Fender avait eu une expérience musicale bien loin des lumières de L.A. En Europe, les choses étaient plus petites. Et les petites scènes de Los Angeles paraissaient grandes à la jeune femme. Il ne fallait pas aller jusque Londres pour voir cette différence. En Indiana, c’est pareil. Tout est plus petit qu’ici surtout à Lafayette où il n’y avait rien d’excitant à faire.

-Oui, tout es grand ici. L.A. rend tout plus grand. Les scènes, les moyens et les gens.

C’était un des berceaux de la musique américaine mais aussi un berceau de la gloire. On pouvait rêver de L.A. et tenter l’aventure là-bas avec l’espoir que tout bascule du jour au lendemain. Comme ça était arrivé pour The Lightening. Le lapse de temps entre notre dernier petit concert au Crazy Ginger et notre premier à l’Hollywood Bowl se comptait en jours. La montée a été fulgurante. Trop fulgurante. Mais elle était le résultat de la poursuite d’un rêve qui me tenait à cœur. Et j’avais réussi. Malgré tout ce que les gens m’avaient dit dans ma ville natale. Des désillusions que Fender avait subi elle aussi. Et elle avait eu la chance d’aller dire à ces gens qu’elle avait réussi. Je souris de la façon dont elle avait fait ça.

-Ça a dû être un grand moment. Je n’ai pas pu voir la tête de mon père quand il a entendu à la radio ce que j’étais devenu. Mais j’espère que ça lui a fait mal. Très mal.

Et c’est pour cela que je détestais que mes déboires finissent dans les magazines. Parce que je savais que mon père devait être heureux que je vivais mal cette foutue vie de rockstar.

Et Fender trouva encore les mots. Ceux qui réconfortent et qui donnent de l’espoir. Elle ma parla des endroits comme celui-ci qu’il fallait trouver pour retrouver la paix. Je lui souris. Il fallait aussi trouver des gens comme elle que j’avais rajouté. Et je souris à ses remerciements timides.

Fender m’avait rassuré, Fender m’avait aidé cette soirée, Fender avait été à mes côtés. Mais le mystère autour de cette fille était toujours entier. Je ne savais pas de quelle groupe elle faisait partie, ni qui elle était vraiment alors que mon anonymat s’était envolé lors de notre duo. Je voulais lever une partie du mystère.

Et je ne fus pas déçu. Yeux dans les yeux, et après un petit rire de sa part, j’appris qu’elle faisait partie de The Burning Fire et qu’elle en était la nouvelle lead guitariste. Je pris un air étonné.

-C’est vrai ?

Je ne savais pas que The Burning Fire avait encore perdu un guitariste. Ça a dû se produire après la tournée.

-Je ne suis vraiment au courant de rien… On travaille pour la même maison de disques, en plus…

J’avais dit ça un peu honteux. Mes semaines de réclusions m’empêchait d’être au courant de ce qui se passait en dehors de ma tête.

-Félicitation. The Burning Fire a beaucoup de chance de t’avoir.

Je souris. Mais ce sourire disparu tout aussi vite.

-Tu es allé dans les studios de MTI, alors. Est-ce que tu as vu Cash ?

Je me défendais d’aller voir le guitariste. Je ne pouvais pas encore lui faire face après tout ce qui s’était passé. Mais je voulais tout de même des nouvelles.

Fender mis en avant l’éventualité que mon père était peut-être content pour moi. Il était content oui, parce qu’il savait, à cause des médias, que ma vie n’était pas rose. Mais il n’était pas content du fait que j’ai réussi mon rêve. Parce qu’il a perdu, par-là, la domination qu’il avait sur William Lighter. Il savait que je ne rentrerai jamais et il savait que je ne me retenais pas à détruire son image chaque fois qu’on me posait des questions sur mon enfance.

-Content que je souffre, surement… Sinon, il doit être mécontent que je ne sois plus son souffre-douleur personnel.

Je le détestais… Et en même temps, il s’agissait de mon père. Cette foutue loyauté tendait à disparaitre au fils des années mais elle était toujours là.

Mais je retenais les paroles de Fender qui disait qu’il fallait aller de l’avant et oublier les opposants. Je retrouvai le sourire à ses mots.

-Ouais, tu as raison… Ce foutu passé ne me rattrapera pas !

Il avait essayé pendant la tournée et ça avait failli me conduire à ma perte. Je m’étais enfermé dans ma tête et des gens avaient fini par mourir.

Fender savait trouver les mots pour que je retrouve un semblant d’espoir. Et quel ne fut pas ma surprise quand elle m’avoua être membre de The Burning Fire. On était dans la même maison de disques. J’appris que Timmy l’avait choisi. Timmy était un bon manager, je regrettais parfois d’avoir Lenny et pas lui. Je savais que The Burning Fire avait eu des difficultés après le coma de Kayden et le départ de Williams. Et que beaucoup de remaniement avait été fait.

-Timmy a bien choisi. Tu es une artiste de qualité et tu as la tête sur les épaules.

Elle avait tout pour réussir. Tout pour faire de The Burning Fire un groupe encore meilleure. Je rêvais d’un membre comme elle dans mon groupe. Mais The Lightening avait déjà un guitariste.

Et c’était Cash Izbel. Tout d’un coup, je pris un air inquiet demandant si elle n’avait pas vu Cash. Elle me répondit par la négative et je soupirai.

-Ce n’est rien… Il doit être chez sa mère.

J’espérai que c’était là qu’il était… J’espérai qu’il était vivant.

-Merci, Fender. Pour le concert, pour les bières et pour tout.

Je lui souris et me levai.

-Tu veux que je te raccompagne chez toi ? Je suis venu en voiture…

Après tout ce qu’elle avait fait c’était la moindre des choses.

Fender était une femme sensible. Elle avait les bons mots et, même quand je parlais de mon passé, elle arrivait à me faire voir le bon côté des choses. Malgré tous les gens qui avaient voulu nous enterré quand on était jeune, il fallait quand même croire à ce qu’on faisait et aller de l’avant. Je souris à Fender. Elle avait raison.

J’appris que Fender était membre de The Burning Fire. C’était comme un signe. J’étais, ce soir, tombée sur une musicienne et j’apprenais, maintenant, qu’elle faisait partie de la même maison de disques que moi. Et que donc j’allais la revoir. Fender avait été choisie par Timmy. C’était un bon choix. Même si je manquais d’objectivité avec ce que j’avais vécu, ce soir, avec elle. Elle était la plus mature. Je souris.

-Oui, c’est fort possible. Il en faut toujours un pour mener la barque.

Sinon, elle voguait sans capitaine comme The Lightening.

Fender avait dû aller chez MTI quelque fois vu qu’elle était engagée là-bas. Avait-elle vu Cash. Sa réponse négative me fit soupirer. Cash était quelque part dans L.A., perdu… Tout comme j’étais perdu. On n’arrivait pas à se retrouver. Fender me conseilla d’aller le voir. J’approuvai de la tête. Mais mon cœur me disait que j’avais peur de ce que j’allais découvrir chez lui.

La nuit était belle… Mais il était temps de rentrer. Je remerciai Fender pour tout. Et je lui proposai de la raccompagner. Elle refusa poliment l’invitation. Elle n’habitait pas loin.

-D’accord.

Je souris un peu. Je la regardais un peu sans rien dire.

-Merci encore. On se verra sans doute aux studios.

Si jamais The Lightening y retournais un jour.

-Au revoir, Fender.

Je lui souris une dernière fois avant de m’en aller.