Ce soir, je comptais bien aller boire un verre, mais pas n’importe où ni à n’importe quelle fin.

Parce que désormais, je pouvais voir Ward en public, sans qu’on me soupçonne de quoi que ce soit. Et pour cause, il avait été blanchi de tous les chefs d’accusations qui pesaient contre lui, pendant que le juge Dorsley et quelques jurés se prenaient des vacances dans quelque endroit exotique.

Je savais par mon réseau d’informations que Ward était désormais patron du Wild, ce qui consoliderait, à rebours, ses dires comme quoi il travaillait bien là.

Mais en abandonnant, probablement par prudence, toute activité illégale, il avait laissé ses New Soldados à la dérive. Une aubaine pour moi et Alonso qui avions directement repris les choses en mains. Un peu comme je l’avais déjà fait il y avait quelques années avec les South Panthers. J’avais de nouveau interdit la prostitution et redirigé tous les effectifs vers le trafic de drogue.

Et Ward n’avait pas moufté.

J’avais pu tout faire, et il n’avait pas levé le petit doigt.

Ce soir, c’était donc au Wild que j’allai boire un verre, laissant Maritza lire paisiblement dans le salon pendant que J.R. dormait du sommeil du juste.

Et le moins qu’on puisse dire, en entrant dans le Wild, c’était que Ward faisait du bon travail.

J’avais l’impression qu’il avait doublé le nombre des danseuses. Les serveuses elles aussi étaient en petites tenues affriolantes. Au bar, par contre, c’était bel et bien un homme qui s’occupait des cocktails dont le nombre avait aussi doublé sur la carte.

Bref, tout me semblait bien à sa place.

La musique diffusée était The Lightening. Je savais que c’était le groupe favori de mon ancien ennemi… Enfin… « ancien »… C’est ce que j’allais peut-être confirmer ce soir. En effet, j’avais quelque chose d’assez juteux à proposer à Ward. Il m’en devait une, après tout… Non ?

Je m’approchai d’une serveuse et lui glissai quelques billets entre les seins, sans les toucher… Je me penchai vers elle et lui parlai à l’oreille, sans crier, sans chuchoter. Juste ce qu’il fallait pour être entendu uniquement par elle par-dessus la musique.

-Vas me chercher Ward, s’il te plait…

Elle hocha la tête et s’éloigna alors que je m’installai au bar. Le barman vint directement vers moi.

-Et pour vous, Monsieur Reed, ce sera quoi ?

Je souris.

-Un Mojito, s’il vous plait… J’ai un faible pour tout ce qui est latino.

Il se mit au travail et je le regardai mixer avec admiration, une bonne distraction en attendant Ward.

J’avais respecté le deal avec l’ancien patron du Wild… J’avais gardé ses employés bien en poste et je n’avais pas fait de ses danseuses des prostituées. Désormais que j’avais les revenus de cette fameuse boite, j’avais vu à quel point Georges Morris aimait ne pas avoir trop de responsabilité en s’en mettant quand même pas mal les poches. Ainsi, j’avais remarqué que, de mon avis, Morris n’avait pas fait tourner l’endroit à plein régime en restant relativement modeste… Vous savez qui m’avait fait remarqué ça ? Mon comptable ! Ouais, j’avais dû en engager un. Morris, avant ça, faisait les choses lui-même mais, moi, je préférais me référer à quelqu’un qui connaissait réellement bien les chiffre pour faire ce boulot-là. Je le faisais moi-même quand j’étais chez les New Soldados et je devais avouer ne pas fortement aimer la chose.

Donc, j’avais délégué. Et j’avais pris la décision d’embaucher du personnel en plus. Notamment des danseuses. Plus de danseuses égal plus de diversité sur quoi se rincer l’œil égal plus de clients. J’avais, aussi, changé les tenues des serveuses en leur demandant des tenues plus courtes.

C’était mes premières décisions en plus de proposer une carte plus fournie. C’est le barman qui avait proposé ça… Apparemment, entre lui et Morris, ça n’avait jamais été le grand amour alors il avait été content de le voir partir même si, en voyant que c’était moi le remplaçant, il avait bel et bien blêmi. Tout L.A. me connaissait maintenant… Merci, la presse… Je me sentais limite comme un genre de star…

Ce soir, j’étais dans mon bureau… Le soucis avec ce genre de métier, c’est la paperasse… Parce que si je n’étais pas comptable, j’étais responsable des ressources humaines… Et, contrairement à un gang, ici, il y a de la foutue paperasse.

Je devais avouer que je me faisais royalement chier à lire toute cette merde !

J’étais plongé la dedans quand j’entendis toqué à la porte.

-Entrez…

Je lançai ça d’un ton neutre avant de lever les yeux sur Angela, l’une de mes serveuses. Elle n’était pas timide, Angela, mais elle semblait profondément intimidée par ma personne. Je penchai légèrement la tête sur le côté.

-Qu’est-ce qu’il se passe ?

Elle retrouva sa langue et lança.

-Monsieur Reed veut vous voir… Il est au bar.

Jimmy Reed. J’esquissai un petit sourire. Il avait dû apprendre que j’avais pris les rennes du Wild. Et ça l’avait attiré ici. Je devais avouer que j’en ressentais pas mal de satisfaction.

-Je vais aller le voir. Tu peux retourner au travail.

Elle hocha de la tête avant de sortir. Je me levai à mon tour pour sortir, moi aussi, avant de ferme la porte à clé pour me diriger dans MON bar.

J’y trouvais le petit blondinet de Malibu. Il était en train de boire un Mojito. En tant que chef des Los Diablos, il savait rester cohérent sur son choix de boisson.

Je pris place sur le tabouret à ses côtés.

-Jimmy Reed… Bienvenue au Wild.

J’esquissai un petit sourire et fit signe à mon barman. Il savait qu’il devait me servir un whisky et il le fit avant de s’éloigner un peu se doutant bien que cette conversation ne lui était pas destinée.

-Tu viens de me sauver de la paperasse. Tu es mon sauveur encore un fois.

Je dis ça sur un ton légèrement désinvolte. Je devais avouer que ma libération m’avait donné une certaine impression de pouvoir et j’avais adoré ça. Même si je savais que je devais ça à la peur et au compte en banque de l’homme assis à mes côtés.

Je le fixai après avoir bu une gorgée de whisky.

-Qu’est-ce qui t’amène ici ? Tu viens te rincer l’œil ?

Je savais qu’il n’était pas ici pour ça. Je savais qu’il aimait sincèrement sa femme. Même si… L’aimer ne voulait pas dire qu’il ne pouvait pas se rincer l’œil sur d’autres femmes. Je le fixai.

-A moins que tu ne viennes pour t’assurer de mes intentions ?

Vis-à-vis de lui. De sa famille. De ses Los Diablos.

Ward ne tarda pas à pointer le bout de son nez au bar. Il me souhaita la bienvenue au Wild et je lui tendis la main pour qu’il la serre.

-Merci… Tu en as fait, du beau travail en quelques jours. Les clients vont se bousculer pour passer une soirée ici et je ne te parle même pas des stars.

Je voyais bien Izbel venir passer du bon temps ici… Ou mon avocat, Victor… C’était bien leur style à tous les deux.

Le barman servit un whisky à mon nouveau comparse et je pris une gorgée de Mojito  à la paille. Il était excellent. Ward, lui, me remercia, en quelque sorte, de le sauver encore une fois. Mais de la paperasse, cette fois.

Je fis la moue.

-Mmm… Oui, c’est l’ennui d’une profession légale. Il faut tout justifier.

Moi, je n’avais pas ce problème. Frances faisait tout ça pour moi.

-Vu ce que tu as fait du Wild, je ne doute pas que tu puisses avoir bientôt quelqu’un pour faire le sale boulot à ta place.

Je rigolai quand il me demanda ce qui m’amenait ici.

-Tu sais très bien que je ne viens pas me rincer l’œil.

Il me savait bien rangé depuis mon mariage avec Maritza qui était la seule femme que j’avais jamais aimée dans ma vie. Mais j’aimais le cadre du Wild… Et puis, si quelque paparazzi et/ou journaliste me surprenait ici, ça entretiendrait ma légende, alors même que je ne faisais rien de mal.

Et Maritza me faisait comprendre. On pouvait bien dire que je fréquentais le Wild dans la presse, ma femme saurait que je n’y étais certainement pas pour les filles.

Ward me fixa droit dans les yeux et je soutins son regard sans aucun mal. Je le connaissais depuis longtemps… Mais étant jeune, j’avais fait pas mal d’erreurs le concernant. Je l’avais mis de côté, rétrogradé… Ce n’était pas comme ça qu’il fallait traiter un homme comme lui. Je le savais depuis que j’avais engagé Grant.

Il était donc temps de réparer toutes ces erreurs.

-Non, je sais que tu tiendras paroles. Mais je me demandais si tu cracherais sur un peu d’argent en extra.

Je marquai une pause, sirotant mon Mojito.

-Sauf, bien sûr, si tu tiens vraiment à te ranger pour de bon. Mais je sais que…

Je le regardai et souris.

-Je sais que tu n’es pas ce genre d’homme.

Oh ! Un compliment ! Tiens, donc… Reed n’en était pas avare en si peu de phrases. Il semblait apprécier la façon dont je gérais l’endroit.

-Morris la jouait trop prudemment. Il était trop près de ses sous.

Je n’avais fait qu’exploiter le potentiel qu’il avait sous le nez. L’argent n’est jamais ma motivation première. Je savais vivre avec peu. Moi, ce que je cherchais c’était une forme de contrôle et de pouvoir et de quoi assouvir mes pulsions. L’ennui a toujours été mon pire ennemi.

J’avais déclaré que Reed m’avait sauvé de la paperasse ce qui était totalement vrai. Il disait que c’était l’ennui d’une profession légale. J’hochai de la tête.

-Ouais… Mais disons qu’une profession légale à ses avantages.

Celle de ne pas finir en prison, par exemple. En étant patron du Wild je m’assurais une couverture tangible. Je n’avais jamais fait dans le légal parce que l’illégale me permettait d’être moi-même à tout moment. Mais il fallait, désormais, que j’évolue pour survivre. Alors, j’avais choisi une autre voie. Mais ça me faisait aussi jouer dans une autre cour. Celle de Reed.

Il le savait.

Reed déclara que, vu comme tournait le Wild, il était possible que, bientôt, je trouve quelqu’un pour me décharger de la paperasse. J’esquissai un petit sourire en coin.

-Et je me retrouverais avec un tas de temps-libre… Est-ce vraiment une bonne idée ?

Comme je le dis, l’ennui est mon pire ennemi. Bien que je savais que même sans ça, je ne pourrais pas me retenir d’aller chercher quelques sensation en dehors de mon travail ici. Pour l’instant, je gérais…

Je demandai à Reed ce qu’il venait faire ici. J’avais lancé des hypothèses sans vraiment de conviction. Il affirma d’ailleurs que je savais très bien qu’il ne venait pas se rincer l’œil. Je ricanai un peu.

-Ah oui, j’avais oublié à quel point tu étais fidèle…

Ça évite sans doute à sa femme de le balancer à la police parce qu’elle est jalouse… Ce que Sky avait fait. Parce que j’avais plus l’impression que c’était parce qu’elle m’avait entendu parlé de Riley au téléphone qu’elle avait déconné plutôt que ma pulsion violente après l’entrevue avec la directrice de Grant.

Je fixai Reed lançant une autre hypothèse. Celle qu’il était simplement venu pour s’assurer que je tiendrais ma parole. Mais il ne venait apparemment pas pour moi. Visiblement, il me faisait confiance. Mais quand il parla d’argent en extra j’esquissais un petit sourire en coin mais ne dis rien laissant Reed aller jusqu’au bout de son idée.

Etais-je devenu totalement rangé ? D’après lui, non. Je n’étais pas ce genre d’homme.

-Nous ne sommes pas ce genre d’homme.

Je penchai légèrement la tête sur le côté mais, cette fois, j’esquissai un sourire en le faisant. Il n’était pas ce genre d’homme non plus. La preuve était qu’il dirigeait les Los Diablos… Qu’il n’avait pas hésité à me faire libéré pour garder son petit secret intacte. Alors même que j’avais failli tué sa femme et sa fille.

Je repris mon sérieux et bu une gorgée de whisky.

-Essayerais-tu de me pousser à nouveau dans mes travers, Reed ? Ce n’est pas très gentil.

Un large sourire apparu alors sur mon visage. Il savait bien que je n’étais pas offusqué par sa demande et que, sincèrement, je ne comptais pas ne faire que jouer les petits patrons modèle.

-Je ne crache jamais sur de l’argent en extra… Qui ferait ça ?

Je fixai toujours Reed faisant légèrement disparaitre mon sourire pour un air légèrement plus neutre.

-Alors ? Qu’est-ce que tu veux ? Un nettoyeur ? Sache que c’est la partie du boulot que j’aime le moins.

Je savais qu’il n’allait pas me demander ça mais ça faisait référence à ce que je savais de Reed : il savait tuer mais pas nettoyer. Un soucis qui devait lui venir de sa condition de petit riche qui n’a jamais nettoyé de sa vie.

Je fixai Reed attendant d’en savoir plus sur ce qu’il me voulait.

Selon Ward, Morris, l’ancien patron du Wild, avait été radin sur les dépenses et du coup, n’avait pas exploité la boîte à son plein potentiel. Ward, lui, n’avait pas hésité. Normal, dans un sens, parce que Ward avait l’habitude de vivre avec peu de revenus.

Une profession légale avait ses avantages, disait-il. Je fis une moue de réflexion…

-Oui, c’est vrai…

Mais tout ça avait ses désavantages, comme la paperasse dont je l’avais apparemment sauvé. Je lui tendis alors une perche quant à ma présence ici en lui disant qu’un jour peut-être, quelqu’un pourrait s’occuper des papiers pour lui. Mais je ne m’attendis pas à ce qu’il me dise que le temps libre était dangereux pour lui.

Enfin, il ne le dit pas comme ça, mais ce fut ce que je compris.

Je frottai mon menton.

-Tout dépend à quoi tu passes ton temps libre…

Je me penchai légèrement vers lui et parlai plus bas, ma voix fut alors couverte par la musique, sauf pour Ward.

-Je connais tes pulsions… Mais tu sais te retenir, non ?

Peut-être… pendant un temps…

Il se mit alors à spéculer sur le « pourquoi » de ma présence dans son club. Il ricana en parlant de ma fidélité envers Maritza, mais je ne le pris pas mal. Au contraire, je rigolai avec lui.

Puis je l’amenai doucement à parler de ce que je voulais parler en lui disant qu’il n’était pas homme à se ranger comme ça. Il me retourna le « compliment » en me mettant dans le même sac. Je lui souris en sirotant mon Mojito. Je n’allais pas nier… Pas à Ward.

-En effet.

Quant à savoir si je voulais le repousser dans ses travers…

-Pas vraiment… Ce que j’ai à te proposer n’a rien de…

Je fis la moue, cherchant mes mots.

-Dégoûtant ?

Il voulait bien de l’argent extra. Je souris bien grand.

-Tant mieux. Et non, je n’ai pas besoin d’un nettoyeur.

Je n’en avais jamais eu besoin.

-La criminalité en col blanc, ça te parle ?... L’argent que j’engrange avec les Los Diablos… J’aimerais le réinjecter dans le Wild… Et tu gagneras 25% de l’argent blanchi.

Je terminai mon Mojito et levai mon verre vide pour faire comprendre au barman que j’en voulais bien un autre. Puis, je reportai mon attention sur Ward.

-Oublions nos vieilles querelles et allions nous. J’estime que… nous sommes au même niveau maintenant.

Jimmy avait déclara que, bientôt, je pourrais m’offrir quelqu’un pour faire la paperasse à ma place. Si l’idée était, effectivement, très tentante, je rétorquai que ça me fera bien trop de temps libre et que le temps libre était sans doute trop dangereux pour moi.

Jimmy Reed, lui, disait que tout dépendait comment je passais mon temps libre. Au mieux, je vais à la salle de sport pour frapper sur des gens comme Sørensen… Au pire, je tue des gens… Ainsi, j’avais plusieurs passe-temps mais si j’avais eu une journée frustrante, il était fort probable que je me mette à tuer… Qui ? Tel était la question. Quand j’étais dans des gangs, ce n’était pas les ennemis qui manquaient.

Mais maintenant ?

Je n’avais pas de réponse pour l’instant.

Jimmy parla plus bas déclarant qu’il connaissait mes pulsions. Ce n’était pas un secret dans les ruelles de l’Eastside et South L.A.. Il déclara que je savais me retenir.

Oui.

Jusqu’à un certain point.

J’haussai des épaules.

-J’ai passé trois mois en prison… Je sais me retenir au moins ça… Pourtant, ce n’était pas les tentations qui manquaient.

Mon père, en premier lieu… Il était clair que si j’avais eu la peine de mort ou une condamnation à vie, j’aurais fait en sorte de le faire crever… Et d’une façon assez sale pour bien faire. Mais le fait était que j’avais dû me retenir car je savais que j’allais sortir.

Mais je voulais surtout savoir ce qui avait amené Jimmy Reed jusqu’à ma nouvelle antre. Et je compris que ce qu’il voulait c’était me faire retomber dans mes travers… Je devais avouer que je me permis, au passage de mettre ce bon vieux Reed dans le même sac que moi.

Et il ne nia pas.

J’esquissai un sourire. Il s’était longtemps voilé la face mais on dirait bien qu’il avait fini par accepter que lui et moi avions des choses en commun. Il semblait avoir, enfin, accepté sa part sombre. Je me demandais bien ce que le psychiatre qui m’avait qualifié de psychopathe pensait d’un cas comme Reed, tiens…

Il disait qu’il n’allait pas vraiment me faire retomber dans mes travers… Ah oui ? Alors, il ne s’agissait pas de meurtre, j’imagine, vu qu’il déclara que ça n’aurait rien de dégoutant. Je ricanai un peu.

-Dégoûtant ? Ça dépend comme c’est fait…

Mais de ce que j’en savais les seuls meurtre réalisé par Reed avait été du travaille dégueulasse. Sans doute pour ça qu’il pensait comme ça. C’est plus propre quand on étrangle quelqu’un. Il n’y a pas de sang à nettoyer.

Il m’avait proposé de l’argent en extra et je ne crachai, donc, pas dessus. Il lui restait à me dire ce qu’il avait derrière la tête. J’espérais que ça n’était pas nettoyeur et Reed rétorqua que c’était tout autre chose.

Ce qu’il voulait c’était blanchir son argent. C’est ce que je compris. Mais ce que je compris aussi c’est que, par se deal, Reed voulait réellement me donner largement de quoi accepter.

Je sifflai devant une telle proposition. Il m’avantageait largement. Non seulement, il allait injecté de l’argent dans le Wild mais, en plus, je toucherais 25% au passage.

Reed se recommanda un verre avant de dire qu’on se devait d’oublier les vieilles querelles. Je devais oublier qu’il m’avait humilié quand j’avais 17 ans, qu’il avait tenté de me tuer par au moins deux fois et qu’il s’était dressé bien des fois contre moi. Et lui devait oublié que j’avais tenté de tué sa femme ainsi que sa fille et que j’avais tué pas mal de Los Diablos dont des enfants innocents. Pourquoi il faisait ça ? Parce qu’il estimait qu’on était au même niveau. Je penchai légèrement la tête sur le côté.

-Je l’estime aussi.

Il était, enfin, à mon niveau. Je savais que Reed voyait les choses dans le sens inverse. Mais, pour moi, il avait réussi à accepter sa nature profond et avait prouvé à plusieurs reprise qu’il pouvait faire le pire pour son propre intérêt. Quant à moi ? J’imagine qu’il a vu que je pouvais lui tenir tête sur tous les plans.

Ainsi, nous étions au même niveau.

-J’accepte ta généreuse proposition. J’imagine que tu utilisera un intermédiaire pour m’amener ton argent sale ? Choisi le bon… Je ne veux pas me faire poignarder dans le dos.

Car si Reed semblait prêt à une paix durable et totale, je doutais qu’il en aille de même pour ses petits sbires.

Je me tus quand mon barman revint vers nous pour déposer le verre de Reed devant lui avant de s’éloigner à nouveau.

-Et comme tu es aussi généreux, je vais te dire quelque chose.

Je me penchai vers lui pour parler légèrement plus bas. Pas que c’était réellement utile mais bon.

-Tes Los Diablos ont été infiltré par un agent du FBI. Mon avocat me l’a dit… Il n’a pas témoigné au procès mais il a, semble-t-il, aidé la police pour avoir des preuves contre moi. Tu as un traitre dans tes rangs…

Bon. Inutile de dire qu’il était déjà facile d’éliminer Quinn, Vega, Martinez et tous les ex-Pequeñas Manos…

J’avais bien pris le temps de réfléchir à ça, en prison.

-Moi, je parie sur l’Irlandais.

Pas Quinn. L’autre. Celui que j’avais vu au procès accompagné de Riley…

-O’Connor.

Ward affirmait qu’il s’était retenu de tuer tout le temps qu’il était en prison. Je le regardai droit dans les yeux, sondant son âme aussi sombre que ses yeux qui étaient noir dans la pénombre du Wild. Il avait résisté à la tentation, disait-il, et je n’en doutais pas.

Mais je n’avais pas besoin de Ward pour commettre un meurtre mais bien pour tout autre chose. Sa nouvelle position de patron du Wild était un gros avantage. Ça changeait toute la donne. Et ça changeait donc le rapport que je devais avoir avec le psychopathe.

Quand il me demanda si j’allais le faire retomber dans ses travers, je lui affirmai que non. Rien de dégoûtant dans mon plan.

Il ricana en soulignant ironiquement que, moi, quand j’avais tué, j’avais été dégoûtant. Pas lui. Il était vrai que j’avais toujours tué par balle et que ça laissait des traces.

Je fis la moue.

-Dégoûtant ou pas, je suis toujours là.

Et je n’avais jamais été inquiété.

Je lui exposai donc, après avoir été resservi, ce que j’attendais de lui. Je savais que ma proposition était plus qu’avantageuse pour lui. En fait, en étant aussi généreux, je me payais une assurance anti-Ward. Il avait déjà promis de ne pas s’en prendre à ma famille, mais je voulais consolider ce nouveau lien.

Et pour cela, rien de tel que l’argent. Il aurait 25% mais seulement de l’argent blanchi au Wild. J’en blanchissais aussi ailleurs. Il n’aurait donc pas à proprement parler 25% dans ma fortune illégale… Mais ça restait tout de même un gros chiffre.

-Ce sera Alonso. Je sais que vous ne pouvez pas vous piffer. Mais je sais aussi que si j’ordonne à Alonso de ne pas toucher à un seul de tes cheveux, il m’obéira. Et j’en attends autant de toi à son égard.

L’offre était tellement tentante que Ward se pencha un peu plus vers moi. Il voulait me dévoiler quelque chose. Et mon cœur se mit soudainement à battre plus vite. J’avais peur d’apprendre quelque chose de vraiment horrible. Quelque chose qu’il aurait fait. Ma première pensée alla directement vers Livia. Elle m’aurait caché si elle avait été violée par Ward ou ses hommes ? Et si c’était ça, qu’est-ce que je ferais ?

Mais Ward coupa vite court à ma panique. Cela n’avait rien à voir. En fait, j’avais un traitre dans mes rangs.

Je fronçai mes sourcils et regardai Ward, interrogateur.

-Un traitre ? Un agent du FBI ?

Selon Ward, ce serait l’irlandais. J’allais m’exclamer « Finan ?! » mais Ward me donna le nom d’un autre irlandais. O’Connor. Keenan. Je ne l’avais jamais rencontré, il était nouveau. Alonso ne savait pas encore quoi en penser mais se disait qu’il pouvait être, à long terme, un bon élément. Sauf que dernièrement, Alonso m’avait dit que Keenan ne s’était pas présenté au QG des Los Diablos.

-O’Connor a disparu de la circulation, pour ce que j’en sais… Mais toi, comment sais-tu cela ?

Jimmy Reed pensait que tuer était dégoutant parce qu’il était incapable de le faire proprement. Mais il affirma que malgré tout, il était toujours là. Il avait eu de la chance pour la Casa Nuova. Quant au reste, disons qu’il avait Alonso pour passer derrière d’après ce que j’en sais. Du coup, je ne fis qu’esquisser un petit sourire en coin à sa affirmation.

Il devait faire attention… Après tout, il n’y avait encore eu aucune arrestation pour le massacre de la Casa Nuova. J’étais certains que des gens étaient toujours en train d’essayer de résoudre ce mystère. Je sais que je ne suis pas non plus à l’abri en ce qui concerne Alice à Rome.

Notre avantage ? Tous ces gens avaient bien d’autres ennemis que nous.

Mais en attendant, Jimmy m’avait fait une proposition que je ne pouvais pas refusé. Pas parce qu’il y avait une quelconque menace mais parce qu’elle était avantageuse pour moi. Oh, je ne doutais pas qu’elle l’était aussi pour Reed mais ce petit deal m’arrangeait largement.

Je me questionnai sur la logistique. Je savais que Reed n’allait pas venir en personne régler ces rentrée d’argent sale. Il utilisera un intermédiaire. Restait à savoir qui. Il déclara que ça sera Alonso. Reed était certain que son petit chien lui obéira. Est-ce que j’en doutais ? Non. Mais je savais que je ne pourrais pas faire entièrement confiance à Vega. Malgré tout, quelque part, je savais que, si Reed le tenait bien, tout ça allait largement emmerder Alonso. Il ne pourra pas me tuer. Il sera obliger de traiter avec moi parce que son petit maitre lui aura ordonné.

Quelque part, ça avait quelque chose de satisfaisant. Je ricanai.

-Ça ne va pas lui plaire. Mais, c’est promis. Je ne toucherais pas à un cheveux de Vega. Mais s’il fait un pas de travers, je serais obliger de me défendre. On parle quand même du type qui m’a tiré dessus il y a quelques années d’ici.

C’est, en quelque sorte, pour lui prouver ma bonne foi que je m’étais penché vers Reed pour lui donner une informations que j’avais en ma possession. Je lui révélai, donc, que ses Los Diablos avaient été infiltré par un agent du FBI.

De ça, j’en étais certain.

Reed, lui, ne le savais pas.

-Oui. Un agent du FBI.

Je dis ça sur un ton neutre laissant Reed digérer l’information avant que je ne mette en avant mes hypothèses. Pour moi, le coupable était Keenan O’Connor. Reed affirma que son Los Diablos avait disparu de la circulation.

Oh, il n’était pas si loin que ça !

-Comme je te l’ai dit, je tiens l’information de mon avocat. Il m’a dit que la police avait un témoignage d’un agent du FBI qui avait infiltré les Los Diablos. Il ne m’a, bien sûr, pas dit son nom. Mais O’Connor était au procès étant donné qu’il est en couple avec cette petite pute de Riley Raphaël. Il n’a pas témoigné mais c’est l’un de tes membres les plus récents, je me trompe ? Et quel Los Diablos en fuite pourrait se payer des fringues comme celle qu’O’Connor avait au procès ? Aucun. Par contre, un agent du FBI, lui, le pourrait.

Oui, j’avais observé ça. O’Connor était bien habillé avec des vêtements de marques qui étaient bien trop cher pour un Los Diablos.

-Mais m’est d’avis qu’il n’avait pas beaucoup d’informations. Sinon, tu te serais retrouvé à Saint-Quentin avec moi.

Donc, de mon avis, qui que soit cet agent, il ne savait pas pour Jimmy Reed.

Ward savait que la mission que j’allais confier à Alonso n’allait pas plaire au latino. Je le savais très bien et je lui aurais épargné ça si j’avais pu faire confiance à quelqu’un d’autre. Mais ce n’était pas le cas. La preuve ?

Et bien Ward venait de me la donner, comme une preuve de sa bonne foi. J’avais un traitre dans mes rangs… Un agent du FBI qui s’était fait passer pour un de mes Los Diablos. Je me demandais comment Ward pouvait savoir ça alors que moi, qui ai habituellement toujours un coup d’avance, je n’en savais rien.

Il tenait l’information de son avocat. Un agent du FBI avait parlé. Et si Ward ne connaissait pas le nom de ce dernier, il avait sa petite idée sur qui cela pouvait être.

Le nouveau. L’irlandais. Keenan O’Connor.

Je tiquai quand Ward me dit qu’il était en couple avec cette sale petite pute de Riley Raphaël. En effet, ça collait. Surtout qu’apparemment, il était présent au procès de Ward bien habillé et nullement inquiété par sa qualité de Los Diablos.

Je serrai les poings. Et les dents.

-Merci pour l’information. Si O’Connor revient, on s’occupera de lui.

Mais si ce n’était pas le cas… je ne courrais pas après O’Connor… Le faire serait prendre le risque de me dévoiler…

Et de finir à Saint-Quentin, comme le faisait remarquer Ward.

Je pris un coup de mon Mojito.

-Je n’ai jamais rencontré O’Connor. Il ne sait pas que je suis à la tête des Los Diablos. Peu de Los Diablos le savent, d’ailleurs. Ils pensent tous que leur chef est Alonso.

Il n’y avait que très peu d’élus appelés à savoir qui tirait vraiment les ficelles.

Je terminai mon Mojito et le reposai sur le bar, plutôt satisfait. J’avais mon nouveau business avec le Wild et je n’allais pas me faire enculer par un agent du FBI, maintenant que je savais. Je tendis la main à Ward.

-Merci pour l’information… Tu auras bientôt de quoi te faire une petite fortune.