-Amon, j’ai même tué Mandy… Tu sais la top-modèle… Je te le jure. Allez, file-moi la première page. S’il te plait.

Foutu répondeur. Chaque fois, je tombais dessus et ce depuis mon premier message ce matin. Il me nie ou quoi ? C’était le quatrième message du genre que je lui laissais dont trois après le départ de Luke de chez moi en fin d’après-midi. On s’est enfilé quelques cocktails puis il avait filé, mon garde du corps. Du coup, je me retrouvais seul. Mandy ne s’était plus pointée depuis tantôt et je m’ennuyais à mourir à nouveau.

J’avais un peu tapé sur un Aria. Quelques nouveaux trucs expérimentaux. Avant de très rapidement sombré dans un ennui sans nom. J’étais donc remonté dans mon salon à errer sans but. Jusqu’à ce que j’en trouve un semblant en la personne de l’absinthe. Je conservais quelques bouteilles qui, d’habitude, étaient réservées à des fêtes entre amis. Mais là, j’avais besoin de cette foutue absinthe pour entrer dans un autre foutu monde. Moins efficace que les drogues dures, je ne disposais, hélas, que de ça.

Je bus un verre, les yeux dans le vide alors que la télévision, devant moi et qui, tantôt, passait des cartoons, diffusait maintenant les informations. Ils parlaient encore du crash de The Lightening. Lighter, il ne lui en fallait pas beaucoup pour finir aux informations nationales. Et ça ne faisait que trois foutues années que son groupe était connu. Quant à moi, 6 ans… Et que quelques passages rapides dans la presse people. Jamais pour grande chose… Jamais assez pour me satisfaire. Timmy y tenait… Mais moi, bordel, je voulais que ma foutue réputation soit ce qu’elle est… C’est-à-dire à des années lumières de ce que The Burning Fire était.

Un verre, deux verres, trois verres. Une bouteille. Et cet enfoiré de Nathan… Ce gamin qui avait réussi à obtenir ce que je désirais depuis longtemps. Il me volait la vedette et, maintenant, ses « oublis » ralentissaient le prochain album du groupe. Ralentissait, donc, la prochaine tournée. Ralentissait, du coup, ma quête du fun que seul les chemins droits des States pouvaient me donner. J’enviais Cash. Aussi débile que ça puisse paraitre, j’aurais voulu être dans le foutu bus de The Lightening au moment du crash. J’aurais, ainsi, pu me sentir vivre. Il avait le droit à ça, en plus de tous les plaisirs que procuraient une tournée : les filles, le public, ma musique, les voyages (dans tous les sens du terme) et j’en passe.

Et, donc, à défaut d’être en tournée et de pouvoir jouir du fun que celle-ci procurait, je devais m’inventer mon propre fun. Je me relevais alors, titubant, à cause de l’absinthe, jusqu’à dehors. Le « trip » que procurait cet alcool avait l’habitude, pour moi, de m’offrir un monde aux couleurs bizarres. L’herbe était mauve, pour tout dire… Et ça rendait déjà le paysage un peu plus fun, même si par moment c’était flippant. J’entrai dans ma Ferrari. Pas la noire, la rouge, histoire de bien être discret.

Direction, Downtown. Le cœur de L.A., là où j’étais quasi sûr que mes frasques ne passeront pas inaperçues. Si Amon les niait, il allait se faire virer. Et bye bye son muselage que, lui et Timmy  s’efforcent de faire depuis 6 foutues longues années. Adieu les barrières et Howard sera maintenant LE bad boy de The Burning Fire. Juste avant d’en devenir le maitre. Ou à défaut d’en être le maitre, tout est relatif…

Downton… On y était enfin. A 150km/h, il était court le trajet de Beverly Hills jusqu’ici. J’arrêtai ma voiture à l’intersection entre la S Broadway et la W 5th Street. Un sourire en coin d’afficha sur mon visage et j’enfonçais la cassette de Queen. Bordel, ce truc me rappelait ce petit con de Nathan mais j’adorais ça. Et la chanson commença.

Je fermai les yeux pendant les quelques secondes du début de la chanson. Laissant le rythme doucement m’envahir. Je faisais vrombir le moteur de ma Ferrari 308 GTSi. Et quand le rythme de la chanson s’accéléra, je démarrai en trombe. Ma vitesse augmentait au fur et à mesure des mètres. La route avait une couleur dorée, cette belle couleur que me permettait de voir l’absinthe. Arrivé à l’intersection entre la W 5th et à S Grand Avenue, je fis un dérapage pour rapidement me retrouver sur cette dernière et encore augmenter l’allure pour dépasser les 200km/h. Encore un dérapage pour débouler sur la W 3th Street. Mon tour était délimité, la route était à moi. Il faisait nuit et les quelques voitures qui me croisaient klaxonnaient à tout va. Bordel, maintenant je m’amusais. Maintenant, j’allais conquérir la Une de ce foutu L.A.People.

Amon tu ne perds rien pour attendre.

VVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVVFFFFFFFFFFFFFFFFF !!!!

Et un coup de vent à travers ma fenêtre ouverte, qui éteignit brusquement la clope que j'étais en train de fumer. C'est tout ce que j'ai perçu quand la bagnole de sport a dépassé notre voiture de patrouille. Elle était arrivée tellement vite par derrière nous que je n'avais même pas eu l'occasion de la voir arriver dans mon rétroviseur. On était en plein centre-ville et ce con roulait à une vitesse hallucinante ! Heureusement qu'on était de nuit bordel ! Sinon ce type serait réellement suicidaire !!!

Conrad se tourna vers moi alors que j'enclenchais les bleus et le bito...

-T'as vu la marque ?!

J'avais accéléré d'un coup, poussant le moteur de la Ford à fond.

-Non!

Les yeux de Conrad était grand ouvert, on aurait dit deux soucoupes.

-T'as vu l'immatriculation?!

Je secouai nerveusement la tête, bon dieu, mais c'était quoi ce truc ?!

-J'ai même pas vu cette foutue bagnole!

Je l'avais sentie passer, mais pas vue. Je n'aurais même pas su dire si ce cinglé avait ses phares allumés ou non quand il nous avait dépassé. J'avais été trop surpris et pourtant, on était tous les deux un minimum vigilants quand on patrouillait. Pas paranos, mais vigilants... Je poussais la Ford, mais...

-On le rattrapera jamais!

La feinte... On le voyait même pas devant nous. Impossible de savoir par où il était allé. Arrivé au premier carrefour, c'était inutile d'aller plus loin ! Par où, déjà ? Je freinai et m'arrêtai.

-Putain!

Un taré pareil pouvait renverser quelqu'un ou provoquer un accident. Qu'il se crashe tout seul, à la limite, c'était pas grave, il l'aurait bien chercher. Mais j'avais pas envie d'entendre à la radio dans 10 minutes que ce cinglé avait tué quelqu'un en sachant qu'il nous était passé juste sous le nez...

Soudain, je dressai les oreilles. Mais c'est Conrad qui verbalisa ma pensée.

-Le revla...

Il se retourna pour voir la bagnole arriver par derrière nous et moi, je réenclenchai le tout et démarrai en faisant hurler le moteur. J'étais déjà à bonne vitesse quand la Ferrari rouge, parce que c'était une Ferrari, ouais Monsieur ! Nous dépassa à nouveau.

-Je vais t'avoir, enfoiré!

Rien n'était moins sûr... Nos véhicules pouvait rivaliser avec la bagnole de monsieur tout le monde, même poussée à fond. Mais là, on poursuivait une PUTAIN de bagnole de course.

Conrad passa le modèle et l'immatriculation de la bagnole à la radio et le dispatch nous annonça mettre deux motards, qui patrouillaient dans le coin, sur le coup. On lui donna notre situation et j'ajoutai à l'intention de Conrad.

-Ce con fait des tours ! Il repasse toujours au mêmes endroits. Y a moyen de l'avoir!

Conrad donna les noms des rues affin qu'avec les motards, on puisse le prendre en tenaille. Je continuai à les poursuivre, Conrad s'accrochant comme il pouvait à la poignée au dessus de la fenêtre. Je me rapprochais de la Ferrari, pour ne pas la perdre, mais ne m'approchai pas trop près. Si les motards arrivaient par l'autre côté et que le conducteur fou freinait, je ne tenais pas à l'enculer.

Je battais le rythme de la musique sur mon volant, ne m’arrêtant réellement de le faire que pour faire des virages serrés quand je changeais de rue. Mon regard était fixé sur la route qui, du doré, passait parfois au jaune fluo sans que je sache vraiment pourquoi.

Les feux rouges n’étaient que de vulgaires poteaux inutiles pour moi et, qu’ils soient au rouge, au orange ou au vert, j’en avais rien à foutre. Puis, je doutais qu’à une heure pareille, une petite vieille traverse au passage pour piéton… Comme on pouvait le voir dans certains gags de films. Puis, même si c’était le cas, elle n’a cas regarder à gauche et à droite avant de traverser et d’allumer son appareil auditif parce que, ma caisse, on l’entendait venir…

Je ne comptais pas mes tours de la portion de quartier que j’avais choisi comme terrain de jeu. C’était pas un concours ce que je faisais, c’était un show. Un show assez bruyant pour que ça atteigne la plume d’Amon. Un show dont j’étais le seul foutu acteur.

Enfin plus maintenant… Les feux bleus virent éblouir mes rétroviseurs. Je commençais à revoir les bonnes couleurs… Les flics étaient là. Un sourire en coin se dessina sur mon visage.

-Enfin, ça devient un peu plus amusant…

J’entendais la sirène de leur bagnole par-dessus ma musique. La course poursuite étaient engagée et j’accélérais encore un peu plus les distancent trop facilement à mon goût.

-T’as aucune chance…

Tout ce que je risquais c’était qu’ils me prennent quand je les dépasserais à nouveau au prochain tour. Ma caisse était bien trop puissante par rapport à ce que notre bonne vieille police de L.A. avait comme bagnole.

Je voulais savoir jusqu’où ils étaient prêt à aller et jusque quand je pouvais faire durer cette course poursuite. Pour ça, il allait falloir que je chance d’itinéraire. Je regardais dans les rétroviseurs. Les flics étaient à pas mal de mètre de moi et…

-Putain de merde !!!

Je freinais d’un coup. Alors que j’avais reposé les yeux sur la route, deux motos de flics barraient la route à l’intersection juste devant moi. Ma voiture ralentis mais je savais que ça ne serait pas suffisant pour éviter les deux motos… Alors je fis un coup de volant vers la gauche en espérant très fort de ne pas les percuter… La voiture tourna sur elle-même à 180 degrés et le côté gauche s’encastra un peu dans un foutu panneau de signalisation. Arrêtant sa course folle à un ou deux mètres seulement des deux motards. La vitre gauche arrière éclata et ma tête percuta le carreau à côté de moi me provoquant un horrible mal de tête. Je fermai les yeux reprenant mon souffle qui s’était emballé. Je rouvris ensuite les yeux, les clignant quelques fois pour faire disparaitre les petits points lumineux qu’avait provoqué le choc. Une fois ma respiration un rien plus calme, je regardais ma tronche dans le rétroviseur.

-Putain…

Mon arcade gauche était légèrement ouverte mais à part ça je m’en sortais plutôt bien. Me prendre en tenaille comme ils l’avaient fait, c’était limite inconscient… Devant moi se tenait la foutue voiture qui m’avait poursuivie. Elle était arrêtée. Les flics n’allaient pas tarder à venir me faire un petit bonjour… J’allais certainement en prendre pour mon grade… Cool, ça fera une bonne histoire à raconter par Amon… Une moins bonne pour mon banquier par contre… Anticipant toute future demande de leur part, j’ouvris le carreau de mon côté et éteignit la musique.  

-BORDEL QUEL CON!!!

J'ai vraiment cru pendant une seconde qu'il allait tellement vite qu'il allait percuter nos collègues qui étaient arrivés par devant le conducteur fou. J'ai vraiment cru que ceux-ci n'allaient pas pouvoir esquiver la Ferrari. Et si c'était le cas, je me voyais déjà dégommer le conducteur. Mais celui-ci pila sur ses freins, faisant hurler ses pneus et s'envoyant lui-même dans le décor. Je freinai moi aussi, laissant la Ford glisser tout droit, sans donner de coup de volant pour ne pas me retrouver moi aussi encastré quelque part. D'autant que Conrad était sur le siège passager et qu'en cas d'accident, il risquait de prendre plus que moi.

Une fois notre véhicule immobilisé, nous en sortîmes, un peu déséquilibrés et complètement shootés à l'adrénaline. J'étais déjà en train de me demander si ça avait été vraiment nécessaire de poursuivre ce type et s'il n'aurais pas été plus sage d'essayer de le choper une fois qu'il aurait eu fini de s'amuser... On aurait risqué de le perdre... Mais bon... Ici, on avait risqué de mettre les deux motards à mal, et nous aussi... Alors quoi ? Où était la juste chose à faire ?

Bref, peu importait maintenant, c'était fait et aucun de nous n'était blessé. Enfin, de notre côté. Je fis signe aux motards qui me firent signe que tout allaient bien et ils allèrent se placer de sorte à sécuriser la zone de ce qui était maintenant un accident.

Je dis à Conrad d'appeler directement une ambulance via la radio et m'approchai de la Ferrari. A l'allure où il avait percuté le panneau de signalisation, celui-ci avait été tout bonnement arraché du sol. La Ferrari était probablement déclassée, mais ça, c'était que de la tôle. Bon dieu, je le voyais encore percuter les motards dans ma tête !

Alors que j'arrivais à hauteur de la portière conducteur, celui-ci ouvrit simplement sa vitre, comme s'il s'était s'agit d'un contrôle de routine, et je crus le voir me sourire.

Il ne m'en fallut pas plus pour péter un plomb. Il aurait pu se tuer, ce qui n'aurait été que justice. Tu joues, tu perds. Mais qu'il ait risqué de tuer d'autres personnes, par pur amusement, ça, je ne pouvais pas l'accepter. J'entendais, mais comme de loin, Conrad demander une ambulance, le dispatching lui répondre et ensuite Conrad qui passait la plaque d'immatriculation afin de savoir exactement à qui on avait à faire.

J'ouvris la portière du conducteur et attrapai ce petit con par le col, le sortant brusquement de son véhicule, sans vraiment me dire que s'il avait été blessé dans l'accident, je risquais de le tuer. L'ambulance était en route, au pire... S'il n'en avait pas besoin maintenant, ça pourrait très bien être le cas dans 2 minutes... Évidemment, il ne fut pas retenu par sa ceinture de sécurité... Ce genre de suicidaire ne mettait jamais la ceinture. Mais après tout, lui avait bien pris le risque d'en tuer d'autres qui n'avaient rien demandé, non ? Je le plaquai contre la vitre arrière de la Ferrari.

-Ça va pas, non?!!

Je m'énervais très rarement en intervention, et au boulot en général. Beaucoup moins que pendant le peu de temps que je passais en civil entre deux services et où j'avais beaucoup moins de repère. En inter, il y a le carcan des procédures, les éventuelles mensures disciplinaires qui pouvaient planer au dessus de nos têtes au moindre faux pas...

Ça n'empêchait pas certains flics, trop jeunes ou trop frustrés, de se croire tout permis parce qu'ils avaient un uniforme et une arme... De parler aux civils comme à de la merde et finalement, de créer des problèmes là où, au départ, il n'y en avait peut-être pas. Soit...

Je ne pensais pas faire partie de ceux-là. Mais celui-là avait été trop loin.

Heureusement, on travaillait en binôme et Conrad était là quand je pétais un plomb et vis versa...

-Lâche-le, Jordan...

Il avait dit ça calmement, sans crier, sans stress dans la voix si ce n'était un reste d'essoufflement du à notre course poursuite.

Je lâchai le gars et le regardai un peu mieux. Sa tête me disait quelque chose, mais j'étais un peu énervé pour arriver à le resituer. On voit toujours les mêmes enfoirés de toute façon... Et comme s'il avait lu dans mes pensées, Conrad enchaîna pour ne pas me laisser le temps de fondre à nouveau sur le chauffard.

-Tu sais quoi ? On vient de chopper le grand Howard Stone...

Je me calmai un peu et regardai le jeune gars, surpris.

-Howard Stone ? De The Burning Fire?!

Mais ouais, c'était bien lui, en y regardant de plus près. J'étais plus surpris qu'énervé maintenant. Putain... Y avait qu'à L.A. que des trucs pareils pouvaient se produire...

-Tu pues la gnôle, petit gars... Howard Stone ou pas, je te garantis que tu vas morfler.

Au loin, on pouvait entendre l'ambulance.

Ma fenêtre ouverte, j’étais prêt à entendre les engueulades des flics. A L.A., il y avait différents flics : les cow-boys, les flics à cheval sur les règlements et les autres. J’attendais de voir à qui j’aurais affaire… C’était qu’un mauvais moment à passer avant de voir le prochain L.A.People. En plus avec tout l’alcool que j’avais dans le sang, ça allait mieux passer.

Le flic s’avança vers ma fenêtre et je souris un peu. Et là, sans que je m’y attende vraiment, il ouvrit ma portière et m’attrapa par le col. Bordel, je venais de comprendre à quoi ça sert la ceinture de sécurité. Il me sortit violemment de la voiture et semblait vraiment, vraiment, vraiment furax… Je ne me débattais pas vraiment parce que :

1. J’en avais pas forcément la force
2. Ce type avait l’air vraiment hors de lui et que ça allait l’énerver encore plus.

Il me plaqua contre la vitre arrière de ma Ferrari désormais bonne pour la casse. Je fermais les yeux brutalement de douleur. Me mettre debout aussi vite après le choc de l’accident c’était pas vraiment recommandé… Surtout que l’absinthe continuait à me donner un peu le tournis. Je les ouvris pour voir l’expression de totale colère du flic. Bah pourquoi il me posait cette question ? Bien sûr que ça n’allait pas… Je viens de me crasher à cause d’eux…

-Doucement… Doucement…

Je marmonnais ça sans répondre réellement au flic. Il y en avait un autre un peu plus loin. Il causait à la radio mais j’entendais rien de ce qu’il disait. Il était remonté le gars que j’avais en face de moi, il avait pas dû aimé ce que je venais de faire. Pourtant, j’avais emmerdé personne… Et niveau dégât, c’était surtout ma caisse qui avait pris rien d’autre. Il continuait à me serrer contre ma bagnole ce qui était aussi désagréable que douloureux. Il fallut l’intervention de son collègue pour qu’il se calme. Ben bordel, ils étaient remontés les flics ici… Il me lâcha et je soufflai de soulagement. Je passais ma main dans mes cheveux avant de la passer sur mon visage, évitant précautionneusement de toucher mon arcade touchée.

Le flic colérique me regarda dans les yeux alors que je secouai la tête pour reprendre totalement mes esprits. Un bref regard vers ma voiture et je grimaçai. Bordel de merde… Ça va pas être simple de se faire rembourser par l’assurance, je le sens…

Le collègue du dénommé Jordan donna mon nom. Le grand Howard Stone. J’eus un sourire en coin. Hé ouais ! Je savais que les noms célèbres faisaient souvent effet sur les forces de l’ordre. Certains pouvaient s’en sortir avec rien en échange d’un autographe ou d’une place de concert gratuite. Et si je pouvais avoir ma Une sans avoir les désagréments de poursuite judiciaire désagréable s’était tout bénéf’… C’était bien moi, le Howard Stone de The Burning Fire et je fis « oui » de la tête en souriant toujours comme tout réponse à Jordan.

Hélas, mon nom n’allait pas servir à grand-chose. Pas avec ces deux-là. Merde… J’avais vraiment pas de bol.

-Ah ouais ? Putain, moi qui croyait que s’était une tradition de payer les amendes en autographe…

Je savais que mon attitude désinvolte ne plaiderait pas en ma faveur. Pas avec ce genre de type. C’est cette attitude qui m’avait couté ma famille. Mais c’était plus fort que moi…

-En plus… J’ai à peine bu un petit cocktail avec mon garde du corps… Rien de plus…

Ouais, c'est vrai ça... C'est quoi ces conclusions atives? Je souris innocemment alors qu’on entendait l’ambulance arriver pas loin. Elle arrivait à pique. Ils allaient certainement m’emmener à l’hôpital et je serais tranquille pour la nuit… Enfin ça c'était le scénario rêvé...

-J’aurais bien discuté plus longtemps avec vous… Mais je crois que je vais aller à l’hôpital maintenant…

Rêve toujours, Howard... 

J'aimais beaucoup ce que faisait The Burning Fire, bien que j'étais quand même plus fan de The Lightening. Ils avaient du talent, sans aucun doute et je me rappelais encore de la première fois que je les avais entendus sur L.A.Rocks... Ça faisait alors quoi ? Deux ans qu'ils étaient dans le circuit ? Depuis 1975, si je ne me trompais pas, mais moi, je ne les avait entendus que plus tard, quand ils s'étaient déjà fait une réputation hors L.A. . Parce qu'en 1975, j'étais chez ma mère à Carson City, en train de me remettre doucement de ce que j'avais vu au Vietnam. Et à Carson City, on ne captait pas L.A. Rocks.

Mais, si j'aimais beaucoup leur musique, j'aimais beaucoup moins l'attitude de Howard Stone en ce moment même. Je l'avais lâché et une fois que Conrad eu prononcé son nom, me révélant du même coup son identité que j'étais trop en colère pour trouver moi-même, un sourire fier s'était dessiné sur le visage du batteur. Putain, je détestais quand ce genre de type faisaient ça... Quand ils pensaient voir des droits que les autres n'ont pas.

Et je le lui avait bien fait comprendre, par la parole cette fois. Il essaya de rebondir, d'abord en minimisant sa consommation d'alcool (mais bon, avec le temps, j'avais bien compris qu'entre les conducteurs et nous, ça faisait partie du jeu), puis en se croyant sauvé par le fait que l'ambulance allait l'emmener à l’hôpital et qu'il s'en sortirait pas trop mal.

Rêve toujours, Howard.

L'ambulance s'arrêta sur le bas côté et quand les brancardiers en descendirent, sortant tout leur attirail, j'allais à leur rencontre, serrant la main à chacun... Ils posèrent deux ou trois questions, et je leur annonçai qu'il y avait pas de quoi faire un grand cinéma, qu'il était assez en forme pour être arrogant. J'ajoutai qu'une simple vérification suffirait et qu'une fois son arcade rafistolée, s'ils n'avaient pas détecté d'autres blessures plus graves, on allait s'occuper de son cas.

Je revins en leur compagnie à hauteur d'Howard et ils se mirent à lui prodiguer des soins. Conrad, lui, s'entretenait avec les motards et, d'après ce que je comprenais, ils allaient s'occuper de faire dépanner la Ferrari pour l'enlever de là pendant que nous, on s'occuperait du batteur et du P.V.

Cool. Pour une fois, j'étais motivé pour ce qui était du P.V. et j'avais déjà en tête ce qu'on allais y mettre. Et j'étais sûr que mon binôme serait d'accord avec moi pour charger la rockstar au maximum...

Les ambulanciers eurent vite fait avec Howard et quand ils eurent terminé, ils vinrent me trouver, disant qu'ils voulaient bien l'emmener. Je leur demandai si c'était médicalement nécessaire, ce à quoi il répondirent par la négative. Très bien. Alors Stone était à nous.

Je remerciai les ambulanciers qui embarquèrent dans leur véhicule et démarrèrent. Puis, je me plaçai face à Stone.

-Tu viens avec nous. Cellule de dégrisement. On peut te garder 6 heures au moins...

Conrad m'avait rejoints, les motards s'occuperaient de la bagnole. Nickel. Je m'adressai à la rockstar.

-Tourne-toi, je vais te menotter. Tu fais pas chier, on fait pas chier.

Je le tenais déjà par le coude, alors il avait pas vraiment le choix.

Je laissai Conrad l'embarquer dans la voiture et me plaçai au volant de la Ford, remerciant au passage les deux collègues motards.

Une fois au commissariat, comme tout le monde était en patrouille, on allait être tranquille et on descendit direct aux cellules. Conrad s'installa en soupirant devant la machine à écrire qui était installée dans le couloir, ainsi, on pouvait s'occuper du P.V. Tout en gardant un œil sur les personnes qu'on ramenait.

Je m'occupai d'Howard, pendant ce temps-là, il était resté calme et j'avais fait abstraction des remarque qu'il avait pu faire pendant le trajet. De toute façon, maintenant, c'était nous qui décidions. Pas lui. Pouvait même être le putain de président des USA s'il voulait, ça changeait rien aux risques qu'il avait pris pour lui et pour les autres.

Je le fouillai, lui fit enlever les lacets de ses godasses et le plaçai dans la première cellule, la plus proche de nous. Il pouvait nous voir et nous entendre, c'était que des barreaux, mais c'était pareil pour nous.

Conrad avait déjà commencé à tapé sur la machine à écrire les trucs d'usage pour le début du P.V. J'en profitai pour me débarrasser de mon pare-balle et me mettre un peu plus à l'aise. Conrad s'adressa à moi sans arrêter de taper.

-Me faudra son taux...

Je fouillai dans un tiroir et en sortit un ballon qu'on utilisait pour les contrôle alcool... Quand on en faisait...

-M'en occupe...

Je m'approchai de la cellule et tendis le ballon à Howard à travers les barreaux.

-Souffle-là dedans... On va compter les cocktails que t'as bu...

Conrad me regarda en me désignant sa feuille et en mimant en silence le mot « qualification »... J'avais compris. Dès que le batteur me rendrait le ballon, ce serait le moment de faire un peu de show...

-A ton avis, qu'est-ce que tu risques pour ce que t'as fait?

L’ambulance arriva renforçant le sourire que j’avais sur le visage. Au fond, j’avais vraiment envie qu’ils m’embarquent, les ambulanciers, pour que je puisse aller me reposer à l’hôpital tout en draguant les infirmières. Ça, ça serait une fin de soirée d’enfer ! Mais je voyais bien dans le regard de Jordan que ça n’allait pas aller comme ça. Et je me disais de plus en plus que j’étais pas tombé sur le bon flic…

Jordan alla causer aux ambulanciers et j’essayais de tendre l’oreille pour essayer d’entendre ce qu’ils se disaient. Je ne captais que quelques mots et arrogant en faisait partie. Moi ? Arrogant ? Je peux être pire s’ils veulent… Je regardais vers eus alors que je sentais le regard du collègue de Jordan sur moi. Ces deux-là n’allaient pas me lâcher…

La petite conversation entre Jordan et les ambulanciers terminée, ils virent vers moi ravivant mon sourire. Ils étaient deux et ils commencèrent à me poser un tas de questions. « Vous avez mal quelque part ? »... Ce à quoi je répondis que j’avais une migraine d’enfer et qu’il fallait que j’aille dormir un peu à l’hôpital. Ce à quoi ils ne répondirent pas et désinfectèrent mon arcade avant de mettre des strippes. Ils regardèrent mes yeux avec leur lumière à la con et je soupirais. Ils vérifièrent plein d’autres trucs avant de plier bagage et de rejoindre Jordan. Bordel, j’aurais dû me casser une foutue jambe ou quelque chose comme ça… Ils auraient été obligés de m’emmener. Là, j’étais parti pour aller faire la « fiesta » avec Jordan le grincheux et Mister Greenly (d’après sa nominette) l’Irlandais (d’après son foutu accent).

Les ambulanciers partirent et je regardais l’ambulance s’en aller avec un regard triste. Adieu les jolies infirmières. Bonjour les ennuis… Jordan me faisaient face et je détournais mon regard vers lui essayant de le faire le plus innocent possible. Bordel, pas une foutue cellule…

-Je suis pas bourré, je vous dis…

J’avais dit ça sans trop de conviction. Ce Jordan me faisait de plus en plus penser à mon défunt frère dans certaines de ses attitudes et ça me faisait dresser les poils.

Son collègue nous rejoignit et Jordan me demanda de me retourner pour me menotter… « Tu fais pas chier, on fait pas chier ». Je levai les yeux au ciel avant de me retourner nonchalamment (j’avais pas vraiment le choix, le mec faisait déjà pression sur mon coude) pour montrer tout mon désintérêt pour tout ça. Save-t-il déjà qu’ils me font déjà bien chier ? Puis, elles servaient à quoi ces menottes ? J’étais pas dangereux…

Greenly m’emmena ensuite dans leur voiture et ils démarrèrent. Bordel, 6 heures… Ils déconnaient ou quoi ?

-Les gars… On peut peut-être trouvez un arrangement non ? J’ai une autre Ferrari… Vous pouvez l’avoir si vous voulez… Je vous l’amènerais chez vous…

Aucune réponse… Bon, p’tètre qu’ils aiment pas les voitures…

-Bon ok… Sinon, vous aimez la musique ? J’ai plein de contact dans le monde musical, je peux vous faire rencontrer votre musicien favori si vous voulez…

Aucune réponse. Je soupirais un grand coup.

-Bon… Laissez tomber…

L’ordre, la loi, la justice semblait les préoccuper bien plus que tous les privilèges du monde entier… C’est en ça qu’ils me faisaient penser à Roger Stone.

Le trajet avait été vraiment pas fructueux et on entra dans le commissariat. Je soupirais toutes les cinq minutes et Jordan commença à me fouiller. J’avais rien sur moi hormis un paquet de clope et un briquet… Qu’il me prit bien entendu ce qui m’arracha un autre gros soupire. Il demanda même mes lacets… Je regardai Jordan.

-Sérieux ?

Ouais, sérieux… Bon, j’enlevai les lacets de mes Converses et les lui donnait. Il me foutu ensuite en cellule pour mon plus grand désespoir. J’appuyais ma tête contre les barreaux et tenais ceux-ci avec mes mains. Greenly tapait sur sa machine à écrire et demanda à Jordan mon taux. Je le sens-là, le début des gros ennuis… Jordan s’approcha de moi avec un ballon dont je connaissais que trop bien l’utilité. Plus qu’à soufflé…

-Roger.

Bien reçu Captain Keller. De mon frère j’avais retenu quelques trucs de l’armée et, rien que pour le faire chier quand j’étais plus jeunes, je les utilisais ses foutus mots. Et comme Jordan me faisait penser à mon frère, ben, ça était venu tout naturellement.

Je soufflai dans le ballon sachant très bien que tout ça ne se compterait pas qu’en cocktails… Bordel, j’avais même pas de souffle… Mais bon ce sera suffisant pour cette machine de malheur. Je lui rendit son foutu ballon et il me demanda combien je risques pour ma petite virée en voiture… Je fis mine de réfléchir quelques secondes…

-Oh, pour un petit excès de vitesse je dirais… 100 dollars d’amendes… Un truc dans le genre…

Tu rêves, Howard… Ouais, ouais, je sais…

-Et vous ? Vous avez poussé votre misérable caisse à combien pour essayer de me rattraper ?

Bon ok… C’était pas malin, ça…  

Hormis quelques remarques, Stone était resté bien calme dans la voiture et n'avait jamais essayé d'agresser personne. Quand ça pouvait se passer comme ça, on était plus coulants sur les éventuels jeux d'esprit des targets. Si ça pouvait leur faire plaisir de faire les malins verbalement... Si ça devenait vraiment insultant ou chiant (c'était une question de feeling et d'adaptation), ce n'était pas grave, on rajoutait un ou deux paragraphes au P.V. Expliquant l'attitude de la personne et le juge se chargeait du reste (si toutefois celui-ci était de notre côté et pas de celui des personnes qu'il était sensé jugé)... Soit...

Même pendant la fouille, hormis quelques soupirs un peu exaspéré, Stone resta tranquille et je n'eus aucun problème pour le mettre en cellule. Et quand je revint vers lui avec l'éthylomètre, lui demandant de souffler à ma façon, il le pris et s'exécuta après avoir prononcé un « Roger »  qui me fit sourire malgré moi... J'avais eu le trajet pour me calmer, pour que l'adrénaline provoquée par la couse-poursuite redescende. Ça aurait bien sûr été différent si le batteur avait blessé quelqu'un, mais je ne devais pas perdre de vue que ça ne s'était, heureusement, pas produit. Et je ne pouvais me pouvait baser ma conduite envers Howard sur d’éventuelles conséquences qui n'existeraient jamais.

Et puis, c'était de toute façon nous qui avions la main, pour le moment. Le batteur pouvait jouer n'importe quelle carte, ça ne changerait rien.

Pendant qu'il soufflait, je tirai une chaise jusque devant la cellule du gars. J'avais vu sa date de naissance lorsque j'étais passé derrière Conrad qui avait déjà tapé sur la feuille les informations de base. Et que je le croie ou non, Howard n'avait que 3 ans de moins que moi... Physiquement, j'en faisais bien 10 de plus...

Je m'installai à l'envers sur la chaise, les bras croisés sur le dossier et n'eut qu'à tendre le bras quand il me rendit le ballon...

-Z'étaient boostés à quoi, tes cocktails ? Même sans le résultat, rien qu'à voir tes yeux, je sais que t'es mort.

Puis lançai le ballon à Conrad derrière sa machine à écrire. Il le rattrapa au vol et siffla, faisant semblant d'être impressionné quand il regarda le résultat après avoir fait ce qu'il fallait avec la machine pour l'avoir. Il posa le ballon à côté de lui et continua à taper. Il tapait bien plus vite que je ne pourrais jamais le faire, c'était pour ça que c'était lui qui le faisait. Mais moi, je savais très bien ce qu'il y avait à mettre dedans et j'allais aider mon binôme (bien qu'il le savait plus que certainement aussi) tout en conversant avec la rockstar qui, personnellement, pour le moment, n'était qu'un bourré en bagnole de plus.

D'où ma question quant à ce qu'il risquait. Je le laissai répondre, un sourire en coin sur le visage en entendant la réponse qu'il me fourni. Ouais, t'es pété de thune, petit gars.

C'était pour ça qu'on devait lui foutre un peu les jetons. Pour le show et pour lui faire une leçon, peut-être pour qu'il prenne conscience des conséquences que son attitude aurait pu avoir.

Je fouillai dans la poche latérale de mon pantalon d'intervention et en sorti mon paquet de clope, sachant très bien ce que je faisais vu que je lui avait pris les siennes, de clopes. Première chose : ici, les privilèges, c'est nous qui les avons, pas lui.

J'allumai ma clope et soufflai la première bouffée sans le regarder.

-100 dollars ?

Conrad rigola bien haut. Je continuai.

-Pour l'excès de vitesse et rien que ça, on va déjà te retirer ton permis. La conduite dangereuse allongera cette peine, ce qui, vu ce que j'ai vu ce soir, sera une bonne chose vu que t'es un danger public.

Et Conrad d'en rajouter...

-Un potentiel tueur, quoi...

J'approuvai d'un signe de tête, tirant sur ma clope et continuai à parler calmement en laissant la fumer sortir naturellement par mon nez et ma bouche.

-Sans compter l'amende qui va avec, ça, t'as raison... Et le dépannage de ta bagnole, et les frais pour chaque jour qu'elle restera stockée chez le dépanneur. Plus ce que la ville va te réclamer pour les dégâts de voirie à cause de ton crash. Plus l'amende pour l'état d'ivresse qui, d'après mon ami qui est assis là-bas va être pas piquée des vers et... Allongera encore la durée de ton retrait de permis, si le juge décide pas de plus jamais te laisser rouler...

L'argent n'était pas un problème pour Howard, j'en doutais pas, c'était pour ça qu'il fallait miser sur autre chose. Je tirai à nouveau sur ma clope...

Je prenais mon temps. Il était bourré et il lui fallait plus de temps pour assimiler... Quant à nous, on avait tout le reste de la nuit devant nous.

-Et à ça...

Je me tournai vers Conrad, m'adressant à lui plutôt qu'à Howard qui était pourtant la véritable personne à qui je m'adressais.

-On pourrais ajouter à ça tentative de corruption, non ? Et requalifier le tout en tentative de meurtre... Il a failli choper les collègues motards, après tout...

Je savais très bien qu'on pouvait le faire, tout du moins pour la tentative de corruption... Même si c'était de l'humour. La tentative de meurtre, on ne le ferait pas, par contre, ça, c'était clair, parce que j'étais témoin que Howard avait pilé sur ses freins et s'était mis lui-même en danger plutôt que de foncer sur les collègues. Il avait peut-être été extrêmement con et extrêmement dangereux, mais on devait lui laisser qu'il n'avait pas hésiter une seconde entre faire des blessés, voire des morts et crasher sa bagnole de luxe quitte à se tuer lui.

Non, cette histoire de requalifier le tout, c'était réellement pour le show... Quant à la tentative de corruption... Ça dépendrait de l'attitude qu'aurait la rockstar cette nuit.

Conrad me répondit avec un ton désinvolte, s'installant, les boots sur la table, l'air d'attendre patiemment de savoir avec quoi il allait réellement charger Howard.

-On pourrait, on pourrait... Si on est vraiment pas sympas. Ah... Et il avait pas sa ceinture, non plus...

Je me retournai alors vers Howard, mon sourire était franc maintenant. Il aimait rouler ? Frimer avec ses bagnoles de luxe ?

-Je serais toi, j'engagerais un chauffeur dès que je sors d'ici... Parce que tu risques de pas revoir ton permis de sitôt...

Je tirai sur ma clope...

-Ah... Et notre Ford... Elle va mieux que ta Ferrari...

Oh bordel, ce Jordan sait sourire ! Première nouvelle ! Un simple « roger » et ses zygomatiques s’étaient dénoués. A croire que, parfois, les miracles arrivent. Un petit sourire au milieu des ennuis qui allaient arriver. En premier, le ballon dans lequel je devais souffler et qui allait compter le taux d’alcool que j’avais dans le sang. En soufflant je me remémorais chaque verre que j’avais bus aujourd’hui et me sentais déjà dans la merde d’avance. Cocktails, bières, absinthe… Et d’autres trucs peut-être… Bref, s’était la merde.

Je rendis le ballon à Jordan qui s’était confortablement installé sur une chaise à côté de ma moche cellule. Le flic n’avait pas besoin du résultat pour savoir que j’étais dedans. Sans blague… J’haussais les épaules et pris un air innocent.

-Sais pas… C’est un pote à moi qui les a faits… Il a des problèmes de vues… Il a dû confondre le rhum et l’absinthe… Pas ma faute…

Ok, c’est vrai, j’aurais pu faire mieux comme mensonge… Ou bien simplement me taire. Mais… Non… Ce mec me rappelait trop Roger. Fallait donc que je l’ouvre.

Il envoya le ballon à son collègue qui siffla un coup. Je haussais encore une fois les épaules. Sa pouvait pas être si élevé que ça, si ? Boh…

Jordan me posa une question à laquelle je répondis platement que je ne risquais qu’une petite amende de 100 dollars. S’ils voulaient, je voulais même payer 200 ou 300 dollars… Mais, pitié, foutez moi la paix… Le sourire en coin de Jordan n’était pas vraiment là pour confirmer simplement la peine que je croyais devoir avoir. Ça annonçait plutôt encore plus d’ennuis. Il s’alluma une clope. Pas besoin de demander si je pouvais en avoir une… Je commençais à bien cerné le personnage que j’avais en face de moi. Je soupirai.

-Ouais, 100 dollars…

Son collègue rigola et je posais brièvement mon regard sur lui avant de revenir sur Jordan qui prit la parole. Et c’était parti… Tout d’abord, le retrait de permis.

-Mais…

Bordel… Ça c’était bien chiant… Si je me faisais choper sans permis j’étais mort. Je levai les yeux au ciel quand son collègue me qualifia de potentiel tueur. Bordel, j’avais tué personne…

Jordan n’en avait pas fini. L’amende. Sans blague… Les frais pour ma bagnole… Sans blague… Si ces deux motards ne s’étaient pas foutus sur ma route ma caisse serait en bon état… Mais bon… Bref… Pareil pour les dégâts de voiries. Pour moi, c’est la police de L.A. qui devrait les payer. Pas moi. Mes expressions montraient toute mon exaspération Encore une amende, pour l’alcool cette fois. Et une possibilité de ne plus jamais revoir mon permis. Je soupirais un très gros coup. Bordel, ça allait en faire un paquet de thunes à donner ça…

-Mais allez, les gars…

Soyez gentil, quoi… Puis, donnez-moi un clope aussi tant que vous y êtes… Bordel, et ils n’avaient pas fini en plus. J’ai fis que conduire une voiture. Un peu vite, ok… Mais j’ai pas fait grand-chose d’autre. Jordan se retourna vers son collègue. Bordel, je me demande bien ce qu’ils pourraient rajouter à ça. « On pourrais ajouter à ça tentative de corruption, non ? Et requalifier le tout en tentative de meurtre... Il a failli choper les collègues motards, après tout... »

-Quoi ?!! Vous déconnez là ?!

Mon air désinvolte et mon sourire avait fait place à une pointe d’indignation. Tentative de corruption ? Moi j’appelle ça une foutue échange de services. Quant à la tentative de meurtre c’était vraiment déconné. J’avais tout fait pour ne tuer personne. Même foutre ma propre caisse dans le décor au risque de me tuer moi-même pour éviter les deux motards qui s’était foutu sur la route. Je regardais tantôt Jordan tantôt son collègue et se dernier me regardait en se mettant à l’aise et confirmer qu’ils pouvaient bien faire ça. Puis, il y avait cette foutue ceinture. Bordel, ils avaient vraiment rien raté.

Je serais mes barreau plus fort et m’agitait un peu plus.

-Allez, putain, faites pas chier !

Jordan ce retourna vers moi et là je commençais à croire qu’il ne trouvait son sourire que dans le désespoir des autres. Non, ok, c’est déconner ce que je disais mais n’empêche que là, il souriait, le con. Le flic me conseilla de prendre un chauffeur dès que je sortirais d’ici et acheva tout ça avec une réponse directe à ma provocation de tout à l’heure. Putain, c’était quoi ces flics ??

-Les gars, si vous qualifier ça en tentative de meurtre, on n’est pas près de sortir notre prochain album. Et mon groupe a besoin de cet album et le plus vite possible. Si je vais en taule, je ne suis pas sûr que MTI patiente jusqu’à ce que je sorte.

Soit ils allaient sortir un album bâclé, soit, pire, ils allaient trouver un remplaçant le temps d’achever ce foutu disque.

-Foutez pas ma putain de carrière en l’air pour une petite virée en voiture. J’ai tué personne. J’ai même failli me tuer pour éviter d’en tuer d’autre. C’est d’ailleurs pour ça que ma foutue Ferrari va me coûter si cher en réparation et autre. Pour leur putain de vie à eux !

J’étais de plus en plus agité derrière mes barreaux. Me fallait vraiment une clope maintenant.  

Howard Stone voulait faire le malin. Mais on eu vite fait de lui faire comprendre que ni sa célébrité, ni son argent ne pouvaient le sauver cette fois-ci. On était pas des chieurs, en général, et on ne chargeait les gens que quand il y avait vraiment eu danger ou que le comportement de la personne avait été emmerdant pendant toute la procédure.

J'avais donc énoncé tout ce qu'il risquait, en dehors des trucs qu'il pouvait aisément régler par l'argent comme la liste des amendes... Je savais par expérience que ce qui faisait le plus chier les gens comme Howard, c'était de perdre leur permis... Malheureusement pour lui, quoi qu'on puisse faire, c'était bel et bien ce qui pendait au nez du batteur. Nous, on allait déjà lui retirer pour quelques jours, mais j'étais sûr que la sentence serait revue à la hausse.

Et alors que ma liste augmentait, la taille de l’ego et l’arrogance de Howard Stone diminuaient. C'était tout ce que je voulais : qu'il prenne conscience que ses conneries pouvaient être dangereuses et avoir bien plus de conséquences pour lui qu'il ne pouvait l'imaginer. Je gardais mon sourire pour le show, mais en fait, ça me faisait pas vraiment rire. Il s'était bien tenu, il avait freiné... Mais je tenais vraiment à lui foutre un peu la frousse histoire qu'il se rappelle bien de cette nuit.

Et la possibilité de qualifier les faits en tentative de meurtre fut largement suffisante pour commencer à faire réellement flipper le batteur, qui, dans ce cas, risquait jusqu'à sa carrière. J'aurais pu en rajouter encore une couche, en haussant les épaules et en disant que je préférais The Lightening. Ça me traversa l'esprit une seconde, mais comme on pouvait pas dire que Howard était un mauvais bougre, c'était inutile de le mettre à bout pour que dalle. On avait un nombre de rébellion à notre actif qui avoisinait le zéro et on tenait à ce que ça reste comme ça.

Je terminai ma clope et tendis le bras jusqu'au bureau, sur lequel était installé Conrad qui attendait toujours, et l'écrasai dans le cendrier à notre disposition.

Je soufflai la fumée que j'avais stocké dans mes poumons.

-Ta carrière c'est une chose. Mais tu te rends bien compte que ta « petite virée en bagnole » aurait pu avoir des conséquences bien plus graves.

Je voulais l'entendre dire. Et je ne voulais pas l'entendre dire qu'il était désolé.

-T'as de la chance qu'on est honnêtes. On va pas te charger parce qu'on a bien vu que t'as vraiment risqué ta propre vie pour ne pas percuter nos collègues. Mais t'es pas un héro pour autant, tu restes un putain de danger public.

Je me levai et repris une clope que j'allumai et allai m'appuyer aux barreaux de la cellule qui appartenait maintenant temporairement à Howard.

-On va te mettre toutes les infractions de roulage, y compris la conduite dangereuse. Considère ça comme un putain de cadeau de noël. Mais si on t'y reprend, je te garantis que ça se passera autrement.

Je fis rougeoyer le bout de ma clope en tirant dessus, comme pour ponctuer ma phrase.

-Pourquoi t'as fait ça ? T'es en manque d'adrénaline ou quoi ? Parce que je te signale que les morts ne font pas d'albums non plus et ça aurait très bien pu t'arriver...

Je fronçai les sourcils et dit plus bas, comme pour moi-même...

-Et ça m'aurait fait chier aussi.

Ouais, parce que je restais un fan de rock, après tout... Conrad, lui, s'était finalement mis à taper.

Putain… C’était le seul mot qui me venait à l’esprit pour ce qui risquait de m’arriver si ses deux-là qualifiait ça en tentative de meurtre. S’il le faisait je pouvais faire un trait sur The Burning Fire et donc sur une partie de ma carrière. Je voyais mal MTI et Timmy attendre que je sorte de taule pour reprendre les activités du groupe. Ils allaient faire comme avec Kayden et me remplacer. C’est pour cette foutue raison que je m’agitais de plus et plus et aussi parce ce n’était pas forcément juste. Je n’avais voulu tué personne !

C’est comme ça que je me défendais devant les flics. En espérant que, s’ils ne m’aiment pas moi, ils aiment au moins la musique que mon groupe faisait. Or, sans moi, le son de The Burning Fire n’allait plus jamais être le même. En tout cas, si j’avais su, j’aurais fait une autre connerie… Parce que j’allais peut-être l’avoir ma foutue Une, mais, pour ça, j’aurais sacrifié ma carrière… Ce qui n’était pas vraiment prévu au programme… Je désespérais un peu alors que le sourire de Jordan était toujours bien présent sur son visage. Ils me faisaient attendre et ça rendait tout ça insupportable. Il écrasa sa clope pour, enfin, l’ouvrir et commença par une petite morale à la Roger Stone.

-Ouais… Roger…

J’avais marmonné ça. Etant presque certain qu’il n’avait pas entendu, je haussais mon ton de voix parce que sinon il n’allait pas me lâcher.

-Ouais, je sais…

Je baissais les yeux comme un gamin. Je savais très bien que j’aurais pu me prendre quelqu’un. Mais j’étais plus que sûr que j’avais le contrôle total sur la situation quand j’étais au volant de ma Ferrari. Cette impression d’être intouchable. Parce que rien d’autre ne comptait que cette foutue Une. Je n’avais ni pensé à ma mort probable, ni à celle des autres. Ce n’est que maintenant et en sentant toujours la douleur au niveau de mon arcade que je m’en rendais réellement compte.

En fin de compte, les flics n’allaient pas aller jusqu’à l’extrême qu’ils m’avaient fait miroité devant le nez. Bordel d’enfoiré ! Ils auraient pas pu le dire plus tôt. Je relevais le regard vers Jordan les sourcils froncés. Je savais que j’étais pas un foutu héro, c’était pas mon intention non plus. Ça c’est bon pour Roger.

-J’aime pas les héros, de toute manière…

J’arrivais pas à sourire parce que ces gars-là m’avaient fait flipper. Jordan se repris une clope me donnant de plus en plus envie d’en fumer une. Il conclut sur sa dernière sentence disant que je m’en sortais pas trop mal.

-Joyeux Nöel, Howard…

Sans motivation, bien sûr et en soupirant. Je me calmai un peu et m’appuyais à nouveau ma tête contre les barreaux… Je ne remerciai pas les flics parce que ça n’aurait pas de sens. Merci de me mettre des foutues amendes, c’est trop gentil… Non, non, ça n’a pas de sens. Mon regard était baissé vers le sol et je regrettais déjà mon permis. Surtout que je ne savais pas vraiment qui allait me servir de chauffeur demain matin…

Je relevai les yeux vers Jordan qui s’interrogeait sur les raisons de ma conduite dite suicidaire. Il marmonna quelque chose qui fis apparaitre un petit sourire en coin sur mon visage qui disparut presque aussitôt alors que je haussais les épaules.

-Je m’ennuyais…

Bon, ok, ça c’était l’élément déclencheur.

-Alors j’ai voulu faire d’une pierre deux coup : m’amuser et enfin avoir cette foutue Une de L.A.People. Nathan J. l’a eu pour bien moins que ça…

J’avais jamais fait la Une. Jamais et pourtant je la méritais bien plus que ce morpion. Je soupirai une fois avant de prendre un ton un peu plus revendicateur.

-J’ai rien à voir avec la fameuse force tranquille qui caractérisait The Burning Fire à l’époque de Kayden. Je ne suis pas comme eux. Je suis le foutu bad boy du groupe mais Evans a toujours tenu à ce que toutes me conneries restent bien cachées.

C’était comme si on m’avait assimilé à une identité qui n’était pas la mienne. Et même si tout le monde savait que je n’étais pas le plus calme de The Burning Fire, jamais ce que les gens pensaient de moi était digne de la réalité.

-Mais maintenant ça va se savoir. Amon ne pourra pas me rater, cette fois !

Un sourire en coin vint s’afficher sur mon visage.  

Bon, maintenant que tout le monde était redescendu d'un ton, moi y compris, la tension semblait se dissiper. Le boulot était pour ainsi dire fini, même si le plus désagréable était encore à venir vu que rien n'était encore tapé et qu'il n'y avait rien de pire qu'une putain de machine à écrire avec ces foutus 10 000 papiers carbone sous la feuille originale pour faire un rapport. Pas de doute, Conrad allait finir la nuit avec des ampoules aux bouts des doigts à force de frapper comme un malade sur les touche pour être sûr que ça imprime sur toutes les feuilles. En bref, c'était de la merde.

Peut-être que je le relèverai quand il en serait à la moitié... Peut-être... Je détestais vraiment ça et on allait perdre plus de temps qu'autre chose, si je m'y mettais.

Il aimait vraiment bien le terme « roger »... C'était un truc qu'on voyait souvent dans les films alors il le tirait peut-être de là. Ou il connaissait simplement les base de la procédure radio. Il n'y avait aucun grand secret là-dedans...

Il baissait enfin les yeux comme un gosse pris la main dans le sac. Il râlait plein sa panse de s'être fait prendre, mais je ne m'attendais pas à des remerciements non plus, vu la sentence qui allait lui tomber dessus. C'était pas notre faute, c'était lui qui avait décidé de faire le con... Mais bon, de là à être content et à ne pas râler, je comprenais le ressentis de Howard en ce moment. C'était plus que naturel.

Et, avec le bruit de la machine à écrire qui trimait en fond, je lui avait demandé pourquoi il avait fait ça. J'avais frôlé assez la mort au Vietnam pour ne plus vraiment courir après et essayer de m'en tenir le plus éloigné possible, même si je faisais encore un boulot à risque (mais bien moindre, on s'entend). Alors pourquoi, s'il voulait absolument le faire, cet album, prenait-il autant de risques pour que dalle ?

Le première réponse, soit qu'il s'ennuyait, ne m'étonna pas le moins du monde. Ce gars avait tout et pouvait obtenir ce qu'éventuellement il n'aurait pas encore, assez facilement. Donc, sa vie en devenait ennuyeuse...

Je soufflais ma fumée en l'écoutant attentivement, sans plus aucun jugement, on était plus dans le cadre de ce qui touchait à la justice ou à notre boulot de flic. Ce n'était plus qu'une conversation entre deux gars séparés par des barreaux.

J'allais m'éloigner pour aller nous mettre un peu de musique, histoire d'achever de détendre l'atmosphère, mais Howard n'avait pas terminé. Je me retournai vers le batteur avec les sourcils froncés. Pas de jugement, toujours, mais par contre, c'était une raison qui ne m'avait même pas effleuré l'esprit. Normal, on ne vivait pas dans le même monde, le musicien et moi. Même Conrad s'était arrêté de taper de surprise.

-Quoi ? T'as fait ça pour la une de L.A. People?!

C'était de la surprise pure, pas du reproche. Certains collègues lisaient L.A. People et du coup, quand j'avais rien d'autre à foutre, je feuilletais encore bien le magazine parce qu'il y avait toujours moyen de se marrer. Et en effet, je me rappelais y avoir vu le nouveau chanteur de The Burning Fire deux ou trois fois... Mais ces derniers temps, pas de Howard...

-Et t'avais rien de moins dangereux à faire ? Je sais pas, moi ? Sortir avec la petite copine d'un autre, par exemple...

Pas dit que c'était réellement moins dangereux, mais bon... C'était quand même le genre de truc dont L.A. People raffolait... Et en plus, Howard était exigeant. C'était Amon Sørensen qu'il visait par ses frasques suicidaires.

J'avais entendu Conrad se lever et aller fouiller dans un tiroir. Je croyais qu'il allait ensuite se remettre à taper, mais c'est vers nous qu'il vint. J'écrasai ma deuxième clope et en allumai une troisième avant de prendre le magazine qu'il me tenait ouvert à une page bien précise : celle de l'article qui parlait du crash de The Lightening.

Je ne voyais pas trop ce qu'il me voulait avec cet article alors il me désigna la signature du journaliste.

Ah... Ouais... Merde...

Je tendis alors le magazine au batteur, toujours ouvert à la même page et lui tendis ensuite mon paquet de clope pour qu'il en prenne une. C'était bon, maintenant. Il râlait déjà, il allait râler encore plus, et moi, je voulais qu'il reste calme...

-Sørensen est pas à L.A., mon gars...

J'avais mon briquet en main, attendant qu'il se penche un peu pour que je la lui allume. J'allais pas aller jusqu'à lui passer de quoi s'immoler...

Je racontais les raisons de ma petite virée en voiture sur le rythme de la machine à écrire. Le flic était surement en train de noter les conséquences de mes exploits de cette nuit. Jordan s’était retourné au milieu de mon discours avant de me regarder à nouveau avec étonnement quand je lui parlai de ma quête de la Une du pire magasine de cette foutue ville. Du torchon qui empêchait bien des stars de sortir de chez elle de peur d’y figurer. Mais alors qu’eux se protégeaient des articles du Danois, moi je priais à chaque sortie d’un numéro d’y retrouver ma photo. Mais chaque fois, sans succès. Le monde était cruellement injuste.

-Ouais ! J’ai fait tout ça pour ça !

Mon sourire était revenu car j’étais certain que, cette fois-ci, Amon n’allait pas me rater. Il ne POUVAIT tout simplement pas omettre ma petite virée à Downtown pas très loin de son foutu appartement. En plus, je lui ai même mâché le travail, il n’aura quasi rien n’a inventé pour que son article soit intéressant.

Jordan se demandait si je n’aurais pas pu faire quelque chose de moins dangereux. Comme, par exemple, voler la petite amie d’un autre. Je haussais les épaules, retrouvant une once de désinvolture.

-Trop classique… Ça vaut pas une Une… Puis, je fais ça chaque semaine…

Je l’ai d’ailleurs fait la semaine dernière en piquant la petite amie d’un de mes potes acteur. Enfin, ancien pote maintenant… Autrefois ce genre de trucs me valait un petit article dans L.A.People. Mais maintenant, c’était tellement devenu une habitude que même le magasine s’en lassait.

Je leur révélais aussi mon exigence d’avoir un article du Danois. Je savais que ses articles avaient beaucoup d’influence et qu’il se chopait souvent les Unes. Je regardais maintenant Jordan avec beaucoup d’assurance. Même si j’avais une pile d’amendes à payer j’allais, au moins arrivé à mon foutu but. Son coéquipier, lui, fouillait dans un tiroir et revint vers nous avec un magasine à la main. Il le donna à Jordan sous mon regard intrigué. Je levai un peu la tête pour essayer de voir ce que le flic était en train de lire mais en vain. « Ah… Ouais… Merde » Je fronçais les sourcils. Bordel, mais qu’est-ce qu’il y a ? Il finit par me tendre le magasine en même temps que son paquet de clope. Pourquoi cet élan soudain de gentillesse ? Je ne posai pas la question me contentant de prendre la clope, puis le magasine. Je mis la clope en bouche fronçant toujours les sourcils et lisant l’article qui parlait du crash de The Lightening. J’avais entendu que le groupe s’était crashé à la radio.

Mon visage ce décomposa quand Jordan verbalisa ma pensée. Cet enfoiré d’Amon n’était pas là… Il était à Saint Louis. Je lisais toujours sans vraiment lire approchant ma tête des barreaux pour que Jordan allume ma clope. Ce qu’il fit. Je tirais un gros coup dessus respirant un peu plus vite.

-Non… Non… Non… Non…

Je frottais mes yeux d’une main nerveuse. J’avais crashé ma Ferrari pour rien. J’avais failli crever pour rien… Amon n’était pas là, il n’allait pas faire d’article. Il n’allait pas écouter mes foutu messages que j’avais laissé sur son foutu répondeur. D’un geste violent, j’envoyais valser le magasine à travers les barreaux.

-Putain !!! C’est pas possible ça !

Je m’appuyais ensuite contre les barreaux le regard complètement dans le vide. Je fumais machinalement. Je râlais comme pas possible et sa se voyais dans les expressions et dans mes gestes.

-J’ai fait tout ça pour rien…

Je finis par me mettre dos à Jordan et à me laisser aller jusqu’à m’asseoir au sol.

-Je l’aurais pas ma Une… Et j’ai pas non plus de foutu chauffeur pour demain matin…

J’étais certain que Timmy allait s’assurer qu’aucun journaliste n’allait causer de ce que j’avais fait.  

C'était une impression bizarre de comprendre sans réellement comprendre. Je n'étais pas une rockstar, je ne savais pas ce qu'ils vivaient, même si je suivais des groupes comme The Lightening et celui d'Howard. Mais d'après ce que j'en savais, la plupart des stars de L.A. redoutaient les articles du fameux Sørensen. Il paraîtrait même que c'est suite à l'un de ses articles qu'une jeune actrice dont j'avais oublié le nom s'était donné la mort. Selon moi, l'accusation était certainement un peu exagérée ou il y avait autre chose dans la vie de la jeune femme qui faisait qu'elle était malheureuse ou dépressive ou je sais pas quoi... Et l'article n'aurait été que le déclencheur final.

Enfin, bref, c'était pas mon problème pour l'instant. Mon problème, c'était Howard Stone qui avait risqué sa vie et celle des autres (et carrément sacrifié une de ses bagnole de luxe) pour un foutu article dans un magazine de merde que pourtant, personne, y compris moi, ne pouvait s'empêcher de lire.

Parce que piquer les copines des autres, apparemment, c'était un peu trop banal comme fait... D'autant que c'était pas faute de le faire quand même. Y avait un truc qui m'échappait quand même, dans l'histoire. Pourquoi les autres avaient droit à des articles, le nouveau jeune chanteur de The Burning Fire y compris... Et pas le batteur qui était pourtant un des préférés des jeunes femmes, d'après ce que je pouvais entendre à la radio... Pourquoi ?

Je voyais donc bien la raison de son acte maintenant. Mais sans le comprendre.

Mais au final, il avait quand même fait tout ça pour rien. Et je lui avais offert une clope en lui annonçant tout en lui prouvant grâce au magazine qui traînait dans un tiroir. Instantanément, le visage du musicien s'était décomposé, devenant blême en lisant l'article sur le crash de The Lightening. J'avais l'impression de lui avoir annoncé que sa mère était morte...

Je m'écartai, à la fois vigilant et blasé, quand il balança le magazine à travers les barreaux, celui-ci allant s'écraser plus loin. On avait vu pire comme crise de colère... Conrad, qui était retourné à sa place pour continuer à écrire leva la tête, jeta un œil à la situation, sa clope se consumant entre ses doigts, puis s'y remis quand il constata que l'énervement d'Howard n'avait rien de dangereux. Il était enfermé, de toute façon. Il était le seul à qui il pouvait faire du mal...

Mais il s'était calmé presque instantanément, appuyant sa tête contre les barreau et se contentant de fumer les yeux dans le vide. Fallait lui laisser digérer l'information. Et, à croire que tous les discours que j'avais fait jusque-là ne pouvait pas être aussi efficace, c'était le fait de ne pas être arrivé à son but qui le fit réellement réaliser que ce qu'il avait fait avec sa voiture cette nuit était totalement con.

Je hochai la tête, approuvant Howard. Et ouais, il avait fait ça pour rien. Pire, il y perdait.

-Y a pas que Sørensen comme journaliste à L.A. People, un autre s'occupera de ton cas...

Il finit par s'asseoir sur le sol, désespéré à l'idée d'avoir raté sa Une... Il était dos à moi et j'avais perdu le contact visuel. Il annonça qu'il n'avait pas de chauffeur.

-Bah, tu trouveras... Va dormir, dessaoule un peu, et quand le jour sera levé, on te laissera passer un coup de fil pour t'arranger avec quelqu'un.

Il n'en avait pas fini avec cette histoire de bagnole... Avec nous, ouais. Mais pas avec la justice de L.A....

Le laissant à ses réflexions ou à ce qu'il voulait, j'allai rejoindre mon binôme, écrasai ma clope dans le cendrier et m'installer à côté de lui en soupirant pour lire ce qu'il avait déjà tapé. Le plus chiant restait à faire pour nous...