Nous finîmes tous à la table initialement occupée par le seul Hugh Crusher. Johnatan pouvait maintenant récolter les lauriers de son travail et de son talent. J’écoutais les compliments fuser de ci et de là. Nameless pouvait être fier, il n’y avait aucun doute.

Mais après, ce n’était qu’un petit pas en avant et il en faudrait encore bien d’autres avant de décréter qu’il avait conquis L.A., mais je pensais bien que pour ce qui était du Dizzy, c’était fait.

Carrie et Hugh étaient très enthousiastes et ça me faisait sourire aux anges. Il y avait aussi, bien sûr, les critiques acerbes de Victor… Victor qui ne cherchait encore une fois qu’à faire mal pour le plaisir de faire mal, même s’il prétendait que ce qu’il disait était constructif.

Ça fit ni chaud ni froid à Johnatan qui ignora royalement l’avocat. Ça me faisait rire intérieurement, un peu, parce que je savais que ça ferait fulminer Victor dont l’égo avait encore pris de l’ampleur quand Jimmy Reed l’avait engagé comme avocat.

Je me détournai un instant de tout ça pour dire à Johnatan que j’avais un peu eu peur que le masque qu’il portait soit une barrière entre lui et son public, ce qui n’avait pas été le cas. Johnatan mis en avant son expérience… Je lui souris.

-Peut-être… Mais c’était quand même un pari risqué. Ce qui marche en Europe ne marche pas forcément ici mais tu as bien géré.

Ce fut là que Carrie attira mon attention en soufflant mon prénom. Je me tournai alors vers elle et son mari et vit que Victor était tout rouge et que son poing serré sur la table avait les jointures blanches.

Je connaissais les crises de colère de Victor. Je savais qu’il pouvait être violent (et fort heureusement, hormis dans les mots, il n’avait jamais fait de mal à Carrie ou pas à ma connaissance)… Je me tins donc prêt à intervenir.

Mais Victor réussit à n’exploser qu’en mots… Et il déclara quelque chose qui n’était pas tout à fait faux. Si Nameless voulait aller loin, il faudrait parfois qu’il fasse avec les critiques négatives, justifiées ou non. C’était ça aussi, la vie d’artiste. S’il niait les gens qui lui faisait des critiques négatives, il allait vite être tagué d’hautain alors que je savais, moi, personnellement, que Johnatan était quelqu’un d’humble.

Victor déclara alors à Carrie qu’ils s’en allaient, ce qui me soulagea. Je n’étais pas sûr de faire le poids contre un Victor en colère, même si j’étais persuadé que moi, il ne me frapperait pas.

J’embrassai Carrie qui, après un dernier mot d’encouragement, suivi son mari afin d’éviter qu’il fasse des dégâts.

Je soupirai et Nameless, lui, semblait assez fier d’avoir vexé Victor. Je regardai mon artiste.

-Oui, tu l’as vexé… Mais c’est sûr que ce n’est pas grave, il s’en remettra… Cependant, il faudra quand même de temps en temps que tu apprennes à répondre aux critiques négatives même quand elles ne sont pas justifiées, car ça arrivera. Ça aurait été un bel exercice…

Mais bon, tant pis.

Oubliant Victor, je levais mon verre de Martini.

-Bon ! A Nameless !

Mes compliments avaient plus à Johnatan qui se disait motivé par tant de commentaires positifs sur sa prestation. La confiance. Il n’y avait que ça de vrai pour pouvoir aller encore plus loin. Or, Johnatan avait montré, aujourd’hui, qu’il avait toutes les qualités pour réussir.

Carrie aussi avait eu des bons mots pour Nameless. Elle était déjà pressée de pouvoir entendre le premier album de Johnatan. Ce dernier se disait prêt à le lui dédicacé ce qui me fit rire un peu. Si jamais il gagnait en notoriété, il en aura des trucs à signer. Et je savais que quoi je parlais. Dans ma carrière d’acteur, j’en avais signé des autographes et si j’avais détesté certains aspects de la célébrité, je devais avouer que j’avais toujours eu un bon contact avec mes fans. Il faut dire que même à eux j’avais du mal de dire « non ».

-Un album dédicacé ! J’en ai de la chance, moi.

C’est ce que lança Carrie qui rigola un peu avant que Victor n’avance ses critiques qui furent royalement ignorées par Johnatan. Victor n’avait dit ça que par méchanceté. Il critiquait pour critiquer. Je le connaissais assez pour le savoir. Et je vis très bien qu’il n’avait pas du tout apprécié se faire ignorer de la sorte. Je m’étais mordus la lèvre mais m’était recentré sur Brent qui y alla de ses propres compliments et de la peur qu’il avait eu que le masque de Johnatan l’empêche de se connecter entièrement au public. Le chanteur disait qu’il chantait depuis assez longtemps avec ce masque que pour savoir comment s’y prendre pour transmettre ses émotions malgré que personne ne pouvait voir son visage. Brent confirma mais souligna tout de même que le public d’ici n’était pas le même que celui d’Europe. C’est clair que certains publics étaient différents des autres mais Johnatan avait réussi à convaincre malgré tout.

Mon regard passa alors de Brent à Carrie avant de se poser sur Victor qui fulminait littéralement. Je l’avais déjà vu faire ce genre de tête et ça n’annonçait strictement rien de bon. Victor était le roi des crises de colère. La presse faisait parfois tout un plat sur l’attitude de Ian (que je connaissais moins bien que Victor) alors que le Hunter qui peut faire le plus de dégâts, c’est bien Victor. Je l’ai déjà vu démonter un type qui avait une tête de plus que lui parce que le type en question lui avait dit un mot de travers. Et je crus bien, là tout de suite, que Victor allait littéralement se jeter sur Johnatan pour le frapper. Du coup, je retins mon souffle me disant que si ça arrivait, je ferais un piètre bouclier.

Et quand Victor tapa du poing sur la table, je sursautai un peu craignant que tout allait dérapé.

Mais non. Victor n’attaque, encore une fois, que par des mots. Et ce qu’il disait, hélas, n’était pas totalement faux. Ce que L.A. donne, L.A. peut le reprendre. Ça m’était arrivé et tout ce que je pouvais souhaiter c’est que ça n’arrive pas à Johnatan.

Encore une fois Johnatan ne répliqua pas mais Victor s’en alla, de toute façon. Je soupirai de soulagement alors que Carrie s’excusa avant de s’adresser à Nameless qui confirma qu’ils pourront se voir aux studios de MTI. Après quoi, Carrie s’en alla et j’écrasai ma cigarette dans le cendrier, soulagé.

-C’était moins une…

On était passé près du scandale là…

Johnatan, lui, rigola remarquant bien qu’il avait vexé l’avocat. Il se disait qu’il ne perdait rien s’il n’avait pas les bonnes grâces de Victor. Non. C’est clair qu’il ne perdait rien. Moi, j’étais juste content que Victor n’ai cassé la figure de personne et que, finalement, il avait fini par s’en aller.

Brent confirma que Victor avait été vexé. Mais il déclara que Johnatan devra quand même, au cours de sa carrière, faire face à la critiques, qu’elle soit justifiée ou non.

-Brent a raison… Certains journalistes, par exemple, ne te feront pas de cadeaux même si tu es bon. C’est le revers de la médaille.

Je savais de quoi je parlais, encore une fois. Ces tous ces aspects-là, entre autre, qui m’avaient lentement fait sombrer dans une dépression dont j’avais pris plus de 10 ans à me tirer.

Johnatan allait devoir trouver les bons mots dans ces cas-là mais, pour l’instant, il pouvait savourer ce premier concert qui avait conquis le Dizzy Warhol.

Ainsi, Brent leva son verre et je fis de même en souriant.

-A Nameless !

En espérant que sa carrière soit longue.