L’adrénaline.

Je manquais d’adrénaline.

Être patron du Wild entrainait pas mal de choses. L’endroit permettait d’obtenir beaucoup d’informations sur beaucoup de gens… Il me permettait aussi de gagner très bien ma vie. J’aimais ce petit pouvoir que j’avais sur la poignée de gens que j’avais à mon embauche même si ma marge de manœuvre était bien plus étroite que quand j’étais chef de gang.

Mais être patron d’une telle boîte demandait à devenir maitre en relations publiques…

Et je détestais les relations publiques…

Je venais de voir Rino Giordano qui était de passage au Wild. Il avait voulu débaucher l’une de mes strip-teaseuse pour le bien d’un de ses films porno mais je lui avais bien fait comprendre qu’il devait aller voir ailleurs que sur mes plate-bande. S’il ne voulait pas finir comme son frère, il avait plutôt intérêt à ne pas pousser le bouchon trop loin. Je ne suis pas une agence de casting. Je ne suis pas ici pour lui trouver les plus jolies filles de la ville. Il n’a qu’à aller les chercher dans la rue. Il trouvera bien une prostituée ou l’autre qui voudra bien de son fichu rôle.

Si Giordano avait lâché l’affaire, il n’avait quand même pas manqué d’arrogance. De quoi titiller le tueur en moi. Mais je n’avais pas pu lui écraser la tête au milieu du Wild. Ça n’aurait pas joué à mon avantage.

Quand je disais que je détestais les relations publiques… Chaque fois j’ai envie de tuer mon interlocuteur mais ma nouvelle position m’en empêchait.

Et je détestais ça !

-Jimmy Reed est ici…

C’est ce que vint me dire Angela, l’une de mes serveuses. Chaque fois que Jimmy Reed venait ici, je demandais à être informé. Mais c’était très rare les moments où je daignais aller le voir à la table qui lui était constamment réservée. Il fallait aussi dire que c’était rare quand Reed venait tout court. Mais quand il venait c’était plus pour du business qu’autre chose…

Du moins, c’est l’impression qu’il donne.

Donc, il était là. Et, cette fois, j’allais lui faire l’honneur de ma présence. Déjà pour faire le point sur notre petit accord et aussi parce que je dispose d’informations qui pourrait sans doute l’intéresser.

Et qui, de ce fait, pourra peut-être combler mon manque d’adrénaline… Parce qu’il fallait qu’il soit comblé. Et le plus tôt sera le mieux.

Je me levai, donc, et sortit de mon bureau après avoir dit à Angela d’apporter une bouteille de whisky et deux verres à la table de Reed.

Une fois à la table du magnat de BSC qui avait encore fait parler de lui dans la presse, je lançai :

-Bonsoir, Jimmy…

Finit les « Reed ». De mon point de vue nous étions au même niveau.

Je m’installai à la table alors qu’Angela vint avec le whisky et les verres qu’elle déposa.

-Alors ? Tu viens pour faire le point sur notre accord ? Tout roule si tu veux tout savoir vu que je n’ai pas encore défoncé la tronche d’Alonso… Bien que c’est pas l’envie qui manque mais je crois que rien ne pourra changer ça.

Lui, je crois que c’est la tronche de Stone qu’il voulait défoncé. Je l’avais déjà fait ça… Il n’y a pas si longtemps d’ailleurs. Un Stone qui était soudain devenu un égérie de la cause des pauvres de l’Eastside. Saint Stone ! C’est comme ça qu’on pouvait l’appelé désormais. Le Robin des Bois de L.A.. Qui vole aux maisons de disques pour le rendre aux orphelins de l’Eastside… Mes hommes ont peut-être tapé trop fort sur sa tête quand je lui ai donné une leçon la dernière fois.

Je pouvais voir plus loin que Rino était toujours au bar en train de boire tout en reluquant celle qu’il voulait embaucher un peu plus tôt dans la soirée.

Puis mon regard revint sur Reed :

-Sinon ? Comment vont les affaires ?

Ce soir, j’avais laissé Maritza et J.R. à la maison pour me rendre au Wild Wild Beaches. Je n’y allais jamais pour les filles, plus depuis que Maritza était revenue de Tijuana. Pas depuis qu’on s’était revu lors de la pièce de notre fille.

Non, désormais j’y allais uniquement pour affaires. C’était en quelque sorte un deuxième bureau d’où je pouvais notamment gérer mes Los Diablos sans que ça fasse suspect. Je n’avais pas peur d’y être capturé par la presse parce que je n’avais pas peur qu’on fasse circuler des rumeurs comme quoi j’allais voir les strip-teaseuses. Je l’avais toujours fait et Maritza savait très bien que je venais ici pour tout sauf les filles.

Et puis…

Il y avait Ward.

Il ne fallait pas que j’oublie de lui montrer mon attention, sinon, il risquait de vouloir l’attirer et il prendrait de mauvaises décisions pour se faire.

En cela, il ressemblait un peu à Grant. Je devais aussi montrer à Grant que j’étais content de lui régulièrement.

Je m’installai à ma table où une jeune femme m’avait mené et quelques minutes plus tard seulement, dans la salle qui diffusait Roadtramp, du whisky arriva, presque en même temps que Ward.

Il n’avait pas attendu que je l’invite à s’asseoir. Il n’avait pas à le faire. Désormais, Ward était monté en grade dans la chaîne alimentaire de Los Angeles.

-Bonsoir, Ward.

Il voulut savoir si je venais faire le point sur notre accord en soulignant bien qu’il ne s’était pas attaqué à Alonso. Plusieurs choses étaient en jeu. D’abord, effectivement, laisser mes Los Diablos tranquille, ensuite, ne pas faire de mal à ma famille. En échange de cela, j’investissais dans le Wild tout en en profitant pour y blanchir de l’argent.

Je rigolai doucement.

-Merci pour ce pauvre Alonso…

Je pris mon verre de whisky et le portai à mes lèvres.

-Dans l’Eastside, les affaires vont bien. C’est presque la routine… Mais il ne faut pas s’endormir. J’aurai une grosse somme à blanchir bientôt. Grant va très bien également, il est efficace, si ça t’intéresses.

Je fis la moue.

-C’est du point de vue de BSC que c’est plus délicat. Les règles ne sont pas les mêmes que dans la rue et je dois la jouer finement, avec Howard Stone.

Je regardai autour de moi. Le Wild n’avait jamais été aussi beau, ni aussi rempli de monde.

-Je vois que tu te sers bine de l’argent que j’investis.

Jimmy Reed était, donc, là. Et j’avais décidé de lui rendre une petite visite. Après tout, il était sur mon territoire. Sans doute voulait-il que je lui fasse l’honneur de ma présence ? Et si je commençais à me lasser des conversations vides de sens comme je venais d’avoir avec Rino, je me disais qu’elle en aura peut-être plus, du sens, si je cause à mon ex-ennemi.

Puis, j’avais une information a lui donné en espérant pouvoir retirer un peu de fun de ladite information.

Alors je m’étais installé à sa table après l’avoir salué. J’étais dans mon Wild alors je n’avais pas vraiment besoin de l’autorisation de Reed pour m’asseoir où que ce soit ici. J’avais envoyé Angela nous chercher du whisky. Une bouteille qui ne tarda pas à arriver ainsi que deux verres.

J’avais ouvert la conversation sur ce qui nous liait Reed et moi : notre petit deal visant à blanchir son argent et à me faire des bénéfices supplémentaires. J’avais fait un commentaire comme quoi j’étais obligé de voir bien trop souvent Alonso à cause de ce deal. Il ne m’aimait pas. Je ne l’aimais pas. C’était une donnée immuable dans cet univers. Mais je ne lui avais pas encore fait de mal. Reed me remercia pour lui. J’esquissai un sourire en coin.

-Mais de rien ! Je sais être magnanime.

Je l’avais été bien trop souvent pendant mes trois mois passés en prison.

J’avais questionné Reed sur ses affaires. Il confirma que dans l’Eastside tout roulait. Il faut dire que depuis que les New Soldados s’étaient dissous, le concurrence était moins rude pour Reed et ses sbires. Jimmy ajouta qu’il aura bientôt une grosse somme à blanchir et il en profita pour me donner des nouvelles de Grant. Mon regard était redevenu neutre. Grant ? J’avais abandonné l’idée de le récupérer. Enfin, tout du moins, tant que Reed sera mon allié.

-Tu ne l’as pas encore viré ? C’est bien. Ça évitera peut-être que Keller en fasse un flic.

Parce que ça, ça ne serait ni bon pour moi, ni bon pour Reed.

-Ou pire… Un agent du FBI…

Un Fleming agent du FBI… Ça serait la blague du siècle.

Apparemment, les problèmes de Reed n’étaient pas dans la rue. Je savais où il allait en venir et je remarquai que je ne m’étais pas trompé quand Reed évoqua le looser Stone. J’avais déjà remarqué que les choses ne se réglaient pas de la même manière dans la rue et dans les hautes sphères. On ne peut pas éliminer ceux qui nous emmerdaient dans le petit monde de riche de Reed. Pas tout le temps en tout cas. Je ricanai.

-Le grand Jimmy Reed déstabilisé par ce petit looser de Stone. Si je ne l’avais pas lu dans la presse, je ne l’aurais jamais cru. J’entends pas mal de conversation ici. Le public est divisé. Certains suivent Stone… D’autres le trouve hypocrite. D’autres encore pense que tout ça n’est qu’un coup de marketing. Tu sais quoi ? Laisse la vodka faire. Elle va régler ton problème.

Je bus une gorgée de whisky. Stone va finir par se tuer tout seul prématurément. Comme ma cousine.  J’haussai des épaules.

-Et au pire tu pourras donner un coup de main au destin… Tu sais faire ça non ? Les albums hommages rapportent gros, il parait…

La mort de Stone rapporterait à BSC.

Reed déclara alors que je me servais bien de son argent. Enfin, de l’argent que ses Los Diablos lui rapportaient et que je blanchissais. Car c’était ça l’investissement de Reed dans le Wild. De l’argent fraichement blanchit par moi-même. Je regardai autour de nous.

-Georges Morris laissait l’endroit se délabrer. J’ai augmenter le chiffre d’affaire en changeant certaines choses. Après tout, le chiffre d’affaire du Wild, ça me connait, j’ai été comptable ici.

Je ricanai un peu. Je n’avais pas été comptable mais c’est ce que j’avais fait croire à la cour de Los Angeles.

-Même si mes filles attirent les petits parasites qui veulent se les approprier.

Et montai Rino Giordano d’un geste de la tête.

-Au fait… Parlant de Rino… Comment va ton avocat ?

J’aimais montrer à Reed que je savais des choses. J’aimais vraiment ça.

Ward était venu me faire l’honneur de sa présence. Je n’en attendais pas moins de lui. J’estimais qu’étant désormais partenaires, cela devait faire partie d’une certaine forme de diplomatie implicite. Et je ne craignais pas d’être vu en sa compagnie. Il avait été blanchi et j’étais, quelque part, un habitué du Wild bien avant que j’aide Ward à mettre la main dessus.

Quelques questions sur les affaires furent posées, mais tout allait bien de ce côté-là. Ça tournait comme une véritable petite entreprise bien rodée. J’annonçai donc à Ward qu’il y aurait bientôt du blanchiment à faire et j’en profitai pour lui glisser quelques nouvelles de son fils, Grant, qui travaillait pour moi à la tour.

J’eus un petit rire quand il demanda si je ne l’avais pas encore viré.

-Depuis quand on vire quelqu’un d’efficace ?

Il était content parce que selon lui, ça lui éviterait un funeste destin dessiné par le tuteur du gamin, Jordan Keller.

-Je ne peux pas dire que tout risque est écarté de ce côté-là. Etrangement, ton fils est très porté sur le concept de justice.

Mes problèmes ne se situaient donc pas là. Si on pouvait vraiment appeler ça des problèmes. Cela m’amena quand même à parler d’Howard. Bizarrement, je ressentais constamment le besoin d’en parler. La preuve que ce n’était pas tout à fait un « vrai » problème.

En effet, si quelque chose m’avait vraiment mis à mal, je n’en aurais parlé à personne et sûrement pas à Ward.

-Je ne peux pas dire que je suis vraiment « déstabilisé » par Stone. C’est plutôt comme un caillou dans ma chaussure. Un caillou dérangeant mais pas dangereux.

Selon Ward, le public était divisé sur la question. Il y avait les pro-Stone, les anti-Stone et ceux qui croyaient au complot que j’avais contribué à créer en disant que ce qui s’était passé à l’inauguration du yacht de Daniele avait été monté de toute pièce.

Ward me conseilla de laisser faire l’alcoolisme de Stone. Je fis tourner mon verre sur la table tout en le regardant dans le blanc des yeux.

-L’alcool pourrait régler le problème, c’est vrai. Mais d’autres me conseillent de l’envoyer en désintox pour redorer mon image en prétendant l’aider.

Quant à un coup de main du destin… Je fis la moue.

-Dans le cas de Stone, c’est délicat. Il est trop connu…

Et je ris jaune à l’évocation d’un album hommage.

-Tu l’as écouté ? Moi pas. Je déteste l’idée que ma fille soutienne Stone. Elle est clairement sous son emprise. J’irais même jusqu’à dire que j’espère qu’il n’y a que ça entre eux.

Regardant autour de moi, j’admirai l’effet clinquant du nouveau Wild.

-Tu as fait du beau travail.

Les filles choisies pour danser étaient très agréables à regarder, les lumières donnaient un effet psychédélique qui n’était pas pour me défaire et jusqu’ici, les enceintes ne diffusaient que du made in BSC.

Ward évoqua Rino Giordanon, et comme chez lui, mon cerveau ne fit qu’un tour, me rappelant Dario et ce qu’il avait fait à Victor. Je souris en repensant aux mesures que j’avais prises à l’époque.

-Victor va bien. Il s’est tapé Juliet Jones à l’inauguration du yacht et tout ça sous le nez de sa femme. Mais qui a dit que les Hughes étaient futés ?

Je souris en coin.

-Si tu as un jour besoin d’un vrai avocat, pas de ce rebus de l’humanité de Dan Anderson, je serai ravi de te le prêter. Mais un conseil : ne prononce jamais le nom Giordano devant lui.

Reed n’avait pas encore viré Grant. Et, pour cause, il le trouvait efficace. Il se demandait, d’ailleurs, depuis quand on virait quelqu’un d’efficace. Je le fixai, droit dans les yeux, levant un sourcil. Se rappelle-t-il qu’il y a 20 ans, il m’a rétrogradé malgré mon incroyable efficacité aux côtés de Ricardo ? Tout ça au profit d’un petit dealer bas de gamme ? L’une des erreurs du règne de Reed sur les Los Diablos. Sans compter le jour où il m’a carrément « viré » des Los Diablos. « Viré » étant un grand mot étant donné qu’il avait ordonné à Alonso de me descendre. Tout ça parce que j’avais quelques « affinités » avec la Casa Nuova. Mais en dehors de ça, j’étais d’une efficacité exceptionnelle. Du coup, j’haussai les épaules lançant un :

-A toi de me le dire…

Bref… Tant que Reed avait une influence sur Grant, j’imagine que le gamin n’allait pas devenir un flic. Mais de ça, le magnat de BSC n’en était pas totalement certain. Je ricanai un peu quand il déclara que Grant était très porté sur la justice.

-Sur SA justice. Ce n’est pas la même chose. J’en sais quelque chose.

Donc, j’avais espoir qu’il ne tourne pas comme son tuteur. Quoi qu’il en soit, à cet instant, il n’était pas un danger pour moi.

Mais le problème de Reed n’était ni dans la rue, ni à cause de Grant. Non. Son problème c’était ce looser de Stone. Il voyait le batteur comme une caillou dans sa chaussure. Ça me fit rire un peu avant que je ne dise ce que j’avais entendu de la fameuse guerre entre Stone et Reed. Moi, je pensais bien que l’alcool allait finir par tuer Howard. C’était clair et net. Il allait faire partie de ces artistes qui crevaient prématurément d’excès. Sauf que certains conseillait à Reed d’envoyer Stone en désintox’. L’image… C’était ça qui devait être préservé dans les hautes sphères. C’était bien différent dans la rue. Dans la rue mieux valait avoir une image impitoyable que d’un homme bien… Or, ici, aider Stone aidera Reed à prendre un avantage dans leur guerre médiatique.

-Une désintox’ peut accélérer le processus… Ou sauver Stone. C’est un pari risqué si tu veux t’en débarrasser.

Moi, je conseillais à Reed de donner un coup de pouce au destin mais il était réticent à ça à cause de la notoriété du batteur. Reed a toujours été trop prudent… Il l’était moins quand il était plus jeune.

-Les accidents, ça arrive…

Personne n’allait chercher plus loin si Stone se plantait en bagnole. Et j’avais déjà provoquer des accidents de voiture. Reed le savait.

Puis, la mort de Stone pourrait permettre à Reed n’obtenir les fruits d’un album hommage. Bien sûr ça amena Jimmy a parlé de l’album hommage de Lola. Un album qu’il n’avait pas écouter. Il semblait en vouloir à sa fille. J’esquissai un sourire. Apparemment, sa fille s’était entichée de Stone. Enfin, il espérait que ça n’allait pas jusque-là mais il avait des doutes.

Je ricanai.

-Ça ne serait pas la première fois qu’elle se lasse de Hughes si c’est le cas.

Je savais bien de quoi je parlais. J’avais réussi à faire en sorte que Liv tombe amoureuse de moi et veuille quitter le pays avec moi… Donc qu’elle tombe sous le charme de Stone n’était pas difficile à imaginer.

-Et, oui, j’ai écouté l’album. J’ai été déçu de Lighter…

J’étais fan de The Lightening et voir Lighter sur ce genre d’album m’avait déçu. Je n’avais rien aimé de ce que j’avais entendu là-dedans. Pour moi, c’était une façon pour Stone d’attirer l’attention sur lui… Et des autres aussi.

Reed en vint, ensuite, au Wild. Il aimait ce que le Wild était devenu et disait que j’avais fait du beau travail. Je n’avais pas vraiment besoin de son approbation. Qu’il aime ou non, je remarquais simplement que je gagnais plus et ça me convenait.

De fil en aiguille, j’en vins à cause de l’avocat de Jimmy. C’était une transition maitrisée et le magnat de BSC déclara que Victor Hunter allait très bien. Qu’il s’était tapé Juliet Jones à la fête de Ricci tout ça sous le nez de Carrie Hughes. Des Hughes qui n’étaient pas très futé d’après Reed. Est-ce que Nell n’était pas futée, elle aussi ? Non… Elle avait une certaine jugeote et je me plais à croire que c’est moi qui suis doué. Parce que Nell est une Hughes. Bientôt le monde le saura.

-Tout prétexte est bon pour enfoncer ses rivaux, n’est-ce pas ?

Je dis ça avec un petit sourire narquois. Reed semblait aimer taper sur les Hughes. Pourtant Julian Hughes était son beau-fils.

Mais, aujourd’hui, Reed était d’humeur généreuse car il voulait me fournir les services d’Hunter tant que, devant lui, je ne prononçais pas le nom de Giordano. Je ne savais toujours pas précisément pourquoi Reed avait, autrefois, voulu éjecter Dario du paysage. Je n’avais que des spéculations sur la question. Mais je savais ce que Dario avait fait à Victor Hunter. Ou, tout du moins, ce qu’il y avait eu entre eux.

Je penchai légèrement la tête sur le côté.

-Tu veux me donner les services de l’avocat qui m’a empêché de récupérer ma fille ? Mon ex-femme a déjà ses services. Je ne sais pas comment d’ailleurs… Pareil pour mon père. Tu crois qu’il est prêt à changer de chapelle ?

Quant à Giordano… Je pouvais facilement déduire que Victor Hunter n’avait pas forcément aimé de ce dont Dario s’était vanté il y a plus de dix ans d’ici. Mais je n’allais pas jusqu’à pensé que Reed m’avait demandé de l’éliminer uniquement pour défendre l’honneur d’Hunter… Je n’y croyais pas à ça.

-Mais s’il veut bien travailler pour moi je promets de ne pas lui parler de Dario. Bien que j'aurais bien envie de savoir ce qui arrive si je prononce ce nom devant lui...

J'esquissai un petit sourire en coin.

-C’est bien de Dario, hein, que tu parles ? Celui qui a tragiquement perdu ses jambes dans un accident de voiture ? Je t’avais dit que les accidents ça arrivait…

Reed savait très bien que ce n’était pas un accident vu que c’est lui qui avait commandité la chose.

-Enfin… Tout ça c’est si tu as encore Victor Hunter comme avocat d’ici là… Tu sais qu’il ne s’est pas tapé que Juliet Jones le jour de la fête de Ricci ? Il c’est aussi tapé Gina Vitali…

C’était la fille d’un capo de la Famille de Los Angeles. J’haussai des épaules.

-C’est pas étonnant… Il aime la cuisine italienne.

Giordano… Vitali… Tous des Italiens.

Je captai bien le regard de Ward quand j’affirmai qu’on ne virait pas des gens efficaces. Je savais très bien à quoi il pensait. Il y avait une éternité de ça, je l’avais écarté des Los Diablos, pour ne pas dire que j’avais tenté de le faire éliminer. A l’époque, il avait des contacts dans la Casa Nuova, mais ce n’était pas tant ça qui m’avait dérangé que le fait que ce soit un psychopathe, jeune et incontrôlable.

-Je sais à quoi tu penses. Tu sais très bien pourquoi tu as été écarté à l’époque.

Il faisait peur aux autres. Il tuait à tour de bras… Et ce n’était pas toujours réfléchi.

Pour en revenir à Grant, Ward affirmait que Grant était à cheval sur sa propre notion de la justice. Je haussai les épaules.

-Espérons que ça jouera à mon avantage et pas à celui de Keller alors.

J’en vins à mon petit caillou préféré. Howard Stone. Ward me disait de laisser faire l’alcool qui finirait par tuer le batteur le plus naturellement du monde. Sauf que… Sauf qu’en parlant avec Daniele, on en était venu à la conclusion que l’envoyer en désintox’ serait bon pour mon image et celle de BSC.

-Je ne veux pas forcément m’en débarrasser. Fireworks est une vraie mine d’or.

Je fis la moue.

-Comme il le dit lui-même, je veux le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière sans aller à l’épicerie. Sauf que je sais que je ne pourrai pas tout avoir, cette fois.

Ward ‘ajouter que les accidents, ça arrivait… Je le regardai dans les yeux, jaugeant l’idée.

-C’est tentant… En dernier recours, peut-être…

Ce qui m’énervait le plus, c’était la relation qu’il semblait avoir avec Livia. Pour moi, c’était une trahison de la part de ma fille qui aurait du reprendre pour moi plutôt que de suivre aveuglément le batteur. Mais bon, c’était une femme, il ne fallait pas lui demander de trop réfléchir. Dommage… Parce qu’un moment, j’avais cru qu’elle était une femme d’un genre supérieur, mes gènes aidant… Mais je m’étais trompé.

Ward affirma que ce n’aurait pas été la première fois qu’elle se lassait de Julian…

-Il devrait la tenir. Je lui ai dit. Mais c’est un gamin, pas un homme.

Ça n’avait pas plus à Livia, d’ailleurs. Parce que je n’avais pas caché ce discours à ma fille. J’avais dit ça à Julian devant elle. Et elle avait pris la mouche. Je ne lui avais pas reparlé depuis. Si elle voulait s’enfoncer à faire des conneries, grand bien lui fasse. Mais qu’elle ne s’attende pas à ce que je ramasse ses morceaux après.

Je ricanai quand, parlant de l’album hommage, Ward dit avoir été déçu de Billy Lighter.

-Je suis sûr que même Sniper est décevant. Pourtant c’est une légende.

De fil en aiguille, on parla de mon avocat, Victor, et des Hughes. J’affirmai qu’ils n’étaient pas très intelligents, dans la famille de Don. Ward répliqua que tout était bon pour enfoncer ses rivaux.

-Ils s’enfoncent eux-mêmes, je ne fais qu’énoncer un fait.

Je lui offris les services de Victor mais Ward semblait sceptique, me rappelant qu’il était aussi l’avocat de son ex-femme et de son père. Il demanda si Victor serait prêt à changer de chapelle.

-Si je lui demande, oui. Evidemment, il ne pourra plus défendre ton ex… Mais ça ne changera rien vis-à-vis de ton père.

Ward se demandait pourquoi je ne voulais pas qu’il prononce le nom de Giordano devant Victor. Il fit une partie des liens tout seul. Je vidai mon verre de whisky et le poussai légèrement pour être resservi par mo hôte du jour.

-Oui, je parle bien de Dario. , mais je ne t’en dirai pas plus. Je tiens mes promesses.

Surtout à celui dont, peut-être un jour, je risquais d’avoir besoin.

Puis Ward me fit une drôle de révélation, insinuant que je pourrais perdre mon avocat au profit de… De qui ? De la famille de Los Angeles ?

-Mais… Gina fait partie de mes alliés… Pourquoi sa famille me volerait-elle mon avocat ?

Oui. Je savais parfaitement pourquoi Reed avait tenté de m’assassiné. Parce que j’étais un obstacle à la paix relative qui régnait chez les Los Diablos. Parce que, contrairement à ses petits toutous, j’ouvrais ma gueule quand je n’étais pas content. Parce que j’étais persuadé que, dans l’Eastside, seul la violence pouvait permettre d’asseoir réellement son autorité.

Ce qui n’est pas faux. C’est aussi efficace que de jouer les hommes d’affaire comme l’a fait Reed. Aussi efficace et bien plus fun.

Mais il ne l’avouera jamais ça. Pourtant, c’est pas faute que le lui avoir prouvé avec mes New Soldados. Pendant longtemps mon gang a fait beaucoup de mal au sien. Et ça aurait continué si Sky n’avait pas vendu la mèche.

On passa brièvement sur le sujet « Grant ». Un Grant qu’on espérait, Reed et moi, qu’il ne tournera pas flic. Mais j’avais de gros doutes là-dessus et ça, même avec l’influence de Keller.

Quant à Stone… Reed n’avait qu’à attendre et il finira par s’autodétruire. Sauf que Reed avoua que pas nécessairement vouloir la mort du batteur parce que Fireworks rapportait. J’haussai des épaules.

-Il rapportera encore plus si Stone est mort.

C’est toujours ce qui arrive, non ? Suffit de voir avec Lola. Ses ventes avaient augmentés. C’est ce qu’ils avaient dit à la radio.

Jimmy avoua vouloir tout mais savait très bien qu’il ne pourra pas tout avoir. Je ricanai un peu.

-Il n’est jamais trop tard pour s’en rendre compte.

Jimmy Reed a toujours cru pouvoir tout avoir. C’était parce que c’était un gosse de riche. Les gosses de riche sont comme ça.

Je finis par dire que s’il voulait se débarrasser de Stone, il suffisait de faire passer tout ça pour un accident. Je ne l’avais pas dit en ces termes mais l’idée était là. Une idée que Reed utilisera en dernier recours. J’esquissai un petit sourire en coin. Quelque part, j’espérais presque que ça arrive. Et si c’était le cas, j’espère que Reed pensera à moi.

Reed continua à s’épancher sur Stone qui, d’après lui, avait pris sa fille dans ses filets. J’étais bien placé pour savoir que ce n’était pas tant compliqué de séduire Livia. Et je déclarai que ça ne serait pas la première fois qu’elle s’écarte de Julian Hughes. Après tout c’est un couple d’adolescent qui s’est marié trop vite. Je doutais que ça tienne à long terme. Reed déclara que ce n’était pas faute d’avoir exhorter le gamin à tenir Livia. Vous savez ce qui dérange Reed et pourquoi il me raconte tout ça ? Parce qu’il déteste ne pas avoir le contrôle sur tout et Stone et sa fille s’avère être deux choses qu’il n’arrive pas à contrôler.

J’aime voir Reed en proie à tant de rage. Parce qu’il n’en avait pas l’air comme ça mais je suis certain que ça le met en colère tout ce qui se passe actuellement.

Je m’en délecte, je dois bien l’avouer.

-Un jour il sera peut-être un homme. Mais ça sera peut-être trop tard.

J’haussai des épaules. Les histoires de cœur d’Olivia Hughes ne m’intéressait guère. Tout comme l’album hommage que j’avais tout de même écouté. Ce n’était pas le cas de Reed qui déclara qu’il était certain que même Sniper était décevant dessus.

-C’est clair que ce n’est pas du The Army…

Comme tout ce que fait Sniper actuellement. Ce n’est pas du The Army. C’est du Sniper. Et Sniper n’a pas forgé sa légende tout seul.

Je finis par passer à un autre sujet : l’avocat de Reed. C’était calculé. J’avais des choses à lui dire à ce sujet. Il me parla bien vite des derniers exploits de Victor Hunter qui adorait tromper sa femme. Une Hughes, encore… Et Reed en profita pour tacler encore la famille de son rival.

Il finit par m’offrir les services d’Hunter… La dernière fois que j’avais vu l’avocat c’était au tribunal et tout ça n’avait pas tourné en ma faveur. C’était l’avocat de Sky et elle avait réussi à garder Heaven pour elle toute seule. Mais Reed était persuadé de pouvoir faire changer de chapelle à Hunter. Pourquoi cracherais-je là-dessus.

-Bien ! Je veux bien le petit blondinet alors. J’imagine qu’il n’est pas trop cher si Sky a pu se le payer… Ou alors il aime faire dans le social…

Je pouvais l’avoir, visiblement, tant que je ne prononçais pas le nom de Giordano devant lui. Il confirma que c’était bien de Dario dont il parlait. Je m’en doutais un peu. Avant que je ne provoque l’accident de Dario il y a un peu plus de dix ans, j’avais appris ce qu’il avait fait à Victor Hunter. Mais Reed ne voulait pas m’en dire plus ce qui m’arracha un sourire en coin.

-Oh, ne t’en fais pas. J’en sais largement assez. Tu sais que pour être efficace, il faut en savoir le plus possible. Et Dario a une grande gueule…

Mais je ne voulais pas croire que c’était uniquement pour ça que Reed m’avait envoyé éliminer Giordano. Il devait sans doute il y avoir autre chose…

Je continuai alors sur ma lancée parlant d’Hunter et de Gina Vitali. Sauf que Reed ne savait absolument rien et qu’il semblait essayer de voir où je voulais en venir. Il pensait que la Famille de Los Angeles voulait lui voler son avocat.

Que j’aimais savoir des choses que Reed ignorait. Ça me donnait un certain sentiment de puissance. J’esquissai un petit sourire en coin penchant légèrement la tête sur le côté.

-Pas sa famille… Sa belle-famille. Celle de son fiancé. Il semble être très au courant de ce qu’il s’est passé. Et quand je dis « tout ça c’est si tu as encore Victor Hunter comme avocat à ce moment-là », je veux dire que pour que ton avocat te défende en justice, il doit être vivant. Pas mort.

Je fixai Reed droit dans les yeux.

-Vito Pastore, le fiancé de Gina, est un sicilien. Il vit à mi-temps à Los Angeles. Il a des liens avec la Casa Nostra. C’est un habitué du Wild. Comme toi, il y vient pour affaire. Il est réputé pour avoir un grain et est à cheval sur l’honneur. Et il a ton avocat dans son viseur, si tu vois ce que je veux dire. Sans compter que Gina semble avoir dit à son fiancé que Victor l’avait forcé. Alors Reed ? Tu ne vas pas laisser un sicilien faire sa loi sur ton territoire, n’est-ce pas ?

Ward pensait que Fireworks rapporterait encore plus si Stone mourrait…

-A court terme oui… mais pas à long terme. Il y aura un pique des ventes puis ça diminuera.

Il fut un temps où je croyais pouvoir tout avoir. Mais le comportement de Stone et de Livia actuellement commençait à me faire douter. Si j’avais pu avoir recours à la violence avec l’un comme avec l’autre, je serais parvenu assez vite à mes fins. Mais Howard était trop connu et ça le protégeait.

Quant à Livia, elle était ma fille et loin de moi l’idée de lui faire du mal. J’aurais juste voulu qu’elle comprenne. Dans le fond, j’avais peur pour elle, pour son avenir. Que son comportement la fasse passer à côté de tout ce qu’elle pouvait obtenir, mon héritage y compris.

Je fis la moue quand Ward me dit qu’il n’était jamais trop tard pour s’en rendre compte. Je détestais me faire faire la morale par Ward, mais d’un autre côté, si j’avais voulu éviter ça, je n’aurais eu qu’à fermer ma gueule sur tout ça.

Peut-être que j’en avais besoin.

Je pestais sur Julian qui laissait faire n’importe quoi à ma fille alors qu’étant son mari, il aurait du la diriger, l’inviter à faire les bon choix. Bref, être un homme, bon sang ! Mais ce n’était qu’un Hughes. Et comme le disait Ward, quand il se réveillerait, il risquait d’être trop tard.

On en vint à Victor, après maints détours, dont par l’album hommage que j’avais boycotté…. Pourquoi Victor ? J’avais eu l’impression que Ward voulait exactement en venir là.

S’il voulait partager mon avocat, j’étais d’accord. Et il finit par accepter.

-Il est cher… Je ne sais pas comment ton ex-femme a pu s’offrir ses services. Peut-être en pro bono ? Il faudra que je lui demande.

Je ne m’étais pas intéressé au procès qui avait eu lieu entre Ward et son ex. C’était pour la garde d’un enfant, rien de bien intéressant. Mais maintenant qu’on en parlait, je me rendais compte que je devenais un peu laxiste, en vieillissant, concernant ma capacité à emmagasiner des informations.

Ce qui n’était pas le cas de Ward qui savait apparemment très bien ce qui avait mené Dario Giordano à son destin funeste.

Mais apparemment, si Ward attirait mon attention sur Victor, ce n’était pas pour tout ça… Mais parce que Victor avait couché avec Gina Vitali… Et je n’aimai pas vraiment le sourire en coin de Ward à cet instant.

Victor s’était mis dans la merde, d’une façon ou d’une autre. Et en effet, Ward affirmait que pour me défendre, Victor devait être vivant. Le problème n’étant pas Gina, mais le fiancé de Gina.

Je passai une main sur mon visage.

-Seigneur… Victor…

Je vidai mon deuxième verre de whisky.

-Non, je ne vais pas laisser faire. Si les Los Diablos manquaient d’action, ils risquent d’en avoir bientôt. Les Siciliens sont des vicieux. Et sur une question d’honneur de ce genre, il n’y a pas de place pour la négociation.

Je roulai des yeux.

-Victor ferais bien de faire attention avec qui il couche.

Je regardai Ward et un petit sourire se dessina sur mon visage.

-Si je dois tenter une action contre Pastore… Tu veux en être ?

Quelque chose me disait que c’était un peu pour ça qu’il m’avait parlé de tout ça.

Reed avait besoin de vider son sac. C’est l’impression que ça donnait alors qu’il pestait contre Stone. Il semblait aussi ne pas fort aimer la proximité du batteur avec sa fille… Et il désespérait de voir ce gamin de Hughes ne pas lever le petit doigt pour empêcher Livia de prendre le mauvais chemin. Pourquoi me disait-il tout ça ? Je n’en sais rien. Je n’ai pas vraiment un tête de psychologue. Quoi que n’importe qui peut faire se métier vu que ma sociopathe d’ex en était une…

Plus Reed se dévoilait, plus j’en apprenais, de toute façon. Et je savais que le savoir c’est le pouvoir. Ça faisait longtemps que je savais ça.

Ce fut alors à moi d’amener la conversation là où je le voulais. Victor Hunter fut alors sur le tapis et Reed, généreux, voulait bien me prêter son avocat. D’après lui, Victor n’aura aucun remords à changer de chapelle. Mais je grimaçai quand même quand Reed déclara qu’Hunter était cher. Anderson était déjà pas mal cher… Alors j’imaginais bien que l’avocat de Jimmy Reed ne devait pas être bon marché. Si bien que ça semblait presque évident que Sky l’avait eu en pro bono.

-Peut-être… Même si je ne comprends pas bien pourquoi Victor Hunter a décidé de défendre mon ex-femme gratuitement…

Peut-être que Sky l’a payé en nature… Qui sait ? Apparemment, Victor Hunter aime se taper toutes les filles qui passe alors il a peut-être demandé un tout autre type de payement à Sky. Et je sais que Sky ferait tout pour Heaven.

Quelque part, l’idée ne me plaisait absolument pas.

-J’essayerais de négocier son prix s’il est vraiment trop cher…

Quoi qu’il en soit, je n’avais pas parlé de Victor pour ses talent d’avocat mais pour ses talents pour se mettre dans la merde. Et après que j’ai bien montré à Reed que je savais ce qu’il s’était passé entre Hunter et Giordano, j’expliquai que l’avocat avait, encore une fois, couché avec la mauvaise personne. Cette fois, c’était par Gina Vitali qu’Hunter risquait de perdre la tête. Au sens littéral. Parce que le fiancé de Gina comptait bien se venger de ce déshonneur.

Ça sembla désespéré Reed et j’esquissai un petit sourire devant ce spectacle. Reed déclara qu’il n’allait pas laisser faire Pastore. Je fis la moue quand il parle de ses Los Diablos. Il n’a pas vraiment besoin de ses Los Diablos pour se débarrasser d’un petit sicilien impulsif, si ? Non. Il avait mieux devant lui.

-Vito Pastore ne sera, en effet, pas déterminé à négocier. C’est un impulsif et il est réputé pour ne faire aucun cadeau. Alors il n’en fera pas au petit minet qui a déshonoré sa fiancée. Et qui l’a déshonoré lui au passage.

Reed pesta contre Hunter disant qu’il devait faire attention avec qui il couche. Je ricanai.

-Je ne te le fais pas dire. C’est la deuxième fois au moins que tu dois passer derrière lui.

C’était déjà le cas avec Giordano, non ?

Et Reed en vint alors à ce que j’attendais. Une proposition. Celle que je fasse partie de « l’action anti-Pastore ». J’esquissai un petit sourire.

-Oh ? Tu as besoin de mes services ?

Je ricanai un peu. Avant de me pencher un peu plus vers Reed sur la table ou nous étions. Je parlai alors un peu plus bas.

-Si j’en suis, je veux travailler seul. Donne-moi simplement le feu vert et Pastore sera de l’histoire ancienne. Garanti sans trace. Tu sais à quel point je suis à cheval sur le nettoyage. Enfin, sauf quand je veux que ça se voit.

Comme avec Alice et sa famille. Là, j’avais fait en sorte que ça se voit.

-Contrairement à Victor, je ne suis pas si cher que ça… Pourquoi demander trop d’argent pour son hobby ?

J’étais certain qu’en agissant comme ça j’allais brigué la place que j’avais légitimement demandé à Reed en 65. Celle d’exécuteur.  

Victor avait défendu l’ex-femme de Ward et ça semblait être son propre caillou dans sa chaussure. Je ne m’étais pas vraiment intéressé à cette affaire de garde. Et j’avais eu tort. Il fallait que je me reprenne. Le mariage, les enfants, tout ça m’avait ramolli sans que je m’en rende compte. Il était temps de revenir dans la course, et de tout savoir à nouveau.

Car le savoir était le pouvoir et ce qui était inquiétant, c’était que Ward semblait avoir très bien compris cela.

Ward disait qu’il négocierait le prix de Victor s’il devait y avoir recours.

-Fais attention que Victor peut être vicieux… Il risque de te faire payer ce que son père ne paye pas.

Parce que Victor défendait aussi Thomas Fleming, mais pour des clous.

Pourquoi en étions-nous venus à parler de mon avocat ? Tout simplement parce que Ward savait que Victor s’était mis dans la merde en couchant avec la mauvaise personne, Gina Vitali. Comment cela se faisait-il que j’étais au courant pour Juliet Jones et pas pour cette deuxième incartade ? J’avais pourtant gardé les yeux et les oreilles ouverts, ce soir-là. Au point d’en délaisser un peu Maritza…

Tout ça me sidérait… Surtout l’idée que j’allais devoir passer encore derrière Victor pour éviter qu’on ne lui fasse passer l’arme à gauche. Et comme me le confirma Ward, le Sicilien ne voudrait pas négocier.

Je voulais mettre les Los Diablos sur le coup. Mais la moue que fit Ward me laissa entendre que c’était pour que je lui demande à lui de régler ça qu’il m’avait parlé de tout ça.

Pas pour sauver Victor.

Pas pour m’aider.

Non.

Pour le plaisir de tuer.

Il fut donc plus que ravi, son visage s’illuminant, quand je lui proposai d’en être. Je le regardai l’air un peu perplexe. On aurait dit un junkie en manque à qui on fait miroiter un kilo de coke. Il établit directement ses conditions et ses garanties.

Je me penchai à mon tour un peu vers lui.

-D’accord. Mais attends mon feu vert. Je veux parler à Victor d’abord.

Oui, parce que bon… C’était très bien d’écouter Ward, mais s’il mentait ? S’il mentait juste pour avoir quelqu’un à tuer ? Je savais qu’il en était capable.

Et un long frisson me parcourut l’échine quand il parla de hobby. Ward était vraiment un détraqué. Cependant, je ne pouvais nier qu’il était efficace.

Et on ne vire pas quelqu’un d’efficace.

-Je te payerai… Mais je veux d’abord parler à Victor.

Je ricanai quand Reed déclara que Victor pouvait être vicieux et qu’il serait bien capable de me faire payer ce que mon père ne payait pas. Je n’avais pas vraiment peur du petit minet.

-Je sais être vicieux aussi.

Peut-être que si je dis le mot « Giordano », ça lui fera baisser son prix, qui sait ?

En attendant, pour que Victor me soit utile, il fallait qu’il soit vivant. Or, je ne pensais pas qu’il allait l’être encore très longtemps après ce qu’il avait fait. Je ne savais même pas si l’avocat se rendait compte des conséquences de ses actes. Peut-être qu’il n’avait aucune idée que Gina était fiancée. Quoi qu’il en soit, cette nouvelle eut tôt fait de désespérer Jimmy Reed qui blâmait son avocat pour son manque de prévenance.

Moi ce qui m’éclatait c’est que Reed n’en savait rien alors que, moi, j’étais bien au courant. Ma position au Wild m’avantageait pour obtenir des informations de ce genre. Surtout que j’avais appris à me mêler de ce qu’il ne me regardait pas en discutant avec les pires individus qui passaient la porte de mon antre.

Tout ça pour en venir à quoi ? Que Reed me demande d’éliminer Pastore. Tout simplement. Rien de plus, rien de moins. C’est ce que je voulais. Sans Los Diablos dans mes pattes. Juste moi dans la position que j’ai demandé il y a 20 ans.

Et il accepta m’arracha un sourire satisfait. Sauf qu’il voulait d’abord parler à Hunter. Quant à moi, je n’allais pas lui demander un trop grosse fortune pour la simple et bonne raison qu’il me fallait cette mission.

Je voulais tuer…

Et Pastore faisait une très bonne proie.

Il déclara qu’il me payera mais insista sur le fait qu’il voulait d’abord voir Victor.

J’hochai de la tête.

-Deal.

Mais j’ajoutai tout de même :

-Mais fait vite. Pastore n’est pas réputé pour être patient.

Et moi non plus.