Lenny était stressé… Autant ces derniers jours, il s’était étonné d’avoir autant le contrôle sur les choses, autant aujourd’hui, il redoutait l’entrevue avec sa collègue mais, surtout, avec les deux leaders du groupe. Car, oui, c’est ainsi que fonctionnait The Lightening. Cash et Billy… Et les autres. C’était très rare quand les autres membres venaient à ce genre de réunion pour décider de l’avenir du groupe. Ils suivaient le mouvement, en général. Sans se poser de question. Lenny s’était fait à ce fonctionnement tout à fait bizarre avec les années.

De toute façon, gérer les humeurs de Cash et Billy était amplement suffisant. La preuve était que Lenny avait beaucoup de mal à canaliser le stress qui l’envahissait. Il se disait que tout allait bien se passer. Que Cash et Billy avait envie de repartir et que, donc, ils seraient de très bonne volonté.

Lenny avait aménagé son bureau de façon à ce que l’entrevue se passe au mieux. Il avait mis des sièges autour d’une petite table. Quatre sièges presque en rond ce qui facilitera la conversation en tout le monde. Lenny avait, aussi, préparer de quoi manger et boire que ce soit de l’alcool ou de soft. Il voulait que les choses ne ressemblent pas trop à quelque chose de protocolaire mais a un vrai échange d’idées et d’informations pour partir du bon pied.

Lenny était derrière son bureau à regarder l’heure de temps en temps. Il n’était pas encore 14h mais on en approchait. Il savait que Cash allait sûrement arriver dans les temps mais il avait un gros doute pour Billy. Pourtant, ce n’était pas comme si Lenny n’avait pas essayer de tout mettre en œuvre pour que le chanteur soit à l’heure. Il avait dit à Billy, en passant le voir à l’hôpital, que l’entrevue aurait lieu à 13h pour essayer de limité les dégâts au niveau de son possible de retard. Il avait aussi proposé à Billy de jouer les chauffeurs mais le chanteur avait refusé déclarant qu’il appellerait un chauffeur qu’il connaissait et en qui il avait confiance. Lenny ne s’était pas offusqué. Il savait que Billy le connaissait. Mais Billy le connaissait en tant que manager et pas comme chauffeur. Lenny commençait à sérieusement regretter que Liam Taylor soit en tournée avec The Burning Fire. Il aurait eu grandement besoin de lui ses derniers temps. Mais Liam n’était pas là et Lenny devra faire avec… Ou plutôt sans.

Sa seconde inquiétude était Samantha. Il savait que la manager était quelqu’un de compétent qui avait envie de bien faire. Mais il espérait que le caractère bien trempé de Mancini s’accommode bien avec le groupe. Il ne savait pas comment Cash et Billy allaient réagir et il espérait que la manager allait s’en sortir. Ce n’était pas toujours facile. Même lui avait parfois des difficultés… Pourtant, il connaissait Cash et Billy depuis plusieurs années.

Mais toutes ces données stressantes étaient des données que Lenny ne pouvait pas contrôler. Il le savait et assumait ça mais il tenait tellement à ce que tout se passe bien qu’il n’en avait pas dormis de la nuit. Heureusement, sa femme n’avait pas remarqué cette insomnie. Lenny ne voulait pas que son couple pâtisse à nouveau à cause de son métier. Mais, en même temps, il ne pouvait pas abandonner The Lightening…

Il n’y avait plus qu’à attendre que tout le monde soit là et espérer que tout se passe bien.

Je m’étais perdu une fois entre les murs tellement blancs de la tour MTI qu’ils en étaient aveuglants… Heureusement que j’avais mes lunettes de soleil en permanence. Je savais où était le bureau de Lenny pourtant… Mais je m’étais trompé d’étage ou quelque chose comme ça.

J’étais revenu sur mes pas, avait traversé d’autres couloirs…

Je serais jamais aussi en retard que Billy, de toute façon. Je lui avais téléphoné à l’hôpital ce matin pour voir comment il allait et s’il venait voir Lenny aujourd’hui. Parce que s’il ne venait pas, je ne serais pas venu non plus. J’aurais plutôt été passé l’après-midi à l’hôpital pour écrire des chansons avec lui…

L’idée de ce nouvel album, lancé comme une bouée dans la mer était ce à quoi on s’accrochait maintenant tous les deux.

Un album qui sonnerait comme une vengeance.

Un album pire que Be Mine !

Je retrouvai le bureau de Lenny à l’heure… Et y entrai en oubliant de frapper à la porte.

Il y avait là Lenny, du Jack Daniel’s et d’autres boissons sur une table, des chaises… une femme…

-Salut, Lenny…

Je m’installai sur une chaise et tendis la main vers la bouteille de Jack Daniel’s.

-Billy a dit qu’il viendrait… Il m’a pas dit quand…

Je passai ma langue sur mes lèvres un peu sèche et bu une première gorgée du liquide ambré. Caché derrière les verres fumés de mes lunettes de soleil, je regardais vaguement la femme de temps en temps.

Elle était dangereusement belle… Une oasis au milieu du Désert mais probablement seulement un mirage menant à un piège dans lequel je n’avais pas envie de tomber. Un piège dans lequel Billy ne devait pas tomber.

Avant de finir par dire à Lenny, en espérant être rassuré.

-Ils t’ont donné une secrétaire… C’est sympa ça…

Puis, tournant la tête vers mon manager.

-Quand est-ce que Liam revient ? On a besoin de Liam, tu sais… Billy a besoin de Liam…

J’écrivais frénétiquement sur le carnet que m’avait acheté Lenny le lendemain de mon overdose alors que je lui avais expressément demandé. J’avais des chansons plein la tête. Il fallait qu’elles sortent. J’écrivais sans m’arrêter en appuyant bien fort sur la mine de mon stylo. J’écrivais là depuis le matin sur le petit bureau en face de mon lit d’hôpital.

Un hôpital où j’étais retenu prisonnier.

Je voulais retourner dans ma villa mais Lenny et les médecins refusaient de me laisser sortir d’ici. Ils avaient tous peur que je tente à nouveau de me suicider. Mais je n’en avais pas du tout envie !

J’avais envie de sortir cet album. Je ne pensais plus qu’à ça depuis que j’avais rouvert les yeux. Je refusai, d’ailleurs, de voir le moindre psy. Je me sentais mieux. Je me sentais revivre. Et je savais exactement où j’allais.

Je fredonnais les paroles que je venais d’écrire sur une mélodie que j’avais entendue de la guitare de Cash. Une mélodie qui allait bien avec ce que je venais d’écrire.

L’album était en marche…

Moi pas encore malgré que j’avais un rendez-vous avec Lenny à 13h. Il était 13h30 et j’étais toujours devant ma feuille à écrire. Je n’avais pas encore terminé. Je démarrerai quand j’aurais terminé.

De toute façon, si Lenny voulait que je sois à l’heure, il n’avait qu’à venir ici. C’était un rendez-vous d’affaire avec Cash et moi ? Il aurait très bien pu se passer ici. Je ne comprenais pas la démarche de Lenny de faire ça à son bureau.

J’entendis toquer à la porte de ma chambre. Sans quitté ma feuille des yeux, je donnai à la personne derrière l’autorisation d’entrer. Une infirmière ouvrit la porte et se racla la gorge avant de parler d’une voix pas très sûre d’elle :

-Monsieur Lighter… Un chauffeur vous attend en bas depuis une heure. Il commence à s’impatienter… Votre manager nous a dit que vous aviez un rendez-vous à son bureau à 13h.

Je fronçai les sourcils et, sans lever mon regard et tout en continuant à écrire, je répondis à l’infirmière :

-Je n’ai pas terminé d’écrire ma chanson !

L’infirmière se raidit et se mordit la lèvre.

-Je vais lui dire de patienter encore un peu…

J’approuvai de la tête sans la regarder et elle s’en alla. J’achevai ma chanson. Elle fut terminée à 13h45. J’enfilai, ensuite, ma veste. J’avais refusé de porter les vêtements d’hôpitaux le temps de ma détention.

Je sortis de la chambre à 13h55 et je rejoignis la sortie de l’hôpital après être passé à la réception pour mon autorisation de sortie temporaire. Je devais revenir ici à 17h grand maximum. J’approuvai de la tête trouvant toute cette mascarade complètement débile avant de rejoindre ma voiture que j’avais commandée. C’était une limousine. Le chauffeur était appuyé contre la carrosserie.

-C’est pas trop tôt.

Je fronçai les sourcils et le fusillai du regard. Je ne fis pas de commentaire. Je ne le saluai pas non plus. J’entrai simplement à l’arrière de la limousine avant d’expressément demandé au chauffeur de mon conduire chez MTI. Je n’aimais pas ce chauffeur. Seul Liam était un bon chauffeur !

Le chauffeur m’emmena, tout de même, à l’endroit demandé. J’arrivai devant la tour et la regardai un petit moment avant de m’y engouffrer. Je savais ce que j’allais dire à Lenny. On voulait un album. Il lui restait à nous ouvrir les portes du studio et le tour était joué. Le reste, c’était son travail.

Je grimpai jusqu’à l’étage du bureau de Lenny. Sur le chemin, les regards se sont tournés vers moi mais personne ne fit de commentaires.

Je toquai à la porte et entrai avant d’en recevoir l’autorisation. Au milieu de la pièce se trouvai une table entourée de quatre sièges. Lenny, Cash et une femme avaient pris place dans trois d’entre eux.

-Salut.

Je m’avançai vers le dernier siège entre Cash et Lenny et m’y installai en dévisageant la fille. Qui était-elle ? Que faisait-elle ici ? Je ne regardai qu’elle tout en sortant une cigarette de mon paquet.

Je l’allumai.

-Qui êtes-vous ?

Je la regardai avant de jeter un œil à Lenny.

-Qui est-ce ?

Les dernières femmes que j’avais vues m’avaient trahie. Alors je voulais savoir clairement qui était cette femme que je n’avais jamais vue !

Samantha fut la première à faire son entrée dans le bureau de Lenny. Il s’était levée à l’arrivée de la manager et lui souris avant de lui serrer la main quand elle le lui tendit.

-Bonjour Samantha. Vous m’avez aussi l’air en forme.

Lenny affichait un sourire. Samantha était plus qu’à l’heure ce qui commençait plutôt bien. Il ne restait plus qu’à espérer, pour Lenny, que Cash et Billy soient dans les mêmes conditions que sa nouvelle partenaire.

Lenny invita Samantha à prendre place dans l’un des sièges. Lui-même avait pris place aux côtés de la manager dans ce qui se voulait être un cercle autour d’une petite table. Samantha déclara qu’elle avait hâte d’arrivé à aujourd’hui. Lenny l’était tout autant même si son stress devenait de plus en plus palpable. Il redoutait ce qui allait arriver mais avant qu’il ne puisse faire part de son sentiment, Cash Izbel entra dans la pièce. Il était maintenant 14 passé de quelques minutes.

Il n’avait pas frappé mais ça ne perturba pas Lenny. Il connaissait la nonchalance de Cash et savait que ce n’était pas de l’impolitesse mais juste de la distraction. Cash était fidèle à lui-même avec ses lunettes de soleil qui cachait son regard. Il salua Lenny qui lui sourit.

-Bonjour Cash.

Cash ne tarda pas à s’installer et à prendre la bouteille de Jack Daniel’s. Lenny connaissait les goûts de chaque membres de The Lightening et savait que Cash Izbel était un amateur de Jack Daniel’s. Il l’avait rarement vu boire autre chose.

Cash déclara que Billy allait venir mais qu’il ne savait pas quand. Lenny se retenait de dire qu’on ne savait jamais avec Billy et préféra sourire.

-On va l’attendre avant de commencer.

Lenny ne savait juste pas combien de temps ils auraient à attendre. Il espérait que le chanteur ne se fasse pas trop attendre sinon les choses allaient très vite devenir gênantes. Pour le moment tout allait bien jusqu’à ce que Cash ne regard Samantha et ne dise à Lenny que c’était sympa que MTI lui ait fourni une secrétaire. Lenny était sûr que ça n’allait pas plaire à Samantha d’être reléguée au rang de secrétaire. Les femmes qui avaient réussi à monter quelques échelons n’aimaient pas être rabaissée. Lenny le savait. Le stresse montait un peu dans le chef de Lenny. Il se racla la gorge.

-Ce n’est pas ma secrétaire, Cash. On t’expliquera tout quand Billy arrivera.

Mais Cash posait déjà des questions dont une sur Liam. Liam Taylor était l’ancien garde du corps de Billy Lighter. Ce n’était pas la première fois qu’il entendait ce nom depuis l’overdose de Billy. Le chanteur lui en parlait à chaque visite.

-Ne t’en fais pas pour Liam, Cash. Dès qu’il rentrera de la tournée européenne avec The Burning Fire, je lui proposerais de revenir auprès de Billy.

Lenny espérait que Taylor accepte et que Timmy Evans soit prêt à négocier un transfert.

Lenny regarda vers Samantha pour essayer de déchiffrer ce qu’elle pensait avant de reposer son regard sur Cash et de se servir un verre d’eau. Les minutes passaient et le stress montait. Un stress que Lenny se voyait de combler en parlant à Samantha.

-Billy ne devrait pas tarder. Il est très souvent en retard mais j’ai fait en sorte que son retard ne soit pas trop conséquent.

Il tenta de sourire pour rassurer Samantha mais se rassurer lui-même aussi. Il n’avait aucune idée de quand Billy allait apparaitre…

Il jeta à œil à l’horloge qui affichait 14h20. Il se racla la gorge prêt à chercher un autre sujet de conversation quand on entendit toquer à la porte. Lenny poussa un soupir de soulagement quand Billy fit son apparition dans la pièce et salua tout le monde.

-Bonjour Billy.

Tout le monde était là et Lenny se sentait déjà un peu mieux. L’idée de donner une fausse heure de rendez-vous à Billy avait plutôt bien fonctionné. Vingt minutes de retard, c’était dérisoire quand on parlait de Billy.

Le chanteur s’installa et Lenny remarqua qu’il dévisageait Samantha. Après s’être allumé une cigarette, Billy demanda à Samantha qui elle était avant de poser la même question à Lenny. Il se racla la gorge et parla aux deux artistes.

-Avant de répondre à ta question Billy, je voudrais vous dire que je suis heureux de vous avoir tous ici.

Lenny sourit et fixa Cash et Billy.

-Je vous présente Samantha Mancini. Elle est ici parce qu’elle va travailler avec moi en tant que manager de votre groupe.

Lenny se tourna vers Samantha pour la laisser se présenter plus en détail et expliquer son rôle et qui elle est aux deux leaders de The Lightening.

On devait attendre Billy… il y avait du Jack Daniel’s pour patienter mais il y avait aussi, dans la pièce, une femme que je ne connaissais pas… Je la regardais à peine… La vie m’avait appris au fil du temps que parmi ces magnifiques créatures, il n’y avait pas que des déesses… Des harpies se confondaient parmi elles, cherchant à nous lacérer de leurs griffes et à nous empoissonner de leurs langues de vipères. Jouant souvent de leurs courbes gracieuses pour endormir notre vigilance et arriver à leur fin.

Il faudrait désormais bien plus que des formes hypnotiques pour charmer le Serpent.

Malheureusement, elle n’était pas la secrétaire de Lenny… Je repris une gorgée de Jack Daniel’s en la regardant à travers les verres fumés de mes lunettes. Si elle n’était pas la secrétaire de Lenny, quelle autre forme de créatures était-elle ? Que faisait-elle là ?

On t’expliquera tout quand Billy arrivera… Quant à Liam… Liam allait revenir… Parce que Liam était loyal…

Lenny dit à la femme que Billy était souvent en retard… Je la regardai à mon tour.

-Billy décide quand Billy vient…

Billy finit pas arriver. Je lui souris. Et il vint s’installer entre moi et Lenny… Et je pris doucement son paquet de cigarette, en me penchant un peu, pour lui en piquer une et l’allumer à mon tour.

-Salut….

Billy posa la seule question qui méritait d’être posée. Qui était cette femme qu’on nous imposait ? D’abord posant la question à elle… Mais finalement, nos regards convergèrent en même temps vers Lenny. Le seul de qui nous voulions bien entendre une réponse à laquelle nous pourrions croire.

Lenny dit d’abord qu’il était heureux de nous voir.

-Je suis heureux de te voir aussi, Lenny…

Et pris une nouvelle gorgée de Jack Daniel’s… Je tremblais un peu… Depuis la tentative de suicide de Billy, je n’avais pas voyagé, restant loin du Désert pour être auprès du chanteur.

Je tirai sur ma cigarette… Mais la fumée resta bloquée dans mes poumons, ses volutes en tapissant les parois lentement… Alors que je restais bouche bée face aux déclarations de notre manager.

Je n’écoutai même pas la harpie parler, pour ne lui laisser aucune chance de m’envoûter.  

Quand enfin, je soufflai la fumée, je soufflai en même temps un :

-Non.

Samatha Mancini ne serait pas manager de The Lightening. Maria Watson et Madison Dekkers avaient brisé la confiance, démystifié la fascination, massacré l’admiration que nous pouvions avoir dans ce genre de femme.

The Lightening devait rester une exclusivité masculine…

C’était ce que nous comptions dire sur le prochain album.

Je laissai Cash s’emparer d’une de mes cigarettes. De toute façon, mon attention était entièrement à Lenny et la femme qui l’accompagnait. Je posai la question de savoir qui elle était fumant, en même temps, comme une cheminée.

Mais Lenny ne répondit pas tout de suite à ma question. Il préféra y aller d’un petit préambule où il nous remercie tous d’être là. Lenny faisait toujours ce genre de chose quand il appréhendait les choses ce qui ne me rassurait pas sur l’identité de la fille que je regardais maintenant sans détourner les yeux, mon visage fermé alors que Cash, lui, déclara qu’il était content de voir Lenny.

Moi, je ne dis rien. J’attendais de savoir qui était cette femme. Et Lenny finit par nous la présenter. Samantha Mancini. Je ne connaissais pas. Mais j’allais devoir la connaitre parce que Lenny la présenta comme étant manager du groupe. Je levai un sourcil. Lenny avait besoin d’un autre manager ? Lui qui avait mené la barque de The Lightening tout seul pendant des années. Il avait besoin d’une femme ? Je fronçai les sourcils alors que Samantha avait ouvert la bouche pour expliquer un peu mieux son rôle. Ce n’était pas elle qui s’était imposée, l’idée semblait venir de Lenny. Elle minimisa son rôle alors que Cash lui lâcha un « non » qui voulait tout dire.

Il ne voulait pas de Samantha.

Il n’avait pas voulu de Waston et de Dekkers, non plus…

Je n’étais pas Cash. Mais je n’étais plus dupe non plus.

-Pas un très grand rôle… Quel sera votre rôle à la fin, alors ? Vous allez observer et, ensuite ?

Mon regard se tourna vers Lenny alors que je soufflais la fumée qui envahissait mes poumons à chaque fois que je tirais sur ma cigarette.

-Je ne savais pas que tu avais besoin d’aide pour faire ton travail, Lenny…

Je fronçai les sourcils en disant ça. Je ne connaissais pas Samantha Mancini et je n’aimais pas ne pas connaitre après ce qu’il s’était passé ces dernier mois.

-Vous avez déjà manager un groupe ? Vous n’allez pas nous lâcher pour une peine de cœur ou imposer des conditions stupides ?

Je posais beaucoup de questions mais c’était légitime. The Lightening ne pouvait pas renaitre sur des bases bancales. Je toisai Samantha, la sondant de mon regard vert et bleu.

Lenny était soulagé que Billy soit enfin là. Mais il savait aussi que la suite n’allait pas être une partie de plaisir. Déjà avant l’arrivée de Billy, les questions de Cash sur la présence de Samantha laissait présager que le groupe allait se méfier d’elle. Ça sera à Lenny et à Samantha d’établir un début de lien de confiance qu’il faudra entretenir pendant toute la collaboration. Ça Lenny, le savait.

Billy avait salué tout le monde mais avait bien vite eu les mêmes questions que Cash. Lenny, pour essayer de partir sur de meilleure base qu’un questionnement, se permit de prendre la parole pour remercier tout le monde de leur présence. Cash qui alternait entre cigarette et Jack Daniel’s, une chose dont Lenny était habitué, disait être content de voir le manger. Lenny sourit mais il savait que si Cash se concentrait essentiellement sur lui c’était pour essayer de se défaire de la présence de Samantha. Lenny connaissait bien Cash Izbel. Il savait qu’entre lui et Billy ça sera le guitariste le plus difficile à amadouer pour Mancini.

Mais elle prit les choses en main et elle expliqua les raisons de sa présence et de son rôle. Lenny aimait l’approche qu’avait prise Mancini. Elle ne s’imposait pas comme LA manager de The Lightening mais comme un aide en phase d’observation.

Mais ce ne fut pas assez pour Cash qui refusa d’un « non ». Le stress de Lenny augmenta d’un seul coup. Il savait que le refus de Cash ne voulait rien dire que, au final, c’était souvent Billy qui prenait des décisions, le musicien se contentant de les subir non sans faire pression d’une façon différente sur son chanteur. Alors c’est sur Billy que le regard de Lenny se posa. Un regard marqué d’inquiétude alors que le chanteur questionnait Samantha. Il voulait en savoir plus sur son rôle maintenant et ensuite. Mais quand Billy se tourna vers Lenny pour critiquer, en quelque sorte, sa démarche, le manager rétorqua directement en parlant calmement.

-Si, j’en ai besoin Billy. The Lightening a connu beaucoup de mauvaises passes comme tu le sais très bien. J’ai remis en question ma façon de travailler et j’ai conclu qu’il me fallait quelqu’un pour m’aider. Samantha avait les compétences requises pour ça. Mon choix a été vite fait. Si je fais ça, c’est pour que les choses se passent bien pour nous tous. Je veux, autant que vous, que vous puissiez sortir toute la musique que vous voulez. Mais pour ça, j’ai besoin de Samantha.

Lenny avait regardé autant Cash que Billy. Il voulait leur faire passer le massage que la présence de Samantha était là pour l’aider à mener à bien sa mission et non pour changer les choses au sein du groupe en lui-même. Il voulait absolument que les deux musiciens comprennent ça.

Ceci étant dit, il laissait la place à Samantha pour répondre aux interrogations du chanteur.

Non.

C’était tout ce qu’il y avait à dire. Nous n’avions pas encore cicatrisé des coups de griffes laissés par les deux précédentes femmes qui se croyaient à même de gérer la carrière de The Lightening que Lenny nous en imposait une autre ?

Non.

Ni Billy, ni moi, n’étions prêts à endurer ça encore une fois.

Mais je n’en dis pas plus… Pas pour l’instant, me contentant de fumer et boire alternativement, comme un anesthésiant proactif en vue de ce que nous allions à nouveau devoir subir si Lenny mettait son plan à exécution. Je n’étais pas contre un deuxième manager pour épauler Lenny. Mais pourquoi fallait-il que ce soit une femme ?

Je laissai parler Billy… C’était lui qui avait le privilège des mots. Moi, je me contentai de me tapir derrière mes cheveux et mes lunettes de soleil, attendant le premier mouvement brusque pour fondre sur ma proie comme le cobra. Mes pupilles fendues tout comme mes intentions bien dissimulée par les verres fumés.

Lenny, lui, répondait à Billy qui posait les bonnes questions, plus méfiants encore qu’il ne l’avait jamais été. Il avait besoin de Samantha.

Je marmonnai entre deux gorgées de Jack Daniel’s.

-Il y a d’autres managers chez MTI…

Samantha… Samantha disait qu’elle aurait un petit rôle, observerait…

Non.

Dans le but de travailler en équipe. Je penchai la tête.

-Equipe ?

The Lightening n’est pas, n’a jamais été et ne sera jamais une équipe. The Lightening, c’est un éclair dont on ne sait jamais où et quand il va frapper.

Billy, lui, demanda si elle allait nous abandonner, comme toutes les autres, pour une raison ou une autre. Et si elle nous imposerait des conditions stupides. Aux deux questions, elle répondit par la négative, ajoutant que son mari et son fils étaient décédés. Je braquai mes yeux sur elle, persuadé qu’elle cherchait le bon bout par lequel prendre Billy et ce genre d’histoire…

Ce genre d’histoire était un piège à Billy.

Alors je pris le relais de ma voix inégale et juvénile… Quelques sifflements venant du fond de ma gorge, comme le feulement d’un serpent, transparaissant au travers de mon discours.  

-On a pas besoin de détails. On a pas besoin de savoir qui vous êtes et d’où vous venez. On a besoin de garanties. La garantie qu’on ne sera pas abandonnés au milieu du chemin. La garantie aussi que vous n’allez pas vous servir de The Lightening comme d’une estrade pour une cause féministe.

Je tirai sur ma cigarette, tremblant un peu.

-Parce que notre prochain album sera fait pour vous détruire. Vous et toutes celles de votre espèce.

J’ai dit « non ».

J’entendais les marmonnements de Cash alors que j’étais centré sur cette Samantha Mancini. Il y avait plein d’autres managers chez MTI. Oui. Mais si Lenny avait choisi Mancini, c’était pour quelque chose. Les managers ont toujours des plans dans les plans.

Je toisai toujours Samantha posant des questions sur son rôle pour qu’elle le précise. Je voulais savoir à quoi m’attendre. The Lightening devait renaitre pour de bon et pas renaitre pour un nouvel échec.

Je ne supporterais pas un nouvel échec.

Samantha confirma qu’elle se contentera d’observer jusqu’à ce que les choses progressent. Je plissai les yeux. Elle parlait de travailler en équipe. Un mot inconnu pour Cash.

Inconnu pour The Lightening.

-Nous faisons la musique et vous vous êtes manager. Chacun se centre sur son travail. Travail d’équipe, si ça vous fait plaisir d’appeler ça comme ça.

Le business musicale était quelque chose de répugnant mais j’avais appris à m’y faire. Je n’avais pas le choix. Mais ça m’étonnait que Lenny ait eu besoin de quelqu’un pour l’aider. Je le lui reprochais. Mais il répliqua qu’il faisait ça pour que tout fonctionne. J’étais prêt à le croire. Lenny avait des défauts mais ce n’était pas un menteur. Il croyait en Samantha… Est-ce que je devais me fier au flaire de Lenny ? Ils nous a repéré… Il nous a permis de signer chez MTI… Je pouvais paraitre ingrat parfois mais je savais que ce que je devais à Lenny. Et c’est son flaire qui nous a sorti des bars.

-Tu sembles sûr de toi…

Mais il me fallait plus de garantie et c’est en continuant de fumer que je refixai Samantha pour savoir si elle n’allait pas faire comme toutes les autres et nous abandonner au bord de la route pour une peine de cœur ou bien nous imposer des conditions qui ne vont pas avec The Lightening. Je ne voulais pas de barrière pour travailler. Je n’étais pas un enfant.

William était un enfant faible. Je suis Billy Lighter.

Mes bracelets cliquetaient entre eux chaque fois que je portais ma cigarette à ma bouche. Et Samantha expliqua qu’elle n’aura jamais de peine de cœur et, pour cause, elle avait déjà perdu les amours de sa vie. Son mari et son fils. Mon visage se radoucis. Je ne savais pas ce que ça faisait de perdre un être qu’on aimait… Même si… Même si j’avais eu un avant-goût quand Cash avait fait un arrêt cardiaque il y a plus d’un an. Parfois, l’amitié était aussi forte que l’amour. Je pouvais donc, entrevoir un tout petit peu ce que Samantha avait vécu. Un tout petit peu. Je ne saurais jamais ce que c’est de perdre un enfant. Au fond, je savais que je ne saurais même jamais ce que c’est d’aimer un enfant. Mais les enfants sont des êtres innocents. Aucun ne mérite de mourir.

L’histoire de Samantha me la faisait voir d’une autre façon… Même si elle resta ferme sur les conditions. Elle ne nous en imposerait pas s’il n’y avait pas lieu d’en imposer.

-Je suis désolé pour votre mari et votre enfant.

Et alors que j’allais répliquer, Cash m’anticipa. Je tournai le regard vers le guitariste. Il déclara qu’il nous fallait des garanties. Cash avait, comme moi, peur que ça recommence. Peur qu’une femme nous détruise encore. D’ailleurs, les nouvelles chansons qu’on écrivait avaient comme sujet les femmes.

Moi, je voulais commencer vite… Et je savais que rejeter Samantha n’était pas une bonne idée. Lenny l’avait choisi. J’avais peur de perdre Lenny. Et, même si Samantha nous abandonne, il restera Lenny.

Alors je décidai pour Cash et me reposai mon regard sur Samantha.

-Cash a raison. Il nous faudra des garanties. Mais j’imagine qu’on ne pourra voir ces garanties que sur la durée.

C’était clair. Tout ce qu’elle pouvait faire, ici, c’était promettre. Et je savais ce que valais les promesses pour les gens.

-D’accord… Ce partenariat nous va. Et il n'y aura pas de stupides conditions. Si vous ne nous en soumettez pas, on ne vous en soumettra pas. Et, comme le dit Cash, notre album est sur la bonne voie. Il sera plein de haine et de passion. On aimerait l’enregistrer. Il vous suffira de nous ouvrir le studio. Le studio 4, si possible. Après, il y aura le clip. Je veux Liam aussi.

Je ne parlais pas encore de tournée. Saint-Louis, c’était hier pour moi. Je me tournai vers Cash, lui faisant passer en un regard que de toute façon, on avait Lenny. Et je voulais laisser sa chance à Samantha. Lui laisser la chance de me montrer qu’elles ne sont pas toutes les mêmes.

Une dernière chance…

Lenny observait les échanges entre Billy et Samantha. Cash parlait moins mais Lenny entendait bien qu’il marmonnait. Il y avait bien d’autres managers mais Samantha était le choix de Hughes et, maintenant, celui de Lenny. Cash n’appréciait pas la présence de Samantha et le choix de Lenny. C’était à prévoir. Lenny savait que Cash serait le plus difficile à convaincre des deux. Mais il comptait sur Billy pour faire pencher la balance. Lenny savait que Samantha avait certainement la capacité de convaincre le chanteur de son efficacité.

Elle avait joué la carte de définir son rôle comme observatrice. Lenny trouvait que c’était une bonne tactique car ça impliquait qu’elle ne se mettait pas en avant. Il n’y avait que le mot travail d’équipe qui n’était pas forcément passé dans le chef de Cash qui ne savait pas ce que c’était. Lenny avait grandement conscience que travailler en équipe n’était pas une chose aisée pour The Lightening. Le fait que Cash et Billy et non les autres soient là aujourd’hui devant les deux managers était une preuve que cette notion leur échappait. Billy avait expliqué sa façon de voir les autres. Lenny savait qu’un manager, pour The Lightening, n’était que celui qui mettait à leur disposition l’infrastructure pour enregistrer et leur permettait de booker des tournée et d’arranger les interviews. Ils ne voient pas les choses en équipe mais par besoin. S’ils ont besoin d’aide technique, ils iront près des roadies. S’ils ont besoin d’un studio, ils iront vers les managers. Mais une équipe… Même leur groupe n’en est pas une. Juste des individualités qui s’associe le temps de faire une chanson. En dehors de ça, pas sûr que The Lightening se voit. Billy Lighter ne traine jamais avec les membres de son groupe. Il vit seul chez lui. Mais Samantha avait une volonté de bien faire qui plaisait vraiment beaucoup à Lenny.

Le manager intervint alors pour expliquer pourquoi il avait besoin de Samantha. Billy disait que Lenny semblait sûr de lui. Le stress se voyait sur le visage du manager mais ça n’empêchait pas qu’il était de plus en plus sûr de ce choix.

-Je le suis.

Les questions de Billy trouvaient toutes leurs réponses chez Samantha. Elle avait utilisé un chapitre de sa vie pour prouver à The Lightening qu’elle ne les abandonnerait pas pour ça. Lenny n’avait pas connaissance du passé de Samantha mais il était touché. Il n’osait pas imaginer quelle douleur elle avait subi. Pourtant, elle était ici et continuait sa vie malgré le chagrin. C’était une femme forte, à n’en pas douter. Et c’était bien vu parce que ça toucha le chanteur aussi. Billy Lighter était la sensibilité incarnée. Une éponge incapable de contenir tous les sentiments qu’il absorbait. Lenny avait eu beaucoup de différents avec Lighter pendant leur collaboration… Mais il savait que le chanteur voulait le bien de The Lightening. Il s’y prenait juste souvent très mal.

Lenny continuait d’écouter et son visage luisait de transpiration à cause du stress de cette rencontre. Cash ce fit plus acerbes et surpris un peu Lenny. Il n’aurait pas imaginé que le guitariste parle autant. Le manager stressa d’autant plus. Cash était rude et Lenny le regardait très surpris de cette réaction spontanée et teintée de haine. Une haine qui se retrouvera, apparemment, sur le prochain album du groupe. Samantha ne devait pas être stigmatisée parce qu’elle était une femme. Mais Lenny savait que le chemin allait être long et ardu pour arriver à faire s’adoucir The Lightening à ce niveau. C’était un défi de taille pour Samantha à qui il envoya un regard de soutien.

Heureusement, Billy semblait vouloir lui laisser une chance. Lenny en fut soulagé et il était à la fois soulagé et effrayé de voir Billy reprendre son rôle de tyran. Il avait entendu Cash et pourtant il choisissait quand même, de son propre chef, d’accepter Samantha. Et Lenny savait que Cash suivrait malgré tout. C’était un point de gagné pour les managers.

Et Billy balança sans transition ce qu’il voulait faire. Lenny pouvait voir les idées défilées dans le cerveau de Lighter à une vitesse hallucinante et le chanteur essayer de les dires les unes après les autres de la meilleure des façons. Mais c’était chaotique. Toutefois, Lenny en avait l’habitude.

-Le studio 4 est justement libre. Et Samantha et moi, on s’occupera de ramener Liam après de toi. N’est-ce pas Samantha ?

Lenny et Samantha était une équipe. Lenny voulait l’approbation de sa partenaire et ses éventuelles impressions et idées.

La Harpie disait avoir perdu son mari et son enfant. Je laissai la compassion à Billy et me dressai entre lui et la manager pour le protéger des sentiments qu’une telle histoire pouvait engendrer chez Billy. Pour ne pas qu’il encaisse et absorbe tout ça.  

Dressé comme le cobra, j’avais craché mon venin, vibré comme le crotale face à un danger… Protégeant le chanteur de sentiments pouvaient faire déborder un vase déjà trop plein. Je prévins la Harpie : nous ne nous laisseront pas manipuler une nouvelle fois. Mieux encore, nous allions, par un nouvel album, atteindre toutes celles de sa race, leur dire notre façon de penser, sans détour, sans filtre.

Mais je n’en dis pas plus. Le reste serait bientôt diffuser par les radios à travers le monde. Jusqu’à ce que nous ayons suffisamment récupérer pour reprendre la route et hurler cela nous-même, encore et encore, à la face du monde.

Une fois mon message passé, je laissai Billy parler. La jeune femme savait ce que j’en pensais. Si elle voulait tenter sa chance tout de même, étant donné que le chanteur était prêt à la lui laisser, libre à elle.

La Harpie avait choisi de m’ignorer. Parfait.

Il était de toute façon clair que je me contenterais de communiquer avec Lenny, lorsque ce sera nécessaire.

Je tirai sur ma cigarette. Billy fit la liste de nos premiers besoins.

Le Studio 4.

Liam.

Les deux managers affirmèrent que c’était comme si c’était fait.

Je crachai une bouffée de fumée, repris une gorgée de Jack Daniel’s, écrasai ma cigarette et me levai, emportant ma bouteille.

Pour aller écrire les riffs que venait de m’inspirer Samantha Mancini.