Nous y étions. Les plaidoiries. Le procès avait été rapide. Il faut dire que ce n’était qu’un procès pour une garde. Celle d’Heaven Fleming, la fille de Sky Carter et Ward Fleming. Le divorce avait été prononcé quelques temps plus tôt sans qu’une des parties ne soit réticent. Comme ils n’avaient aucun bien en commun, ça n’a pas demandé de procès.

Par contre, Heaven, elle, était au milieu d’une petite guerre juridique. Sa mère ne voulait pas que le père puisse n’avoir ne serait-ce qu’un droit de visite alors qu’Edward Fleming cherchait à obtenir la garde partagée. Mon rôle était de plaider pour Sky et l’emporter.

J’avais plaidé. J’avais même bien plaidé ! Déjà, j’avais bien préparer les choses en faisant jouer quelques liens pour que le juge soit une femme. C’est donc la vieille Carolann Cook qui sera en charge de juger de l’avenir de la jeune Heaven. Un avantage. La vieille avait pas moins de quatre fille et quelques petites enfants. Nul doute que le cœur de mère de Cook allait jouer en la faveur de Sky.

J’avais déjà cette avantage et j’avais fait en sorte de jouer sur celui-ci. J’avais cherché à ce que l’évaluation psychiatrique du dernier procès de Fleming soit pris en compte dans ce procès mais la vieille avait rejeté la chose. Alors, j’en avais demandé un nouveau ce qui avait été accepté. Ce jour-là, j’avais bien vu le regard noir de Ward vers moi. Avant ce procès, je n’avais vu Edward Fleming que sur des photos dans les journaux. Mais là, j’avais pu le voir en vrai et si je lui trouvais quelques ressemblance avec ce cher Tom, il était clair qu’il devait tenir de sa mère physiquement parlant. Il était moins enclin à sourire que Thomas avec son regard bien plus fermé et son air de tueur. Thomas, lui, pouvait parfois se marrer. Je vous le jure !

Mais je ne m’étais pas laissé intimidé et quelques jours après on avait eut les résultat du test qui étaient sensiblement les mêmes que lors de la précédent évaluation.

Edward Fleming est un psychopathe. Point barre. Dan Anderson ne pouvait absolument rien à ça, le pauvre.

Le reste des preuves que j’avais avancées était le tempérament de Sky, sa volonté de protéger sa fille, les diverses démarches qu’elle avait fait pour le faire, les armes retrouvées chez Ward, ses intentions vis-à-vis d’Heaven mais pas de Grant… J’avais bien trop de munition et je les avaient toutes balancer à Anderson tout le long du procès.

Et nous y voici. Au jour des plaidoiries. J’allais passer premier et c’est ce que je fis. Ce n’était pas devant un jury. C’était, donc, la vieille Cook que je devais convaincre.

Je m’étais, donc, lever pour commencer ma plaidoiries regardant tantôt vers Anderson et Ward, tantôt vers Sky où se trouvait, juste derrière elle, son petit ami et tantôt vers la vieille Cook.

-Votre Honneur. Comme nous avons pu le constater tout au long de ce procès, Edward Fleming, bien qu’ayant été reconnu innocent de bien des crimes extrêmement graves, n’en reste pas moins un homme au profil psychologique inquiétant. Un profil qui l’a nombre de fois pousser à la violence par le passé. Si ce n’est pas l’homme que nous jugeons aujourd’hui, c’est sa capacité à pouvoir s’occuper de sa fille en bas-âge. Une fille qui, lorsqu’elle vivait avec Edward Fleming, n’avait que peu souvent son attention. Si nous ne pouvons jugé la qualité d’un père à sa volonté de s’occuper des tâches entourant un bébé, nous pouvons la juger sur sa façon de sécurisé l’environnement autour dudit bébé et les armes qu’à détendu Edward Fleming chez lui depuis la naissance de son enfant n’assure pas cette sécurité.

Plus tôt dans le procès, j’avais exposé le fait que son fils, Grant, avait réussi à obtenir une arme à gros calibre qu’il a utilisé contre un voleur. Une arme appartenant à Ward que l’enfant a pu avoir en sa possession. Comme quoi, avec quelques liens et savoir enquêter m’avait bien servi !

-Ajoutons à ça le fait qu’Edward Fleming semble vouloir récupérer sa fille uniquement par vengeance et non par affection pour elle. Un vengeance dirigée contre son ex-femme qui, elle, cherche uniquement à protéger sa fille. La preuve étant toutes les démarches de reconstruction que Sky a fait dans l’intérêt de sa fille lors de son séjour dans un centre pour femmes battues. Pour Ward, Heaven est un objet. Un objet qu’il utilise pour blesser son ex-femme et lui faire regretter d’avoir voulu se défaire d’un homme au profil manipulateur. Tout ce que souhaite ma cliente, c’est de pouvoir élever sa fille dans un environnement sécurisé et stable avec tout l’amour dont un enfant a besoin pour grandir et s’épanouir. Pour ça, le seul moyen est de l’éloigner d’Edward Fleming qui, d’après tout ce que nous avons pu voir et entendre, n’a pas les qualités requise pour être un père.

Je fixai alors uniquement la juge.

-Votre Honneur, c’est à vous de trancher. A vous de choisir si vous voulez briser cette chaine de violence qui entour le nom des Fleming ou bien jouer l’avenir d’Heaven à pile ou face en laissant l’influence de Ward pouvoir s’immiscer dans la tête d’un petit être influençable et, ainsi, ruiner les efforts d’une femme qui vit pour sa fille et l’aime plus que sa propre vie et qui ne cherche qu’à pouvoir, enfin, sortir de cet enfer dans lequel elle regrette d’être entré.

Je continuais de toiser Cook.

-J’ai terminé votre Honneur.

Ceci étant dit, j’avais rejoint ma place avant de tourner mon regard vers Anderson. A toi, mon petit… On va voir ce que tu as dans le ventre.

Il en avait. Mais pas autant que moi.

Mon cabinet avait gagné le jackpot avec la victoire remportée au procès de Ward Fleming. Les clients se bousculaient pour avoir nos services et étaient prêts à payer cher pour être défendu par moi-même.

Seulement, je me sentais extrêmement mal à l’aise vis-à-vis de ça. Parce que je savais, moi, que ma plaidoirie au procès de Ward avait été mauvaise. Très mauvaise. J’avais usé de stratagèmes qui n’étaient pas très justes. J’avais dépassé toutes les limites…

Je me demandais encore comment on avait pu gagner. Il y avait quelque chose d’anormal là-dedans.

Et maintenant, j’étais de nouveau devant un juge. Avec Edward Fleming qui avait insisté pour que je le défende à nouveau. J’aurais voulu refuser, mais mon partenaire, Emett Smith, de Smith&Anderson, m’avait encore une fois obligé à prendre Ward comme client.

Pourquoi ? Pourquoi ne le défendait-il pas lui-même, s’il y tenait tant !

Bref, ce « procès » n’en était pas vraiment un. Il s’agissait d’établir qui aurait la garde de la petite Heaven, la fille d’Edward et l’ex-madame Sky Fleming. Ward ne demandait pas la garde complète, mais partagée, ce qui était me semblait-il raisonnable comme demande.

Enfin… ça l’aurait été si Ward n’était pas Ward.

Le pire, c’était que j’étais face à Victor Hunter qui défendait Sky Carter. Et il était bon, très bon. Il avait réussi à obtenir une nouvelle évaluation psychiatrique de Ward… Et ça n’avait pas arrangé mes affiares… Tout comme le fait que Sky se soit enfin décidée à divorcer officiellement.

Même si ma morale me disait que tout ça était certainement une bonne chose pour Heaven. Car il y avait une différence entre être diagnostiqué psychopathe une fois… Et deux fois de suite. Parce que là, ça confirmait tous les soupçons.

Assis à côté de Ward, j’avais écouté l’ultime plaidoirie de Maître Hunter… Je regardais de temps en temps Ward en pinçant les lèvres parce que Hunter était doué. Mais surtout, c’était facile quand on avait toutes les cartes en main.

Ce fut ensuite à mon tour. Je me levai, reboutonnai la veste de mon costume et me lançai.

-Votre Honneur… Je sais que mon client a une très mauvaise réputation, mais laissez-moi vous peindre un tout autre portrait de mon client.

Je m’éclaircis la gorge.

-Je connais Edward Fleming depuis un moment maintenant. Je l’ai rencontré alors qu’il était au 36ième dessous, en prison, loin de sa famille, sans comprendre les accusations de Mademoiselle Carter ici présente.

Je regardai la juge dans les yeux.

-Dois-je rappeler que mon client a été blanchi de toutes ces accusations ? Non, vous faites bien votre travail, vous avez fait vos devoirs.

Je me tournai vers l’audience qui était vachement réduite par rapport au procès de Ward qui avait attiré les foules et les curieux.

-Chaque fois que j’ai été voir Monsieur Fleming en prison, ses premières questions étaient pour ses enfants, savoir s’ils allaient bien et quand il pourrait les revoir. Je suis donc très étonné d’entendre Maître Hunter parler de désintérêt concernant mon client. Si celui-ci n’a pas encore renoué avec son fils, c’est justement qu’il veut attendre d’avoir une situation stable. En attendant, le jeune Grant W. Fleming est nourri et logé par un tuteur désigné par sa défunte mère.

Je fis la moue.

- Quant aux armes en possession de mon client, je l’ai déjà dit, et je le répète : il a un permis pour chacune d’elle. Si Grant est entré en possession de l’une d’elle, c’est que Sky Carter est retournée chez lui en l’absence de mon client qui était incarcéré. Monsieur Fleming n’a donc pas pu surveiller les choses. Autrement, il l’aurait mis hors de portée de l’enfant.

Je marquai une pause, jaugeant les réactions des gens.

-Quant au profil psychologique de mon client…

C’était un foutu psychopathe… Que vouliez-vous que je fasse avec ça ?

-Il va de soi qu’il doit être suivi et c’est dans ses projets. Maintenant qu’il a retrouvé son travail au Wild Wild Beaches et qu’il a retrouvé son appartement, son souhait est de tout faire pour être un bon père pour ses enfants. Je rappelle qu’il ne souhaite pas priver Mademoiselle Carter de sa fille, mais bien de l’élever en parallèle avec elle, une semaine sur deux.

Je regardai Hunter.

-Il n’est nullement question ici de vengeance.

Je regardai la juge.

-J’ai terminé, merci, votre Honneur.

J’allai me rasseoir à côté de Ward, sans le regarder, le visage fermé.

Je déteste Victor Hunter…

C’était assurément un petit con prétentieux. Un faux-frère raté de Jimmy Reed… Un sale gamin en manque d’attention…

Tout au long du procès qui n’avait guère duré que quelques jours, il m’avait rabattu les oreilles avec ses arguments à la con et son petit genre de jeune premier parfait. A côté, Dan Anderson faisait vieux gratte papier. Sans compter que j’avais l’impression que mon avocat n’avait aucune envie d’être ici à me défendre.

J’avais dû repasser par la case de l’évaluation psychiatrique. Pourquoi Sky n’avait pas eu droit au même traitement ? Aller savoir… Hunter avait fait en sorte qu’elle en soit dispensée en parlant du passage de Sky dans ce foutu centre pour femme battue… Ouais ! Femme battue ! Alors même que je ne lui avais pas fait grand-chose. Elle ne savait visiblement pas ce qu’est une femme battue. Moi, je le sais. Ma mère en a été une et, sincèrement, Sky n’avait rien vécu de tel.

Je lui avais donné un toi, une fille, une protection, l’amour qu’elle devait avoir… Mais ses foutues crises de jalousies l’avait rendue paranoïaque au point qu’elle avait retourné les secrets que je lui avais donné contre moi.

La sale petite garce.

Et elle se tenait là avec son nouveau petit ami. Un membre de The Warriors… Ce petit profiteur de Sigurd Nørgaard… Encore une sorti de l’Eastside.

Je la haïssais.

Je tentais de garder mon calme alors qu’on en était aux plaidoiries. En gros, je n’allais pas tarder à savoir si j’allais pouvoir avoir Heaven à mi-temps. Et c’est le petit blondinet prétentieux qui se présenta en premier devant nous tous.

J’avais le visage fermé et je le regardais déblatérer un tas de mots. Des mots visant à m’accabler et à encenser Sky. Le rapport psychiatrique m’avait largement mis dedans mais, encore une fois, je n’avais pas vraiment réussi à en trouver la logique que pour tenter d’avoir une résultat différent.

Quant Hunter termina ce fut à mon avocat de me défendre… Il fit de son mieux… Je ne savais pas s’il le faisait avec grande conviction mais l’avocat adverse avait fait en sorte d’avoir toute les cartes en main. Et la juge était une femme. Une vieille femme, certes, mais une femme quand même.

J’écoutai Anderson faire de son mieux. Peindre un meilleur portrait de moi que ne l’avait fait Hunter.

Il le fit avec moins de mot avant de me rejoindre. Je tournai la tête vers lui mais, lui, ne me regardait pas.

La juge nous regarda.

-Merci Maitres. Je vais désormais me retirer afin de réfléchir au verdict. En attendant, vous pouvez disposer.

Elle tapa avant son marteau et je me levai pour qu’on sorte de la pièce. Je restai avec Maitre Anderson à l’extérieur sans regarder vers Sky. J’étais contre le mur, les bras croisé avant de me tourner vers Anderson.

-On va perdre.

Je le sentais. Et ça ne mettait de bien mauvaise humeur.

Il ne fallut pas longtemps avant qu’on ne soit rappelé à l’intérieur. Je repris place à côté d’Anderson alors que la juge se racla la gorge. Quand le silence fut de mise, elle se mit à donner son verdict.

-Dans le cas d’une garde, c’est l’enfant qui doit être au cœur de la préoccupation. Sa sécurité, sa santé, son bien-être… C’est ce qui doit être préserver pour lui assurer toutes les bases pour bien grandir et s’épanouir. Si Edward Fleming dispose d’un revenu suffisant afin de pouvoir subvenir aux besoins de sa fille, Heaven, son profil psychologique, le doute concernant ses intentions ainsi que sa négligence vis-à-vis des armes dont il dispose ne permettent pas, à l’heure actuelle, d’assure la sécurité et le bien-être de sa fille alors que Sky Carter, elle, est tout à fait disposée à assurer cela. De ce fait, je donne à Sky Carter la garde totale d’Heaven Fleming et ce jusqu’à-ce qu’Edward Fleming ait fait des progrès au niveau psychologique avec un suivi étroit et qu’un autre jugement lui ait rendu sa part de garde. Cette décision étant à effet immédiat.

Et elle frappa avec son marteau… Je me levai le visage fermé. Un suivi étroit ? Qu’elle aille se faire foutre la vieille juge.

Je me tournai vers Anderson avec comme tout commentaire à tout ça un regard noir. Je lui serrai tout de même la main non sans serrer un peu pour qu’il se rende compte que j’aurais voulu un peu plus d’enthousiasme de sa part.

Je me dirigeai, ensuite, vers Sky.

-Ce n’est que partie remise. Ne crois pas que c’est terminé.

Ceci étant dit, je tournai les talons pour m’en aller.

Notre mariage était maintenant chose du passé pourtant, nous n’en avions toujours pas terminé avec les démarches judiciaires. J’espérais néanmoins que la page pourrait être définitivement tournée à la fin de cette journée. Je regardais parfois vers Sigurd, mon rock sur lequel je me raccrochais désespérément pour garder ma tête hors de l’eau. Heaven se trouvait chez Monsieur et Madame Moriarty, un ultime service qu’ils me rendaient avant que je ne commence à rembourser ma dette.

Tout me permettait de croire que l’issu de ce procès me soit favorable, cette fois. Mon avocat, Victor Hunter, s’était montré plus que rassurant et je n’avais aucune raison de douter de lui. Axel Moriarty m’avais également répété qu’il m’avait référé le meilleur pour ma situation et que je pouvais dormir tranquille. Ça ne m’avait pas empêché de dormir avec Heaven entre Sigurd et moi. Plus que jamais, j’avais eu besoin de la sentir tout contre moi, comme pour m’en imprégner au cas où…

J’avais vu Dan Anderson à l’œuvre lors du précédent procès et il me donnait toujours autant le goût de vomir. Tout ce qu’il pouvait dire sur moi, tout ce qu’il avançait sans même me connaitre, tout me donnait envie de sauter par-dessus la table et de l’étrangler avec sa propre cravate. J’avais mainte et mainte fois dû me parler intérieurement pour rester impassible, comme si tout ce qu’il pouvait dire me couler sur le dos comme sur celui d’un canard. Je chantais même, dans ma tête, pour éviter de trop l’entendre.

Nous étions enfin arrivés au jours des plaidoiries.

J’avais le cœur dans la gorge, les mains à la fois moites et glacées. Je ne savais pas ce qui allait se produire si la juge Carolann Cook ne tranchait pas en ma faveur. Le pire qui pouvait arriver était évidement que la garde alternée d’Heaven soit accordée à mon ex-mari. Le moins pire mais tout de même intolérable serait qu’on lui accorde un weekend sur deux. Je serais constamment sur le qui-vive, craignant ne jamais revoir ma fille au bout de cet interminable quarante-huit heures loin d’elle. Ce que je visais, ce que je voulais était la garde totale, rien de moins !

Maitre Hunter avait fait un brillant plaidoyer et vînt se rassoir près de moi. J’échangeais un bref regard avec lui et je le remerciais d’un frêle sourire. J’appréhendais d’entendre tout ce qu’Anderson allait beurrer sur mon cas. Il n’allait pas me rater mais ça faisait partit du jeu des avocats payés grassement. Puis ce n’était pas facile d’encaisser tout cela avec Ward dans la pièce. L’homme avec qui j’avais cru faire toute ma vie, que j’avais profondément aimé et que j’aimais même encore. Ce genre de sentiment ne s’effaçaient pas comme ça du jour au lendemain malgré tout.

Anderson tentait de faire passer Ward pour un bon père de famille se repentant de tout et désirant partager l’éducation de ses enfants. Il m’avait montré à plusieurs reprises n’en avoir rien à foutre d’eux mais je me mettais la tête dans le sable en me disant qu’à force, il finirait par développer sa fibre paternelle. J’avais eu tout faux.

Quand les deux plaidoiries furent entendues par la juge, on nous donna congé. Le temps qu’elle délibère et prenne sa décision. J’avais trouvé réconfort dans les bras de Sigurd et, à l’écart, loin de Ward, le plus loin possible que nous le permettait le palais de justice. J’aurais voulu quitter l’endroit mais Victor disait que ça ne prendrait pas longtemps avant qu’on soit rappelé, intuition d’avocat, peut-être mais j’avais décidé de lui faire confiance alors je n’insistais pas. Et comme si m on avocat était clairvoyant, le greffier nous rappela à l’intérieur de la salle de cours moins d’une heure après la levée de l’audience.

Je repris donc ma place près de Victor et je martyrisais mes mains en les joignant en prière, en tordant mes doigts, en les pliant et dépliant. L’attente était infernale mais la juge prit la parole. J’écoutais attentivement chacune de ses paroles avec le sentiment, plus elle parlait, que le vent tournait enfin en ma faveur et que je pouvais recommencer à respirer. Ce fut avec un sanglot de soulagement que je me tournais vers Victor Hunter quand la juge entérina sa décision d’un coup de marteau. Je ne pu même m’empêcher de l’enlacer pour le remercier avant de me lever et de rejoindre Sigurd.

- Enfin… Nous pourrons aller de l’avant maintenant !

Parce que je me doutais que jamais Ward ne réussirait à obtenir une évaluation psychiatrique favorable et qu’il ne perdrait certainement pas son temps à s’engager en ce genre de démarche. Quand je relevais la tête, Ward était là, juste à côté de moi et m’assura que tout cela n’en restera pas là.

- C’est une menace ?

Je me doutais qu’il avait dit ça pour continuer de me jouer dans la tête, comme il l’avait toujours si bien fait.

Les jours avant le procès n’avaient pas été les plus facile. Sky était fort angoissée ce qui pouvait se comprendre. Elle redoutait le verdict mais il faut dire que le dernier procès ne nous avais pas vraiment donné foi en la justice.

C’est l’avocat choisi par Axel Moriarty qui avait tenté de la rassurée. Quand il parlait, on aurait dit que l’affaire était déjà dans le sac et qu’il n’y avait aucune chance pour que Ward obtienne ne serait-ce que dix minutes en tête à tête avec Heaven. Mais j’avais vu Anderson à l’œuvre et je savais qu’il était redoutable. Donc, je crois que n’importe quelle parole d’Hunter n’aurait pas pu nous rendre totalement serein.

Heaven avait dormi avec nous la veille des plaidoiries. Sky ne pouvait pas se passer d’elle… Pourtant, le pire qu’elle risquait était la garde alternée. Je comprenais que ça soit angoissant et que laisser Heaven avec un type comme Ward n’était en rien rassurant. Mais Ward savait que s’il faisait le moindre mal à Heaven, il ira tout droit en prison. Pareil s’il fuyait avec la gamine. Je crois qu’il avait simplement fait cette procédure pour faire angoisser Sky.

Et ça fonctionnait.

Le jour-j, c’est Victor Hunter qui s’était, en premier, présenter devant la juge pour faire son plaidoyer. Il défendit Sky bec et ongle mais, ce qu’il mit surtout en avant, c’était tous les défauts de Ward. Il le qualifia d’inapte à la fonction de père avant de laisser place à Anderson. Je voyais d’ici que Sky était stressée… Angoissée… Je pouvais bien le comprendre.

Anderson, lui, mis en avant un tout autre Ward qu’Hunter. Comme s’ils ne parlaient pas du même. Je soupirai alors que Anderson avait été plus bref mais pas moins convaincant.

Tout était entre les mains de la juge… Et elle nous envoya dehors le temps de délibérer.

On sortit de la salle et je serrai Sky tout contre moi bien loin de l’endroit où se trouvait Ward. Victor préférait qu’on reste ici parce qu’il était certain que la délibération ne prendra pas trop de temps.

Alors, pendant tout le temps que ça dura, je soufflai des encouragement à l’oreille de Sky essayant de la rassurer. De lui dire que l’issue sera en sa faveur.

On fut alors rappelé et on retourna dans la salle, moi un peu derrière Sky qui était assise à côté de son avocat.

Et le verdict tomba.

Je sentis une vague de soulagement m’envahir. Sky venait d’obtenir la garde totale et le chemin de Ward pour voir à nouveau sa fille semblait semé d’embuche.

-Yes !

C’est ce que je lançais quand le juge dispersa l’assemblée. Sky, elle, tomba dans les bras de Victor qui semblait, lui, largement satisfait.

Je me levai alors que Sky me rejoignis. Elle déclara que, désormais, on pouvait aller de l’avant. Je souris.

-Oui. Maintenant, tout ira pour le mieux.

Mais Ward s’approcha de nous nous lançant ce qui semblait être des menaces. Sky verbalisa ça tout haut alors que je mis mon bras autour des épaules de Sky en signe de protection alors que je toisai Ward.

Mon plaidoyer était très bon, sans vantardise aucune. Il faut dire que j’avais toutes les cartes ne main pour foutre la défaite de sa vie à Anderson. A mon retour à ma place, Sky croisa mon regard et je vis ses remerciement silencieux. Je lui fis un petit clin d’œil lui montrant que tout était sous contrôle.

Ce fut alors à Anderson de s’y coller. Il défendit alors Ward Fleming comme jamais le présentant comme un bon père qui, même en prison, demandait sans cesse des nouvelles de ses enfants. Que les armes, il les aurait mis hors de portées s’il avait été là, que Ward comptait être suivi… C’est ça ouais ! Si c’était comme Thomas, aucune chance que Ward fasse les démarches pour se faire suivre. Thomas n’avait pas d’autre choix que de se faire suivre mais il prend ça comme un jeu pas comme une façon d’aller mieux. Puis, soyons honnête, des cas comme ça, ça ne se soigne pas.

Enfin, si ! A coup de chaise électrique. Rien de tel qu’un peu d’électricité pour remettre les neurones à la bonne place, non ?

Anderson plaidait une cause perdue. L’attitude de Ward, son non verbal, rien ne jouait en sa faveur. Alors que Sky, elle, semblait angoissé et le fait que son nouveau petit ami, qui n’est autre qu’un membre de The Warriors et, donc, une figure un rien connue à Los Angeles, soit à ses côtés était une preuve de reconstruction et, de ce fait, un bon environnement où envoyer Heaven Fleming grandir pour ne pas finir comme les Fleming des générations précédentes dont l’arbre généalogique n’a absolument aucun secret pour moi.

J’écoutais, donc, Anderson se dépatouiller avec ça et quand il eut terminé, je vis à quel point Sky était à bout de nerf. Tiens bon, chérie, tout est presque fini.

La vieille Cook nous envoya dehors et si Sky semblait vouloir aller prendre l’air, je lui déclarai qu’il valait mieux rester ici parce que les délibérations n’allaient pas être longue. Je le sentais. La vieille n’allait jamais se mettre sur la conscience d’envoyer une gamin vivre chez un psychopathe.

Alors, Sky se réfugia dans les bras du batteur de The Warriors alors que, moi, je m’étais allumé une cigarette regardant, de loin, Ward lancer quelques mots à Anderson.

On fut, ensuite, rappelé un peu moins d’une heure après alors que j’avais enchainer les cigarettes. Pas par stress mais pour passer le temps.

On s’installa, à nouveau, dans la salle et le vieille Cook balança son verdict. Heureusement, parce que je crois que si elle attendait une minute de plus, Sky allait mourir littéralement de stress.

Le résultat fut sans appel ! J’avais largement gagné ! J’esquissai un sourire plus que satisfait. J’espère qu’après ça, la petite vipère de Moriarty allait me foutre la paix.

Sky tomba dans mes bras et je l’enlaçai avant qu’elle ne me remercie.

-Ce fut avec plaisir ! Je vous avais dit que tu irais bien.

Je me levai la laissant rejoindre Sigurd alors que Ward s’était aussi, approché d’eux. A partir de là, c’était leur problème plus le mien. Moi c’est d’Anderson que je m’approchai avec un air fier. Je lui tendis la main.

-Bon combat, Maitre Anderson. Mais une cause perdue, hélas. Si vous voulez, je peux vous donner des cours pour savoir comment plaider les causes perdues. J’en ai quelques-unes à mon actif et j’ai l’art de savoir comment gagner.

Oui, des cas comme Ward j’en avais quelques-uns à mon actif. Et une petite provocation n’a jamais fait de mal à personne, n’est-ce pas.

-Sans rancune, hein ?

Une fois les plaidoiries terminées, nous fûmes invités à quitter la salle.

Je le sentais mal, ce coup-là. Mais est-ce que j’étais vraiment mécontent ? Pas à proprement parler. J’avais défendu Ward comme je pouvais, mais quelque chose en moi espérait qu’on perde. Parce que Ward était un psychopathe… Et je n’avais pas besoin de l’évaluation psychiatrique pour le savoir.

Il valait mieux que la petite Heaven vive avec sa mère… Après tout, même si celle-ci était une sacrée pleurnicharde qui aimait se donner en spectacle avec ses airs de biche prise dans les phares d’une bagnole en pleine nuit, même si elle avait très vite remplacé son mari par le batteur de The Warriors, elle était probablement la mieux à même à donner à la gamine une vie décente.

Dans le couloir où on attendait le temps que la cour statue sur le verdict, je roulai des yeux en voyant Sky Carter se blottir dans les bras de son amoureux. Et un peu de décence, non ? Qu’elle soit stressée, ok, mais ce n’était vraiment pas la peine de montrer à tout le monde qu’ils étaient si beau, si amoureux, si gentils…

Beurk, elle me dégoûtait… J’aurais été Nørgaard, je n’aurais jamais laissé ma compagne se comporter comme tel dans une cour de justice.

Elle allait la gagner, sa garde, c’était pas la peine de faire son cinéma.

Mes doutes se confirmèrent quand la cour rendit son verdict. J’avais perdu, Hunter avait gagné. Et j’espérais bien que Ward ne décèle pas le léger soulagement que je ressentais pour la gamine.

Je serrai brièvement la main de mon client qui ne demanda pas son reste et sortit de la salle d’audience, visiblement en colère, après avoir échangé quelques mots avec son ex que j’étais trop loin pour entendre. Il ne valait mieux pas qu’il s’attarde, du coup.

Maître Hunter, fier comme Artaban, vint ensuite vers moi et me tendis la main.

Je la lui serrai, un sourire en coin alors qu’il me proposait de me donner des cours sur les causes perdues.

-Thomas Fleming est toujours en prison, que je sache. Je viendrai prendre des cours quand il sera libre.

Là, ce serait un foutu miracle.

-Sans rancune.

La petite était safe, c’était tout ce qui comptait.