aussi, la bonne personne. La vie est pleine de surprises. C’est toujours ce que je dis à mes enfants.

Je la regardais avec un sourire bienveillant.

-Est-ce que tu as des économies suffisantes pour entreprendre ce voyage ?

D’être assise au salon de Don Hughes avait quelque chose de surréaliste mais, ma première impression passée, pas si vide de sens. Peut-être étions nous dans l’un de ces cas de figure où il valait mieux trop tard que jamais.

L’avenir nous le dirait.

En fait, l’avenir nous dirait un tas de choses si je me fiait à la conversation que nous avions, Don et moi. D’abord, j’allais prendre le temps de réfléchir et de discuter avec ma mère concernant la biographie de Don dans laquelle il désirait parler de moi et par la bande, de ma mère. Nous saurions aussi si j’allais me rendre à New York pour participer à l’adaptation scénique du succès cinématographie Grease. J’attendais un retour d’appel de la production pour savoir si je pouvais me présenter aux auditions. Je croisais les doigts puisque j’avais vraiment besoin de quitter Los Angeles pour un temps mais que je savais que je ne le ferais jamais sans avoir de bonne raison de le faire.

L’avenir nous fixerait aussi sur ce qu’allaient penser Carrie et Julian de ma présence dans leur généalogie. Je redoutais un peu leur réaction bien que Don se montrait rassurant à ce sujet. Je ne pouvais que m’en remettre à lui puisqu’il connaissait ses enfants mieux que moi. Le contraire aurait été très triste puisque je ne connais pas du tout Carrie et Julian.

La conversation prit une tournure un peu inattendue alors que je me livrais à quelques confidences en répondant aux questions de Don. Les mots sortaient facilement, peut-être que j’avais besoin de me confier à quelqu’un qui ne me connaissait pas pour obtenir un semblant de franchisse. Jusqu’à maintenant, les seuls qui avaient eu la chance d’entendre ce que j’avais sur le cœur avaient condamnés Jordan en le qualifiant du pire des salaud.

- Le truc est de savoir si le bon existe…

Je commençais à en douter.

De toute ma vie, je n’avais eu que deux relations sérieuses et elles avaient été avec deux hommes totalement opposés. Ward et Jordan n’avait absolument rien en commun pourtant, quand je pensais à eux, je les voyais comme complémentaires. Ils représentaient tout ce que l’autre n’était pas. Le plus ironique dans tout cela, celui qu’on pointait comme le monstre avait été extrêmement doux et aimant avec moi alors que le bon gars dans l’histoire avait été celui qui m’avait fait le plus mal.

Je parlais de Broadway et de mon besoin d’y aller pour me changer les idées et Don disait que je n’avais rien à perdre. En effet, je n’avait absolument rien à perdre mais avant de m’y rendre, je devais avoir la certitude d’être prise. Je n’avais pas envie de m’y rendre si c’était pour m’y sentir encore plus seule qu’ici.

- Dès que j’aurais leur appel qui dit que je suis prise, j’irai.

Mentionner que je désirais m’éloigner de la police de Los Angeles piqua la curiosité de Don qui demanda si j’avais des ennuis avec eux. Si ce n’était que ça, ma vie serait plus simple, mais c’était plus profond et compliqué, ce que j’expliquais à Don qui m’écoutait attentivement.

- Je sais. Mais avant que le temps ne fasse son œuvre, ça demeure douloureux.

Si je pouvais claquer des doigts et me propulser dans le temps, je le ferais.

Je relevais la tête alors que Don suggérait qu’à New York, je pourrais trouver pointure à mon pied. Ce n’était pas faux mais je ne fondais aucun espoir là-dessus. Je ne voulais pas partir avec en tête l’impression que ma vie allait prendre un tout nouveau souffle et que mon petit cœur meurtrit recommencerait à battre. Si je faisais ça, je risquais d’être plus déçu.

Quand il me questionna sur mes finances pour entreprendre mon voyage, je le fixais sans savoir quoi répondre. J’étais bénévole ce qui signifiait que je n’avais pas ou à peu près pas de revenu pour tout ce que je faisais à St-John. En emménageant avec Jordan, j’avais vendu tout ce dont je n’avais pas besoin chez lui. J’avais vécu sur ce maigre magot qui avait fondu comme neige au soleil. Le sourie que Don afficha ensuite me fit un peu paniquer, comme si je sentais une offre que je ne voulais pas recevoir, sur le point de se formuler.

- Je n’ai pas besoin de votre argent, si c’est la prochain question.

Je me levais avec l’envie de partir, certaine d’être sur le point de tomber dans un piège patriarcal.

- Je n’ai jamais eu besoin qu’on subvienne à mes besoins pour avancer dans la vie, je suis désolée si j’ai donné l’impression d’en avoir besoin, ce n’est pas le cas.

Eleanor avait subi une rupture et je pouvais entendre dans sa voix qu'elle était fortement touchée par ça. La fin d'une relation n'était jamais facile. Je le savais par expérience. Je tentais, tout de même, de lui faire entrevoir une note d'espoir en disant que, un jour, elle trouvera le bon.

Mais elle disait douter que le bon existe.

-Il arrivera certainement au moment où tu t'y attends le moins.

Elle était jeune, c'était une jeune femme intelligente et qui a très bon cœur. J'étais sûr que le destin lui réservait de bonnes choses. Je ne pouvais pas croire qu'il en soit autrement.

Elle m'avait parlé de sa volonté de tenter l'aventure à Broadway. Je l'avais encouragée en ce sens. Elle en avait le talent mais elle avait aussi envie de changer d'aire car rien que voir les voitures de police de cette ville lui rappelait son ancienne relation et, donc, son échec et son chagrin.

Elle disait attendre des nouvelles pour son audition et que si les nouvelles étaient bonnes elle se lancerait dans cette aventure. Quant à son petit ami, je lui avais dit que le temps finira par faire cicatriser la plaie qu'elle avait sur le cœur. Elle le savait mais ça n'en restait pas moins douloureux sur le coup.

-Je le comprends totalement.

Son aventure à Broadway lui demandera pas mal d'argent. Je la savais bénévole et je ne savais pas si elle avait suffisamment d'argent pour pouvoir voyager confortablement. Et je ne voulais pas que son rêve puisse lui passer sous le nez pour une question d'argent.

Cependant, je vis bien que la question la mettait mal à l'aise. Elle disait ne pas avoir besoin d'argent. Elle se leva ensuite et j'en fis de même, un peu pris de court. Je ne pensais pas la mettre à ce point mal à l'aise. Elle disait n'avoir jamais eu besoin que quelqu'un l'aide pour avancer dans la vie.

Je pris un air désolé.

-Tu n'as pas eu l'air d'en avoir besoin... Excuse-moi si je t'ai offensé. Je voulais juste m'assurer que l'argent n'était pas un frein à réaliser ton projet.

Je soupirai.

-Ne jamais vouloir dépendre de quelqu'un est admirable.

Et dieu sait que ce n'est pas toujours évident spécialement pour les femmes.

-Mais rien n'empêche de parfois de demander de l'aide. Même ceux qui donnent, comme toi, peuvent parfois en avoir besoin. Sache que tu ne dois pas hésiter à venir me voir si c'est le cas.

Je regardai Eleanor.

-Je ne veux en aucun cas m'imposer dans ta vie... Mais sache que je suis là et que je suis ouvert à ce qu'on puisse mieux se connaître. Si jamais tu en a envie.

Je ne l'obligeait à rien...

Selon Don, je ne devais pas baisser les bras et continuer de croire que je pouvais rencontrer l’homme qui ferait à nouveau battre mon cœur. Peut-être étais-je trop blessée par ma récente rupture pour vouloir y croire mais je ne relevais pas les paroles de Don, trop épuisée pour argumenter.

De mon côté, je pensais que de changer d’air, d’aller voir ailleurs ce qui se passait pouvait me donner un second souffle. Je ne pensais pas y retrouver l’amour mais au moins, je cesserais de focusser sur mon petit cœur meurtrit. Mais avait de partir, je devais attendre l’appel qui allait me dire si j’étais prise ou non pour passer les auditions de à Broadway.

Vivre à New York n’allait pas être simple, surtout que je n’avais presque plus un sous en poche et c’est là que Don proposa de me venir en aide, si j’en avais besoin, du moins pas directement mais j sentais que ça allait venir, vu le sourire bienveillant qu’il afficha, comme s’il pensant qu’il n’avait suffi qu’une conversation banale pour rattraper toutes ces années perdues et lui donner le rôle de père. Jamais de ma vie je n’avais quémandé d’argent et jamais je ne le ferais et surtout pas auprès de Don !

Je me levais, fâchée et je lui lâchais que je n’avais pas besoin de son argent et que j’étais désolée s’il avait cru que j’allais lui en demander. Don, surprit de ma réaction, rectifia qu’il ne pensait pas que j’étais sur le point de lui en demander et qu’il savait que parfois, l’argent pouvait freiner l’ambition. Effectivement, l’argent demeurait toujours ma plus grosse inquiétude mais jamais au point de demander de l’aide à celui qui venait de se souvenir qu’il était mon père.

Don, sur un ton qui témoignait de ses bonnes intentions ajouta que de ne vouloir dépendre de personne était admirable.

- C’est une qualité qui me vient de ma mère.

Elle m’avait appris l’indépendance et à ne jamais baisser les bras. Grâce à elle, je fonçais toujours tête première sans craindre l’échec… sauf dans ma vie sentimentale. Là, j’étais un échec sur toute la ligne.

Nous étions debout, l’un face à l’autre comme au tout début de la rencontre. J’étais prête à m’en aller et Don lui, semblait prêt à tout pour me faire tenir un pu plus longtemps chez lui en formulant clairement une offre d’aide, si et seulement si j’en ressentais le besoin.

- Merci mais… Vous êtes la dernière personne que je viendrai voir, sans vouloir vous offenser. Ça ne serait pas correct. Pour Carrie et Julian, je veux dire… Et pour ma mère.

Déjà que ma mère ne verrait pas d’un très bon œil ma rencontre avec son ex-amant, si elle devait aussi apprendre qu’il m’avait proposé de m’aider et que j’avais accepté, ce serait horrible comme affront.

Comme pour rattraper ce qu’il sentait lui filer entre les doigts Don ajouta qu’il ne voulait pas s’imposer dans ma vie mais que si je le voulais, il serait heureux que l’on se connaisse mieux. J’en retenu mon souffle, comme si je cherchais mes mots puis je fit signe que oui de la tête avant de faire quelques pas vers l’arrière.

- D’accord mais… Je dois y aller. Faites-moi signe quand… Non en fait c’est à moi de vous relancer pour votre biographie. Je dois en parler avec ma mère.

Et ça, je voyais mal comment j’allais le faire !

- Je… Oui. Je… J’y vais… Au revoir Monsieur Hughes.

Je ne me résoudrais jamais à l’appeler papa tout comme Don me semblait beaucoup trop personnel pour l’instant. Je reculais encore, toujours en le regardant avant de finalement tourner des talons et de presque m’enfuir par l’à où j’étais entrée.