J’avais d’abord eu dans l’idée de recevoir Olivia Cortez, la plus connue de tous mes protégés, dans mon bureau de la tour MTI. Puis j’avais regardé l’état dudit bureau : des tasses de café vides un peu partout, des feuilles volantes, ma guitare désaccordée dans un coin… Je m’étais mordu la lèvre inférieure puis je m’étais dit…

Non…

Bon, j’avais reçu Nelligan dans ce même bureau pour écouter leur démo… Mais ça s’était fait sur le pouce, si l’on peut dire…

Ici, je pouvais anticiper et décider de voir Livia ailleurs. Quelque part où ça aurait au moins l’air propre.

Peut-être que je devrais inviter Hugh dans mon bureau un jour… Et l’y laisser seul sous un prétexte ou un autre… Et peut-être que quand je reviendrais d’une hypothétique pause-café dans la salle de repos, mon bureau serait propre comme un sous neuf.

C’était une idée à réfléchir.

Pauvre Hugh.

Bref, avec tout ça, j’avais composé le numéro de la jeune chanteuse et lui avait dit que plutôt que de venir dans cette austère tour MTI, si ça ne la bottait pas plus que je lui offre le souper au Canter’s Deli ce soir.

Elle avait accepté… Et je pensais bien qu’une petite sortie ne ferait de mal ni à elle, ni à moi, qui travaillait un max, ces temps-ci.

Shran allait peut-être encore m’imaginer des origines juives, tellement j’aimais leur bouffe… Mais bon. Peut-être que j’en avais et que je l’ignorais, après tout.

Hughes, ça fait juif ?

Bon, ok, mes pensées pouvaient sembler dissipées comme ça, un peu comme d’habitude, mais je savais exactement où j’allais et je savais aussi exactement quelle était la prochaine étape qu’en tant que manager, je réservais à Livia.

Elle avait sorti son album, il y avait eu un blanc parce que j’avais pensé, peut-être à tort, qu’elle avait besoin de temps au vu de sa vie privée qui ne me regardait pas et maintenant, il était temps de redémarrer la machine. Puisque je m’étais déjà occupé auparavant de Nelligan, avec la sortie de leur premier album, et de Nameless, avec sa soirée dédicaces. Chacun son tour, je ne voulais laisser aucun de mes protégés en plan, connus ou pas.

J’étais donc au Canter’s Deli depuis une dizaine de minutes, un Martini déjà devant moi, quand la jeune chanteuse arriva dans le restaurant. Je savais qu’on pourrait parler tranquillement ici. On m’avait laissé une table un peu à l’écart et les juifs avaient une propension naturelle à la discrétion qui faisait que je pensais que Livia se sentirait à l’aise de parler projet dans ce cadre-ci.

Quand elle arriva à ma hauteur, élégante, je me levai et lui tirai sa chaise.

-Bonsoir, Olivia. Bienvenue. J’espère que tu as fait bonne route.

Je ne lui posai pas de question sur sa vie privée, partant du principe que seule sa vie musicale me regardait. Après, si elle voulait se confier, il ne tenait qu’à elle…

Je lui souris et ma rassis à ma place, lui souriant alors qu’une jeune serveuse aux grands yeux d’un vert incroyable venait s’enquérir de ce que Livia prendrait comme apéritif. Sa commande passée, je la regardai dans les yeux, confiant.

-Alors, prête pour la suite ?

Peu avant que je ne quitte ma demeure, j’avais reçu un appel de ma mère. Oui, ma mère en personne ou plutôt en voix puisqu’il s’agissait d’un appel. Elle et mon petit frère allaient plus que bien, ça s’entendait dans la voix de ma mère et dans les éclats de rire de J.R. en arrière plan. L’appel avait été bref et je n’avais aucun indice de là où ils se trouvaient mais… Ils allaient bien et d’entendre cette vibrante vitalité dans la voix de ma mère avait suffit à ce que je retrouve moi-même une certaine joie de vivre. Oh, je n’étais pas déprimée ni dépressive hein, loin de là ! Disons que j’avais tendance à porter le poids des angoisses des autres sur mes épaules et que dernièrement, il y en avait eu vraiment beaucoup. Trop, même !

Enrique avait été lui aussi rassuré bien que déçu de n’avoir pu parler à Maritza. Il savait qu’elle n’avait pas pu attendre que j’aille le chercher chez lui mais, pour faire contre mauvaise fortune bon cœur, ma mère m’avait dit qu’elle ferait en sorte d’envoyer bientôt un paquet ou tout du moins une lettre pour ma sœur, mon frère et mon père.

Ce n’était pas tout, ma journée était fort occupé entre divers trucs à faire à la maison, une rencontre avec Annie et un rendez-vous avec Brent Hughes, mon manager, au Canter’s Deli. Il n’avait pas précisé la raison de cette rencontre mais je me doutais qu’il devait vouloir me parler d’engagement professionnel. J’avais dernièrement lancé un album en plus de participer à mon premier film. J’avais, encore, le vent dans les voiles et il était temps d’en profiter. J’étais de toute façon toujours partante pour prendre part à mille et un projets. Suffisait de demander et je levais la main, présente.

J’avais fait la route, direction Hollywood avec le tout premier album de Nelligan pour agrémenter mon trajet. Brent avait eu beaucoup de flair et totalement raison de faire confiance en ce tout nouveau groupe. J’étais fan, j’adorais leur style et leur douceur. Ceci dit, leur musique ne manquait pas de punch. C’était bien dosé.

Brent était déjà installé à table, lorsque j’arrivais. On me guida à lui et je remerciais l’hôte de l’accueille avant qu’il ne reparte à son poste. Brent se leva et tira ma chaise. Je m’installais après lui avoir fait une bise amicale. Le fait était que Brent avait été un oncle par alliance avant d’être mon manager et que ma situation matrimoniale n’effaçait pas pour moi, la relation que j’avais eu avec mon manager avant qu’il ne prenne ce chapeau.

- Bonsoir, Brent ! J’ai eu un agréable trajet au son de Nelligan, félicitations à eux, ainsi qu’à toi.

Par habitude, je pris la carte des cocktails bien que je savais déjà que je prendrais un Bloody Ceasar. Ils étaient excellents, ici ! Un incontournable chaque fois que j’y mettais les pieds. Brent avait quant à lui, déjà reçu un martini. J’espérais que cela ne signifiait pas qu’il m’attendait depuis un moment. J’étais pourtant partie à l’avance que ce que j’avais planifié et la circulation avait été tres fluide.

Pour casser la glace, Brent me demanda si j’étais prête pour la suite. Le sourire qui se fixa alors sur mes lèvres devait sans aucun doute témoigner de ma réponse avant même que je ne la formule.

- Plus que prête ! Tu as des idées en tête ?

L’Olivia qui se présenta au restaurant n’avait pas l’air inquiète pour deux balles. Bah, c’était tant mieux pour moi, même si je trouvais ça un peu bizarre. Cependant, ma curiosité ne me poussa pas jusqu’à poser la question qui me turlupinait. Si Olivia savait quelque chose sur la localisation de sa mère et qu’elle me le disait, je me retrouverais impliqué dans une histoire dans laquelle je ne voulais ABSOLUMENT avoir aucune part. Je me retrouverais obligé d’aller dire ce qu’elle m’aurait dit à la police, si tant était qu’elle ne l’avait pas déjà fait elle-même. Enfin bref, rien de réjouissant et j’évitai donc ce terrain miné.

Qu’ils arrangent leurs histoires de famille entre eux.

Moi, j’étais là pour faire du management.

J’installai donc Olivia face à moi, lui tirant gentiment la chaise pour qu’elle puisse s’asseoir et elle déclara avoir fait le trajet au son de Nelligan dont l’album venait de sortir.

-Oh tu as déjà acheté l’album ? Et bien merci, je leur dirai que tu as apprécié, ça leur fera plaisir.

Et ça allait peut-être booster un peu la confiance d’Eleanor, ce qui n’était pas plus mal.

Je me rassis à ma place et pris une gorgée de mon Martini alors que la chanteuse prenait la carte des cocktails.

-Désolé, j’ai commencé sa toi, je n’ai pas pu m’en empêcher. On fait toujours comme ça, avec Shran.

Le premier qui arrivait commandait de quoi attendre l’autre, même si ce n’était que pour une ou deux minutes. On était ami depuis tellement longtemps qu’on était plus là-dessus.

-Tu sais bien qu’avec moi, tout se fait dans la simplicité…

Je lui demandai alors si elle était prête pour la suite de son aventure au sein de la famille MTI. Elle affirma qu’elle l’était et même plus que ça. Elle demanda si j’avais des idées en tête.

Je souris.

-Et bien, ton album est sorti il y a quelques semaines, il est temps de le promouvoir, selon moi.

Je repris une gorgée de Martini avant de reposer mon verre devant moi.

-Selon moi, il serait stratégique et très apprécié de tes fans que tu donnes une interview soit à Amon Sørensen pour L.A.People, soit à Axel Moriarty pour Guitar&Pen. Je te laisse choisir entre ses deux-là et je ne t’apprendrai rien en disant que selon ce que tu choisiras, les questions posées seront légèrement différentes.

Je fis la moue.

-Ce qui ne voudra pas dire que ce sera une partie de plaisir que ce soit d’un côté ou de l’autre, mais je pense que tu le dois à tes fans.

Ma mère et mon petit frère allaient bien. Je ne savais pas où ils se trouvaient non plus que ma mère avait laissé savoir quelles étaient ses intentions mais le simple fait de savoir qu’ils allaient bien m’allégeais de beaucoup. Je ne dirais pas que j’étais hyper zen avec la situation mais que pouvais-je faire d’autre ? Si je ne lâchais pas prise sur une situation dont je n’avais aucun contrôle de toute façon, j’allais me retrouver au bord du burn out avant longtemps. D’ailleurs, c’était bien pour cela que je me gardais autant occupée.

Brent était déjà arrivé et installé à table avec un martini quand j’arrivais. Il me tira ma chaise, un homme galant comme tous les hommes Hughes d’ailleurs. Je lui avouais candidement avoir fait le trajet au son de Nelligan ce qui sembla le ravir. Il allait transmettre au duo que j’appréciais leur musique.

- J’ai vu le mémo de la sortie de l’album dans la salle de repos alors le jour de la sortie, j’ai couru me le procurer. La pochette m’a influencée je crois !

En vérité, elle m’avait séduite et c’était la raison, une d’elles en fait, pour quoi j’avais eu envie d’écouter leur musique. Le couché de soleil orangé était inspirant et je m’étais imaginé découvrir l’album sur ma terrasse au crépuscule. Ce genre de moment parfait, presque figé dans le temps. Je les adorais !

Brent expliqua avoir déjà commandé en m’attendant, que c’était une habitude qu’il avait avec Shran. Il parlait sans doute de Stephen Shran. Je lui offris un sourire alors que je regardais inutilement la carte des cocktails. Je savais déjà que je prendrais un Bloody Ceasar, avant même d’entrer dans le restaurant. Je le commandais au serveur, quand il s’approcha de notre table.

- C’est exactement pour cette raison que j’ai voulu travailler avec toi.

Plus que jamais, j’avais besoin de simplicité. J’avais eu assez de stress et de pression pour savoir que je ne voulais plus de ça dans ma vie. Ça n’apportait rien de bon, de toute façon.

Brent ne m’avait sans aucun doute pas fait venir ici pour me parler de cocktails et du fonctionnement de son amitié avec Stephen. Il ne me fit pas languir, d’ailleurs, et me demanda si j’étais prête pour la suite. Mon sourire témoignait bien de mon ressentit, nous pouvions discuter des idées que mon manager avait eu.

- Je suis d’accord pour le promouvoir.

J’étais très fière de mon dernier album. Il cassait bien mon image de fillette sans pour autant renier  tout mon parcours.

Brent suggéra que j’accorde une interview mais les journalistes qu’il proposa ne m’enchantaient pas plus l’un que l’autre. L’un était un véritable fouille merde et l’autre, vendu à BSC. Comme s’il lisait dans mes pensées, il souligna qu’avec un ou l’autre, ça ne serait pas une partie de plaisir.

- Tu peux choisir avec lequel je ferai une interview mais l’un comme l’autre devront consentir à signer un accord stipulant qu’ils s’engagent à ne parler que de l’album et de sa promotion. Dans les circonstances, je ne peux faire autrement que d'imposer cette condition.

Je ne pouvais parler de l'histoire de ma mère, Amon serait du genre à essayer d'y fourrer son nez. Quant à Axel, il lècherait le cul de Jimmy à sa demande. Je ne pouvais prendre aucun risque et Brent devait comprendre cela. Ce n'était pas un caprice mais un évident conflit juridique. Aborder ce genre de sujet serait risqué et tendancieux.  S’ils refusaient de signer, tant pis pour eux. Ils n’étaient pas les seuls journalistes en ville !

On s’était installés en parlant d’abord de Nelligan dont Olivia avait beaucoup apprécié l’album. J’en étais ravi…

Mais je n’étais pas là pour parler seulement musique ou d’autres choses amusantes comme si nous étions encore à un repas de la famille Hughes. J’étais son manager et après la longue pause qu’elle avait prise, il était temps de passer à l’étape suivante : la promotion de l’album…

Et il fallait redorer un peu son blason, aussi, parce que je ne savais pas si elle s’en rendait compte, mais même si l’album marchait bien, les gens ne voyaient plus Olivia comme une jeune chanteuse abordable et pleine d’enthousiasme.

Pour ça, je ne voyais qu’un seul moyen qu’elle puisse se défendre : la placer entre les mains des deux journalistes les plus en vue, mais aussi les plus détestés de Los Angeles.

Sauf qu’Olivia tenta directement d’esquiver. Elle voulait forcer les deux journalistes à ne parler que de son album et de rien d’autre. Alors que mon idée était justement qu’Olivia parle un peu d’elle. Ce ne serait peut-être pas toujours agréable, il y aurait des questions peut-être un peu gênantes. Mais si la jeune femme assumait tous ces choix, alors je ne voyais pas où était le problème et pourquoi elle voulait se cacher derrière une clause… Comme si tout pouvait se régler par la paperasse.

Je frottai mon visage à deux mains, suite à cette demande à laquelle je ne m’étais pas attendu du tout. Surtout sur le ton qu’elle venait d’employer. Ma première surprise passée, je la regardai dans les yeux, une main autour de mon verre de Martini.

-Non non non, c’est trop facile, ça, Olivia. Si j’avais voulu que tu donnes ce genre d’interview, je t’aurais mise face à Jake Snyder ou Vanya Kournikova, quelque chose comme ça.

J’appuyai mon regard sur elle.

-Et ce n’est pas ça mon idée. Mon idée, c’est de refaire remonter un peu ta cote de popularité qui est en baisse. Ces derniers temps, tu as peut-être sorti un album, mais tu as aussi creusé un sacré fossé entre toi et tes fans. Tu as changé de maison de disques sans explications, tu n’apparais plus nulle part, tu as déménagé hors de la ville comme si tu voulais te reclure comme Billy Lighter…

Je marquai une pause mais ne quittai pas son regard.

-Les gens commencent à te penser capricieuse. Et sincèrement, quand tu me fais cette demande pour cloisonner l’interview, je me demande s’ils ont tout à fait tort.

Sans compter le ton hautain et froid qu’elle avait employé et auquel je n’étais pas habitué avec elle. Pourtant, une part de moi l’avait sentie venir, puisque j’avais déjà exprimé mes craintes à Shran quant au management de Livia.

Je continuai.

-Tu es un personnage public, Olivia. C’est ton job de te livrer un peu. Tu ne peux pas avoir tous les avantages sans les inconvénients.

Je pris une gorgée de Martini avant d’ajouter :

-De plus, faire signer une telle clause à Sørensen et Moriarty serait une entrave à la liberté de la presse en plus d’être de la censure préventive. Et ce n’est pas comme ça que je travaille. La seule question qui sera facile à éviter, ce sera peut-être celle qui te stresse le plus : si l’un d’eux demande ce qu’il en est de cette histoire de rapt avec ta mère, la seule bonne réponse sera : « L’enquête est en cours, je ne peux rien dire à ce sujet. » Et autant Sørensen que Moriarty sauront qu’ils ne pourront pas creuser plus loin sur ce sujet parce que ça relève du judiciaire et ils passeront à autre chose.

Je lui souris gentiment.

-Est-ce que tu comprends où je veux en venir ? Je veux juste que tu te rapproches de tes fans. Et que tu montres que tu n’as justement pas peur de la presse car tu n’as rien à te reprocher. Que tu assumes tes choix.

Je haussai les épaules.

-Après, si tu veux une interview qui soit plus ciblée sur ton album et tout ce qui touche à la musique, tout ce que je peux te conseiller, c’est de choisir Moriarty. Il est vendu à BSC ? D’accord, tout le monde le sait. Mais ce sera une occasion en or de défendre ton album corps et âme.

Elle avait dit plus tôt que c’était parce que les choses étaient simples avec moi qu’elle voulait travailler avec moi… Mais cela ne voulait pas dire que j’étais là pour faire ses quatre volontés. Non. J’étais là pour la manager, la conseiller. Et c’était ce que je faisais.

Je brisais la glace, comme s’il fallait le faire, en mentionnant que j’avais fait le trajet au son de Nelligan. Comme manager de ce duo, Brent serait sans doute un peu heureux de savoir que l’album de ses protégés gagnait des fans et que leur musique était appréciée. En ce qui me concernait, je savais que j’irais voir l’un ou l’autre de leur prochain concert.

Je me commandais un verre alors que Brent m’expliquais comment cela fonctionnait, avec son ami Shran. On aurait dit qu’il voulait donner à notre rencontre, un air de réunion familiale. C’était bien, ce n’était pas ce à quoi je m ‘attendais mais avec Brent, je savais en partant que ce serait plus léger, moins rigide sans pour autant manquer de professionnalisme.

Puis Brent ouvrit la porte sur la suite des choses et j’empruntais cette porte, sans hésitation, lui disant que j’étais prête. Il me proposa alors de faire la promotion de mon album. C’était bien là ses mots, faire la promotion de mon album et non pas de ma vie privée et pour se faire, il me proposa les pires journalistes de tout Los Angeles qui en ont le moins à faire, de mon album. Avoir moins bien connu Brent, j’aurais cru qu’il me faisait une blague, qu’il me testait, même.

J’étais prête à discuter avec les journalistes au sujet de mon album, de ma carrière de chanteuse, de ma première expérience en tant qu’actrice, je pouvais même aborder mon déménagement à Castaic Lake mais par respect pour Julian, et il me semblait que Brent pouvait tout à fait comprendre cela, je refusais de parler de mon divorce tout comme je refusais de parler de ma mère.

Le plus sérieusement du monde sans pour autant que mon ton ai changé, j’étais de bonne humeur et enthousiaste mais sérieuse dans ma demande, je parlais d’un accord à signer dans lequel les journalistes consentiraient à ne pas aborder ces deux points. Là, l’air de Brent changea du tout au tout. L’espace d’une seconde, je cru même qu’il était sur le point de se mettre en colère. Il se porta même à la défense des journalistes, comme si son but avec la tournée de promotion qui, je le rappel, doit tourner autour de mon album, était de me faire couler.

Brent me prenait de haut, comme si je lui avais fait quelque chose et je ne comprenais pas quoi parce que tout juste avant, il avait l’air très heureux de me revoir. Je n’avais qu’exprimé une demande des plus légitime dans les circonstances. Je ne pouvais pas parler de ma mère c’était juridiquement répréhensible, ce n’était tout de même pas moi qui allait le lui apprendre. Concernant mon mariage, c’était vrai que le sujet m’était sensible mais là encore, c’était par respect pour Julian et rien de plus.  

- Il n’y a rien de facile là-dedans, Brent. Je ne vois pas en quoi demander à ce que l’on n’en parle pas de mon divorce et de ma mère pourra nuire à mon image envers mes fans. , répondis-je doucement et légèrement.

Il disait que je vivais recluse à la façon de Billy Lighter. En quoi cela pouvait affecter mes fans. Prenons par exemple Howard Stone. Il demeure à Beverly Hills mais sa demeure n’est pas plus ouverte à ses admirateurs que la mienne. Le lieu d’habitation n’a strictement rien à voir d’autant plus qu’avec le projet sur lequel Annie, Clint, Enrique et moi travaillions, ma villa serait en quelque sorte accessible aux fans sous peu. J’avais beaucoup de mal à comprendre où il s’en allait avec ses arguments montés en tête d’épingles. J’avais récolté une mauvaise bonne position au sondage des gens détestés mais quand on voyait qui le signait et qui avait été recensé dans ce sondage, cela ne valait même pas la peine d’y accorder une seule seconde de mon attention.

- Je n’ai été recluse que le temps de ma convalescence, à mon retour d’Afrique.  , dis-je sur un ton doux.

Je m’étais rendue assez souvent au centre-ville de Los Angeles, par là suite. Je rencontrais souvent mes fans dans la rue, je signais des t-shirt, des avant-bras, des fronts, même ! Je prenais la pose en photo avec eux. Bientôt, avec le projet sur lequel je travaillais avec Enrique, Annie et Clint, mon domaine serait en partie accessible au public. Peut-être que Brent voyait des choses que je ne voyais pas… Mon intention n’était pas de le contredire mais c’était quand même mon quotidien que de parler avec des fans.

Je n’allais pas rebondir sur sa remarque méchante comme quoi je devenais capricieuse, parce que je voulais protéger ma mère et mon ex-mari qui, pour rafraichir les mémoires, était son neveu. Je pouvais comprendre qu’au travers tout ce que je venais de traverser et le besoin naturel de me reposer ait pu laisser croire aux gens que je me retirais doucement. Mais de là à dire que j’étais capricieuse ? Il y avait une grande marge.

- Comme personnage publique, je veux parler avec les gens, discuter de mes projets, de mon album, du fait que j’ai quitté BSC, de ma villa, de pourquoi j’ai prit du temps de convalescence après l’Afrique mais honnêtement, j’ai beaucoup de mal à comprendre pourquoi parler de ma mère ou de mon divorce aiderait ma popularité à remonter. Il ne s’agit pas de tout filtrer mais de ne pas parler d’un sujet qui pourrait être juridiquement répréhensible et, concernant Julian, c’est plus dans l’idée de respecter sa vie privé, plus que la mienne.

J’avais dit tout cela très doucement, sans m’emporter car je n’étais pas furieuse ou agacée. Je voulais tout simplement qu’il comprenne que je ne pouvais légalement pas parler de ma mère. Pour Julian, dans le pire des cas, je pourrais tout simplement me servir d’une phrase inspiré de la formule prémâché qu’il me servait comme quoi je ne lui souhaitais que le meilleur avec sa marque de voiture.

Je lui retournais son sourire avec autant de gentillesse et de douceur qu’il venait de m’en offrir un.

En faite, ce que je comprenais, c’est que Brent ne comprenait absolument pas. Je n’avais aucun souci à parler de mon domaine, de mon changement de maison de disque, de mes projets futurs, de mes amies et même des histoires d’amour que l’on me prêtait. Ce dont je refusais, par contre, était de parler de ma mère et d’expliquer les raisons de mon divorce. Il y avait tant de communiqué de presse publié tous les jours pour diverses raisons, beaucoup moins importante et tellement plus superficielles que les miennes et qui mentionnaient ’’ Aux journalistes, merci de respecter notre vie privée’’. Ça faisait partie du job de manager que de protéger son artiste.

Mais comme Brent venait de le dire, il ne travaillait pas comme ça lui.

- Va pour Moriarty. Merci d’avoir pensé à tout cela, je l’apprécie grandement.

J’étais sincère et très reconnaissante.

Directement, quand je prononçai les noms de Sørensen et Moriarty, Olivia leva les barricades. Elle voulait que je fasse signer une clause aux journalistes qui les empêcherait de poser certaines questions. Et je me refusai de faire ça. Je ne travaillais pas comme ça et ce n’était pas non plus comme ça que la jeune femme allait avoir une meilleure image.

Alors je lui expliquai, posément, mais fermement, comme quand j’expliquais à Johnatan qu’il devenait prétentieux et qu’il avait la grosse tête, mon point de vue sur la chose. Parce que c’était mon job. Je n’étais pas là que pour faire signer des papiers et arranger des agendas. L’image de la chanteuse Livia était peut-être le plus gros de mon travail.

Elle ne voyait pas, peut-être parce qu’elle était jeune, pourquoi parler de sa mère et de son divorce avec Julian redorerait son image.

Je continuai toujours posément, parce que pour moi, c’était évident.

-Comme je viens de te le dire, le sujet de ta mère, ils ne pourront pas y toucher. Comme je te l’ai dit, il te suffit de répondre que l’enquête étant en cours, tu n’es pas autorisée à en parler.

Je fis la moue, réfléchissant.

-Mais ton divorce, je pense que tu devrais en parler si on te pose la question. Nous sommes dans un pays majoritairement conservateur. Ton divorce aura été mal vu par bien des gens. Si tu t’expliques, il y aura peut-être moyen de rallier un petite partie de ces gens à ta cause et ce sera toujours ça de gagné.

Je lui souris gentiment.

-Il faut savoir qu’en show business, tout ce que tu tairas sera matière à extrapolation. Les gens penseront que tu as honte ou que tu as quelque chose à te reprocher si tu évites un sujet, et je ne parle pas là d’affaire judiciaire comme celle de ta mère, cela étant une exception. Si tu t’expliques dans la presse, tu barreras la route aux mauvaises langues qui voudraient te prêter des intentions malsaines.

Je soupirai, mais mon regard ne la quitta pas.

-Et puis… Je vais te dire ce que je dis souvent à Nameless : écoute-toi un peu parler. C’est moi, c’est Brent, face à toi… Ton manager et j’ose l’espérer, peut-être un jour, ton ami… et tu me sors des phrases avec des grands mots comme « consentir à signer un accord stipulant » ou encore « je ne peux faire autrement que d'imposer cette condition. »…

Je secouai un peu la tête de consternation.

-Est-ce que tu te rends compte de l’image que tu renvoies en parlant comme ça ? Même moi j’ai été surpris. Tu n’as plus été, le temps de cette tirade, la sympathique petite chanteuse à la table des Hughes…

Je me frottai un œil et repris un coup de Martini.

-Cela m’étonnes moins que tu sois dans le top 10 des personnalités les plus détestées de L.A. et c’est bien pour ça qu’il faut agir. D’ailleurs, je vais devoir moi-même travailler à cela, vu que j’y suis aussi.

Bien qu’un peu à l’instar d’Olivia, je ne voyais pas bien ce que j’avais fait pour mériter ça.

Olivia, elle protesta qu’elle n’avait été recluse que le temps de sa convalescence après l’Afrique.

Je secouai doucement la tête en souriant.

-Un peu plus que ça. Tu t’es aussi un peu occupée de ton nouveau domaine, ce que je peux comprendre. Mais, moi, je sais qu’il t’a fallu le temps de te remettre de l’Afrique. Toi aussi, tu le sais et tes proches, le savent. Mais il ne faut jamais perdre de vue que les fans, eux, ne le savent pas…

Olivia se mit alors à récapituler ce dont elle voulait bien parler en tant que personnage public. En gros, la majorité des sujets, elle voulait bien les aborder. Elle ne comprenait juste pas pourquoi elle devrait parler de sa mère et de son divorce avec Julian pour faire remonter sa cote de popularité.

-Justement parce que ce sont les deux sujets les plus controversés et sur lesquels tous les vautours du monde se jetteront. Mais comme je te l’ai déjà dit, si tu veux bien m’écouter, pour ta mère, tu ne peux légalement rien dire, ce qui règle la question d’avance.

Je souris.

-Et pour ce qui est de Julian, je suis sûr que malgré ce qu’il s’est passé entre vous, tu as toujours un grand respect pour lui. Et c’est ce que, selon moi, tu devrais mettre en avant si on te pose des questions sur ton divorce. Ça plaira aux gens, ça plaira à Julian. Ne t’en fais pas pour lui, il est dans les journaux people depuis le jour de sa naissance. Sa vie est littéralement publique depuis le début.

Elle finit par choisir Moriarty et me remercier. Je tendis la main pour la poser sur la sienne, sur la table et lui souris.

-Je t’en prie… J’espère que tu comprends que je fais ça pour t’aider, pas pour le plaisir de te jeter en pâture aux journalistes. Je sais que tu ne connais pas encore ma façon de travailler et je t’avouerai aussi que moi-même, j’ai un peu peur de foirer avec toi parce que tu es la première artiste réellement connue dont j’ai à m’occuper. C’est aussi nouveau pour moi.