-Billy ?!

Deux grands yeux noirs me toisaient. C’était les mêmes que Cash mais en plus vif et plus doux. La mère de Cash me regardait. Elle était étonnée que je sois là sur le pas de sa porte.

-Oui ! Où est Cash ?

J’étais déterminé à voir à Cash. Le clip devait être fait ! On devait commencer le tournage ! Il ne nous manquait qu'une fille ! Il fallait préparer un casting ! Je voulais faire des concerts !

La mère de Cash était toujours étonnée. Je fronçai les sourcils. Le soleil de dehors rendant encore plus orange mes cheveux roux. Il n’y avait plus, dedans, une seule trace de blond. Les colorations c’était fini !

-Où est Cash ?! Il faut que je le vois. C’est très urgent !

La mère de Cash troqua son étonnement par un sourire et un regard doux. Elle me connaissait bien. J’avais habité un peu ici quand j’avais pas d’argent.

-Tu as bonne mine. Cash est dans sa chambre. Je suis contente que tu viennes enfin le voir, Billy. Cash en a besoin.

Je la regardai. Cash était perdu. Sa mère l’avait remarqué. Et elle était contente que je vienne. Je souris un petit peu. The Lightening allait sortir de l’ombre pour revenir à la vie.

Elle me laissa entrer dans la maison. Je me dirigeai vers la chambre de Cash. Je connaissais le chemin par cœur. Plus j’avançais, plus je mettais les pieds dans le monde de Cash. Un monde bien loin du réel auquel je m’accrochais avec hargne. Encore plus maintenant que je voulais revenir. Plus j’avançais, plus j’étais prudent. J’avais peur de me perdre moi aussi dans les méandres du monde irrationnel de Cash.

J’arrivai devant la porte de sa chambre. Je la regardai. Elle était une porte vers ailleurs. Mon regard déterminé la jaugeait. Je ne me perdrais pas !

J’entrai dans la pièce après avoir rassemblé mon courage et ma détermination. A l’intérieur, il y avait des animaux, une ambiance mystique.

Et il y avait Cash.

-Cash…

Je le regardai de mes yeux bleu-vert dont l’éclat montrait mon propre renouveau. J’avais abandonné le lithium. J’avais viré ma psy. J’avais tué le valium dont j’avais fait brûler les boites au milieu de mon salon. Je n’avais plus besoin d’artifices. J’étais un Billy en roue libre devant Cash. Mes émotions étaient erratiques… Mais elles étaient vraies.

@ Billy Lighter

J'avais vu Adriana dans le Désert. Adriana m'avait dit d'attendre.

Alors j'attendais.

Assis sur mon lit, dos au mur, vêtu d'un simple short de sport noir, j'attendais.

Le soleil se levait et se couchait, sans que je puisse compter combien de fois il le fit. A moins que ce ne soient que les nuages passant au dessus de L.A par alternance.

J'avais froid, puis j'avais chaud, j'avais faim, puis la nausée, je dormais, j'étais éveillé ou somnolent, j'étais silencieux puis en plein monologue, je tremblais puis j'étais amorphe. Mes fontions corporelles se mirent en pause, mon corps ne se nourrissant que de la nicotine issue des mégots qui emplissaient un cendrier reptilien posé à côté de moi. Dans les volutes de fumées qui montaient silencieusement vers le plafond, je voyais les fantômes des Serpents du Désert.

Privés de leur Roi, ils attendraient aussi. Tout comme le coussin posé sur mon lit attendait que quelqu'un daigne y poser son cul.

C'est la voix rauque de Billy Lighter prononçant mon nom qui brisa ce silence mystique qui avait pris ses aises dans ma chambre de Hollywood. Un dernier serpent de fumée alla lentement s'écraser au plafond avant de disparaître, je le regardai faire, la tête basculée en arrière.

Ce ne fut que lorsqu'il eut totalement disparu que je redressai la tête dans le direction de Billy. Il se tenait dans l'encadrement de la porte, les cheveux plus flamboyants que jamais. Je lui souris, les yeux mi-clos, et mes lèvres sèches se craquelèrent..

-Je t'attendais.

Je n'avais pas besoin d'un nouveau message d'Adriana pour me dire que mon attente était terminée.

-Je suis là.

Je grattai distraitement les creux meurtris par les voyages de mes coudes. Je fis signe à Billy d'approcher, sa place sur le lit l'attendait, juste en face de moi.

J'attendis patiemment qu'il pénètre totalement dans ma chambre attendant de voir s'il allait laisser la porte ouverte pour garder un pied à L.A ou s'il allait la fermer et prendre le risque de couper le cordon...

Et alors qu'il approchait, mes yeux obscurs plongèrent dans la clarté des siens.

-Je t'avais perdu derrière un mur...

@ Billy Lighter

Cash m’attendais… Je le regardais sans bouger d’un centimètre. Il m’attendait. Pourquoi m’attendait-il ? Pourquoi n’est-il pas sorti de son monde pour venir me chercher ? C’était tant de questions qui ne pouvaient que faire naitre en moi une frustration. Il avait longtemps été perdu… Comment voulait-il que je le trouve s’il restait au même endroit.

Mon regard était neutre mais montrait à Cash un bon nombre de sous-entendus, un bon nombre de questions sans réponse dont la principale était « pourquoi ? ». Il disait être là.

-Je sais.

Je le voyais et je savais qu’il était réel. Il était là, il était tangible. Il était réel. Il me faisait signe de m’assoir en face de lui. Je jetai un regard vers ses bras qu’il grattait. Un regard noir. Cash avait longtemps été dans un autre monde et la façon dont il s’y retrouvait était gravée dans le creux de ses coudes.

Je claquai la porte pour la fermé. Geste de mauvaise humeur. Beaucoup de gens étaient passés ici… Ça se sentait. Cash avait eu de la visite. Beaucoup de visites. Je me déplaçai vers le lit quand un grand frisson me parcouru. Cash disait m’avoir perdu… Derrière un mur.

-C’est faux.

Mon ton était grave. Je m’installai sur le lit face à Cash.

-Il n’y a pas de mur. Juste un rempart avec une porte.

Il n’est pas terminé, il y a des failles. Cash n’a pas dû voir la faille. Il a préféré m’abandonné.

-C’est toi qui n’était pas là. Tu étais dans un autre monde.

Ça aurait pu rester mystique, cette conversation, si mon doigt ne pointait pas, maintenant, le bras de Cash pour montrer très concrètement de quoi je parlais. Pourquoi ? Parce que je voulais rester dans le monde réelle et que les premières phrases de Cash m’en éloignaient. Mon regard était accusateur.

-Il faut que tu arrêtes ça ! Il faut qu’on commence le clip, qu’on fasse un album, qu’on reprenne la route.

La pointe de détermination réapparu.

@ Billy Lighter

Les yeux dans les yeux pour la première fois depuis bien longtemps, nous nous regardions. Je ne sursautai pas quand il claqua la porte car le bruit me vint de loin. Dans le Désert, il n'y avait pas cette violence. Il n'y avait pas de bruits brusques ou forts... Seulement la musique, la mélodie des guitares, le sifflement des serpents, le rythme de l'Aria de Howard Stone...

J'avais perdu Billy derrière un mur que je n'avais pas cherché à contourner ou escalader. Mais, quand je le dis au chanteur qui regardait maintenant mes bras marqués par les voyages à répétition, il affirma que c'était faux.

Je penchai la tête sur le côté. J'avais vu le mur.

Mais Billy avait laissé une porte.

Je secouai la tête, mes boucles de cheveux suivant le mouvement, lentement.

-C'était un piège.

Billy m'avait tendu un piège, il avait construit un mur avec une faille et il aurait fallu que je trouve la faille. Je finis par baisser les yeux quand le rouquin me reprocha d'être resté dans un autre monde.  Je murmurai.

-Je devais trouver les réponses. La réponse était d'attendre.

N'était-il pas maintenant devant moi, le cul posé sur le coussin qui lui revenait ? N'était-il pas vivant ? N'était-ce pas la chose à faire ?

-Attendre que tu casses le mur.

Je fronçai les sourcils et le regardai à nouveau.

-Moi, je reviens toujours.

Mais il voulait que j'arrête, qu'on produise le clip, qu'on reprenne la route... Qu'on reprenne les choses là où on les avait laissées. Il était déterminé, et je me sentais tiré vers le « réel » alors que nous étions dans mon antre, chez moi.

Mais Billy était plus fort.

Et la même détermination se ressentit dans ma voix. Nous étions de nouveau en pleine fusion. Je me rappelais le clip et les yeux de glace de Moriarty. Nous avions le monstre de Be Mine. Nous avions le monstre qui hantait Billy au plus profond de lui.

Mais ce n'était qu'une des deux horribles facettes de Be Mine. Il nous manquait la plus importante. Il nous manquait Savannah la traîtresse.

Mes yeux noirs percèrent Billy.

-Il nous faut la fiancée de Frankenstein.

@ Billy Lighter

Le mur n’était pas un leurre. C’était un mur incomplet, inopérant. Je ne l’avais pas terminé. Ce n’était pas un piège… Cash croyait que s’en était un. Il pensait que je l’avais piégé. Mon regard se fit plus noir.

-Non.

Le mur était une protection. Il n’était pas là pour vérifier la volonté de Cash de venir me chercher.

-Le mur n’était pas fini. C’était une protection. Pas un piège.

Cash m’attirait doucement dans son monde de chimères. Il rendait l’environnement un peu plus intangible à chaque minute. Je revins vers le réel en pointant le concret. Les marques sur le creux des coudes de Cash. Il se droguait encore et toujours. C’était pour ça qu’il n’avait pas cherché à me retrouver. Qu’il m’avait lâchement abandonné.

Il disait qu’il cherchait des réponses. Et que celle-ci était d’attendre. Je fronçai les sourcils l’accusant toujours. Attendre dans son monde n’était pas une solution. Je l’avais cherché et je ne l’avais pas trouvé. Tout ça parce qu’il attendait. Hors de ma portée. Et sans se soucier de l’angoisse que j’avais vécue depuis l’émeute.

Il disait qu’il devait attendre que je casse le mur.

-Le mur est toujours là !

Ma voix profonde envahissait la pièce. Le mur était toujours au milieu de ma chambre. Incomplet.

-Je suis passé au-dessus pour venir ici.

Il attendait. Je ne pouvais plus attendre.

Cash m’accusa à son tour. Sans m’accuser vraiment. Il disait toujours revenir.

-De moins en moins entier.

Et moi aussi sans me l’avouer. Les apparences étaient trompeuses. Ma forme actuelle était trompeuse et éphémère.

Ma détermination prenait le pas sur tout dans cette pièce. Je voulais un clip. Je voulais un album. Je voulais une tournée. Je voulais tout. Et je m’en croyais capable. Invincible. Intouchable. Puissant. Ne faisant qu’un avec tout mon être autrefois divisé en milliers de morceaux inégaux. Je soutenais le regard noir profond de Cash. Une couleur unique qui dénotait avec toutes les variations de couleurs que proposaient mes yeux bleu-vert. Et il disait qu’il nous fallait la fille. C’est du clip qu’il parlait. J’approuvai de la tête.

-Il faut qu’on fasse un casting. Qu’on mette des annonces partout. Il nous faut la fille parfaite pour le rôle. Actrice ou non, il nous faut du réel ! Du tangible. Quelqu’un qui vivra le rôle jusqu’au bout ! Il faut que tout soit parfait !

La perfection. Quelqu’un qui pourra montrer toutes ces émotions. Qui pourra jouer Savannah à la perfection. Je soutenais toujours le regard de Cash.

-Après on fera un album ! Mais pour ça, tu dois arrêter ! Tu sais ce qui es arrivé la dernière fois.

Je le transperçais du regard.

@ Billy Lighter

Billy avait refermé la porte de la chambre derrière lui, se mettant à ma merci. J'imaginais des anneaux mentaux l'encercler lentement alors qu'une conversation à plusieurs niveaux s'établissait entre nous. La première depuis un très long moment.

Nous parlions d'attente, d'un mur que Billy avait érigé, de piège et de protection. Ce qu'il voyait, je le voyais différemment et vice versa. Je croyais qu'il avait cassé le mur, mais le mur était toujours là. Et sa voix avait fait trembler ceux de ma chambre lors de cette révélation alors que mes yeux s'étaient ouverts plus grands pour affronter les siens.

Il avait désigné mes bras marqués par les voyages avec un air de dégoût et de colère. Mais lui n'avait pas cassé le mur. Il n'était que passé par dessus.

Il avait son mur, moi, j'avais mon Désert.

Il nous avait brusquement remontés à la surface alors que j'avais essayé de l'enfoncer dans quelque chose de plus mystique.

Et il m'accusait de revenir toujours de moins en moins entier.

Je ne disais rien, je le regardais, le laissais faire, le laissais parler de casting, de fille et de perfection. De la réalité tangible et de la perfection. Sauf que réalité et perfection étaient incompatibles.

Mais s'il voulait du réel. J'allais lui donner du réel.

Je haussai les épaules.

-J'ai l'héroïne. Tu as le lithium.

Si le sable du Désert était fait d'héroïne, le mur de Billy était fait de briques de lithium. Je le lui avais dit sans détour, sans recours au mysticisme. Sa réalité, je l'avais prise, roulée en boule, et jetée à la tronche, histoire de voir ce que ça lui faisait.

Et l'une comme l'autre substance, si elles nous rassuraient, nous éloignaient.

Il voulait que j'arrête, remettant sur le tapis mon dernier flirt avec la Mort.

Son regard me transperçait, le mien l'engloutissait.

Mais à nouveau, nous ne faisions qu'un.

-Alors, faut qu'on crée.

Parce que nous étions des Dieux. Et que des Dieux se devaient de créer pour sublimer cette réalité imparfaite.

Sans quoi, nous n'étions rien.

@ Billy Lighter

J’essayais de ramener le sanctuaire de Cash dans la réalité tangible. Je lui parlais concrètement de casting. De la fille qu’il nous fallait sans lui parler de ma favorite. De la gagnante.

J’accusai Cash du doigt et du regard en montrant les marques qui témoignait de sa prise de drogue. Et si je restais dans la figuré sans nommé précisément l’héroïne. Cash revint soudainement dans mon réel pour le rendre plus concret. Trop concret… Je ne voulais pas parlé du lithium. J’avais jeté le lithium.

-Le lithium n’est plus.

Je voulais vivre dans le réel. Pas le laisser me contrôler… Tout comme j’avais peur des chemins flous du mysticisme, de l’intangible. Je voulais des limites claires mais pas étouffantes. Et Cash présentait les choses de manière brusque… Irréfutable.

Je voulais qu’il arrête l’héroïne comme j’avais arrêté le lithium. Je le regardais forçant mon regard à être fort. Plus fort que celui de Cash. Et, dans cette tentative, le vert-bleu de mes yeux et le noir des siens ne firent plus qu’un. Donnant une couleur indéterminé. La couleur The Lightening.

Il fallait qu’on crée pour que les artifices avec lesquels on s’entouraient disparaissent. J’approuvai Cash d’un signe de tête. On était à nouveau synchronisé.

-Oui. Il le faut.

Et j’avais envie de créer. De revivre au travers de nos créations. D’être ce que j’étais le mieux : une rockstar.

-Demain. On écrira le script du clip.

Et les jours suivants, on le fera naitre.

Et The Lightening renaitra.

@ Billy Lighter