Bon, quand t'arrives dans une nouvelle ville comme Los Angeles, la première chose que tu fais généralement, c'est visiter les lieux, te rendre compte à quel point cette ville est ouf. Tu trouves tout et n'importe quoi. Et le truc pour lequel tu te préoccupe le moins, c'est de bouffer bizarrement. Et pourtant, c'est hyper important, 'fin c'est vital quoi ... La première chose que j'ai fait en arrivant là-bas moi, c'est de pioncer. Entre le décalage horaire à la con, et la fatigue de ce long trajet depuis Londres, j'pètais pas la forme en arrivant à l'aéroport. Tout était prêt chez moi en tout cas, sûrement dû à la correspondance que j'avais établi depuis quelques années à LA. Les clés en main, je pouvais enfin découvir dans quoi j'allais vivre les prochains temps.

Le lendemain de mon arrivée à Los Angeles, j'ai dû me réveiller à genre cinq heures de l'après-midi, sans doute par la chaleur pratiquement intenable dans l'appart. En cette période de l'année, il pouvait rapidement faire 40, 45 degrés la journée, donc c'était pas vraiment ce qu'il y avait de plus agréable pour pouvoir se reposer. Et vu la capacité proche du néant de l'appartement à ventiler ... On crevait littéralement de chaud là dedans, on cramait littéralement comme des saucisses sur un barbecue. Il était carrément le temps de sortir de là, étant donné que mon appétit se faisant de plus en plus ressentir. Un café suivi d'un p'tit passage à la salle de bain, suivi de ma sélection de fringues. Un rituel devenu presque habituel pour moi. Pas grand chose à me mettre. Un simple T-Shirt en manche et un jean délavé ferait l'affaire. Je sortais pour aller chercher à bouffer, pas pour aller draguer. Quoi que.

Une chose qui m'a marqué dans cette ville en arrivant, c'est le taux d'hispaniques. Bon d'accord, j'habitais San Pedro, un quartier sur le bord du pacifique, le nom aurait dû me faire comprendre direct. Mais non j'étais trop jeune et con à l'époque. N'empêche avec mon teint de peau, je passais inaperçu. Inaperçu pour les mecs, mais pas pour les nanas, héhé. Enfin bref, j'suis pas là pour vous parler des mes histoires de nanas de l'époque (c'était bel et bien la City of Angels, croyez moi), mais plutôt pour vous parler des mes premières courses à L.A. Cette ville pouvait vous fournir de tout et de n'importe quoi à la fois. Suffisait de demander. De la drogue ? Y en avait à foison. Du sexe ? Si vous saviez ... On était pas là-bas pour l'amour à l'époque ... Et que cette ville était rock n'roll ...

De quoi avais-je envie ? De thé premièrement, c'est un truc auquel je peux pas me passer. Et y en avait pas à l'appart, sacrilège. J'avais une envie de bacon aussi. Bref, il me fallait un magasin qui puisse me fournir de tout ça, et c'est justement ce que j'allais trouver au Sainsbury Market, un magasin où j'allais passé du temps pendant toute ma période à glandouiller à Los Angeles. En plein centre de la ville, tenu par des anglais, pour des anglais, le magasin parfait pour nous immigrés. A l'époque c'était pas encore la grande surface que c'est devenu depuis. C'était un petit magasin assez calme, qui nous passait les Beatles et les Pistols à donf. Entre les rayons, on pouvait l'entendre l'accent anglais qui résonnait comme si on était encore en plein centre de Londres pour acheter un pudding le dimanche matin.

Flirtant avec les rayons, plusieurs vendeurs se rapprochent de moi, essayant de m'aider, mais s'éloignant assez rapidement en fait, leur faisant un signe de renvoi à la caisse. Déjà, d'une, j'étais pas bien réveillé, et de deux, j'étais venu en sachant ce que je voulais. C'était fou. Ce magasin avait vraiment tout ce dont un anglais en passage à LA pouvait vouloir. Un choix de thé à n'en plus finir, autant que dans un English Store. On était plusieurs dans le rayon du thé. Personnellement, un Darjeeling allait faire l'affaire. Un pudding pour le midi suivant, suivi d'un peu de bacon pour évincer mes envies de bacon grillé. Et puis tant qu'on y est, autant faire un tour du côté des vinyles disponibles. Une belle ribambelle de bouse, mais quelques trucs sympa. Et quelques compact-discs. Dommage, j'avais pas de quoi lire ces trucs moi, à ce moment là.

Fallait vraiment que je trouve un lecteur CD. J'crois que c'est comme ça qu'ils appelaient ça ... Paraît que la qualité du son est bien meilleure. Enfin bref, dans le magasin, depuis que j'étais arrivé, ça s'était bien rempli. Le magasin était complètement blindé, tout le monde se bousculait pour du putain de thé ... Tu trouves ça normal toi ? Quel bordel ... Heureusement j'avais calé mes sachets en vrac dans mon panier, parce que sinon j'étais bien dans la merde, enfin bref. Une nana m'interlocuta quand même. Darjeeling, Earl Grey ... Typiquement anglais ... Ca, ça peut être sympa. Enfin bref, thé, bacon, j'avais tout ce qu'il me fallait, plus qu'à filer à la caisse.

Plus qu'à filer à la caisse ouais ... Si t'avais vu cet amas de gens à la caisse ... Tout le monde était si pressé ... Les gens ne savent plus profiter de la vie de nos jours. En fait, c'était pas que les caisses étaient blindés, mais comment dire, les caissières c'était de vrais dindes quoi ... Ca gloussait, encore et encore sur le gamin de la fille de la cousine ... Putain de merde quoi. Bah ouais les gens bossent quoi, j'aimerais bien rentrer taper quelques plans à l'appart moi. Tiens d'ailleurs, en parlant du bordel à la caisse, la supposée anglaise (par moi), a carrément pété une durite à la caisse ... Compréhensible en fait, mais j'avoue que ça m'a bien fait marrer sur le coup.

"Excusez-moi, mais vos comptez nous faire passer quand là ? Vous êtes payée à parler ou à bosser ? Il y a un moment pour tout … Ca fait dix minutes que j'attends à cette caisse. Faudrait se réveiller un peu là. Vous vous moquez de moi là c'est ça ? C'est un caméra cachée ou quoi ? On est plusieurs à attendre là … Oh hé !"

Elle finit par changer de caisse, mais elle se sera bien fait remarqué ... J'espère pour elle que c'était une bonne cliente ... Bon au final, je me décide à me caler à une caisse, parce que je devais avoir l'air bien con à attendre je ne sais quoi. N'empêche, crois-tu que la caissière d'à côté se serait un peu plus pressée ? Même pas ... Il y a des gifles qui se perdent, j'vous le dit moi. Me rapprochant d'une des caisses, je me retrouve juste derrière la jeune femme.

"Elles exagèrent quand même ... Faut pas vous énerver comme ça, vous savez. "

Discours moralisateur de merde. J'avais que ça à dire, franchement, moi ? Putain, moi, le fumeur de joints, le mec qui boit sans compter, qui passe ses soirées à bosser sa gratte à en faire péter des câbles les voisins ... Super ... Je posa mes affaires sur le bord de la caisse, attendant que le caissier se décide à faire passer les clients attendant devant moi ... J'ai le temps, vu sa nervosité.

"- Tu peux bouger ton cul sinon et faire passer les autres là, t'es payé, alors tu bosses !"

Comment casser sa morale.

Le self-control. Visiblement c'est une spécialité anglaise, au même titre que le pudding, ou la jelly. Pis compte tenu de la fatigue que j'engendrais depuis mon arrivée à Los Angeles, il ne fallait pas grand chose pour que tout pête. Pis là franchement, il devait être 6 ou 7 heures, j'avais juste envie de repasser vite fait par l'appart pour en ressortir vite fait bien fait, prendre une bonne soirée dans un bar, boire un coup, et peut-être rentrer bourré à l'appart ... Ouais ça semblait être une bonne solution. Mais pour cela, il fallait que ce caissier se bouge un peu plus, et pour l'instant c'était pas parti pour, vu la vitesse dont il se bouge devant.

C'est sans doute pour ça, que j'avais craqué, parce que franchement, je disais tout haut ce que tout le monde devait penser tout bas. Et ça c'était sûr, rien que le regard de la jeune femme devant moi allait rapidement me le faire comprendre, même si elle avait craquée avant. Elle devait se retenir toujours. En plus c'est pas comme si j'avais un chariot de course blindé de trucs. Enfin bref, tout ça pour dire que le caissier devait avoir une trentaine d'années, et qu'il allait pas plus vite qu'un vieil octogénaire.

Finalement, j'étais assez d'accord avec elle, ils exagèreaient vraiment ce jour là. Mais au bout d'un certain moment, c'était son tour, à la jeune brune. Elle était pas forcément très grande, elle était plutôt bien faite. Elle faisait assez jeune, mais vu son caractère, il s'agissait d'une personne soit, plus agée qu'elle en avait l'air soit une personne ayant du bagage derrière elle. Elle semblait plutôt intelligente, et avait ce regard malicieux qui me percait à jour rien qu'en me regardant. C'était assez troublant de la voir sourire tellement son visage s'illuminait quand elle esquissait un mouvement des lèvres. Bref, passons, j'en posais mes articles sur le tapis de caisse, pendant que le caissier s'occupait d'elle. Rien de bien spécial, hein, bacon, eggs, baked beans. Histoire d'avoir au moins quelques bons souvenirs du pays d'où je venais.

Mais en fait, ce qui était intéressant dans ce magasin c'était de voir ce que les gens prenaient. Il s'agissait pour la plupart d'expatriés j'imagine vu les chariots, contenant souvent du thé, du bacon, des produits vraiment de chez nous. Aux USA, on trouvait principalement des fast-foods, du poulet frit, sans pour autant caricaturer. Sérieusement. Pour en revenir à la jeune femme devant lui, elle semblait si froide au départ, mais pourtant, quelque chose m'attirait vers elle. C'est sans doute pour ça, que je pouvais pas la laisser partir comme ça ... En même temps, c'est toujours plus facile de tisser des liens avec des gens qui ont la même origine. C'est pourquoi je l'invita à venir boire un café. Non mais pas chez moi, m'enfin, pas pour l'instant quoi. Surtout vu le bordel qu'il y avait à l'appart, c'était pas vraiment le moment d'inviter du monde. Le caissier la fit payer, ce qu'elle fit rapidement, comme pour faire oublier l'attente qu'on avait pu connaître.

- Eh, excuses moi !!

J'espérais vraiment qu'elle se retournerait sur le coup en fait. Mais, elle rangeait ses courses, en fait.

- Je peux t'offrir un café ? Je suis nouveau ici, ça serait bien d'avoir quelques contacts ...

ça devait vraiment faire bizarre de venir parler à quelqu'un comme ça, surtout qu'elle ne connait même pas mon nom, mais bon, qui ne tente rien n'a rien comme on dit, donc bon, essayons, nous verrons, me dit-je. Notre origine commune allait peut-être faire effet.