J’avais été rendre visite, entre la tournée américaine et la tournée européenne, au garage où je travaillais avant. J’avais été accueilli à bras ouvert, j’avais trifouillé à deux ou trois voiture juste pour rire et en souvenir du bon vieux temps tout en racontant aux autres quelques anecdotes de tournées. Le vieux Robson était particulièrement content de me voir et y allait de grandes tapes dans mon dos. J’étais peut-être grand, mais lui était immense et vachement en forme pour un vieux de la cinquantaine !

Après ça, la faim avait commencé à se faire sentir et j’avais quitté l’Eastside pour me diriger vers Downtown où je me disais que j’aurais plus de choix pour choisir un restaurant. Je n’avais aucune idée de ce que j’avais envie de manger…

J’avais finalement, après quelques pérégrinations, opté pour un classique affligeant : le McDonald. Mais il n’y a que ça de vrai, finalement !

Il était aux alentours de midi et c’était donc l’heure de pointe. Tout le monde avait faim, certains étaient un peu à cran au point d’en oublier la politesse élémentaire… mais bon, on était à Los Angeles, Downtown… Et parfois, je me disais que je préférais de loin le comportement un peu rustre des petites gens de l’Eastside ou de South L.A. que les grands airs des hommes et femmes d’affaires du centre-ville.

Je faisais donc la file, les mains dans les poches, quand j’entendis un grand fracas de plateau qui tombe derrière moi. Je me retournai dans la direction du bruit par réflexe pour fois une jeune femme blonde accroupie à terre son plateau renversé, son soda qui formait une grande flaque au sol…

Et pas un mouvement de la part de quiconque pour aller l’aider parce que chacun était trop occupé à garder sa précieuse place dans la file. Alors j’en sortis, de la file, pour aller l’aider, d’autant que je voyais bien que la jeune femme était enceinte de quelque mois ! C’était quand même désolant…

Avec ses cheveux qui lui cachaient le visage, je ne pouvais pas reconnaître l’ex de Delfino et actuelle épouse d’Hank North, Bailey. Je m’accroupis près d’elle pour l’aider à ramasser ce qu’il était possible de ramasser mais qui finirait tout de même à la poubelle.

-Ça va aller… laissez-moi faire.

Une employée du McDonald arriva avec une serpillère et en tirant la gueule, pour éponger le soda au sol. Alors je me relevai en aidant la jeune femme à faire de même en la soutenant d’une main dans la sienne. Et ce fut à ce moment-là que nos regards se croisèrent et que je la reconnus. Ma bouche se tordit un peu à cause de la surprise et du sentiment mitigé qu’elle m’avait laissé la dernière fois.

Enfin, quand j’étais sorti de chez elle, mon sentiment n’était pas « mitigé » à proprement parler. Il était même très clair, à vif, à ce moment-là. Puis avec le recul, la tournée et Delfino qui avait pris le parti de passer à autre chose à son rythme, me ressentiment s’était estompé… D’autant que je ne pensais pas avoir à croiser encore le chemin de Bailey North.

-Oh… Bonjour, Madame North.

Je supposais qu’elle se rappelait de moi, je n’avais pas été tendre avec elle. Mais il ne me semblait pas que ça datait de suffisamment longtemps pour qu’entre temps, elle se retrouve enceinte jusqu’aux yeux !

Et elle restait désormais une femme enceinte qui avait besoin d’un coup de main.

-Vous allez bien ? Vous avez juste trébuché ou vous avez mal quelque part ?

@ Billy Lighter

Ce matin, j’ai un tout petit contrôle de grossesse à passer, exigence du Docteur Mclean, alias ‘’ sexy Docteur ’’ pour les intimes.  Il doit mesurer mon ventre, me peser, écouter le cœur de Baby North et me faire une toute petite prise de sang.  Terry s’est porté volontaire pour m’accompagner ce qui nous fait une première sortie officielle  rien que moi et lui. En fait, je crois qu’il mourrait d’envie d’entendre le cœur battre, lui aussi et comme Hank est toujours en plein tournage et que Grace et Diana avaient elles aussi leurs engagement respectif, mon beau-père s’offusquait de me savoir devoir prendre un taxi.  J’avoue sans gêne être heureuse de pouvoir passer du temps avec lui plutôt que dans un taxi impersonnel.

Je trépigne d’impatience d’entendre à nouveau le cœur de ma fille. Je voudrais pouvoir avoir l’une de ces machines à même ma chambre à coucher. Je sais que je passerais mon temps à l’écouter.

Tout va bien pour Baby North et j’ai gagné un kilo supplémentaire. Ça, je m’en serais passé, cependant !  Mon beau-père à quand même l’explication parfait, alors qu’il me dit que ce n’est rien, un tout petit kilo pour assurer la santé de sa petite-fille.  Baby North ne manquera de rien, je m’y suis engagée, face à la vie, pour cette seconde chance et je fais tout mon possible pour suivre à la lettre les différentes recommandations du médecin.

Quand nous sortons du bureau du médecin,  mon ventre gronde, je meurs de faim !  Terry  me propose de me laisser au Mcdonalds non  loin le temps qu’il passe à la quincaillerie chercher je ne sais quel bidule pour réparer je ne sais quel machin.  Mais moi ça me va d’aller manger en l’attendant, parce que je n’ai pas très envie d’aller à la quincaillerie, m’extasier devant des planches de bois de cèdres. Et pour déjà avoir entendu Diana mentionner que chaque fois qu’il va là, il prend une éternité car il discute avec  Jonh et qu’ils finissent toujours par parler de voiture.

J’ai très hâte de ne pas entendre tout ça.

Mais j’y serais allé, et je n’aurais rien  fait pour l’empêcher de parler avec son ami, si j’avais du l’accompagner.  J’aurais, par contre, probablement vidé le distributeur d’arachides parce que j’ai toujours faim et que je cherche toujours à grignoter, dit la fille qui  passe près de perdre connaissance quand elle voit la balance osciller sur un kilo supplémentaire.

Terry me laisse  à l’entrée du Mcdonalds et j’entre dans le restaurant bondé de monde. Pas étonnant  vu l’heure qu’il est maintenant.  Mon estomac, accompagné de ma fille, cri famine.

Heureusement, l’attente dans la file n’est pas si longue et je me fais servir des nuggets avec des frites et un grand soda. Sans savoir pourquoi, mon cerveau me replonge dans de veux souvenir. Une fois, j’avais ramené du Mcdo au gamin d’une copine et puis… je ne veux pas penser à la suite.

Je suis planté là, mon plateau dans les mains, un nœud dans la gorge, complètement perdue et Baby North qui choisit ce moment précis pour m’enfoncer son petit pied dans les côtes, me surprend au point où j’en échappe mon plateau sur le sol.  Je me sens honteuse, et je suis un peu perdue.  Je ne sais pas ce qu’est devenu Jesse. Et j’ai cette petite voix qui me dit que ça en fait un autre de gamin que j’ai abandonné à son triste sort. J’en ai les mains qui tremblent alors que je tente de nettoyer mon dégât. Une âme charitable s’agenouille et m’aide à ramasser bien que rien ne peut-être sauver de mon repas. Tant pis, nous passerons à la commande à l’auto quand Terry viendra me chercher.

- Le bébé m’a surprise en me…

C’est l’ami de Delfino qui est là et m’aide à me relever. Je crois qu’il est aussi surpris que je ne le suis et le malaise est palpable. Disons que dans la liste des personnes que je ne souhaitais pas revoir, il n’est pas loin de mon ancien souteneur et Daniele Ricci.

- Je vais bien. C’est l’effet de surprise, je crois.

Les émotions, mélangées avec l’effet de surprise de me voir  secourue par Abel et Baby North qui a décidé de me faire un French Cancan en règle, j’ai la tête qui tourne et j’ai besoin de m’assoir. Je soupçonne l’infirmière de m’avoir siphonné un petit peu trop de sang aussi !

- J’ai besoin de m’assoir, j’ai chaud et la tête me tourne.

Je commence à regretté de ne pas avoir accompagné Terry à la quincaillerie…  Une fois assise, un employé m’apporte un verre d’eau et me propose de me préparer un nouveau plateau, ce que je ne refuse pas.  L’eau me fait du bien et me permet de me ressaisir alors que je caresse mon ventre.  Timidement, je lève les yeux sur Abel qui s’est installé en face de moi.

- Merci, pour le coup de main.

@ Billy Lighter

Jamais je n’aurais pensé tomber sur Bailey North en entrant dans le McDo. Et encore moins la retrouver enceinte de quelques mois alors que ça ne faisait justement pas quelques mois que nous nous étions vu et qu’elle arborait alors un ventre parfaitement plat !

Je l’avais aidée à se relever sans savoir qui elle était, son identité protégée par ses cheveux. Mais même si je l’avais reconnue d’entrée de jeu, j’aurais agi exactement de la même façon. J’avais eu le temps de prendre du recul, lors de notre première rencontre qui m’avait touchée bien plus fort que je ne l’admettrai jamais.

D’abord, il y avait eu la colère, le dégoût et la haine de me retrouver devant une mère ayant abandonné son enfant et pour qui toutes les excuses semblaient bonnes pour se cacher ou justifier son geste. Une femme qui ne voulait même pas accordé le mérite à mon meilleur ami d’avoir au moins essayé de la soutenir avec ses maigres moyens.

Puis, avec le temps et en y repensant bien plus souvent que je ne l’aurais voulu, j’avais eu des remords… Rien que le fait de me retrouver là avec Delfino n’avait rien eu de légitime, alors l’insulter… J’avais agi ainsi dans le but de défendre et d’appuyer Delfino dans sa démarche, mais ça ne voulait pas dire pour autant que j’avais eu raison de le faire de cette façon-là…

D’autant plus que j’avais projeté sur une femme innocente tous les griefs que je réservais en réalité à ma propre mère.

A ceci près que ma mère n’avait eu ni le parcours, ni les ennuis, ni l’histoire de Bailey North.

Ma mère était partie avec une bande de bikers parce qu’elle avait trouvé ça amusant.

Soutenant l’épouse d’un des acteurs le plus connu de la ville, et dont j’espérais un peu au fond de moi qu’il n’était pas dans le coin, je lui demandai comment elle allait et à vrai dire, elle avait l’air un peu chamboulée.

-D’accord, on va s’asseoir.

J’avisai la table la plus proche et ne la lâchai que lorsque je fus sûr qu’elle ne risquait pas de tomber encore ou de faire un véritable malaise. Heureusement, tout le monde n’avait pas été inattentif dans le staff du restaurant et Bailey eut bientôt un grand verre d’eau devant elle.

Je lui souris quand elle me remercia pour le coup de main.

-De rien. C’est tout naturel.

Je pinçai mes lèvres…

Si vous… permettez que je m’assoie avec vous, je voudrais m’excuser de mon comportement odieux de l’autre jour. Ce que j’ai dit n’était pas à dire, même pour défendre un ami.

Je souris à nouveau en la regardant caresser son ventre… Je grattai ma tête quand même un peu perplexe.

-Mais peut-être devrais-je commencer par vous féliciter… Même si… Je ne saurais m’expliquer votre grossesse soudaine…

La voir enceinte n’était pas spécialement fait pour me rassurer. Mais la voir caresser son ventre de la sorte atténuait les craintes de toute façon tout à fait illégitimes que je nourrissais un peu malgré moi. Parce que je n’avais rien à dire, rien à conseiller, à Bailey North. Je ne faisais pas partie de son entourage, même de loin.

@ Billy Lighter

Ce que je ressens est possiblement le seul inconfort réel de ma grossesse jusqu’à maintenant ce qui est quand même  plus que parfait pour un sixième mois de cohabitation corporel avec Baby North. Ma fille, aussi petite puisse t-elle être, fait tout en son pouvoir pour me montrer qu’elle est bel et bien là. La façon dont elle à se me boxer l’intérieur me couple parfois le souffle. Mon beau-père relativisait là-dessus un peu plutôt alors que je soufflais entre mes dents pendant le trajet. Selon lui, si Baby North bouge autant, c’est qu’elle a été pendant 6 mois comprimé sur elle-même. Mon opinion à moi c’est que le sang des North coule dans ses veines.

Elle me donne donc un bel aperçu de ses capacités alors que j’étais perdue des années en arrière dans mes pensées et m’en fait même échapper mon plateau en plein milieu du restaurant. Je suis confuse, j’ai honte et je ne me sens vraiment pas bien. J’aurais dû tenir bon jusqu’à la maison et me réchauffer le restant de pâtes aux asperges qu’a cuisiner Hank la veille pour le diner.

Qu’importe, il est trop tard et je sens les regards braqués sur moi.  Heureusement, il y a encore des hommes bons sur terre, et il vient à mon secours en m’aidant à ramasser mon dégât et à me relever.  C’est tout de même avec surprise que je constate qu’il s’agit de l’ami de mon ex petit copain.  C’est pour dire comment parfois la vie veut vraiment enfoncer un petit peu plus la dague de l’humiliation.

Il m’aide à m’assoir et on m’apporte un verre d’eau qui ne calme pas ma faim, ni Baby North mais qui me permet  de me reprendre et de souffler un peu.

D’entré de jeu, Abel me demande s’il peut s’assoir à ma table et s’excuse pour les mots durs qu’il a eus à mon endroit lors de sa visite chez moi avec Delfino. J’hoche faiblement de la tête. Bien entendu que j’accepte ses excuses, j’en ai autant à formuler mais il ne me laisse pas le temps de les lui présenter puisqu’il me félicite pour ma grossesse soudaine.

- Personne ne se l’explique vraiment. Un jour ne n’étais pas enceinte, le matin suivant, j’avais cet énorme ventre.

Mais avant qu’il ne me prenne pour plus cinglée que je ne le suis j’ajoute :

- Le docteur appel ça un déni de grossesse.

Je ne vois pas l’utilité d’extrapoler sur les détails de ma grossesse surprise avec lui.
Quand je le regarde, je ne le vois plus avec les traits durs déformer pas la colère qu’il avait à mon endroit. Sans la justifier, je peux quand même comprendre qu’il avait mal pour son ami et qu’il se portait à sa défense. Je n’ai rien fait pour me rendre aimable on plus.

Je n’ose pas lui demander des nouvelles de Delfino, justement. Je pense beaucoup à lui ces derniers temps, je n’oserais pas l’avouer à Hank. Mais je regrette notre dernière conversation et ma grossesse risque de se retrouver dans les journaux ce qui n’arrangera pas la communication entre nous.  Distraitement, et surtout parce que c’est devenu un geste réflexe, je caresse mon ventre ce qui suffit à calmer la séance d’exercice de ma fille.

- J’ai eu beaucoup de temps pour réfléchir depuis votre visite. J’ai pris conscience de biens des choses, entre autre de comment je me sentais pendant votre visite. Il y avait longtemps que je ne m’étais pas senti plongé dans l’obscurité comme ce jour là.

Peut-être que si la rencontre avait été planifiée, que nous ayons eu le temps de se préparer mentalement et de voir venir la chose,  nous aurions adopté une toute autre attitude. Je n’en sais rien, nous ne pourrons malheureusement jamais rembobiner mais je suis tout de même persuadé que la discussion aurait été tout autrement. Pas plus facile, ni agréable mais sur un autre ton, c’est certains.  

@ Billy Lighter

Ainsi, Bailey North avait fait un déni de grossesse, ce qui expliquait que rien n’était visible lors de notre visite surprise et inappropriée la dernière fois. Je l’admettais, je m’en rendais compte maintenant et je saisis l’occasion de lui en faire part alors qu’elle acceptait d’une signe de tête ma présence à sa table pour le temps d’une courte discussion.

Elle avait maintenant un verre d’eau, une employée allait lui ramener un plateau complet… J’avais quelques minutes pour essayer d’aplanir les choses.

Si je m’étais excusé pour mon comportement déplacé de ce jour-là à la villa d’Hank North, je m’attendais peut-être un peu trop à ce que Bailey North dise en retour qu’elle avait été sur la défensive et qu’elle avait peut-être, du coup, mal réagit envers Delfino…

Mais non… Elle me donna un bref espoir en disant qu’elle avait pris conscience de certaines choses, pour ne souligner que le malaise dans lequel on l’avait plongé ce jour-là.

Certes, j’étais au courant, je m’étais déjà excusé pour ça. Ce n’était pas la peine de me rajouter une couche de culpabilité, j’en avais déjà assez, mais il semblait que c’était l’arme favorite de la jeune femme. Je pouvais admettre qu’elle n’avait pas eu la vie facile jusqu’ici, bien loin de là.

Mais elle n’était pas la seule à ressentir des choses. Dans la première conversation que nous avions eue, nous étions trois, avec trois ressentis différents, tous négatifs.

Elle n’avait pas été la seule plongée dans l’obscurité.

Mais apparemment, elle était incapable de voir au-delà d’elle-même.

Je pris une bonne inspiration, essayant de garder mon calme. C’était inutile de repartir dans les mêmes travers que la première fois. Je n’en avais pas envie, pas plus que je ne voulais la faire se sentir mal, le but de cette conversation que j’avais initié étant tout l’inverse. Et puis, je ne voulais pas donner un stress inutile à une femme enceinte.

Alors je pris sur moi, acceptant cette nouvelle vague de culpabilité. Tant pis. Mais ça n’augmenta pas mon capital sympathie pour Bailey North.

-Je sais que venir chez vous à deux, et alors que je n’avais rien à faire là, ni rien à dire, était inapproprié. J’étais là pour Delfino, j’avoue ne pas avoir réfléchi.

Je regardai son ventre rond, puis elle.

-Le fait est que j’ai été touché par votre histoire. Vous n’êtes pas la seule à avoir eu des périodes sombres dans votre vie. Ce que nous avons vécu dans nos vies respectives n’est certes probablement pas comparable. Mais ce que vous avez vécu ne vous donne pas l’exclusivité de la tristesse, de l’angoisse, de la peur, de la colère…

Je soupirai, espérant qu’elle comprenne que je ne disais pas ça pour l’enfoncer plus, mais dans l’espoir qu’il y ait une compréhension à double-sens et non plus à sens unique. Une chose était sûre, je n’allais pas m’apitoyer sur son sort, d’autant qu’à la regarder aujourd’hui, il n’y avait plus grand-chose sur quoi s’apitoyer.

-Votre histoire, ce que vous en avez dit, ce que Delfino m’en a raconté… Tout ça m’a replongé, moi aussi, dans ma propre obscurité. J’en ai touché un mot ce jour-là. Vous l’avez occulté alors que c’était une main tendue pour que vous puissiez comprendre pourquoi je réagissais exagérément et relativiser mes paroles.

Je haussai les épaules, je parlais très calmement, sans haussé le ton je ne voulais pas l’engueuler, je voulais un peu de compréhension sans devoir encaisser une nouvelle vague de culpabilité.

-Vous l’avez balayé d’un revers de la main. Comme si ça n’avait aucune importance.

@ Billy Lighter

Je ne me sens pas en confiance de me retrouvée en face d’Abel, vu comment c’est passé notre rencontre et toutes les choses qui ont été dites. Et bien que je sois reconnaissante qu’il vienne de m’aider, il n’en demeure pas moins que ce n’est pas la première personne avec qui j’avais envie de me taper une discussion. En ce moment, ma vie va bien. Hank et moi attendons un heureux évènement que nous n’espérions plus et de brasser encore une fois mon histoire avec Dany et Delfino ne me plais pas tellement.

Sauf que comme je le lui mentionne, j’ai beaucoup réfléchis depuis leur visite.

J’ai pris conscience de des choses que je n’avais pas vu, ou que je ne voulais pas voir.  Des choses que je voudrais pouvoir réparer, bien que je sache très bien que ce soit impossible.  Pas besoin de lire dans la tête de l’homme pour comprendre que je ne m’y prends pas de la bonne manière.

Je l’écoute attentivement, déchargé ses reproches justifiés, sans broncher, même si ça fait mal. On ne pense pas vraiment que des gens qu’on ne connait ni d’Ève ni d’Adam puissent nous en vouloir à ce point.  Je baisse les yeux, quand au final il me dit que j’ai craché sur une main tendue.

- Ce n’est pas ce que je voulais. Je suis vraiment désolée.

Même si de mon point de vu, je les ai vu, surtout mon ex petit ami, débarquer dans ma vie avec leurs valises pleines de questions et de reproches. J’ai enclenché à ce moment là le mode défense et me suis mise à larguer mes bombes pour me protéger.  La vérité c’est que nous avons été tous les 3 maladroits ce jour là et que personne n’a su voir la douleur des autres.

- Toute cette histoire là,  me fait encore terriblement mal. Dès qu’on l’aborder, c’est comme me mettre la tête dedans et forcer les blessures à s’ouvrir de nouveau. La dernière chose que je voulais était bien de minimiser les vôtres.

Je cherche mes mots.

Quelque choses me laisse croire que, peux importe ce que je dis ou comment je vais le dire, il comprendra que ce qu’il veut bien entendre.

Mon souhait le plus cher serait de rembobiner la cassette. De faire en sorte de ne blesser personne. De pouvoir offrir ce que je n’ai su offrir à Delfino et à Dany-Anthony.  Et si je ne pouvais vraiment pas le garder, si je ne pouvais vraiment pas faire les choses autrement, avoir au moins la force de le regarder en face et le lui dire.

Malheureusement, personne ne peut faire machine arrière et tout ce que j’ai comme pouvoir c’est de demander pardon et de lui faire comprendre que je ne suis pas insensible à sa douleur. Mais comment le lui dire sans lui faire d’avantage mal ?  Je me vois ne pas vraiment me présenter devant lui avec mon gros ventre, ce serait comme le narguer. Comme lui dire «  avec toi je ne pouvais pas le faire mais avec Hank, j’y arriverai ! »  Et comment lui faire comprendre sans non plus passer pour quelqu’un qui fuit sous le couvert de la maladie, que c’est quand même parce que j’ai admis avoir un problème psychologique, que j’ai eu recourt à des traitements, que j’ai été en cure que j’ai pu remettre ma vie sur les rails ?

- Vous êtes quelqu’un de bien. Pour prendre soin des autres et être à l’écoute, votre passé, même s’il vous fait souffrir ne vous défini pas.

Je lui souris. J’espère qu’il comprendra le sens réel de ma phrase et non pas un quelconque sens que je ne pensais pas avoir, parce que ma phrase veut réellement dire que je vois en lui ces qualités.

@ Billy Lighter

J’essayais de faire ouvrir les yeux à Bailey North sur le fait qu’elle n’était pas seule au monde et que si elle était en train d’écrire un nouveau chapitre de sa vie, il y en avait d’autres, comme Delfino, qui ne pouvaient pas tourner la page parce que… et bien parce qu’ils vivaient toujours dans le même contexte. C’est facile d’oublier quand votre vie change du tout au tout. Ça l’est moins que toute votre maison vous rappelle un bonheur mort-né, comme c’était le cas pour mon meilleur ami.

Je cru un moment que la jeune femme allait retomber dans les mêmes travers que lors de notre première conversation et centrer tout sur elle, ne parler que de la douleur de sa pauvre petite personne… J’étais d’accord. Je reconnaissais qu’elle avait vécu une vie de merde, je ne l’avais jamais nié, pas plus que Delfino.

Mais il fallait absolument qu’elle se rende compte que les autres aussi avaient des sentiment, que les autres aussi pouvaient souffrir, que les autres aussi pouvaient être triste… Et ça, elle avait l’air d’avoir bien du mal à l’assimiler.

Cette histoire lui faisait encore terriblement mal ? Je n’en doutais pas.

A Delfino aussi.

Chaque fois qu’on lui en parlait, c’était rouvrir ses blessures ?

Elle n’avait pas permis à Delfino de les refermé en reconnaissant sa douleur à lui… Alors c’était sûr et certains qu’elles ne risquaient pas de se rouvrir, vu qu’elles étaient encore béantes et sanglantes.

Jusqu’à ce qu’elle dise que la dernière chose qu’elle voulait, c’était de minimiser mes blessures. Je soupirai, comme de soulagement… ou plutôt comme un « Eurêka »… on y était arrivé.

Je laissai tomber mon front entre mes mains avant de la regarder à nouveau.

-Madame North… Si un jour, par chance, vous croisez à nouveau la route de Delfino… Sachez que cette phrase est tout ce qu’il avait besoin d’entendre.

Je tendis la main pour prendre la sienne.

-Moi, on s’en fout, je ne compte pas. Je n’avais rien à foutre là. Je n’ai fait que reporter maladroitement sur vous la rancune que je voue à une autre personne. Mais Delfino, lui, a besoin de la reconnaissance de ses efforts envers vous à l’époque, et de sa souffrance ensuite, pour pouvoir tourner cette page que vous avez tournée grâce à Hank North.

Elle affirmait que j’étais quelqu’un de bien et je lui souris.

-Mon passé est ce qui me permet de comprendre combien d’autres peuvent souffrir à cause d’histoires bien plus graves et tragique que la mienne, Madame North.

C’était tout ce qui faisait la différence entre elle et moi…

Une employée lui ramena un plateau garni et je lâchai la main de la jeune femme.

-Je vais vous laisser. Mais s’il vous plait, n’oubliez pas… Si vous avez l’occasion de revoir Delfino, dites-lui, par pitié, que vous comprenez qu’il ait pu souffrir aussi dans votre histoire.

Je me levai et la saluai.

-Et à partir de maintenant, tout ce que je vous souhaite, c’est tout le bonheur du monde.

@ Billy Lighter

J’ai déjà eu des conversations plus plaisantes dans ma vie, mais elles n’avaient probablement pas un fond de sincérité comme celle que j’échange avec Abel en ce moment.  Il aura fallu du temps, mais j’ai compris le message.

Il faut cependant laisser le temps au temps afin d’atteindre tous les palliés menant à une sérénité difficilement gagnée.  J’en ai bavé, Delfino aussi. Personne ne réagit de la même façon à une même situation. La guérison n’est pas la même non plus.

J’ai eu la ‘’ chance ‘’ d’aller en cure, de faire face à mes blessures antérieurs et faire la paix avec mon passé même si encore aujourd’hui, je ressens une profonde tristesse que même les bras de Hank n’arrive pas à apaiser.

Delfino n’a pas pu s’en guérir, et je le regrette.

J’hoche de la tête pour faire comprendre à Abel que j’ai bien compris ce qu’il m’explique et si un jour de croise de nouveau la route de Delfino, s’il veut bien m’accorder le temps de lui parler, je ferai en sorte de réparer mon erreur.

On vient me porter un nouveau plateau mais je n’ai plus faim.

Je le repousse au moment ou Abel lâche ma main pour se lever et me saluer en me souhaitant tout le bonheur du monde. Sa phrase sonne drôle à mon oreille. Je ne saurais expliquer pourquoi.

Quand il est partit, je me lève à mon tour.

Avec tout ça, mon beau-père doit être sur le point de revenir me chercher.

J’ai vu juste.

Quand je sors du restaurant, il m’attend, souriant, au volant de sa camionnette. Je grimpe à bord et lui demande doucement de bien vouloir me conduire à la maison plutôt que chez lui comme prévu.

- Je suis fatiguée. J’ai envie d’aller m’allonger dans mon lit et d’attendre le retour de Hank.

Mon beau-père sourit et acquisse à ma demande et m’amène chez moi. Mon beau-père attend que je sois bien entrée dans la Villa avant de quitter l’allée.

@ Billy Lighter