Mon appartement était situé dans une rue riche de Los Angeles. Il s’agissait d’un immense appartement quatres pièces. Le salon était la pièce la plus grande avec un fauteuil en cuir où on aurait pu mettre huit personnes. La cuisine était équipée, mais elle me servait à peine. Je ne savais quasi rien faire, je n’avais jamais été un as en cuisine. Je commandais, la plupart du temps, des pizzas. Ou je demandais à une de mes connaissances de m’apporter quelque chose à manger. Les deux pièces clés étaient la chambre et la salle de bain. Ma chambre disposait d’un lit deux personnes, la lumière y était tamisée et la seule fenêtre ne laissait passer aucune lumière étant donné la tenture noire qui la recouvrait. Cette chambre menait à la salle de bain. Cette dernière était digne d’un grand hôtel de luxe.

Après ma sortie avec Eddy, j’avais passé mes journées reclus dans mon appart’ où je dormais la plupart du temps à coup de valium. Mon répondeur était rempli de messages divers, mais je ne les avais pas encore écoutés.

J’étais affalé dans mon divan. J’avais tiré les tentures de toutes les fenêtres et ma seule source de lumière venait du lampadaire de mon salon. Cela faisait maintenant quatre jours que je n’avais plus allumés autre chose. Je me faisais livrer des pizzas tous les jours et le seul être humain avec qui j’avais des contacts était mon livreur. Je n’avais pas même allumé ma télévision. J’étais totalement coupé du monde. Pourquoi ? Je voulais la paix, je voulais du repos et être loin des exigences qu’on me demandait tous les jours. Je savais que cette réclusion ne pourrait pas durer et que, bientôt, les gars de ma maison de disques allaient défoncer ma porte afin de me sortir d’ici.

C’est alors que je disposais de manière millimétrée mes divers médicaments sur la table, que je pris conscience de cette alternative. Ils allaient me sortir d’ici c’était claire. Je me levais alors, lentement, et allait pousser sur le bouton du répondeur afin de le laisser débiter les messages. Il y en avait 48. La plupart étaient de Lenny. Il était inquiet, je pouvais l’entendre dans sa voix. Mais pas inquiet pour moi, inquiet pour l’album qui n’avançait pas. Seul deux messages sortirent du lot… Deux de Cash. Sur le premier, qui datait de deux jours, il me demandait où on pourrait se voir pour préparer l’album. Sur le second, récent de trois heures, il me demandait si j’allais bien. Ils sortaient du lot parce que Cash avait cette étrange manière de parler qui se voulait conciliante. Il ne voulait pas me froisser, pas me brusquer. Et c’était ça que j’aimais chez lui. Mais aussi que je détestais. Ca avait toujours été comme ça.

Quand mon répondeur eut finit de débiter ses messages je le débranchai et l’envoyai s’éclater contre le mur. Qu’ils aillent tous se faire foutre ! Je voulais la paix ! Le répondeur avait volé par-dessus la table basse et avait envoyé toutes les pilules, que j’avais précautionneusement placées sur la table, au sol. Je fus alors pris de panique et les ramassais sur le champ pour les remettre au même endroit.

Je tremblai et j’allumai donc une cigarette. C’est là que j’entendis le bruit que je ne voulais pas entendre : quelqu’un frappait à la porte de mon appartement…

J'avais téléphoné deux fois à Billy depuis le studio de MTI... Une première fois il y avait trois jours. Pas de réponse... Puis aujourd'hui... Je savais que Billy avait besoin de repos... Moi-même, j'étais resté cloîtré quelques jours chez ma copine du moment parce que j'avais choppé la "grippe". C'était normal après cette tournée où j'avais pas arrêté de me shooter. Mais j'avais le don de me désintoxiquer tout seul, temporairement, si je le voulais vraiment.

Et c'était ce que j'avais fait parce que si Lenny voulait ce nouvel album, je le voulais autant que lui. Pendant la tournée, j'avais été pris d'une activité créatrice hors du commun. La route, les lives, le public, tout ça m'inspirait et j'avais créé un tas de nouvelles mélodies que j'étais impatient de faire écouter à Billy. Parce que souvent c'était comme ça... Je jouais un truc à la con et ça provoquait un déclic chez mon pote. Parfois, ça prenait plus de temps, ou il fallait qu'il lui arrive la connerie qui allait le révolter à mort.

Pas que j'aimais quand il lui arrivait des merdes, loin de là. J'aimais beaucoup trop Billy pour souhaiter qu'il lui arrive du mal. Mais parfois, il donnait l'impression d'être un attire-merdes. En fait, c'était plutôt qu'il vivait des petites choses beaucoup plus mal que nous, comme le fait de se faire plaquer ou d'être critiqué dans la presse. Mais nous, on avait un moyen d'y échapper: l'héro.

Sauf que là, j'étais clean depuis deux semaines. Ok, je buvais et je fumais, mais sans plus. Et c'était ce qui me rendais si nerveux: j'avais dépasser le manque primaire, mais maintenant, il fallait absolument que je reste occupé, parce que dès que j'allais commencer à m'ennuyer, j'allais replonger et sortir à nouveau avec les gens qui me tenteraient parce qu'ils en prenaient.

Pour ça, il fallait que je secoue Billy... Enfin... Secouer était peut-être un grand mot. J'avais trop peur de ses réactions, pas toujours prévisibles, pour réellement le secouer. Et je ne voulais pas le brusquer. Il avait déjà sauté hors de ma bagnole une fois parce que j'avais pas mis la cassette qu'il voulais alors que je roulais à 50km/h... Aucune envie de revivre un truc dans le genre. Parce qu'après ça, il avait disparu pendant trois jours!

Alors j'étais parti de chez MTI à pieds et m'était rendu jusque chez lui... Arrivé devant l'immeuble qu'il occupait, j'eus un pincement au coeur. J'avais la nostalgie de notre vieux hangar qu'on louait pour presque rien et qu'on avait transformé en studio-dortoir avec les autres... On était un peu les uns sur les autres, mais qu'est-ce qu'on s'était marrés. J'avais l'impression que c'était il y avait des années... Et pourtant, ça faisait quoi? Un an?

Je montai les escaliers, pas trop vite parce que je m'essoufflais déjà... J'avais du mal à croire que la clope me faisait déjà cet effet-là. Et rien que de penser à une clope, j'en allumai une tout en continuant à monter. C'est le gros "boum!" que j'entendis quand je fus à proximité de la porte qui me fit frapper directement. Sans quoi j'aurais probablement encore hésité un peu...

Mais c'est lui qui hésitait à m'ouvrir apparemment. Je parlai, ma cigarette pendant de ma bouche.

-Hey! Bill! C'est Cash... Allez, ouvre-moi, s'il te plait...

Même si j'étais pas shooté du tout,n ma voix erraillée, pas mélodieuse du tout, donnait l'impression que j'étais à l'ouest. Mais c'était naturel chez moi... Du coup, mes parents et mes amis, dont Billy avaient eu du mal à se rendre compte au début que j'étais sous l'influence de l'héro... Et maintenant c'était l'inverse... Tout le monde croyait que j'y étais alors que j'y étais pas... Seuls mes yeux, pas trop injectés de sang, pouvaient prouver que j'étais pas shooté, mais j'avais constamment mes cheveux devant...

Je frappai encore une fois...

-Alleeez! Bill!! Je m'inquiète et j'aimerais te montrer des trucs...

J'avais pris des cassettes avec moi,n des morceaux que j'avais déjà pris la peine d'enregistrer chez MTI... Et je ne m'en rendais pas compte, mais Lenny comptais sur moi pour sortir Billy de son trou... Et c'était pour ça qu'il m'avait donner le feu vert pour les enregistrements.

Non Billy, ne vas pas ouvrir la porte ! Car je ne le voulais pas… Même pas du tout ! Je fumais ma cigarette tout en regardant attentivement mes pilules disposées sur la table. Je les bougeais du bout du doigt afin de les aligner parfaitement.

C’est la que j’entendis la voix de Cash. C’était lui qui était derrière la porte. Il voulait que j’ouvre. Pas question ! Je restais toujours silencieux afin qu’il croit que je sois mort et qu’il s’en aille. Même si je savais très bien que s’il croyait cela il allait appeler absolument tout le monde.

Il m’avoua s’inquiéter. Il voulait me montrer des trucs. Je sentais bien dans sa voix son inquiétude et cela me poussa à me lever. Et la seule question qui me traversa l’esprit était : est-il shooté ? Car, si c’était le cas, j’aurais vite fait de le mettre dehors.

Je marchai jusqu’à la porte et enlevai les verrous avant d’entre-ouvrir la porte. C’était un réflexe, je voulais vérifier s’il s’agissait bien de Cash. Quand je m’en fus assuré je le laissai entrer et referma la porte en prenant bien soin de remettre chaque verrou.

Il pouvait désormais découvrir là où j’avais vécu ses derniers jours. Dans la cuisine, les carton de pizza étaient dispersées n’importe comment sur la table, alors que les canettes de coca était disposées l’une à côté de l’autre à égale distance à côté de l’évier. Au salon, c’était pareille, les disques vinyles étaient en pagaille à côté de la platine alors que mes pilules étaient alignées méticuleusement sur le table basse.

J’élevai enfin la voix. Je n’avais plus parlé depuis quatre jours et ma voix était plus rauque que d’habitude.

-Qu’est-ce que tu veux ?

Je m’installai sur le fauteuil et l’invitai à s’assoir.

-C’est Lenny qui t’envoie ?

Souvent, Lenny utilisait Cash à son insu afin de venir me sortir de situation semblable à celle-ci. Lenny était peut-être stressé, mais il connaissait pas mal de techniques et, souvent, elles marchaient.

Les cheveux devant les yeux de Cash m’empêchaient de voir si ce dernier était shooté. Et ça m’ennuyait un peu de pas savoir. Alors je décidais d’être direct.

-T’es shooté Cash ?

Je parlai lentement, comme si je venais de me lever après une cuite. Les débris du répondeur jonchaient toujours le sol non loin de Cash.

Je fumais nerveusement ma cigarette alors qu'aucune réponse ne venait de l'intérieur. Ce suspens était insoutenable et j'étais déjà près à courir jusqu'à la cabine téléponique en bas de la rue pour appeler une ambulance et Lenny... Car Lenny, dans tout ce bordel, était mon seul repère.

Finalement, après quelques minutes, le front appuyé contre la porte, les yeux fermés parce que je manquais d'heures de sommeil, j'entendis des bruits derrière la porte. Des verrous qu'on enlève. Billy s'était vraiment barricadé là-dedans et j'étais content qu'il m'ouvre à moi, même s'il avait hésité. Il vérifia d'abord que c'était bien moi avant de me laisser entrer.

Je me retrouvai nez à nez avec lui, mais il ne me dit d'abord rien. Même pas "Salut mec, ça va?"... Non, rien... Je ne fis pas attention au bordel ambiant... Après tout, là où je vivais, c'était pire. Mais mon regard fut attiré par les pilules sur la table. Billy était en traîtement continu... Et avec la vie qu'il avait eue, je pouvais comprendre. Mais ce qui m'inquiétait un peu plus, c'était leur alignement parfait qui faisait écho au canettes de coca un peu plus loin. Ca, c'était pas spécialement bon signe. Soit tu rengeais tout, soit que dalle.

-Billy, ça va?

Mais comme réponse, je n'eus droit qu'à une autre question.

-Qu'est-ce que je fous-là?! Ca fait combien de temps que t'es enfermé ici?! Y a des gens qui tiennent à toi dehors! On sait même pas t'avoir au téléphone! Et non, c'est pas Lenny qui m'envoie!

Je m'énervais sans vraiment m'énerver. Je disais les choses clairement, mais sur un ton doux pour ne pas le heurter. En gros, sans m'en rendre compte, mon discours était aussi contrasté que le bordel dans cet appart de luxe. Les cheveux devant mes yeux m'empêchaient de vraiment regarder Billy dans les yeux... Et c'était pas plus mal. De toute façon, j'étais sûr qu'il aurait éviter mon regard.

Je remarquai le répondeur éclaté à terre. Ah ouais... Tu m'étonnes qu'on savait pas l'appeler.Je me penchais, ramassai le cadavre de la machine et m'assit sur le fauteuil, essayant de le faire marcher, en vain. Puis vint la question inévitable de Billy, comme si c'était moi qui était en tort dans cette histoire.

-Quoi?! Mais non! Pas depuis qu'on est rentré de tournée. Je me suis désintoxiqué. Et puis je me suis tenu occupé, j'ai fais des interviews, j'ai joué avec les autres, je suis allé voir mes parents et j'ai fait quelques enregistrements...

Je sortis les cassettes de la poche intérieur de ma veste en cuir et les posai sur les cuisse de Billy.

Je ne répondis pas au « ça va ? » de Cash. Tout simplement parce que je ne savais pas si ça allait. Je m’étais reposé, sans vraiment me reposer pendant plusieurs jours. Mais est-ce que cela me permettait d’aller mieux ? Je n’en étais pas totalement sûr. Et puis, je n’aimais pas répondre aux questions. C’était la raison pour laquelle j’anticipai en en posant moi-même plusieurs d’affilées.

La voix de Cash s’éleva alors. Cash avait cette faculté bizarre que le ton de sa voix ne reflète absolument pas les paroles. C’était clair, par le poids de ses mots, qu’il était énervé et inquiétait. Et pourtant, le ton de sa voix restait plutôt calme. Il m’en voulait de ne pas avoir donné de nouvelles et pour l’inquiétude que je provoquais autour de moi. Je détournai mon regard de celui de Cash et fixai les pilules sur la table basse. Je n’aimais pas que Cash m’en veuille. Si j’avais eu un magasine sous la main je l’aurais probablement utilisé pour me cacher derrière.

Je ne dis rien. Je n’osais pas parler tout de suite. Comme si j’étais devant un juge et que je préparais la meilleure des phrases pour éviter la peine de mort.

Cash se leva et ramassa les débris du répondeur avant de reprendre sa place initiale. Moi, je regardais toujours ces fichues pilules. Et, au lieu de répondre à tous ces reproches je lui posai une question. Encore une fois. Il m’avoua être désintoxiqué et, aussi, qu’il avait bouloté pendant que je me « reposais ». Il sortit d’ailleurs, de sa poche, le fruit de son travail. Je regardais fixement les cassettes qu’il avait posées sur mes cuisses. Je levai alors le regard vers Cash.

-T’es désintoxiqué ? C’est cool !

J’avais dit cela sans vraiment d’émotions. Et je me doutais bien qu’il avait encore fait cela tout seul dans son coin. Car, lui comme moi étions des solitaires finis.

-Je suis désolé mais… Fallait que je me repose… Fallait que je me coupe de tout…

Mais j’avais cruellement besoin d’aide mais j’étais incapable de me l’avouer à moi-même. Je me levais et allai mettre l’une des cassettes dans mon lecteur et poussai sur « play ». Je disposais les autres les unes à côté des autres à égales distance juste à côté du lecteur cassettes. J’allais ensuite m’avoir, à nouveau, dans le divan.

-Lenny ne pense qu’à ce disque… La presse, les fans, et vous aussi. Mais la tournée viens de finir et elle a pas été simple. D’ailleurs, rien n’est simple… Je voulais me laisser le temps. Penser à autre chose…

Mais, même ici, tout seul, je n’avais fait que penser à cela. Seul le vallum me permettait le repos.

J’écoutais les riffs de Cash et ils m’inspirèrent instantanément. Je fermai les yeux et me mis à marmonner quelques paroles de ma voix grave. Les paroles reflétaient souvent ce que j’étais entrain de vivre et mes frustrations les plus profonde. Ici, mes paroles parlaient de réclusion, de pression et de dépression. Sans le savoir, j’étais entrain de raconter à Cash ce que je n’osais pas dire avec des mots. C’est comme si ses riffs étaient ses questions et que mes paroles marmonnées à cette instant était mes réponses.

Je reposai le répondeur complètement H.S. par terre... Pas grave... J'avais bien fait passer la télé d'un hôtel par la fenêtre moi... Alors un peu de casse ne me choquait pas vraiment. Par contre Lenny... Enfin soit... Billy dit que c'était cool que je sois désintoxiqué mais j'étais pas sûr qu'il me croyait vraiment... Et quelque part, je ne pouvais pas lui en vouloir? Combien de temps j'allais rester clean avec les potes que j'avais? La tentation serait toujours là et il suffirait d'un peu de tension entre Billy et moi, d'un peu de pression ou d'un peu d'ennui et je serais de nouveau foutu.

Nos convesation devaient sembler bizarres vues de l'extérieur. Parce qu'on parlait très calement avec des voix qui pouvaient faire penser qu'on était un peu dans le gaz... Ce qui était le cas pour moi, j'étais naturellement dans le gaz. Et pourtant, il y avait un tas d'émotions sous-jacentes et contradictoires. On avait un profond respect l'un pour l'autre, une affection presque à toutes épreuves, mais on haïssait nos addictions respectives.

Mais la tension s'estompa instantanément quand Billy s'excusa de s'être reclu... Ok, je lui fis signe que c'était bon comme ça. Et j'étais encore assez naïf pour penser que du coup, ce serait la dernière fois.

-Je sais qu'on ne pense qu'à ça, mais pour différente raison. J'en ai rien à foutre des thunes ou de la pression que MTI nous met comme Lenny... Et que les fans veuille un nouvel album, je vois ça comme un compliment. Mais je veux surtout faire cet album parce que j'ai encore un tas de trucs que je peux exprimer à coup de riffs...

Alors que je parlais, Billy glissait la cassette dans son lecteur... Et j'entendis ma guitare, sans l'avoir en main, ça me faisait chaque fois bizarre, comme si j'avais été sortit de mon corps et que je me voyais de l'extérieur... Et quand Billy se mit à marmonner des lyrics improvisés, j'eus l'impression d'être à deux doigts de le comprendre, sans pour autant pouvoir vraiment attrapper ces réponses au vol.

Je laissai même tête tomber en arrière et fermai les yeux, écoutant. La voix de Billy, ce qu'il disait, mais surtout le son qu'elle produisait, faisait battre mon coeur plus vite... Et j'étais sûr que Billy ne pourrait pas créer d'aussi belle chose, ni les dire de cette façon, s'il n'était pas lui-même. Tourmenté sans trop savoir pourquoi.

Les premiers riffs, imparfaits, saccadés, diamants brutes d'une chanson qui peut-être, allait naître après une longue et difficile gestation, arrivèrent à leur fin, mais je restai là, les yeux fermés encore quelques minutes et je pensais bien que Billy faisait la même chose. Puis je finis par ouvrir les yeux et regarder Billy en souriant.

-Je crois qu'on a encore un tas de choses à dire, Billy... Et ça fait du bien de le faire sortir, non?

Cash était du genre à excuser tout ce que je faisais. J’aurais tué quelqu’un il m’excuserait sans trop réfléchir. Je ne voyais pas en lui un suiveur car il était loin de l’être. C’était plutôt la peur de ma confronter qu’il avait. Comme s’il croyait que s’il me froissait le monde autour de nous allait s’écrouler. Et, quelque part, sa réaction était compréhensible vu certaine de mes réactions. Je ne pouvais donc pas le blâmer pour ça.

Il m’expliqua alors ce qui le poussait à tant vouloir cet album. C’est parce que c’était son moyen à lui de s’exprimer. En dehors de cela, Cash parlait peu. Sa guitare était son seul moyen de montrer ses émotions et de les exprimer de la manière la plus juste qu’il soit. Tout comme mes lyrics et mon chant me permettait d’évacuer toutes mes émotions négatives comme positives.

J’approuvais donc de la tête pour lui dire que je suivais. Le disque allait sortir, il fallait juste le temps…

J’écoutais Cash tout en mettant la cassette dans le lecteur. Et quand la musique s’éleva et que j’envoyais des lyrics improvisé au vol, Cash écouta attentivement. C’était, quelque part, un moment de bien être pour tout les deux. Notre conversation continuait à coup de riff préenregistré et de parole faite au vol.

Et quand ce fut finit, nous ouvrîmes les yeux en même temps et il me confirma qu’on avait encore beaucoup à dire.

-Ouais, c’est claire… Je veux cet album autant que vous, mais je ne veux juste pas qu’il soit fait à la va-vite. Lenny, lui, il aimerait que ça sorte tout de suite mais je déteste le travail bâclé !

Je sortis mon paquet de cigarette et en proposai une à Cash. Je le regardais droit dans les yeux.

-Comment t’as fait pour décrocher ?

Je me couchai dans la divan tout en fumant ma clope et en attendant la réponse de Cash.

Billy ne voulait pas faire ça à la va-vite, il voulait un album de qualité. Parfait, comme d'habitude. Ce qu'il ne voyait pas, c'était que tout le monde voulais la même chose et que la pression qu'il ressentait, il se la mettait tout seul. Lenny n'avait encore rien demandé, il n'y avait pas de deadline. Tout ce que MTI voulait, c'était être sûr qu'on allait s'y remettre, ce dont pour moi, il n'y avait aucun doute.

-Tu sais, au point où on en est, Lenny n'a plus rien à dire, c'est nous qui décidons.

Je rigolai...

-Avec le succès qu'on a maintenant, c'est plus MTI qui peut nous virer, c'est nous qui pouvons virer MTI...

J'essayais de le rassurer en gros, caricaturant légèrement la situation... Billy s'allongea sur le divan, et je posai mes boots sur la table basse, tendis que les pieds de Billy étaient posés sur mes cuisses. Il me proposa une cigarette que j'acceptai et allumai en même temps que lui. Il me demanda calmement comment je m'étais désintoxiqué...

-La bonne vieille méthode, vieux... Je suis resté enfermé chez Diana, en disant que j'avais une grippe, à supporter le manque... J'en suis ressorti que quand j'ai eu fini de gerber tout le temps pour enregistrer ces cassettes.

Je désignai les cassettes alignées soigneusement, trop soigneusement, sur la table à côté des médocs de Billy...

-Et toi, t'as foutu quoi à part bouffer des pizzas, boire du coca et faire des jeux de construction ou de déconstruction...

Pour illustré mon dernier mot, je désignai le répondeur que j'avais posé à terre.

-C'est chiant quand je peux pas te joindre... Bientôt faudra que je t'appelles comme les gens lambdas si j'ai une question: quand tu passes à la radio...

On faisait pas mal d'interviews, mais bizarrement, on en faisait énormément séparément.

Sa réflexion sur Lenny était très vraie et je rigolai en même temps que lui à sa réflexion. J’avais pensé plus d’une fois à virer Lenny, mais jamais je n’en étais venu à le faire. Car sans manager on serait probablement toujours entrain de chercher des petits boulots dans les rues malfamées de L.A.

-Ouais, virer le MTI… Ce serait drôle.

Je rigolai toujours. Je posais mes pieds sur les cuisses de Cash et regardai le plafond. Il était d’une couleur neutre et c’était assez apaisant. J’arrêtai de rire quand il m’expliqua comment il s’était désintoxiqué. En fait, il le faisait toujours comme ça. Mais ces périodes où il était plus ou moins clean n’étaient jamais très longues. Il finissait toujours par replonger… Je fis non de la tête tellement je désapprouvais cette méthode. C’était efficace sur le coup mais pas assez pour tenir sur la durée.

Toutefois, je n’entrai pas plus loin dans le sujet « drogue ». Car je savais très bien qu’il mettait des tensions énormes entre nous. Le pire, c’était que cela n’éclatait jamais… Dans la plupart des cas, une bonne grosse dispute suffisait à remettre tout bien en place. Mais, entre Cash et moi, il n’y avait jamais de disputes… Juste des silences éloquent. Comme un ballon gonflable qui grossit mais n’explose jamais…

On passa donc de son addiction à mes sales habitudes. Comme si il se vengeait en me posant une autre question. Je mis une de mes mains derrière ma tête.

-Je n’ai fais que ça… J’ai réfléchis, j’ai dormis et c’est tout… Et je ne voulais pas qu’on me téléphone, un point c’est tout !

Je n’avais pas haussé le ton loin de là.

-Si vous aviez besoin de me parler il fallait sonner à ma porte.

En fait, je n’étais pas bien sûr que j’aurais ouvert si quelqu’un était venu.

-Enfin sauf si je dormais... Je ne serais pas venu ouvrir si je dormais.

Je ne voulais pas changer de position. J’étais trop bien mis. Je fumai ma cigarette lentement.

-Et les autres… Ils vont comment ?

Mine de rien, je m’inquiétais beaucoup pour les membres de mon groupe. C’était la seule famille que j’avais après tout.

J'adorais voir Billy rigoler, même si c'était pour se foutre de la gueule de MTI... Au moins, il montrait une émotion légèrement positive... Et j'étais fier que ce soit moi qui soit arriver à le faire rigoler. Je souris. Mais il perdit bien vite cette expression quand on parla de la façon dont je m'étais désintoxiqué. Il n'était pas d'accord avec cette méthode et je ne comprenais pas pourquoi! Elle marchait pourtant cette putain de méthode! Le problème n'était pas là: le problème, c'était qu'il fallait que je reste occupé, que j'aie un objectif, mais The Lightening ne travaillait pas de façon régulière... Et j'allais pas être hypocrite: j'y étais pour quelque chose aussi: j'avais pas une capacité de concentration très développée.

Du coup, on finissait toujours par passer nos soirées et nos nuits à picoler dans les clubs, avec des dealers de tous poils nous tournant autour. Et c'était comme ça que je replongeais, ne pouvant pas résister à la tentation... Et la journée, on récupérait... Ce qui faisait qu'on produisait peu au final, même si notre imagination, elle, battait son plein.

Mais je n'ajoutai rien. Si Billy lâchait l'affaire, j'allais pas rajouter de l'huile sur le feu. Par contre, je lui renvoyai une autre question, plus pour lui montrer que j'étais pas le seul à agir comme un con. Je savais pertinemment ce qu'il avait fait ici: rien. Dormir. Ce mec était le type qui dormait le plus au monde pour moi.

Je haussai les épaules. Comme lui avec moi, j'allais lâcher l'affaire... Laisser couler... Pour le moment... Mais combien de temps on allait tenir comme ça?

Et puis tant qu'à faire, ben on allait parler des autres et nous laisser en dehors de notre propre champ de bataille.

-Les autres vont bien... On a quelques lignes de basses intéressantes et ils sont hyper motivés pour le nouvel album! En gros, on attend plus que tu sois prêt.

Je souris...

-Mais en attendant...

Je me levai, éjectant les pieds de Billy et allai jusqu'au frigo. Je crevais de faim... Maintenant que j'étais plus ou moins clean, mojn appétit revenait à mort et j'avais du mal à gérer comment me nourrir. J'attrapai une bombe de crème fraîche et la retournai dans ma bouche avant de revenir fièrement vers le fauteuil. Une fois arrivé au niveau de Billy, je visai sa bouche avec la bombe, attendant qu'il l'ouvre, mais quand il le fit, je lui en mis partout sauf dans la bouche, exprès, en rigolant... J'avais envie d'amuser Billy et au fond de moi, je croisais les doigts pour qu'il soit de bonne humeur. Sinon j'allais me faire dégommer...

Cash ne creusa pas l’affaire de « qu’est-ce que tu as foutu ici pendant tout ce temps ». Tant mieux… De toute façon, il n’y avait rien à creuser, je n’avais strictement rien fait ! Je ne parlai plus de drogue et il ne parla plus de mes fichus habitudes. On était comme ça… C’était la meilleure manière d’éviter des disputes.

On parla donc des autres. Meilleur manière de ne plus parler de nous. Ils allaient bien et étaient motivés à faire cette album. Ils n’attendaient plus que moi. J’esquissai un sourire. Tant mieux s’ils allaient bien, c’était tout ce qui comptait après tout.

Je voulais rester dans cette position mais Cash en décida autrement et se leva, éjectant au passage mes pieds de ses cuisses. Je fis une moue ennuyée. J’étais bien mis et ce type venait de modifier toute ma position.

-Cash…

J’avais dit son nom avec assez de reproches. Pourquoi, merde, c’était-il levé ? Il alla jusqu’au frigo et j’écrasai ma cigarette dans un cendrier qu’il y avait sur la table base à côté des médocs. Je me remis ensuite couché les bras croisé dernière ma tête. Cash revint avec une bombe de crème fraîche. Ce type avait fin et il bouffait de la crème fraîche. En même temps… Il ne devait pas il y avoir grand-chose d’autre dans ce foutu frigo.

Cash visait ma bouche avec la bombe et je voyais où il voulait en venir. Il semblait tout fier de lui. J’ouvris la bouche et il m’en foutu partout sauf là. J’étais plein de crème fraiche, maintenant, j’en avais même dans les cheveux ! Je fixais Cash avec un regard neutre mais pesant. Des longues secondes passèrent sans que, ni moi, ni le métisse ne prononcions un seul mot. Il me semblait de moins en moins à l’aise et c’est là que j’esquissais un sourire ironique et que je me levai afin de lui prendre la bombe des mains et lui en foutre plein des cheveux. Je rigolai.

-Bien fait pour toi !

Dans l’élan de l’action, j’allai mettre un vinyle et le fit tourner. C’était Queen. Je mis le son à fond avant de monter debout sur le divan et de vider le rester de crème fraiche sur Cash.

-Vas-y ! Trouves mieux !

Je souriais. J’allais gagner cette bataille de bouffe !

Billy n'avait pas apprécié que je le bouge, et en plus, maintenant, il avait plein de crème fraîche jusque dans ses cheveux roux! J'allais en prendre pour mon grade, aucun doute. Et j'en étais de plus en plus persuadé à mesure que de lourdes secondes passaient. Le regard neutre de Billy pouvait vouloir dire un tas de choses... Mais rien de bon pour moi.

Je fus quand même un rien soulagé quand Billy sourit, même si c'était un sourire extrêmement sadique. Au moins, il ne l'avait pas mal pris. Il se leva, me pris la bombe des mains et m'en mit partout avant d'aller mettre un vynile. Oh yeah Queen! On était bien partit pouyr s'éclater et ça nous ferait le plus grand bien simplement de s'amuser comme des gosses.

-Attend! Tu vas voir!

Il sauta debout sur le divan et je le rejoignis! Gosh! C'est maintenant que j'aurais du avoir ma guitare! Aucun doute qu'on aurait pu produire un truc totalement naturellement, comme au tout début! Mais je ne l'avais pas avec moi... Je regardai autour de moi, cherchant désepérément une guitare... Et on avait Death On Two Legs qui débitait à fond! A la place, je me dirigeai vers la cuisine et ouvrit le frigo.

-Y a plus de bouffe dans ton frigo!

Pas grave, il restait des canettes de coca. Ah il voulait jouer à ce jeu-là! Ben on allait jouer alors! J'ouvris la canette, bu un coup et revins sauter sur le fauteuil du salon... En revenant, je repérai une guitare acoustique dans un coin du salon. Ce serait pour plus tard d'abord, je devais me venger de la vengeance de Billy. Je sentais mon estomac rempli de crème fraîche et de coca qui n'était pas vraiment d'accord avec ce mélange, mais j'avais tellement l'habitude de faire pire que j'avais appris à faire abstration des signaux d'alarme que m'envoyaient mon corps. Et quand j'eus bu la moitié de la canette de coca en sautant, je versai le reste sur les cheveux déjà bien arrangés de Billy... En "chantant":

"Kill joy, Bad guy,
Big talking, Small fry
You're just an old barrow - boy
Have you found a new toy to replace me,
Can you face me -

But now you can kiss my ass goodbye"

Ok, c'était pas super sympa comme lyrics... Mais ça pouvais nous représenter l'un comme l'autre finalement... Quand la chanson fut finie, je fis une dernier saut pour me retrouver assis dans le fauteuil, essoufflé. Je ne me rendais même pas compte que je me fatiguais beaucoup plus vite.

Cash m’avait rejoint sur le divan. Il regardait partout à la recherche de je ne savais quoi. Cela faisait bien longtemps qu’on n’avait plus écouté de disques ensemble. Pendant toute la tournée, on était chacun resté dans notre coin. Lui a se droguer et à déconner avec les autres. Moi à essayer de pouvoir monter sur scène à chaque concert en oubliant tous mes démons. En gros, on avait plus décompressé depuis très longtemps.

Je m’étais mis à sauter sur le divan, alors que Cash m’affirma qu’il n’y avait plus de bouffe dans le frigo.

-Ouais je sais ! Je me fais livrer des pizzas tout les jours !

J’avais dit cela avec un grand sourire. Pour moi, c’était tout à fait normal d’avoir agit ainsi pendant quatre jours. Et puis, il y avait tout dans les pizzas. Tout pour vivre des années !
Il revint avec une canette de coca. Ben ouais, à part le crème fraiche qui était désormais vide, il ne restait plus que ça. J’étais toujours sur le divan à sauter et à chanter les paroles de la chanson de Queen. Cash me rejoignit et finit par me renversé le reste de sa canette sur la tête tout en « chantant » à son tour. La chanson fit à ce moment là et Cash arrêta de sauter et s’assis dans le divan. Je le fixais droit dans les yeux, le coca dégoulinant le long de mon visage. Je m’installai à côté de lui.

-Le coca ça colle, mec ! Je vais prendre une plombe à laver mes cheveux…

Toutefois, mon sourire ne c’était pas effacé, ce qui était plutôt bon signe pour le métisse. Il était essoufflé.

-Hé ben, t’as vraiment aucune endurance. Faudrait faire du sport.

J’esquissais un sourire ironique. J’en faisais pas non plus du sport. A part sur scène où je me démenais comme un malade.

J’allais chercher, à mon tour, une canette de coca avant d'aller mettre la face B du disque et enclencher Bohemian Rapsody. J'écoutais la chanson en silence avant de me mettre à entonner les paroles.

Too late, my time has come,
Sent shivers down my spine,
Body's aching all the time.
Goodbye, everybody, I've got to go,
Gotta leave you all behind and face the truth.

Mama, ooh,
I don't wanna die,
I sometimes wish I'd never been born at all

C'est parole m'allait très bien et j'y mettais autant d'émotion que si c'était moi qui les avaient écrites.

Je fixais Cash. Je savais qu’il mourrait d’envie de prendre une guitare en main. Je le connaissais par cœur. Je le laissai seul, sans rien dire et me dirigeait vers ma chambre où je rangeais certains trucs dont une guitare acoustique. Je revins près de Cash et la lui tendit.

-C’est ce que j’ai trouvé de mieux.

Je souris.

Billy semblait assez fier de s'être fait servir pendant toute sa réclusion volontaire. En même temps, j'étais pas mieux... En général je me nourrissais exclusivement de ce que proposait les McDonalds... Mais au moins je prenais la peine de me déplacer jusque là...

-Je préfères les Happy Meal! Au moins j'ai droit un jouet!

Je rigolai avec Billy... Et même le coca dans ses cheveux ne le mit pas de mauvaise humeur. Peut-être que, finalement, resté enfermé seul quelques jours lui avait été bénéfique... Il s'assit à côté de moi en se plaignant une fois la chanson terminée... Puis il critiqua aussi mon endurance tant qu'à faire... Mais non j'étais en pleine forme!

-Bah non mais t'as vu comme on a fait les excités!

Je pris mon paquet de cigarette, en portai une à ma bouche et l'allumai alors que Billy quittait la pièce en chantant Bohemian Rhapsody. Je savais que c'était sa chanson préférée et y avait de quoi. Il aurait très bien pu écrire ces paroles et ça se ressentait quand il la chantait, n'essayant pas d'imiter Freddie Mercury.

Billy quitta la pièce et je pensais qu'il allait laver ses cheveux. Les miens aussi étaient tout crades et j'imaginais déjà la galère pour les ravoir. Il me faudrait déjà bien trois jours! Mais Billy revint assez vite et toujours avec toutes ces saloperies dans les tifs. Et une guitare! Un sourire illumina instantanément mon visage: Billy me donnait l'occasion de m'exprimer en direct.

Il me tendit la guitare que je pris. Je grattai une fois les cordes avant de commencer à l'accorder correctement.

-Ca fait un bail que t'as pas joué avec. Les cordes se sont oxydées... Je m'occuperai des les changer si tu veux.

Mais elle allait être assez bonne pour jouer un peu. Et même, ce son légèrement étouffé à cause des cordes raidies pouvait peut-être être intéressant. Après tout, on avait nous même un peu vite vieilli cette année et on était sorti de la tournée abîmés quoi que grandis sur certains points.

Billy s'assis à côté de moi.

J'entamais sur une rythme calme, reposant mais loin d'être triste, avant d'enchaîner sur un solo assez simple mais plein d'émotion. C'était le genre de mélodie qui ne nécessitait ni batterie ni basse, mais qui donnerait encore mieux en triplant les guitares acoustiques... Je jouai plusieurs fois l'intro et le 1e verse qui m'étaient venus à l'esprit, attendant que Billy enchaîne naturellement.

Ce n'était pas une mélodie à laquelle j'avais déjà pensé, non, c'était l'instant présent qui m'inspirait, où deux artistes plus que complices, mais séparés par l'orgueil et les conséquences de la notoriété, retrouvent les racines de leur inspiration.

Ma clope se consumai lentement, pendant de ma bouche, la nicotine me faisant légèrement tourner la tête, à moins que ce soit l'alchimie du moment.

Je rigolai quand Cash me parla de Happy Meal. C’est vrai que c’était cool mais pas très nourrissant vu que c’était destiné aux enfants et que la quantité n’était pas énorme.
Notre mini-fête nous avait essoufflés et Cash essaya de justifier son endurance en disant qu’on avait quand même fait les excités. Pourtant, sur scène, on faisait bien pire. Preuve qu’on était quand même assez épuisé.

C’est quand je revins avec une guitare que je vis le visage de Cash s’illuminer. Je savais que ça lui ferais plaisir et moi j’adorai faire plaisir aux gens que j’affectionnai. Et Cash était probablement la personne à laquelle je tenais le plus. Il la prit et j’allumai une autre cigarette avant de m’assoir à ses côtés. Il accorda la guitare tout en me disant que les cordes étaient presque foutues, je souris.

-Je sais, je l’ai à peine utilisée… Elle date l’époque où j’essayais de jouer d’un instrument. Tu pourras la garder si tu veux, tu t’en serviras mieux que moi.

Je savais que ça lui ferais très plaisir.

C’est là que Cash commença à laisser s’exprimer son art. Il commença par un rythme calme, très reposant et je fermai les yeux. Le solo qui suivit fit revenir à la surface plein d’émotions contradictoires. Cash répéta cela quelques fois avant que je n’enchaine avec des paroles. C’était une mélodie que je n’avais encore jamais entendu et c’était d’autant plus inspirant.

Je balançais des paroles d’une voix bien plus aigue qu’à mon habitude. Comme si les paroles ne pouvaient dégager toutes leurs émotions dans les graves. J’avais spontanément chanté ainsi et je commençais à balancer des paroles qui a la première lecture pouvait sembler douce mais qui disposait d’un sens caché cynique marqué. Cela décrivait une relation amoureuse. J’avais déjà eu quelques relations mais jamais très longue et, chaque fois, cela c’était mal terminé.

A l’instar de celle de Cash, ma cigarette se consumait elle aussi toute seule entre mes doigts. J’étais comme en transe et cela jusqu’à le dernière note faite par Cash. Je rouvris les yeux et ne savais que dire. La chanson qu’on venait de faire était parfaite pour le prochain album et personne, à part nous, n’était témoin de cela. J’allais chercher un papier et un crayon et demanda à Cash de la refaire. Il s’y remit et je griffonnais les paroles afin de pouvoir les garder et ne pas gâcher cet instant créatif. Je tendis ensuite la feuille à Cash.

-Qu’est-ce t’en penses ? Il nous faudrait un synthé pour que ça donne encore mieux !

Je souris, cette chanson m’avait donné un tas d’idées. Je me demandais ce qu’en pensait Cash. Je passais une main dans mes cheveux et fis une mine dégoutée. Ils étaient vraiment sales.

-Faudra que je lave mes cheveux !

Billy me proposa de garder sa guitare... Et j'étais super content, je lui souris et le remerciai en lui donnant une tape amicale sur l'épaule. Ca, c'était trop cool! Parce que c'était une très bonne guitare en plus et c'aurait été triste de la laisser vieillir et se désaccorder dans un coin. Tandis que là, j'allais la reprendre, changer les cordes et elle serait de nouveau totalement opérationnelle... Quoi que...

Maintenant que j'avais joué avec et avec les paroles que Billy venait d'imporviser sur ma mélodie, je trouvais ce son fatigué assez intéressant parce qu'il nous représentait.

Les cendres de ma cigarette pendaient dangereusement et finirent par tomber sur le sol, sans que ni Billy ni moi ne nous en préoccupions. On était trop portés par cet élan créatif momentané... Et pourtant, au début, ça arrivait tellement souvent... Mais déjà, le monde extérieur nous empêchait de nous retrouver comme aujourd'hui...

Billy nota ses paroles sur un papier. Je n'avais pas besoin d'en faire de même. De toute façon, je ne savais pas écrire la musique. Je connaissais simplement très bien mon instrument et j'avais une assez bonne mémoire pour me rappeler de la mélodie. Parce qu'en général, je jouais ce que j'avais dans la tête...

Billy me demanda ensuite ce que j'en pensais. J'adorais déjà cette chanson qu'on venait de faire, mais l'idée d'y ajoutrer du putain de synthétizer me plaisait beaucoup moins. Il n'y avait que Billy pour avoir des idées pareilles. En plus, je ne voyais pas comment on pouvait ajouter un son aussi électronique à ce qu'on venait de faire...

-Cette chanson est géniale, mec! Tes paroles sont magnifiques! Mais non... Pas de synthé... Je la voyais plutôt avec trois guitares, même pas de batterie ou de basse, juste des guitares... En plus les autres n'auront aucun mal à l'apprendre! La mélodie est simple, les paroles percutantes...

Je marquai une pause... J'avais dit ça d'une manière diplomatique... Inutile d'énerver Bill après un si bon moment. Il était toujours aussi dégoûté par ses cheveux... moi, j'avais déjà oublié que j'étais tout crade. Je ne pensais plus qu'à la chanson que je mourrais déjà d'envie de montrer au reste du groupe. On allait souffler Lenny avec ce genre de truc.

-Si on la garde avec uniquement des guitares, on a une balade rock... Si tu ajoute du synthé, tu vas te retrouver avec un truc glam...

Ca y était, j'étais passé en mode "boulot" même si moi, je ne le ressentais pas comme du boulot... Et comme je m'en rendis compte et que je ne pensais pas que Billy soit tout à fait prêt, je passai à autre chose... J'aurais tout le temps de me concentrer sur la chanson après.

-Hey mec... J'ai faim... Si on se lavait puis qu'on allait au McDo?

Comme prévu il était très content que je lui offre cette guitare. On aurait dit un gamin tout heureux. Je savais qu’il pouvait faire des merveilles rien qu’avec ce bout de bois et ces cordes là.

La preuve étant que nous avions désormais une chanson digne de se nom. Tout était parfait dans le riff et dans les paroles. Le son était tellement proche de notre état d’esprit actuel que tout semblait vraiment sincère.

Mais quand je proposai à Cash d’y rajouter une couche de synthé, il me contredit directement. Je savais que Cash n’était pas fan de synthé. D’ailleurs, on n’avait pas de claviériste dans notre groupe malgré mon idée d’en inclure un. En fait, Cash voyait les choses bien différemment des miennes et se disait que le mieux pour cette chanson était d’y inclure trois guitare et c’est tout.

Je fis une moue réprobatrice. Mais il finit par mon convaincre en disant qu’avec du synthé ça sonnerai glam. Et ça je ne l’aurais pas permis ! On nous avait souvent donné l’étiquète de groupe glam à cause de mon style et me sortir de ce foutu cliché était ma priorité.

-Ok… On n’ajoute pas de synthé…

Pour cette fois en tout cas. Mais ce n’était que partie remise pour ce sujet.

Cash déclara alors qu’il avait faim. Ouais moi aussi… Il voulait un McDo. Ouais j’aurais bien tué pour un McDo. J’approuvai de la tête et me levai pour aller vers la salle de bain. Je me retournai une dernière fois vers Cash.

-Faudra appeler Liam.

J’avais dit cela par réflexe. Je ne sortais plus sans Liam. Mais là, maintenant, sur le coup, j’aurais voulu ne pas être connu pour pouvoir y aller seul avec Cash. Comme avant en gros… Quand personne ne nous regardait et qu’on pouvait faire ce qu’on voulait où on voulait. Je restais d’ailleurs quelques secondes en stand-by avec une mine un peu déprimée avant de m’engouffrer dans la salle de bain.

J’en ressortis après une grosse demi-heure les cheveux clean et raide. Cela changeait vraiment tout sans la laque. Je m’approchai de Cash.

-A ton tour, puis on pourra y aller.

Je lui fis une tape amicale avant de me coucher dans le divan.