Carolyn était désormais sommelière au Canter’s Deli. C’était vraiment gratifiant pour elle et elle m’avait raconté que les gens, en générale, étaient surpris de voir une femme à ce poste. Je ne voyais pas bien pourquoi le vin était un truc d’homme… Mais bon…

Elle m’avait dit bien s’en sortir, mais je n’avais pas encore eu l’occasion de la voir à l’œuvre. Or, ce soir, elle travaillait. Lucky et moi devions passer la soirée ensemble…

Mais Lynn finit par vite me manquer. Travailler dans un restaurant qui ouvre 24h sur 24 demandait beaucoup de temps et d’énergie et elle faisait bien plus d’heures que moi qui étais journaliste. Et le pire, c’était qu’elle était beaucoup moins bien payée, même si avec son nouveau « grade », elle avait eu une petite augmentation de salaire.

Oh nous n’étions pas pauvres, à nous deux, bien loin de là… Mais j’aurais voulu que le travail de Lynn soit mieux récompensé. J’en avais déjà parlé à Marc Canter, mais il m’avait expliqué que la vie était difficile pour tout le monde et que s’ils augmentaient Lynn, ils devaient augmenter leurs autres employés et n’en avaient pas vraiment les moyens.

Dans l’appartement, il faisait calme. J’aimais quand le silence régnait et apparemment, ce n’était pas pour déplaire à Lucky qui jouait bien tranquillement avec ses petites voitures. Le seul bruit que j’entendais était le vague « vrooom » du petit qui suivait les routes sur son tapis de sol.

Quant à moi, je lisais différents magazines, histoire d’être bien à jour dans les informations qui pouvaient me servir dans mon propre travail… Il ne fallait pas que je répète à la radio ce que d’autres avaient déjà dit, par exemple.

Je lus attentivement la critique du duo de Finan Quinn et Livia. Je savais que la chanson avait reçu un accueil plus que mitigé… En gros, les fans le Livia avaient été contents tandis que ceux de Finan étaient restés complètement déconcertés.

Moi-même, j’avais été très déçu de cette chanson. Non seulement Finan était complètement en dehors de ce qu’il faisait d’habitude mais en plus… Sincèrement, les paroles n’en  valaient vraiment pas le coup et la musique ne cassait rien. C’était tout juste bon à être une chanson bouche-trou à la radio. Les deux artistes nous ayant habitués à mieux, il n’était pas étonnant qu’il y ait eu beaucoup de critiques sur cette chanson.

Moriarty, lui, dans son article, en mettait plein la tronche à Quinn… Mais caressait Livia dans le sens du poil… Comme chaque fois avec les artistes de BSC… J’avais déjà remarqué qu’il n’était pas très impartial. Il avait des actions chez BSC ou quoi ?

Je refermai le Guitar&Pen et passai une main sur mon visage. Puis, je regardai Lucky.

-Lucky… Tu veux aller voir maman et les amis Canter ?

Le petit était habitué au restaurant. Pour lui ça revenait au même que d’aller chez ses grands-parents, il adorait ça.

-Oh ouiiiiiiiii !!

Je souris, et embarquai mon beau-fils dans la voiture. Quelques minutes plus tard, nous entrions au Canter’s Deli. On passa par les cuisines et la partie privée pour dire bonjour à tout le monde, puis on s’installa à une table dans le restaurant. Lucky se mit à jouer avec la carte et à pointer les photos montrant les plats.

-Miam… Miam… Miam…

Je cherchais Lynn des yeux. Elle était occupée à présenter une bouteille à un couple apparemment venus fêter leur anniversaire de mariage. Ils avaient choisi le bon endroit pour ça. J’admirai ma petite-amie leur ouvrir habilement la bouteille…

La bouffe juive… J’imagine que c’était mieux que rien après avoir passé l’après-midi à entendre les conneries Zack McBride. Ouais parce que ce con m’avait pris au mot… Il m’avait réellement payé pour obtenir des conseils. Du coup, j’avais dû entendre tout ces états d’âmes… Et, bon Dieu, il en avait !

« Howard Stone est un emmerdeur »

« Tu images, si Savannah me file le SIDA ? »

« Nathan a un grain, il faut l’interner »

« J’aimerais le sortir ce foutu album »

Ta gueule ! C’est ce que j’avais envie de lui dire tout le long de cette bien trop longue conversation. Et une fois sorti des studios de MTI, je n’avais plus qu’une seule envie : bouffer. Ouais ! Moi, les mauvaises journées du genre, ça me donne envie de bouffer. La bouffe, ça calmait !

Et comme je savais que Carrie était une vraie bille pour ce qui était de faire la cuisine, je n’avais plus qu’à me taper le restaurant le plus proche.

Le repère de juif.

Bon… C’était ça ou une pizzeria, donc… Et j’y étais entré pour m’installer à l’une des tables. Aussi affamé que je n’étais de mauvaise humeur. Heureusement que l’une des serveuse était une bombasse rousse sinon, je crois que mon passage ici aurait encore était moins agréable.

Mon regard descendait, d’ailleurs, parfois sur son beau petit cul. Sauf que ce n’est pas elle qui vint prendre ma commande mais un type tellement maniéré qu’il ne me fallait pas un dessin que, lui, ne bavait pas sur sa collègue.

Grand Dieu… J’aurais du aller au Polo Lounge… J’aurais eu faim plus longtemps mais ça aurait valu le coup.

Je commandai un cheeseburger au prix exorbitant (ouais, je trouvais ça cher pour un diner, mais, bon, les juifs son radin) avec une double ration de fromage et un whisky. Je répétai lentement deux fois alors que, à la table devant moi, venait de s’installer un type avec son gamin. Putain… Manquait plus qu’un gamin…

Je roulai des yeux alors que ce gosse parlait, en plus. Il trouvait tout ce qu’il y avait sur le carte « miam ». Il ne fait pas que boire du lait, ce petit truc ?

Bref, on m’apporta mon whisky. Je levai un sourcil vers le type maniéré qui était tellement souriant chaque fois qu’il s’amenait vers moi que j’avais envie de lui casser ses dents.

-Et les glaçons ? Tu les as oublié ? J’ai dit « avec glaçon ». Faut que je le dise lentement ?

Ou en hébreux peut-être. Il était juif aussi, lui, non ? Il en avait les traits. C’était permis les gens comme lui à Jérusalem ?

Il s’excusa et son sourire disparu alors qu’il remballa mon whisky pour y mettre des glaçon et le ramener. Je me mis à boire avant que mon cheeseburger n’arrive. Sans l’extra-fromage.

Pfff…

-J’ai dit extra-fromage… Il est où « l’extra ». Je sais que vous avez la réputation d’être radin mais à ce point-là c’est abusé. C’est déjà assez cher comme ça, hein. Pas besoin, en plus, de me foutre moins de fromage. Remballe et ramène. Et je veux un whisky supplémentaire. Ah et si je pouvais être servi par la rouquin, ça serait bien aussi…

Ok ! Mais mauvaise humeur dépassait de partout, je l’avoue. Et ce type me foutait tellement mal à l’aise que j’y allais sans doute un peu fort avec lui.

J’étais tellement concentré sur l’examen minutieux de la carte par Lucky (ce qui m’amusait vraiment beaucoup), que je n’avais pas remarqué qu’à la table derrière nous était installé Victor Hunter. Nous étions arrivés après lui mais le petit prenait toute mon attention, ce qui n’était pas plus mal. J’étais plus calme et un peu moins impulsif quand j’étais avec Lucky. Probablement parce que je savais instinctivement que je ne pouvais pas m’emballer en ayant une telle responsabilité.

-Il va falloir que tu choisisses un « miam », Lucky.

J’avais dit ça en souriant au petit garçon qui me regarda avec ses grands yeux bleus… C’était le portrait craché de son père, mais quand il tapota son petit index potelé sur sa lèvre inférieure avec l’air qu’il allait devoir prendre la plus grande décision de sa vie, je vis sa mère en lui !

Il posa la carte sur la table et se mit debout sur sa chaise pour pouvoir me pointer ce qu’il voulait manger.

-Ça Jake… ça.

Il pointait son doigt sur une des photos.

-Des onion rings… Très bon choix. Je crois que je vais prendre ça aussi.

Dès qu’un des serveurs serait libre pour nous… J’avais le temps, j’étais en terrain connu, aucune raison de stresser.

Je cherchai Carolyn des yeux, la trouvai en train de donner la carte des vins à d’autres clients et je lui fis un clin d’œil auquel elle me répondit par un discret signe de la main.

Lucky, lui, était trop concentré sur son estomac pour se soucier de sa mère. De plus, on lui avait appris qu’au restaurant, il ne pouvait pas être dans ses pattes donc il restait sage et tranquille. Contrairement à moi, Lucky n’avait jamais montré aucun signe de nervosité.

Mais ma nervosité, elle, monta d’un cran quand j’entendis la voix d’un homme mécontent du service. Je me retins de me retourner d’un coup, au début. Mais je vis bien que le serveur qui s’était trompé dans la commande du whisky, y oubliant les glaçons, n’était autre que le jeune Ryan O’Connor, fraîchement embauché et, évidemment, encore en train d’apprendre son métier de serveur.

Quand le jeune homme passa à ma hauteur, je lui glissai discrètement.

-Fais pas attention, Ryan. Concentre-toi.

Pas de stress. Ce qui était un peu hypocrite de ma part parce que je sentais que la moutarde me montait déjà au nez. J’étais le premier à penser que les clients du Canter’s Deli avaient droit à un service au top, mais je savais aussi qu’une erreur pouvait arriver. Alors la faire remarquer, ok, c’était normal, mais il y avait la façon de le faire. Là, l’homme avait été vraiment insultant.

Lucky suçait son pouce avec un air interrogateur. Je le soupçonnais de ressentir mon stress et ma colère avec la sensibilité d’un sourcier, mais sans jamais en être atteint.

Dans mon sac, je pris les crayons de couleur du petit qui frappa joyeusement dans les mains en les voyants. Les sets de table pour enfant étaient en papier, avec des dessins qu’il pouvait colorier.

-C’est ça, montre-moi comment tu colories bien. Le soleil, c’est quelle couleur ?

Fais-moi oublier ce malotru, Lucky.

Seulement, l’homme revint à la charge quand son burger arriva… Encore une erreur ? Je n’en étais pas sûr… Il y avait déjà pas mal de fromage dans ce burger alors savoir si c’était un extra ou pas… J’en savais rien mais…

Mes poils se hérissèrent à la remarque clairement raciste de l’homme… Mais je sentis les cheveux dans ma nuque se hérisser aussi quand il ordonna que ce soit la rouquine qui vienne le servir. Il n’y avait qu’une seule rouquine au Canter’s et c’était Carolyn.

Je me retournai brusquement. Et reconnu Victor Hunter pour l’avoir vu récemment dans L.A.People.

-Victor Hunter… Qui vous traitez de radin ? Sachez que Ryan est probablement aussi juif que vous ne l’êtes.

Je le vrillai du regard.

-Quant à la rouquine en question, elle se nomme Carolyn et c’est une femme bien trop respectable que pour servir un malpoli comme vous.

Putain, je détestais ça. Qu’on se trompe une fois, ça passe mais deux ? En plus, pas possible pour moi de voir ce serveur en peinture. Vous avez vu comment il se tient ? J’aurais su, j’aurais tracé plus loin pour avoir la bouffe. Le Canters’ Deli est supposé être réputé, non ? Je savais que Jimmy Reed aimait cet endroit. Ma sœur aussi… Je leur dirais que, moi, cet endroit, je n’irais plus jamais.

J’avais, donc, demandé au serveur de remballer mon burger pour me foutre plus de fromage dessus non sans souligner qu’ils étaient clairement radin comme la légende le disait. Il me fallait aussi un autre whisky (avec glaçons !!!) pour digérer les airs du serveur.

C’est là qu’un type se retourna vers moi me reconnaissant. Ok… Je n’avais pas l’habitude de ça. Mais depuis l’article d’Amon Sørensen, certaines personnes me reconnaissaient. Moi qui avait toujours vécu dans l’ombre et qui n’avait jamais fait l’objet du moindre article people, ça changeait un peu la donne bien que j’imaginais que cet élan de célébrité allait s’estompé. C’est parce que l’article était récent qu’on me reconnaissait.

Bref, je ne niais pas aimer ça, dans un sens. Après tout, devenir célèbre par moi-même était un de mes buts. Alors si casser la gueule à des chanteurs de merde dans un bar m’y aide, pourquoi pas ?

Sauf que le type ne s’était pas retourner pour me faire des politesses que du contraire. Il n’avait pas aimé mon commentaire sur les juifs. Un juif que n’était, visiblement, pas le serveur. Mais il n’avait pas non plus aimé ma remarque sur la jolie rouquine au beau cul. Pour lui, je ne méritais pas d’être servi par elle.

Ah oui ?

Putain il se prenait pour qui ?

Pour Jake Snyder, sans doute. Ouais. C’était bien lui. J’écoutais souvent son émission et j’avais reconnu son ton de voix. Je devais avouer n’être aucunement fan de lui. Il semblait n’aimer que ce qui créait polémique et ce qui sortait un peu des sentiers battus. Bref, en Jake Snyder il y avait un espèce de révolutionnaire qui déteste la moindre injustice.

-Mais ce n’est pas Ryan que je traite de radin mais celui qui a oublié l’extra-fromage.

J’avais appuyé sur le « Ryan » en imitant l’attitude maniéré du serveur.

-Pour le reste… Le client n’est-il pas roi, Snyder ? Tu es bien Jake Snyder, c’est ça ? Je préfère me faire servir par la rouquine que par un débutant qui me regarde de haut en bas, ok ?

Je me rappelais alors d’un histoire que j’avais lu dans L.A.People il y a quelques années et qui concernait Snyder. Celle où il avait frappé Ricci pour une histoire d’antisémitisme.

Mon regard descendit sur le gosse qui accompagnait Snyder. Son gosse j’imagine. Mais je n’y prêtait pas attention plus que ça.

-Tu ne veux pas que la rouquine me serve parce que t’as un faible pour elle? Vu comme tu la regardais il y a quelques minutes, ça m’étonnerait pas. Tu as peur que je te passe devant à ce niveau-là ?

Je ricanai après avoir dit ça.  

D’accord, Ryan n’était apparemment pas très concentré et à cette heure, en cuisine, ça devait tourner tellement vite qu’on était pas à l’abri d’une erreur. Je pouvais comprendre que ça énerve… Mais de là à devenir insultant ? Non. Ryan et le cuistot méritaient une remarque constructive, mais pas qu’on les descende.

Et que Victor Hunter croie pouvoir le faire simplement parce qu’il payait pour le service, ça me foutait hors de moi.

Je ne sus pas me retenir de me retourner pour faire une remarque sous le regard interloqué de Lucky. C’était plus fort que moi. Je devais toujours défendre ce que je croyais juste. Or, personne n’avait mérité la mauvaise humeur d’Hunter.

Hunter qui en rajouta une couche en me répondant et en imitant les manières de Ryan. Il en avait eu après les juifs et maintenant, il se foutait de la gueule du pauvre serveur sous prétexte qu’il était différent.

Je sentais mes muscles se crisper aussi fort que quand j’étais à l’école… un endroit où ce genre de chose arrivait au quotidien, plusieurs fois par jour.

-Je comprends  que tu doives faire remarquer l’erreur. Tu payes pour le service, tu as droit à avoir ce que tu as demandé. Mais ce n’est pas la peine de te faire insultant.

J’avais laissé tomber le vouvoiement. De toute façon, le jeune avocat me tutoyait aussi, alors qu’on ne s’était jamais rencontrés avant.

-Ouais, c’est ça. Je suis Jake Snyder.

S’il connaissait mon émission, il devait savoir pourquoi son attitude me débectait.

Mes poings se serrèrent quand il parla de Carolyn comme si c’était un simple objet…

-Si tu ne veux pas que Ryan te fixe comme ça, que dois dire Carolyn face à ton air lubrique ? Elle doit se sentir aussi mal à l’aise que toi face à Ryan.

J’essayais de parler calmement et sans réfléchir, j’avais désigné Carolyn par son prénom.

Je vis le regard de Victor se poser sur Lucky et je bougeai un peu ma chaise pour le lui cacher, faisant instinctivement rempart entre lui et le petit. Je restais étrangement calme et poli, pour le moment… Et ça, c’était grâce à Lucky parce que je ne pouvais ni faire, ni dire n’importe quoi en sa présence.

Je levai un sourcil quand Victor demanda si j’avais un faible pour elle, si je croyais qu’il allait me passer devant.

Il ricana.

Moi aussi.

-Je n’ai pas peur de ça, Victor… Parce que Je t’ai déjà passé devant depuis longtemps. Carolyn est ma petite amie et je n’ai certainement pas peur qu’un petit minet comme toi me la vole. Mais tu lui dois le respect, comme à tout le monde, c’est tout ce que je veux dire.

Jake Snyder me faisait la morale comme si j’étais un gosse de 3 ans. Son gosse de trois ans, il est juste en face de lui. S’il veut faire la morale à quelqu’un, il n’a qu’à la faire à lui.

Il nota que j’avais le droit de me plaindre mais uniquement si je le faisais poliment. Hey ! Je n’ai insulté personne. A moins que Snyder ne voit le mot « radin » comme une foutue insulte. Dans ce cas, c’est sa susceptibilité qu’il devrait revoir.

-Mais je n’ai insulté personne. J’ai juste fait remarqué une série de faits !

Il confirma être Jake Snyder, le petit révolutionnaire de la radio. Celui qui ne cesse de pester sur le monde parce que ce dernier n’est pas toujours à son goût. Celui qui cherchait toujours à souligner les injustices. Le grand défenseur des faibles ! Il m’en faisait une belle démonstration en live, mine de rien. Putain, s’il s’arrêtait à chaque petit trucs du genre, il devait avoir une vie vraiment pénible, le Snyder.

J’avais déclaré que c’était mon droit le plus strict de préféré me faire servir par la rouquine. Je soulignai que je n’aimais pas vraiment les regards que me lançais Ryan. Et comme le client est roi, j’ai le droit de réclamer ce que je veux. Mais Snyder déclara que Carolyn, qui est la serveuse rousse, ne devait pas se sentir mieux quand c’est moi qui regardait son beau petit cul. Il est sérieux là ? Il faisait la même chose il n’y a pas deux minutes ! J’haussai des épaules.

-Les femmes ont l’habitude. Surtout les serveuses. Puis, elles se mettent en valeur pour ça, non ?

Je vais me faire taxer de misogynie mais je m’en fous ! Plein de grands hommes sont misogyne. De toute façon, je pensais bien que Snyder me taxait déjà de racisme et d’homophobie alors… Ce qui était le cas ? Je pense surtout que les gens juge vite les autres par des grands mots.

-Mais moi, je n’ai rien fait pour encourager le regard de Ryan.

Rien du tout !

Mais vu comment Snyder parlait de cette Carolyn, pour sûr il flashait dessus alors je déclarais qu’il avait peut-être peur que je lui passe devant. J’avais parlé trop vite (ce n’était pas la première fois) et sans savoir (ce qui était une erreur à éviter) ce qui me valut le ricanement de Snyder qui nota que la serveuse, c’était sa petite amie. Mais ce n’est pas tant ça qui m’énerva que sa remarque sur ma personne.

-Petit minet ? Et c’est toi qui me parle de respect ? Waw ! Faites ce que je dis, pas ce que je fais. C’est ça ton mantra, Snyder ? Cette pauvre rouquine n’a pas de chance. Surtout que tu lui as fait un gamin, la pauvre.

Un gamin que Snyder faisait en sorte de cacher avec son corps. Je le voyais bien dans son attitude.

-T’inquiète, je vais pas le bouffer, le gosse, hein ! Il n’y a pas assez d’extra-formage dessus.

Bon il vient ce buger ?!

-Il vient ce burger ?

C’est ce que je lançais un peu plus fort pour que Ryan entende. Sauf que… Bah maintenant, il n’osait plus me regarder du tout.

Victor protesta en disant qu’il n’avait insulté personne. Qu’il n’avait fait qu’énoncer une série de faits. Je le regardai d’un air torve.

-Ton ton est une insulte. Tes préjugés sont une insulte. Et je ne te parle même pas de ton attitude.

Comme quand il avait imité Ryan… Certes, le jeune homme était très maniéré et ne cachait pas son penchant pour les hommes. Mais où était le problème ? Il n’avait pas non plus mis la main au cul de Victor. Pour Ryan, afficher clairement qui il était lui permettait certainement d’identifier beaucoup plus rapidement ceux qui avaient les mêmes préférences que lui.  

Et pour le coup, Victor avait été plutôt clair… Alors je ne pensais pas que Ryan allait insister. Ce n’était pas son genre.

-Je pense que Ryan a compris qu’il ne te plaisait pas. Pas la peine de lui en mettre plein la tronche.

Par contre, lui, Victor, ne se gênait pas pour reluquer Carolyn… Je n’étais pas jaloux, je savais que Carolyn me serait fidèle et que si un jour, elle en aimait un autre (chose qui pouvait toujours arriver, personne ne sait de quoi la vie est faite), elle me quitterait en étant franche plutôt que de jouer au jeu de la tromperie.

Il estimait que les femmes se mettaient en valeur pour qu’on les regarde… Est-ce qu’il avait tout à fait tort ? MMMmmm ça méritait réflexion.

Je frottai mon menton.

-Je pense que les femmes se font belles surtout pour se sentir bien dans leur peau… Pas forcément pour qu’on les reluque… Pas comme toi tu le fais, en tout cas.

J’estimais qu’il y avait une grande différence entre regarder une femme et l’admirer pour sa beauté et avoir le regard verrouillé sur leur cul comme un foutu missile. Tout était dans l’attitude. Et celle de Victor était celle d’un enfant gâté qui pense que tout lui est du.

Il répliqua que lui n’avait rien fait pour attirer le regard de Ryan.

-Pas plus que Carolyn pour attirer le tient. Elle est belle, on ne peut pas dire que tu sois un moche… Normal que vous attiriez les regards.

Je lui expliquai ensuite que, de toute façon, Carolyn était prise et que Victor n’était pas du tout son genre. Elle était sortie avec Eddy Cort, puis avec moi… Rien à voir avec Victor Hunter, que ce soit physiquement ou mentalement…

Il s’indigna que je l’aie traité de minet.

-On a que le respect qu’on mérite, Victor. Ça va dans les deux sens.

Il ne méritait pas beaucoup de considération… Je l’avais bien capté en deux minutes. Au point que j’essayais instinctivement d’en protéger Lucky. Je regardai Lucky avec surprise quand Victor insinua qu’il était de moi. Et Lucky me regarda avec tout autant de surprise. Il était certainement en train de se demander pourquoi il y avait de la tension dans l’air.

-je ne suis que son beau-père.

Et heureusement ! J’avais tellement peur que mes angoisses soient ancrées dans mes gènes que je ne saurais pas ce que je dirais ou ferais si un jour Lynn manifestait le désir d’avoir un enfant de moi.

Je fis la moue quand il dit qu’il n’y avait pas assez d’extra-fromage sur Lucky… Ok… il avait un certain humour…

Mais il restait tendu et impatient, réclamant presque à grand cri son burger et Ryan ne savait plus où se mettre.

Je soupirai.

-Je sais pas si tu as eu une mauvaise journée ou quoi, mais c’est pas une raison pour pourrir la journée des autres.

Je trouvais Snyder bien prompt à me critiquer. Il trouvait absolument tout en moi comme insultant. Je roulai des yeux devant son constat. Comme si lui, quand il crachait sa haine à la radio, il n’était pas insultant. J’avais, devant moi, un bel hypocrite n’empêche.

J’avais souligné que j’avais le droit de réclamer le serveur que je voulais surtout que l’autre Ryan me foutait mal à l’aise. J’étais pas venu ici pour ça mais pour bouffer. Mais Jake affirma que Ryan avait bien compris qu’il ne me plaisait pas. Sans blague ! Il a pas lu dans L.A.People que je suis marié à Carrie Hughes ? Puis, quand bien même, j’ai pas la tronche de l’emploi, hein !

-Je préfère être clair et le lui faire bien comprendre. Certaines personnes ne comprennent pas vite.

Quant au fait que je faisais exactement la même chose avec la serveuse, je déclarai que les femmes se mettaient en valeur pour qu’on les regardes. Mais Snyder n’était pas tout à fait d’accord avec ça. Pour lui, elles se faisaient belles uniquement pour être bien dans leur peau. Mouais ! Je roulai des yeux.

-Je ne l’ai pas regardé d’une façon pire que Ryan me regardait, hein !

Et j’ajoutai que je n’avais rien fait pour encourager Ryan à me regarder ainsi. Mais il fit encore la comparaison avec cette Carolyn. Pour lui, c’était normal qu’elle comme moi, on attirait les regards. Je plissai les yeux fixant Snyder.

-Il est serveur. Il bosse. Il n’a pas à faire ça, ok ? Moi, je suis client. Ce n’est pas pareil.

Point à la ligne. J’avais le droit de reluquer cette Carolyn si je le voulais. Par contre, Ryan avait qu’à rester concentrer sur son job. Il fera moins d’erreurs comme ça !

Mais je ne m’attendis pas à me faire littéralement insulter par « Monsieur le défenseur du respect ». Encore une fois, il s’amusait à jouer les hypocrites mais, cette fois, je lui mis devant le nez. Mais il répliqua qu’on avait que le respect qu’on mérite. Waw ! Il n’a rien d’autres que des phrases bateau pour répliquer ?

-Ça c’est de la réplique, Snyder ! Sauf que je ne t’ai pas manqué de respect aux dernières nouvelles. C’est toi qui a commencé.

C’est lui qui m’avait adressé la parole pour défendre le serveur. Et quand bien même, je ne l’avais pas insulté. Putain, je ne suis pas venu ici pour me faire traiter de petit minet, que je sache !

Il répliqua alors ne pas être le père de l’enfant qu’il semblait vouloir me cacher sans aucune raison. Il n’était que son beau-père en fait. Je ricanai :

-Le pire métier du monde. Se coltiner un gamin qui n’est pas le sien. Je sais ce que c’est.

Heureusement que les gamins de Carrie étaient déjà grands et ne vivaient pas avec nous. Son fils ne comptait pas quitter New York et sa fille, elle, était en froid avec Carrie, alors…

Mais bon, j’imaginais que Snyder n’était pas du même avis vu qu’il semblait vouloir protéger le gamin de mon regard comme si j’allais le bouffer. Je fis, d’ailleurs, une remarque là-dessus.

Je réclamai, ensuite, mon burger. Et j’eus encore une réflexion de Snyder… Sérieusement ? Je le fixai parlant alors sur un ton un peu plus dur :

-Ouais, j’ai eu une mauvaise journée ! J’ai dû me coltiner Zack McBride pendant des heures alors qu’il crachait sa haine sur tout son groupe. Tout ça pour quoi ? Rien ! J’avais l’impression de jouer les psys alors que je suis avocat. Puis, j’arrive ici, je me fait reluquer par un foutu serveur et, comble de toute, ce que je commande n’est pas ce que je commande. C’est une putain de mauvaise journée, ouais ! C’est le soucis quand ta femme ne sait pas faire la cuisine et que t’es obliger de t’arrêter en chemin si tu veux bouffer !

Qu’est-ce qu’elle dit Vicky ? Ah ouais : « Victor, compte de 30 à 0, lentement, et respire ». Putain ! J’ai pas envie de compter !

C’est là que Ryan revint avec le burger et le whisky. Il déposa tout rapidement dans le but de se barrer très vite mais quand je vis qu’il y avait, désormais, du fromage absolument partout, je secouai la tête avant de littéralement siffler le serveur pour qu’il se retourne vers moi.

-Tu dira au cuisinier que c’est le pire de la ville. C’est compris ?

Le serveur bafouilla et je le fixai droit dans les yeux.

-Faut que je répète lentement, fillette ?

Le sang-froid, Victor… Putain, y’avait pas moyen. J’y arrivais tout simplement pas. Il tourna son regard vers Snyder. Je repoussai alors mon burger.

-Remballe. J’irais bouffer ailleurs. Je finis ce foutu whisky puis je me casse.

Victor Hunter était aussi désespérant qu’énervant. Je me demandais combien de temps j’allais pouvoir tenir la conversation avec lui. Il prenait tout le monde pour de la merde et n’hésitait pas à le faire savoir. J’avais beau essayer de rester calme, de lui expliquer que, certes, Ryan n’aurait pas du le reluquer comme ça mais que ce n’était pas la fin du monde non plus, il restait tendu comme un string.

Et moi aussi, du coup.

En plus, quand il commença à faire des commentaires sur Carolyn, là, c’était aller un peu trop loin. Et le pire, c’était que le fait de lui avoir dit que c’était ma petite amie ne tempérait pas ses ardeurs ! Combien de temps avant que je ne pète les plombs ?

Suffirait d’un mot de trop.

Selon lui, Ryan devait bosser tandis que lui, client, pouvait mater sans vergogne les serveuses.

Je serrai les dents.

-Tu as une drôle de conception des choses.

Du coup, les mots étaient partis un peu tout seul et j’avais traité le jeune avocat de petit minet. Ce qu’il était, certes… Mais j’aurais pas du… Si j’avais été intelligent, j’aurais répliqué à son irrespect par un respect sans borne qui m’aurait rendu intouchable.

Mais j’étais impulsif, pas intelligent.

Du coup, il disait que c’était moi qui avais commencé. Ça tournait à une dispute de cour de récré et le pire, c’est que j’entrai dans son jeu sans m’en rendre compte. Je ricanai, carnassier.

-Ce n’est pas moi qui ai insulté les employés.

Carolyn s’était arrêtée de travailler, me regardant de loin. Mais je ne la remarquai pas, j’étais trop concentré sur Hunter. Instinctivement, je me mis entre lui et Lucky, comme si ses mots pouvaient le blesser. Il disait qu’être beau-père était le pire métier du monde. C’était bien loin de ce que je ressentais. Je tenais à Lucky comme à la prunelle de mes yeux.

-Chacun son expérience… Moi, j’ai de la chance.

Puis j’essayai de comprendre ce qui faisait que cet homme était aussi détestable. Est-ce qu’il était toujours comme ça ou est-ce que ce n’était que la conséquence d’une mauvaise journée ? Parce que j’avais déjà eu l’occasion d’interviewer sa sœur, et elle n’était pas du tout comme lui. Victoria était une personne gentille et respectueuse.

Alors quand il déballa sa journée, je fus en quelque sorte rassuré… mais pas calmé pour autant.

Je marmonnai…

-Les mauvaises journées, ça arrive.

Mais je n’étais pas hypocrite au point de dire que moi, quand j’avais une mauvaise journée, je ne bouffais pas la gueule de tout le monde. Parce que c’était pas vrai. Mais contrairement à Victor, moi, quand ça n’allait pas, je cherchais à m’isoler justement pour ne pas que les autres subissent trop ma colère. D’ailleurs, Lynn le savait bien, quand il fallait juste attendre que ça passe.

Ryan revint avec la commande de l’avocat… Mais quand Victor siffla carrément Ryan et l’appela « fillette », là, ce fut la goutte de trop.

-Lucky… va voir maman…

Lucky, qui ressentait les choses avec une sensibilité monstrueuse, ne demanda pas son reste et alla se réfugier dans les jambes de sa mère un peu plus loin. Une mère qui l’emmena dans l’arrière-cuisine probablement dans l’intention de revenir avant que ça ne dégénère pour me calmer.

Mais j’étais plus rapide.

Je me levai, attrapai Victor par le col de sa chemise et le tirai sans ménagement hors du restaurant. Une fois dehors, je le plaquai contre un mur.

Je lui crachai alors à la figure :

-Quand j’étais petit, je me suis fait une promesse : défendre ceux qui sont différents ! Et tu es exactement le genre de petit enfoiré que je ne supporte pas.

Je le cognai brutalement contre le mur.

-Je ne veux plus jamais te voir ici. Tu piges ?

Une drôle de conception des choses ? C’était ma version des choses. Elle n’avait rien de bizarre, ni de drôle. Plein de gens pensaient comme moi. Le client est roi. Faut-il que je lui rappelle en parlant lentement pour qu’il comprenne ?

Jake Snyder me trouvait impoli mais il ne valait pas mieux vu qu’il m’avait, lui-même, insulté. En gros, il me reprochait des choses qu’il faisait lui-même. Ce n’était qu’un sale hypocrite certainement mal-baisé vu comme il adore caché sa haine à la radio. Bien que, je me demandais bien comment il faisait pour être mal-baisé alors qu’il se tapait, visiblement, la serveuse rousse. Peut-être que les apparences étaient trompeuses et qu’elle n’était pas si bonne au lit. Ou alors, c’était simplement Jake le problème.

Il rétorqua que ce n’était pas lui qui ait insulté les employés.

-Je le répète. Je n’ai insulté personne. Et quand bien même ça ne te donne pas le droit de m’insulter.

Bref, on passa au gamin qui n’était pas son fils et son beau-fils. Je pouvais comprendre son malheur mais, là encore, nos avis divergeaient. Lui trouvait qu’il avait de la chance d’avoir le petit. J’haussai des épaules. Grand bien lui fasse.

J’avais faim et mon plat ne revenait pas alors je m’énervais encore un peu plus. Je balançais alors, tout haut, à Jake la mauvaise journée que j’avais passé sans entrer réellement dans les gros détails. Jake rétorqua que les mauvaises journées arrivaient.

-Je le sais ça…

C’est pas pour ça que je devais en être ravi, hein ! Oh cool ! Une mauvaise journée ! Quel bonheur ! Sérieusement…

Et, enfin, mon repas arriva. Sauf que, là, il y avait beaaaaucoup trop de formage. Putain, est-ce que j’ai vraiment l’air d’un con ? Est-ce que le cuisinier est aussi nul que ça ? Ou bien est-ce que le problème c’était ce foutu Ryan ?

Je n’en savais rien mais ce fut la goutte de trop et je finis par siffler le serveur le traitant de « fillette » et l’exhortant à me débarrasser et à faire part de mes commentaires au cuisinier. J’avais faim, j’étais énervé par une journée qui n’a servi à rien et j’étais toujours sur les nerfs pour cette histoire de « fille cachée de Hughes ». Il n’en fallait pas plus pour que je perde mon sang-froid.

Sauf que… Perdre le mien était une chose. Mais quand je vis le petit s’éloigner de la table pour rejoindre les jupes de sa mère, je ne m’attendis pas à ce que Jake Snyder se décale, lui aussi.

Il m’attrapa violemment par le col à ma grande surprise et m’entraina dehors sans que je puisse répliquer. Je pouvais parfois être violent et me mettre à frapper les gens sans m’arrêter. Sauf que là, c’était moi qui était déstabilisé et, clairement, je n’étais pas assez fort pour me dérober à Jake.

Une fois dehors il me plaqua contre le mur. Je grimaçai mais rouvris les yeux pour soutenir son regard alors que le main témoignait d’une très grande colère.

Il se prenait pour qui ?!

Pour le type qui défend les faibles… Les gens différents. Beau discours. Mais personne ne lui a demander de jouer les héros, bordel de merde !

J’allais lui foutre ça à la gueule mais il me cogna à nouveau contre le mur. Putain ! Il sait que ça fait extrêmement mal ?! Je grimaçai à nouveau avant qu’il ne m’ordonne de ne plus jamais mettre les pieds ici comme si cet endroit était son foutu restaurant.

Je dis alors avec une certaine colère dans la voix :

-Je vais où je veux, quand je veux et ce n’est pas toi qui va décider pour moi. Mêles-toi de tes affaires, compris.

Car ce n’était pas ses affaires. C’était les miens et ceux des employés de ce restaurant. Mais j’avais toujours dans le coin de la tête que ce type avait déjà refait le portrait de Ricci. Il n’était, donc, pas à son coup d’essais.

-Lâche-moi… Parce que si tu oses ne serait-ce que me frôler avec ton foutu poing, je te jure que je ferais de ta vie un enfer. Crois-moi, je ferais en sorte que ça arrive et vite. J’en ai le pouvoir. Alors maintenant, tu me lâches et tu t’excuses, c’est compris ?

Mon ton était très sérieux. S’il me frappait, il allait en baver.

Il n’avait insulté personne ??? Sérieusement ? Son entrée en matière n’avait-elle pas été d’user d’un très gros stéréotype sur les juifs dans vraiment faire dans la subtilité ? Insultant ainsi la famille qui tenait ce restaurant ? Mes amis, de surcroît !  

Donc lui pouvait insulter les autres mais les autres ne pouvaient pas l’insulter ? Il se prenait pour qui, ce petit merdeux ?

Je le foudroyai du regard, mais n’ajoutai rien. Il semblait avoir la capacité à répliquer à chaque fois. Pas toujours d’une façon qui le mettait à son avantage, surtout parce qu’il semblait énervé et ne pas trop réfléchir (un peu comme moi, ce qui faisait que la conversation, ou la dispute, ne volait pas très haut)… Mais sinon, on sentait bien que sous toute cette masse irrespectueuse se cachait un avocat.

La tête froide, il devait être redoutable. Mais là, il n’avait pas la tête froide.

Il avait u une mauvaise journée et se défoulait sur tout le monde. J’aurais préféré qu’il aille faire ça ailleurs, hors de ma vue et de mon ouïe.

Alors quand il dépassa les bornes pour de bon, j’eus juste assez de  sang-froid pour envoyer le petit en sécurité dans les jupes de sa mère.

Puis j’avais empoigné Hunter. Parce qu’il allait pas s’en tirer comme ça. Je m’étais fait une promesse et j’allais la tenir. De toute façon, c’était plus fort que moi.

Et puis, je considérais qu’il était un peu sur MON territoire.

Je plaquai Victor au mur et eu un petit frisson de satisfaction en le voyant grimacer de douleur. Il avait mal ? Très bien ! Il avait fait mal à Ryan. Et je savais que si je l’avais laissé faire, il aurait été capable de faire du mal à Lynn. C’était peut-être une pensée irrationnelle, mais c’était celle qui me poussait à agir avec autant de violence.

Pourtant, j’étais bien placé pour savoir que c’était tout sauf intelligent ! Comme si je n’avais pas appris de ma mésaventure avec Ricci.

Je reproduisais exactement le même foutu schéma.

Victor me cracha au visage que je devais me mêler de mes affaires… Et… il avait probablement pas tort. Peut-être même, et elle aurait raison, que ce serait ce que Lynn me dirait plus tard, si ça tournait au vinaigre.

Mais je ne réfléchissais plus vraiment. J’étais totalement hors de moi.

-Tu peux pas savoir à quel point ce sont mes affaires !

Parce que j’étais issu d’un peuple qui avait été persécuté. Et que je ne supportais pas de voir les autres êtes persécutés. C’était probablement très prétentieux de ma part de penser que j’avais une sorte de mission divine qui consistait à défendre les opprimés, mais c’était comme ça.

Alors, Victor me menaça. Il était très sérieux. Et une petite voix au fond de moi me hurla de me méfier, de faire attention. Qu’il avait vraiment les moyens de m’en faire baver pour un coup de poing.

Je le tins contre le mur encore quelques secondes, le fusillant du regard. Mes yeux bleus glace dans les siens, bleu nuit.

Je finis par relâcher la pression et le lâcher tout court.

-Passe ton chemin. L’addition est pour moi. Mais sache qu’un jour, à te comporter comme ça, tu auras ton retour de karma.

Jake s’était levé d’un bond après que son beau-fils ait pris la poudre d’escampette. Je n’avais pas su réagir assez vite parce qu’il réussit à me prendre par le col et me tirer dehors sans aucun ménagement.

Je crus, un moment, qu’il allait simplement me foutre dehors avant de rentrer mais ce ne fut pas le cas. Cet hypocrite impulsif m’avait, à la place, plaqué contre le mur sans aucun ménagement pour me cracher à la figure qu’il s’était promit, étant jeune, de protéger les gens différents. Il se prenait pour un héros ou quoi ? Ça m’en avait tout l’air. Ce que j’entendais, aussi, c’était que ce type était un putain de mêle-tout.

Il me frappa plus fort contre le mur me faisant réellement mal. Il ne sentait pas sa force et je n’avais pu m’empêcher de me rappeler son aventure avec Ricci. Aucune envie d’être défiguré par un foutu animateur radio de seconde zone qui se prend pour le défenseur des droits de tous.

Je lui lançai, d’ailleurs, qu’il devrait se mêler de ses affaires. Il clama alors qu’il s’agissait bien de ses affaires. Ah oui ? Pourquoi ? Tu es un juif homosexuel, Snyder ? Je ne savais pas ! Quoi que, juif, il l’est peut-être, hein !

-C’est ça ouais…

T’es quand même un mêle-tout, mon gars !

Je soutenais son regard. Il ne me lâchait pas alors s’y allait d’une menace bien sentie. Si jamais il effleurait mon visage, je jure que j’allais le détruire. Il pourra, déjà, faire une trait sur sa pauvre carrière. Et j’irais plus loin si jamais il me fait réellement mal.

Il pouvait voir dans mon regard que tout ça n’était pas des paroles en l’air.

Il me regardait droit dans les yeux et fini par prendre la décision raisonnable. Il voulait maintenant que je m’en aille. Il comptait payer mon addition. Bien ! Parce que je ne comptais pas payer pour ça ! Il me fit alors une mise en garde.

Je réajustai mes vêtements sans le quitter du regard. Il ne s’était pas excusé ? Il le fera un jour. Il verra !

-Prend ta propre mise en garde pour toi.

Parce qu’à se comporter comme il l’avait fait, il allait aussi, un jour, se prendre un retour de karma.

-Et j’aurais mes excuses, un jour, je te le garantis.

Sur ce, je tournai les talons pour m’en aller.