Ça m’avait demandé toute mon énergie d’aller jusqu’au lieu de concert accompagné de Peyton. J’avais toujours mal à la tête et encore plus après le coup de fils de Jack… J’en avais pas encore parlé à Peyton… Parce que j’voulais pas trop lui dire tout de suite qu’elle avait raison et tout. J’étais un p’tit peu touché dans mon ego avec cette histoire, moi…

Quand on fut arrivé, on était repassé par ma loge pour que j’puisse prendre mes baguettes, que j’me change pour mettre mes habits de scène et que j’puisse prendre, aussi, une bouteille de vodka. J’passai au maquillage aussi alors que BleedingHeart s’amusait sur scène. J’entendais le public d’ici et ils avaient l’air super motivés. Tant mieux… C’était plus cool quand le public était motivé.

Surtout que j’prévoyais plein de surprises. Déjà notre chanson avec Peyton qu’on allait faire sur scène et puis celle de Snip’ aussi. J’avais demandé à Snip’ s’il voulait la faire sur scène et il avait accepté. Tant qu’il était là autant en profité pour faire un concert totalement inédit… J’en avais parlé à Nathan et l’était d’accord… Et… Ben… J’avais rien dit à Apolline… Parce qu’elle semblait râlé depuis hier et que j’osais pas trop l’approcher. T’façon quand Peyton montra sur scène, elle comprendra, Apo’…

D’ailleurs, j’crois qu’elle avait déjà plus ou moins compris quand on se rassembla dans les coulisse, pas loin de l’entrée sur scène, tous ensemble… C’est-à-dire, The Burning Fire en entier, Peyton, Snip’ et moi. J’tapai contre le mur un rythme au hasard tout près de Peyton alors que j’sentais le regard d’Apolline sur nous malgré que j’lui tournais le dos. David, lui, l’avait juste l’air crevé. Mais j’étais content qu’il soit vivant après ce qu’il s’était passé hier.

J’osais rien dire… J’osais rien faire… J’lançai de temps en temps des regards à Snip’… Puis, à Peyton aussi alors que les roadies préparait notre scène après le concert de BleedingHeart… J’m’arrêtai de taper que pour boire des coups de vodka.

Mais le silence finit par être trop pensant alors j’regardai vers Peyton.

-Le public, l’a l’air motivé… Il va l’être encore plus quand il verra tout ce qu’on a prévu.

J’parlais pas tellement fort pour qu’Apolline entende rien de ce que j’disais… Et j’étais tellement focalisé là-dessus que j’en oubliais qu’inviter Peyton et Snip’ me contraindra à chanter deux chansons… J’avais plus chanté en live depuis le mariage où on s’était invité et j’me rappelle que j’avais eu un peu de mal mais que comme c’était pour déconner ça avait pas vraiment posé de problèmes… Mais là, c’était un concert et Timmy nous attendait au tournant.

FIRE !

Le public.

Boum.

Mon cœur.

Bang !

Un coup de feu.

FIRE !

Le public.

Boum.

Mon cœur.

Bang !

Un coup de feu.

FIRE !

Le public.

Boum.

Mon cœur.

Bang !

Un coup de feu.

Tu aimes ça, David…

Je serrai la main de Syd.

Tu adores ça…

FIRE !

Le public.

Boum.

Mon cœur.

Bang !

Un coup de feu.

Fatigué…

Je suis fatigué.

Je veux jouer.

Je veux entendre encore :

FIRE !

Le public.

Boum.

Mon cœur.

Bang !

Un coup de feu.

FIRE !

Le public.

Boum.

Mon cœur.

Bang !

Un coup de feu.

Le temps passait.

On attendait.

Howard.

Nathan.

Apolline

Sniper.

Peyton.

Syd…

FIRE !

Syd…

FIRE !

Et aux battements de mon cœur.

S’ajoutèrent les…

CLAP !

Du public.

FIRE !

Qui frappait dans les mains.

CLAP !

FIRE !

CLAP !

Boum.

BANG !

BANG !

BANG !

Les coups de feu.

Je clignai des yeux.

Serrai la main de Syd.

Le public, l’a l’air motivé… Il va l’être encore plus quand il verra tout ce qu’on a prévu.

Je hochai la tête.

Mes yeux se fixèrent dans le vide.

FIRE !

CLAP !

Boum.

BANG !

Mes cheveux se dressèrent…

Sur ma nuque…

Puis sur tout mon crâne.

Je penchai la tête.

FIRE !

CLAP !

Boum.

BANG !

BANG !

BANG !

J’adore ça.

Le public.

Les frissons.

Les coups de feu dans ma tête.

J’adore ça.

Je regardai Syd.

Lui souris.

Puis regardai Howard…

Puis vers la scène.

Là où de schizophrène…

Je devenais un Dieu.

-Donnons-leur ce qu’ils veulent.

Impossible de tenir en place. Je suis énervée comme une puce avant ce concert qui revêt une grande importance pour moi. D’abord, ce sera la vraie première fois où je verrai Howard sur scène et puis je viendrai le rejoindre pour offrir, en surprise, notre chanson. C’est aussi la première fois que je remonterai sur scène depuis mon accident . J’ai peur d’être éblouie par la lumière, de perdre le fil, que la migraine m’envahisse et que je ne me sente mal. J’ai bluffé tout le monde, avec cette fête improvisée mais en réalité, je me sens aussi mal que quand j’ai quitté l’hôpital et trouvé refuge à l’hôtel.

J’avale comme des dragées, des comprimés contre les maux de tête, puis je me prépare, sous l’œil mauvais d’Apolline qui, forcément, en coulisse, n’est jamais bien loin. Je voudrais la téléporter ailleurs, je ne saurais pas le faire alors aussi bien ne rien dire… pas tout de suite. Cela dit, elle n’est pas stupide. Pourquoi me maquillerais-je et enfilerais-je une tenue de scène si ce n’est que pour les regarder depuis les coulisses.  En retouchant mon rouge à lèvre, je la regarde du coin de l’œil au travers du miroir puis quand je suis satisfaite de mon rouge,  je me retourne, la regarde franchement, lui fais un clin d’œil et passe devant elle sans plus.

Dans les coulisses, The Burning Fire et Cie est réuni en attente de monter sur scène. C’est excitant, comme ambiance. Howard me semble comme un petit garçon qui tape sur le mur avec ses baguettes alors que tout le monde parle pour enterrer l’autre. Enfin, tout le monde…  ou presque.  David est plutôt muet mais comme il n’est pas très loquace de nature, j’imagine que c’est normal, tient la main de Syd qui elle, ne semble pas plus en forme que lui. Elle a bu beaucoup, hier ? Je ne sais pas… En fait j’ai perdu un peu tout le monde de vu hier après le concours de shots à l’absinthe.  Plus jamais je ne boirai cette merde là !

Puis, il y a la petite roadie, la sœur d’Howard qui passe et qui sans gêne, vole un baiser à Nathan avant de continuer son chemin.  Evan est là aussi. Je suis prête à parier qu’il ne fait pas que venir encourager son ami Howard avant son concert. J’aurai droit à la surprise en même temps que tout le monde.

- Bien sûr qu’il l’est ! Et ce sera de loin un concert mémorable, je te l’assure !

Pour être mémorable, il le sera !

Je prends doucement le visage d’Howard entre mes mains et l’embrasse sans aucune retenue. J’avais très envie de ce baiser, mais j’avais encore plus envie de déstabiliser l’ex petite amie d’Howard avant qu’ils ne montent tous sur scène.  Elle tire le groupe vers le fond, depuis un moment. Je n’ai pas besoin qu’on me le dise pour le savoir et qu’importe si m on opinion est erronée, c’est la mienne qui compte ! Cette fille est un fardeau qui freine l’élan créatif d’Howard ! La preuve étant que depuis qu’ils ne sont plus ensemble, ses projets explosent de partout et il est plus prolifique que jamais !

Il ne reste que Timmy à ouvrir les yeux mais, j’y travail !

Le compte à rebours a commencé. La scène est prête depuis un petit moment et les fans dans la salle scande plus fort que jamais le nom de leur groupe favoris.  J’embrasse une dernière fois Howard puis me recul pour me tenir plus prêt de Sniper et Sydney.

- Que le spectacle commence !

Putain, j’en avais la chair de poule… Le public hurlait après le groupe, et ce à un rythme régulier et en tapant des pieds ce qui faisait littéralement trembler la terre ! Et moi, j’étais comme un putain de cheval, entouré par tous les autres au bord de la scène, encore bien dissimulé par les rideaux, en train de piétiner dans son box en attendant d’être lâché.

Et de pouvoir courir.

Bon, ok ! J’étais un vieux cheval sourdingue.

Tout le monde semblait motivé. Un peu crevé par la fête d’hier mais motivé. Autant que le public, comme le souligna Howard à côté de qui Peyton se tenait… Ah non… Non, elle se prit encore pour un poulpe et se ventousa à la bouche d’Howard.

Ok… Ok… Ils étaient hyper amoureux, genre, avec des néons roses au-dessus de leur tête et tout. Et à ma gauche, il y avait David et Syd… eux, jouaient pas aux poulpes… Et à vrai dire, je mentirais si je disais que c’était pas pour me déplaire. Non… ils se tenaient la main mais… Syd avait des cernes jusque par terre. Et je faisais un gros effort pour ne pas glisser ma main dans la sienne, moi aussi. Juste en signe de soutien…

Limite, le claviériste avait l’air plus en forme que la journaliste alors qu’il avait fait une putain de crise d’épilepsie le jour avant. Son regard était ailleurs, mais fixe et son expression était celle du type… qui va faire craquer la terre en deux sans prévenir et sans rien demander à personne.

Son expression couplée aux appels du public, qui ressemblait à des putains de tambours de guerre tribale et qui augmentaient en volume à chaque coup… plus la détermination avec laquelle il annonça :

Donnons-leur ce qu’ils veulent.

Me fit grimper un long frisson tout le long de l’échine, sans que je puisse savoir si c’était agréable ou pas.

Et entre nous… C’était la première fois que j’entendais ce type parler…

Ma main effleura celle de la journaliste à côté de moi… Un peu mal prise probablement entre David et moi… Je ne savais pas ce qui se passait entre eux… Ce n’était pas comme si les explications de Syd la veille avaient été claires.

Mais je savais qu’elle voulait que je sois là « après »… Je ne savais pas si on était déjà « après »… ou quand c’était « après ».

Ce fut la voix de Peyton qui me ramena à la réalité alors que le moment d’entrer en scène pour The Burning Fire appochait… Timmy Evans savait que Peyton et moi nous étions invités sur ce concert, tous les deux grâce à Howard. Et la seule que cela semblait miner, c’était la guitariste, Apolline McLagan… Qui ne m’inspirait pas plus que ça de sympathie parce que je ne l’avais vue que tirer la gueule depuis leur arrivée.

Alors je souris à Syd… Puis à Peyton qui s’était rapprochée de Syd et moi, laissant un peu d’air à ce pauvre Stone…

-A The Burning Fire de jouer… Et puis je te laisse l’honneur d’être la première guest, Lola. Les femmes d’abord !

Je n’ai pas dormi de la nuit, luttant pour garder la tête hors d’un tourbillon d’émotions toutes plus confuses les unes que les autres. Rompre avec David ne se fait pas sans douleur, sans soulever une tonne de questionnement. J’ai peur pour lui, je me ferai toujours du souci et je sais que je ne saurai jamais capable de complètement couper les ponts avec lui. Ce n’est pas non plus ce que je veux.
Bref, tout cela ne sera pas facile.

Rompre avec une personne dont on est sincèrement amoureuse est probablement la chose la plus difficile que j’aurai eu à faire de toute ma vie.

Pour le bien de la tournée, parce que oui, parfois, il faut faire passer certaines choses avant d’autres,  et dans ce cas-ci la tournée ne dépend pas que de lui, j’ai décidé de rester, au moins pour ce concert, et de soutenir David avant qu’il ne monte sur scène.

À quelques instants avant qu’ils ne grimpent sur scène,  je découvre une énergie différente qui émane de David. Quelque chose qui l’anime, que je n’ai jamais encore vu chez lui et qui me transperce le cœur, comme pour me narguer de ma décision.

Mais je l’assume.

- Tu vas tout déchiré, David !

Je le regarde.

Je lui souris.

Je veux qu’il sente que je disais vrai hier, quand je lui ai promis que jamais je ne le laisserais tomber.

Je n’en ai pas l’intention.  

Ni maintenant, ni demain ni jamais.

La foule scande de plus en plus fort, elle réclame son groupe favoris, il est difficile de ne pas frissonner, emballé par l’euphorie contagieuse qui sévit jusqu’en coulisse. Je me recule un peu à l’instar de Peyton et d’Evan, pour laisser le groupe s’unir avant qu’ils investissent la scène.  Ils grimperont sur scène avec The Burning Fire, il me tarde de pouvoir voir ce qu’ils nous réservent.
Peyton, à la bonne grâce d’Evan, sera la première à offrir la surprise de sa présence aux fans qui ne se doutent de rien.

L’effervescence est à son comble, ce n’est qu’une question de seconde avant qu’ils ne passent le rideau et en donnent plein la vue à cette foule euphorique.  Je recule alors encore d’un pas puis me tourne vers Evan.

- Merci d’être resté, je l’apprécie.

Je sais bien qu’il n’est pas resté pour moi, ou que pour moi. Sa présence ici tient surtout d’une collaboration mystère avec Howard Stone, un truc que je pourrai rapporter lors de mon prochain micro pour L.A.Rocks.

N’empêche que ça me fait du bien de le savoir là.

De sentir sa présence, amical, de pouvoir compter sur le support de quelqu’un qui  ne portera pas de jugement. Je ne crois pas me tromper, j’ai bien sentis sa main effleurer la mienne il n’y a pas si longtemps de ça. J’initie à mon tour la même marque, sans rien forcer. Juste, lui rendre le geste, lui sourire, en signe de gratitude.

Ouais, ça sera un super concert. Peyton, l’en était sûr et ça me fit sourire. Je le laissai m’embrasser. Non, j’fis mieux encore, j’prolongeai le baiser sans voir le regard noir d’Apolline sur nous.

Les p’tits trucs que j’avais prévu avec Peyton et Snip’ allaient plaire au public. Qui n’aimerait pas voir en guest Peyton et Snip’ ? Personne, c’est bien ce que j’me disais. Surtout que, pour Snip’, ça sera la première fois qu’il remonte officiellement sur scène.

Tout le monde semblait super prêt. David trépignait aux côtés de Syd. Ça semblait aller un p’tit peu mieux entre eux. Enfin j’crois… Ils se tenaient la main… C’était bon signe, non ? Y’avait Snip’ tout près d’eux et tout le monde attendait un peu le moment de vérité. Le public aussi… Il n’attendait que ça vu les clameurs. C’était ça qui m’avait manqué pendant ma p’tite convalescence. Le public, l’ambiance, tout ça… C’était ce que j’adorais.

Et j’étais pas le seul vu David, Peyton, Snip’ et Nathan… On était tous motivés ! J’crois que ça sera le meilleur concert de la tournée !

La scène était prête. On allait pouvoir monter sur scène. Peyton m’embrassa disant que le spectacle devait commencer. J’souris et hochai la tête avant que Snip’ ne dise que c’était à nous de jouer. Il laissera à Peyton l’honneur d’être la première guest. J’fis un clin d’œil à ma p’tite amie alors que les autres étaient déjà partis devant pour rejoindre la scène. J’crois pas qu’ils avaient entendu ce que venais de dire Snip’.

-J’t’appellerais pour monter sur scène, chérie.

J’savais déjà comment m’y prendre. Peyton allait aimer. J’grimpai sur scène à mon tour pour rejoindre ma batterie. Y’avait mon éternelle bouteille de vodka juste à côté prête à être bue.

Et le concert commença avec une des chansons du dernier album. Une de mes préférées de cet album-là, d’ailleurs.

J’tapais sur ma batterie retrouvant assez vite mes sensations. P’tain, j’avais l’impression que ça faisait 100 ans que j’avais plus fait ça… J’profitai et quand on passa trois chansons, j’me levai de ma batterie interpellant Nathan.

-Hey, Jerry ! Attends avant d’enchainer. J’ai une surprise. Laisse-moi l’micro deux secondes.

Ouais, j’en avais pas parlé à Nathan non plus de mes p’tites surprises. C’est pour ça qu’il tirait une drôle de tête.

J’avançai vers le micro un p’tit peu essoufflé parce que faire de la batterie, c’est plus physique qu’on ne l’imagine. Apolline me foudroyait du regard mais j’la voyais pas parce que j’regardais vers le public.

-Salut à tous ! On a des p’tites…

Respire Howard… C’est pas si dur… J’repris mon souffle.

-On a des p’tites surprises pour vous, ce soir. Des invités super cool que vous allez apprécier. En premier et exclusivement pour vous avec une chanson inédite et jamais encore entendue, la seule, l’unique et la plus jolie : Lola !

J’me tournai vers les coulisse tendant le bras vers là aussi avec un grand sourire aux lèvres.

J’aurai l’honneur d’être la première invitée sur scène qui offrira au public du Dynamite Tour une chanson surprise qu’Howard et moi ayons enregistré, un peu avant de prendre l’avion pour l’Australie. Notre première composition ensemble et pas la moindre puisqu’il s’agit d’une chanson plutôt personnelle.

Nos cœurs livrés sans censure.

Un petit clin d’œil à Howard puis même, une petite claque sur ses fesses avant de le voir s’avancer avec ses comparses musiciens. Forcément, ça me donne envie moi-même de reprendre le collier. Pouvoir offrir a mon public mes propres chansons, de ville en ville, soir après soir.

Ce pourquoi je suis faite.

Les spots de lumières projettent de longs fuseaux lumineux sur la scène ce qui donne le go à The Burning Fire se s’avancer. La foule hurle de joie si fort que je peux presque sentir vibrer sous mes pieds. Je rigole, surprise et amusée, en regardant Sniper et Peyton comme pour leur demander sans même parler s’ils sentent aussi l’engouement.

Le spectacle commence enfin.

The Burning Fire n’a même pas entamé sa première chanson que la foule est en effervescence, elle hurle et scande son amour pour le groupe qui foule les planches jusqu’à ce que les membres prennent respectivement leur place.

Moi, je n’ai d’yeux que pour Howard.

C’est la première fois que je le vois en live, que je peux admirer sa prestance, assit derrière ses tambours, baguettes en mains, ses bras musclés s’agiter alors que les premières notes se font entendre. Je découvre vraiment son talent ce soir, celui de son groupe dont le seul bémol provient de la guitare qui se tient de l’autre côté de la scène.

- Elle est là sans être là ! , que je dis à voix haute sans vraiment m’adresser a quelqu’un en particulier.

Sniper et Sydney sont pourtant tout près mais je me trouve comme dans une espèce de bulle où je peux tout voir, tout analyser. Je décèle chaque hésitation sur les cordes de la guitare de l’Écossaise qui n’offre pas une performance des plus mémorables ce soir.

Je n’ai aucune pitié pour elle qui fut la propre artisane de son malheur.

Après la troisième chanson, Howard interpelle Jerrye The Kid et lui demande de lui laisser le micro un moment ce qui n’est pas sans entraîner de nouvelles salves d’applaudissements euphoriques dans la salle.

Ça va  y être !

Je suis fébrile, excitée au possible mais nerveuse aussi, ce qui ne m’est jamais arrivé avant de monter sur scène. J’ajuste mon oreillette puis je place mes verres fumés devant mes yeux. Je préfère ne pas prendre de chance, si je devais être aveuglé par un retour d’éclairage et être foudroyé par la migraine, ça gâcherait tout et, de toute façon, l’excentricité de mes styles fait partit des choses auxquelles j’ai habitués mon public.

J’avance donc sur scène, armé de ma guitare.

Puis, maintenant que j’ai rejoins Howard, je m’approche du micro qu’il tient.

- N’est-ce pas une belle présentation qu’il vient de me faire ? Un homme à marier ! C’est d’ailleurs ce que je ferai dès cette tournée terminée !

Je n’avais pas planifié rendre public l’évènement mais  je n’ai pas pu m’en empêcher, surtout parce que je cherchais une nouvelle façon d’ébranler l’ex petite copine d’Howard qui en échappe même sa guitare avant de se reprendre, sous les cris hystériques de la foule. Il y a certainement au travers d’eux des pros Apolline mais qui résisterait à applaudir devant un moment si parfait, auquel j’ajoute un baiser soutenue.

- Melbourne ! Je suis heureuse d’être ici ce soir pour vous offrir une chanson qu’Howard et moi avons composé tous les deux. Elle vous plaira, j’en suis certaine !

Howard retourne à sa batterie et, quand il est prêt, je gratte mes premiers accords alors même que la bande de bass pré enregistré est lancé. C’est la première fois que j’entends notre chanson de cette manière. C’est émouvant, oui, c’est bien le mot.

Je ne suis pas le genre de chanteuse et, pour l’occasion, guitariste à resté sur place, je bouge et me tourne un peu pour regarder Howard qui débutera la chanson au chant.

C’était le bon moment ! Celui de montrer au public notre chanson à Peyton et moi. J’aimais faire des trucs inédits mais c’était la première fois que The Burning Fire faisait un truc inédit qui venait de moi. Avant, c’était Kayden qui s’amusait à ça…

Aujourd’hui, c’est moi…

Et après tout ce que j’avais entendu avec mon contrat et cette histoire de nom, j’crois qu’il était temps que j’fasse comprendre à Timmy que c’était moi le leader du groupe. J’avais jamais voulu prendre ce rôle… Mais là, il l’avait cherché l’Anglais. Puis, j’étais celui qui était là depuis le début alors j’crois que c’était un p’tit peu légitime.

Du coup, j’ai pas vraiment hésité à emmerder un p’tit peu Nathan et à lui prendre son micro pour annoncer la venue de Peyton sur scène. Elle y grimpa avec sa guitare sous les applaudissements du public. Ils avaient l’air content. Faux dire qu’ils savaient sûrement tous que j’sortais avec elle. Les médias en avaient pas mal parlé.

Je lui cédai le micro et elle s’adressa au public pour déclarai à toute la terre entière notre mariage. J’rigolai alors que le public, lui, commença à crier dans tous les sens et de différente manière. Ouais… Certaines devaient être content pour nous mais d’autres un p’tit peu moins. Parce que j’savais qu’il y avait des groupies et des fans qui rêvaient de pouvoir sortir avec moi… Les mariages, ça leur brise souvent le cœur.

Puis, Apolline avait des fans… On pouvait les entendre, d’ailleurs, surtout ceux au premier rang.

Mais la majorité du public semblait content et j’crois que c’est le principal. Même si, en réalité, je m’en fous un p’tit peu qu’ils soient content de ça ou non.

Et Peyton m’embrassa sur scène. Je souris contre ses lèvres avant qu’on brise le baiser. J’tournais le dos à Apolline. J’voyais pas qu’elle était furieuse de ce qui se passait devant ses yeux.

Peyton présenta ensuite la chanson et j’lui fis un clin d’œil avant de rejoindre ma batterie. Bon… Là, c’était le moment le plus compliqué…

Je pris quelques grandes respirations avant que la guitare de Peyton ne se fasse entendre… Après… Bah, ce fut à moi… Et j’me mis à chanter. Le public s’était tu pour écouter.

Ma voix était cassée… Mes fins de phrases manquaient cruellement de souffle. Mais j’y mettais quand même tout ce que j’avais. Et les choses furent un p’tit peu plus facile quand Peyton chanta en duo avec moi. Y’avait que nous qui faisions quelque chose. C’était notre chanson à nous… J’regardais plus Apolline… J’regardais que Peyton quand elle se retournait vers moi.

Malgré l’effervescence, le bruit, l’énergie qui circulait du public jusque dans les coulisses et vice-versa, j’avais un peu tendance à n’avoir d’yeux que pour Syd. Pas dans le genre amoureux dégoulinant… Non… Non, je serais pas arrivé à la cheville de Peyton pour ça, de toute façon… C’était plutôt un regard à la fois de soutien et avec mille question dans mes prunelles que je lui servais…

Mille questions… Alors que je la regardais échanger brièvement avec David. A les voir, on aurait dit qu’ils se parlaient bien… Mais pas tout haut… Même pas en se regardant… Mais c’était loin d’être un charme idyllique qui se dégageait d’eux… Mais un mélange de doutes, de frustrations, de colère, de regrets ? Et le tout saupoudré d’amour.

Ouais… Mais quel type d’amour ?

Pas  l’amour poulpe-adolescent de Peyton et Howard…

Pas l’amour excentrique de Nathan et la petite sœur d’Howard.

Pas non plus l’amour simple que peuvent vivre tant de couples sur terre.

Non… Juste un amour qui ne demande qu’à naître et s’épanouir… Mais est comme… je sais pas… Parasité par quelque chose.

Mais maintenant, je savais ce que c’était. Je savais ce qui foutait leur amour en l’air. Le médecin qui avait examiné David avant-hier en avait parlé. Mes questions, toutes mes questions, se résumaient plus ou moins à : Pourquoi ?

Pourquoi cette injustice envers deux êtres qui avaient pourtant l’air fondamentalement bons ?

Pourquoi se tiennent-ils encore la main alors que ça crève les yeux qu’ils sont désaxés ?

Pourquoi tu te fais du mal, Syd ?

Ils ne se lâchèrent finalement que lorsque le groupe du monter sur scène et alors, Syd recula vers moi. Je pus croiser son regard alors que Nathan saluait la foule et voir son sourire quand ils entamèrent la première chanson.

Je lui rendis son sourire.

Et profitai du bruit pour me pencher vers elle et lui chuchoter à l’oreille :

-Rentre avec moi.

Ou sors avec moi… ça marche aussi…

C’était égoïste. J’en avais pleinement conscience. J’avais pu voir dans quel état avait été David McAvoy avant-hier. Et malgré ça, je n’hésitais pas à lui demander ça, ce qui impliquerait de laisser le claviériste seul ici.

Je ne pouvais pas aider McAvoy. Mais je pouvais aider Sydney Grey.

Quand Peyton monta sur scène, je glissai ma main dans celle de la journaliste… Le regard porté vers le spectacle. Et je ris à l’annonce de la chanteuse qui disait qu’elle allait épouser Howard après la tournée.

-Et les médias qui disent qu’elle a pas d’humour…

Tu vas tout déchirer, David !

Tu vas tout détruire, David.

Comme tout le reste.

Ta famille.

The Burning Fire.

Syd.

FIRE !

FIRE !

FIRE !

Que le spectacle commence !

Ma main glissa de celle de Syd.

Et j’avançai.

Mes cheveux se dressant…

Encore plus fort.

Quand je montai sur scène.

Juste après Howard.

Bonsoir Melbourne !!!!!!

Je caressai mon clavier.

Mes yeux bleus…

Fixés sur le public.

Tu vas tout déchirer, David !

Tu vas tout détruire.

FIRE !

Je regardai Scotty…

Qui me regardait aussi.

Sans sourire.

Qu’est-ce qui se passe ?

Qu’est-ce qui se passe, David ?

Disaient ses yeux.

Alors que j’enchaînais les notes.

Tapant sur les touches.

Avant une première explosion…

Quand le public applaudit…

La première chanson.

Et ils recommencèrent.

FIRE !

Tu vas tout déchirer, David !

Tu vas tout détruire.

Et ne restera plus que mon monde.

Les chansons s’enchaînèrent.

Et je commençai à jouer…

La quatrième.

Furieusement.

Mais Scotty me stoppa.

Attends.

Ecoute.

Regarde.

On a des p’tites surprises pour vous, ce soir.

Je relevai la tête.

Les yeux mi-clos.

Peyton apparut.

Embrassa Howard.

Encore…

Et encore…

Et encore…

Je fermai les yeux.

Et effleurai les lèvres de Syd…

Puis là où j’étais.

La chanson débuta.

Je la compris…

L’assimilai…

Et alors que j’étais resté un peu…

Un peu en retard…

Je rattrapai les autres.

♫

J’ai promis à David que je resterais encore pour un concert et je ne dérogerai pas à ma parole pour rien au monde.  Quelque part en moi, subsiste encore l’espoir que David  me demande de rester, pour le reste de la tournée mais je sais qu’il ne le fera pas.

Il n’osera pas.

Parce qu’il sait dans quel état je suis et…

Peut-être pense t-il qu’à son retour à Los Angeles il sera temps de mettre les choses à plat entre nous. De voir s’il y a encore quelque chose à récupérer.

Ou est-ce que c’est moi qui le crois ?

Quoi qu’il en soit, je suis là, en coulisse, avec lui et je lui tiens la main aussi longtemps qu’il tient lui-même la mienne et la délaisse que lorsqu’il se recule et rejoint The Burning Fire avant qu’ils ne grimpent sur scène.

L’effervescence d’avant show n’est pas la même, pour moi bien évidement. Je n’ai pas le cœur à la fête, mais je ne suis pas non plus en miette.  Je suis simplement, entre les deux, fortes mais fissurée de partout.

De là où je me trouve, je peux voir toute la scène, porter mon regard sur David, le voir être comme en transe, embrasser sa musique comme si elle le possédait complètement  ou l’inverse est tout aussi plausible.  

Il est beau.

Si beau, alors qu’il est complètement investit dans son art, qu’il offre sa magie à une foule complètement en délire qui en redemande encore plus.

Il leur fait l’amour.

Et je suis jalouse.

J’échangeais un sourire avec Evan qui se pencha vers moi et me demanda de rentrer à Los Angeles avec lui. Je fus parcouru d’un frisson, ne me rendant même pas compte que je n’entendais plus la musique, l’enchaînement avait été interrompu et Peyton rejoignit Howard sur scène.

Mon regard était encore sur Evan alors même que lui, maintenant, regardait vers la scène et qu’il glissa sa main dans la mienne.

- Oui

‘’Oui à quoi, Sydney ? ’’

Effectivement, les médias, moi y comprise, avons souvent laissé sous entendre plusieurs choses au sujet de Lola, entre autre, qu’elle est à ce point Diva qu’il vaut mieux raser les murs que de croiser son chemin. Elle a des demandes plutôt complexe pour là où elle se produit en spectacle et…

Mais en fait… ce n’était pas ce à quoi je répondais.

- Je rentre avec toi, Evan.

Chercher à provoquer, voir même blesser Apolline est mon nouveau passe-temps des derniers jours.  J’ai voulu lui étaler sous le nez le nouveau bonheur de celui dont elle n’a pas su se montrer digne, lui faire voir combien il est maintenant épanouie, qu’il n’a pas besoin d’être tenu en laisse.

C’était encore trop subtil à mon goût.

Pas assez percutant !

Il fallait un message clair et qui lui ferait comprendre que pour elle, c’était la fin, Quoi qu’elle dise, quoi qu’elle fasse, elle ne pourrait jamais plus le récupérer.  L’idée avait germé dans la tête quand je l’ai observé au travers de mon miroir, en coulisse. Et, quand Howard m’a fait monter sur scène, l’opportunité de frapper fort était trop belle.

Sans aucune censure, j’ai dévoilé notre projet de mariage qui fut reçu non pas unanimement de la foule mais ça, je m’en doutais puisque les fans en général fantasment d’épouser leurs artistes préférés mais quand même avec une euphorie contagieuse. Les sifflements et applaudissement enteraient les quelques faibles huées.

Mon objectif fut atteint.

La jeune guitariste en échappa son instrument avant de se reprendre alors qu’Howard retournait à sa batterie pour donner le ton à notre parfaite collaboration. Cette chanson allait gagner la foule, sans l’ombre d’un doute.

Malgré sa voix brisée par l’alcool, la cigarette et les nuits folles, Howard chanta sa partie. Et cette voix, marquée d’amertume de complainte et d’infortune était ce qu’il fallait pour faire vibrer la salle qui, d’abord muette parce qu’elle ne connaissait pas cette chanson, répondit rapidement en applaudissant.

Cette chanson est une épreuve pour moi.

Je fais un retour sur scène après ce qui me semble être une absence interminable pour moi qui n’a jamais vraiment connu autre chose. Je comprends rapidement que je ne suis pas rétabli comme je voudrais l’être, comme je me le suis fait croire.

Mais de me retrouver sous les projecteurs, de chanter cette chanson qui fut écrite avec Howard, qui veut dire beaucoup pour nous deux, suffit à  chasser tout malaise et, vu l’ovation qui s’en suivis, je peux dire : mission accompli !

Je n’avais cependant pas prévu la suite.  Blessée d’orgueil, Apolline quitte la scène presque en courant et s’enfonce dans les coulisses. Je regarde alors Howard, levant une main paume vers le haut, comme pour lui demander ‘’ Ok, mais j’y suis pour rien !’’ parce que non, je ne vais pas me blâmer d’avoir réussis là où elle n’a pas su assurer.  

Assurer et Rassurer.

La foule est en délire, et ne mérite pas d’être abandonné de la sorte. Il est hors de question que The Burning Fire soit pointé du doigt parce que l’un de ses membres aura fait une crise de Diva.

Ça, c’est mon domaine à moi !

Il faut divertir ce public, lui montrer qu’on ne pense qu’à son plaisir et surtout a rentabiliser l’argent dépenser pour le ticket de concert.

- Melbourne, vous êtes incroyable ! Et parce que vous êtes merveilleux, The Burning Fire a encore à vous offrir !

Je saluais la foule et sortis de la scène où je rejoignis Evan qui n’a d’yeux que pour la petite amie de David.

- Tu sais improviser j’espère ! Parce qu’ils vont avoir besoin d’un guitariste, de toute évidence !

L’annonce de notre mariage venait de faire beaucoup de bruit. Mais j’trouvais que c’était une belle intro à notre chanson. Bon, ça plaisait pas à tout le monde mais jamais rien plaisait vraiment à tout le monde alors… Même la paix dans l’monde, j’suis sûr que ça plairait pas à tout le monde…

Puis, y’avait plus de gens content que de gens pas content alors c’était cool.

Et quand les premières notes furent jouées, y’avait plus que nous deux. Enfin, nous deux et David qui suivait la mélodie au piano. L’était doué, David. L’avait toujours été. Il devait avoir l’oreille absolue ou un truc du genre. Moi, j’l’avais pas mais j’me débrouillais quand même.

Ma voix s’brisa par moment mais, finalement, la chanson fit son p’tit effet et, à la fin, on reçut un tas d’applaudissements. La chanson avec Snip’ était pour un p’tit peu plus tard. Le temps que j’retrouve un p’tit peu de souffle et c’était pas plus mal… Parce que j’avais mal rien qu’à respirer maintenant. Et j’avais pas l’truc magique du médecin sur moi.

Après la chanson, j’fis un signe de tête et un sourire à David pour lui dire qu’il avait géré. Puis, j’vis Apolline courir vers les coulisses…. Boh ? Elle a quoi ? Envie de vomir ? J’fis une drôle de tête quand mon regard croisa celui de Peyton qui disait, d’un signe des bras, que c’était pas sa faute. J’hochai la tête pour lui montrer que j’comprenais pas plus qu’elle.

Bon… Ok… J’avais rien dit à Apolline pour la chanson. Alors, c’était p’t-être un peu la mienne de faute…

Bah, elle allait revenir…

En attendant, Peyton remercia le public avant de s’en aller vers les coulisses. Mais… Apolline revenait pas… Mon micro devant ma batterie étant toujours bien allumé, j’dis dans l’micro.

-J’crois qu’on va prendre un p’tite pause… Aller vous boire une bière, on revient dans quelques minutes.

Bon, c’était un p’tit peu tôt pour la pause… J’espérais que le public y verra que du feu. J’me dirigeai vers les coulisses plantant le groupe là. J’fixai Peyton et Snip’. Et j’dis de ma voix vraiment trop cassée :

-Elle est où Apo’ ?

Pas d’Apo’ dans le coin.

-Le public va pas attendre éternellement… Surtout que c’est pas encore l’entracte, en réalité…

Ouais et un concert, ça peu vite passer des applaudissements aux huées…

Peyton lança une petite blague qui fit réagir le public dans tous les sens. Hey… C’est qu’une blague, les gars, pas la peine d’en faire tout un fromage. Et moi, alors que j’attendais une réaction de Sydney que ma question semblait avoir gelée de la tête au pied, figée qu’elle était, j’essayais de détourner le truc en regardant vers la scène. Ok, j’aurais peut-être pas dû lui demander ça. Mauvais timing. C’était profiter de l’absence du claviériste pour tenter ma chance, j’en avais conscience…

Mais j’avais pas su me retenir. Ça avait été plus fort que moi.

Et je crus que ma question était passée à la trappe quand Sydney répondit « oui »… Je croyais qu’elle répondait à ma remarque sur l’humour de Lola.

Mais non. Et elle me le précisa, me faisant brusquement me retourné vers elle, surpris, mais le regard déjà brillant de bonheur. Alors je finis par sourire plutôt que d’ouvrir la bouche comme si je voulais avaler des mouches.

Elle allait rentrer avec moi.

-Ok… Cool !

Et je serrai un peu plus sa main… Je me serais penché vers elle pour l’embrasser malgré tout le monde qui pouvait nous voir en coulisse. J’en avais rien à foutre, j’étais trop content. Mais mon geste, et peut-être heureusement, fut interrompu par Apolline qui fit irruption dans les coulisse et passa à côté de nous tellement vite que je sentis un courant d’air. Elle avait l’air furax et je la regardai les yeux ronds avant de hausser les épaules à l’attention de Sydney.

Puis une ou deux minute plus tard, le poulpe sortit de scène en m’interpellant, me demandant si je savais improviser. Ho ! Hey… Il se passe quoi… Je regardai Lola en haussant les sourcils. Puis c’était quoi cette question qui en était pas une ? Elle était peut-être pas personne… mais moi non plus.

-Heu… Ouais… J’en suis pas à mon premier rodéo, gamine…

L’avait l’air plutôt fière de son coup derrière ses airs innocents, la petite Lola… J’étais lent à la détente mais fallait quand même pas être Einstein pour piger que la fuite de la guitariste était peut-être dû aux tendances de Lola à se ventouser littéralement à Howard. Et peut-être aussi à sa blague. Les filles sont cruelles entre elles, je sais ça. Nous, on est des putains de bisounours à côté.

Howard, lui, annonça au public qu’il pouvait aller prendre une bière. Ok… Apolline s’était barrée et le groupe était un peu mal.

Alors je regardai Syd…

-Je crois que je vais aller leur filer un coup de main, ok ?

Je lui souris puis m’adressai à Peyton avec un sourire en coin, plutôt complice.

-Et toi, tu vas pas t’en tirer comme ça. Le public sera sûrement content d’avoir des chœurs de luxe au chant. Alors tu remontes avec moi.

Puis à nouveau à Syd…

-Et heu… ma chanson à moi est assez simple… Quand on la fera, si ça te dit de venir crier « run run run » avec Lola dans le micro pour doubler les chœurs… T’es la bienvenue.

Je lâchai la main de Syd et passai mon bras autour des épaules de Lola pour l’entrainer avec moi sur la scène. Et c’est vers Howard que j’allais.

-Hey… Vieux… je crois pas que ton ex va se repointer ce soir. Mais si tu veux, je prends une guitare.

J’étais obligé de gueuler pour me faire entendre parce que de nous voir, Lola et moi montrer sur scène venait de déclencher un putain d’ouragan de cris et d’applaudissement aussi surpris qu’enthousiastes.

Chaque fois que je frappais une touche.

Le monde se fissurait.

Je voulais le casser.

Je voulais le détruire.

Vas-y, Davey !!!

Fais-les morfler !

C’est tout ce qu’ils méritent !

Tout détruire.

Moi avec.

Daaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaviiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiid !

Et recommencer ?

Non.

Je ne veux pas recommencer.

Je veux que ça s’arrête.

Que tout s’arrête.

Destructeur du monde.

Parce qu’il n’en vaut plus la peine.

Sans Syd.

Et cela commença.

Avec Apolline.

La guitare s’éteignit.

Le piano…

Pris toute la place.

Engloutissant tout le reste.

Seules les voix.

Howard.

Peyton.

DAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAVIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIID !

Étaient sublimées.

Et le monde en standby.

Attendant de craquer.

Comme Apolline.

David.

Destructeur de monde.

Et tu aimes ça, hein !

Mes cheveux se dressaient sur ma tête.

Mes yeux se révulsèrent de plaisir.

Un orgasme.

En mieux.

Plus puissant que jamais.

Puis tout s’arrêta.

La main de Scotty…

Se posa sur la mienne.

Pour que j’arrête aussi.

Melbourne, vous êtes incroyable ! Et parce que vous êtes merveilleux, The Burning Fire a encore à vous offrir !

-Wow… David… Tu connaissais cette chanson ?

Je souris…

Les lèvres légèrement humides.

Une goutte de sueur…

Dégoulinant de mon front.

Sur ma joue.

Trahissant l’effort.

Je luttais…

Contre la somnolence…

Imposée par les médicaments.

Qui ne faisaient pas le poids.

Face à ma colère.

Contre tout le monde.

J’crois qu’on va prendre un p’tite pause… Aller vous boire une bière, on revient dans quelques minutes.

Scotty me regardait.

Sourcils froncés.

-David… Qu’est-ce qui se passe ?

Je soufflai.

Ma voix rauque.

Mes yeux bleus dans les siens.

-Le monde croule.

Mes jambes fléchissent alors que je viens d’accepter de rentrer avec Evan à la maison.  Je ne sais pas du tout ce que je suis entrain de faire, ce que je suis entrain de vivre, qu’est-ce que je devrais faire mais, juste pour voir les étoiles dans ses yeux et sa bouche formant un ‘’O’’ magnifique, je ne sais pas… c’est comme si quelque chose en moi voulait me faire comprendre que je venais de prendre la bonne décision.

Une terrifiante décision, mais sommes toute, la bonne pour moi en ce moment.

Il serra ma main et s’il n’y avait pas eu tout ce beau monde autour de nous et surtout, si nous n’étions pas là un peu pour David, moi, beaucoup pour lui, je l’aurais embrassé. Je me serais laissé emporté par cette impulsion qui fait battre mon cœur comme un grand taré et mon sang voyager au travers mon corps comme s’il était à bord d’une cabine de montagne russe.

J’ai cru qu’il en avait eu l’intention lui aussi mais Apolline Mclagan qui déboula dans les coulisses comme si elle avait une horde de Stormtrooper à ses trousses et c’est sa pauvre guitare qui morfla alors qu’elle la laissa tomber avec très peu de délicatesse.

Bien entendu, je ne peux m’empêcher de noter tout ça dans ma tête parce que forcément, ça sera bien placé dans ma prochaine capsule que j’enregistrerai pour L.A.Rock.  C’est pas comme si je pouvais me permettre de passer ça sous silence. Je doute que mon patron me croit si je lui dis que je n’ai rien vu, rien entendu, parce que je me noyais dans le regard éternel d’Evan Kurtz.

La situation aurait pu être périlleuse, ressemble à ce que  The Burning Fire avait vécu et qui avait forcé la venue de Ben Master mais, non, pas cette fois parce qu’en coulisse, le groupe peu compter sur la présence d’Evan et de Lola pour pallier au départ précipité d’Apolline.

- La foule va être en délire en te voyant prendre le relais !

Deux invités, surprises pour le prix d’un seul billet, c’est tout un cadeau pour les fans présents ce soir.  Je ne me rends pas compte que je m’accroche à la main d’Evan, nerveuse, sans savoir pourquoi en fait je suis nerveuse. Ce n’est pas moi qui vais assurer à pied levé la place d’Apolline.

Le visage de Peyton quand il lui dit qu’elle va assurer les chœurs, il fallait être là pour le croire !

Sauf que la balle me revient en pleine tronche quand Evan ajoute à mon intention que sa chanson toute simple ne me demandera que de faire des ‘’ run, run, run’’ dans le micro avant qu’il ne déguerpisse sur scène avec Lola, me laissant là, les lèvres pincées par la surprise, la main levée avec l’index interrogateur.

- Mais, je sais pas chanter moi !

En fait, je m’en sortirais probablement bien si je n’avais pas autant le trac. J’ai fait radio, ce n’est pas pour une raison  autre que, devant les gens, je n’arrive pas à prendre parole.  L’avantage de la radio réside justement d’être anonyme , on ne me vois pas rougir ou si je m’emmêle dans mes pinceaux on peut envoyer une publicité ou une chanson.

Alors je reste la, figée sur place, l’index toujours levé, comme une statue de sel.

Puis je recule.

D’un pas.

Puis de deux.

Je ne serai pas capable de monter sur scène sans me prendre les pieds dans les fils, reversé un micro ou bégayé en ne me souvenant plus ce que je dois crier. Mais… ce n’est que de parler dans un micro… et ça je sais faire…

Alors j’avance.

D’un pas.

Puis de deux.

‘’ Il ne faut que chanter dans le micro, Syd !’’

Bon et bien nous voilà tous rassuré ! Evan va prendre le relais facilement, selon ses dires et je ne peux que le croire sur parole, de toute façon, il ne s’agit pas d’un amateur à la Mclagan mais d’une icône de la musique.

Mais la gamine, elle a quand même plusieurs années de carrière derrière la cravate, et j’ai vu neigé. Et si ça ne me fait aucunement peur de retourner sur scène pour assurer les chœurs, je l’enligne du regard, les mains sur mes hanches avant de rouler des yeux et de rigoler mais je n’ai pas le temps de protester ou de dire quoi que ce soit d’autre qu’il ajoute a l’intention de Sydney qu’elle pourra nous rejoindre puis, un bras autour de mes épaules, il m’entraîne au plus près de la scène, là où nous rejoins d’ailleurs Howard qui a annoncé au public qu’il était temps d’aller se chercher une bière.

- Elle boude comme un gros bébé pleurnichard ! C’est quand même pas notre chanson qui lui a fait cet effet là, rassure moi !

Howard la connait quand même mieux que moi. C’est tout sauf professionnel que de laissé son public et son groupe ! Cette femme est de plus en plus pathétique, je ne comprendrai jamais ce qu’Howard a pu lui trouver… probablement qu’une histoire de couchette, sinon, je ne vois toujours pas !

- Ouais ! On ne le fera pas attendre ! Et comme dit Snip’, il prendre le relais et moi je ferai les chœurs, le public n’y verra que du feu et tout ira bien !

De toute façon, le défi est loin d’être impossible à relever ! Il ne s’agit quand même pas d’une personne irremplaçable.

Nous sommes rejoins par Nathan, lui aussi visiblement sous le choc du départ précipité de leur acolyte musicienne.  J’ai envie de pousser une gueulante du genre : ‘’ Non mais vous vous attendiez à quoi d’autre, sincèrement ? Elle traîne depuis un moment, fallait prévoir qu’elle allait craquer ! La rumeur court depuis Londres, depuis son malaise. ’’

Mais bon, pas mes onions !

Par contre, moi, j’irai et je prendrai le relais, aussi longtemps qu’ils auront besoin. Et puis peut-être qu’elle fera une femme d’elle et qu’elle reviendra. On quitte après une tournée, pas pendant et surtout pas pendant un concert.

L’enthousiasme de Nathan est mignon à voir. Il a une drôle d’énergie celui là c’est tout ce que je trouve à dire de lui.

J’allonge le cou et regarde derrière Nathan, vers la scène, à l’autre bout au clavier.  

- Et lui, là-bas ? Ça va ou pas ? On dirait qu’il va disjoncter tant il a le regard rond !

Je dis ça, je dis rien, mais ils mettent quoi dans l’eau du band, les roadies, question d’être certaine de ne jamais en boire !

- Putain ! C’est trop excitant ! Trop dingue ! En tous les cas, on ne s’ennuie pas quand on accompagne  The Burning Fire en tournée !

Je ne tiens pas en place, je sautille sur mes pieds en tapant dans mes mains, prête à y retourner en dépit de ma tête qui explose, de mes oreilles qui bourdonnent, de mon estomac qui se noue, d’autant de mauvaises sensations que je n’ai jamais ressentie avant mais c’est ce soir qu’on va montrer ce qui sépare les vrais des amateurs. Ceux qui surmontent leurs bobos et qui donnent leur trippes pour ceux qui font ce que nous sommes !

- Hey, Snip ? Must the show go on ? ,  que je lui demande en lui envoyant un petit clin d’œil complice. Allons-y !

Comment ça mon ex allait pas se repointer ? J’fis une p’tite moue. Bah, pourquoi ? Ok, j’savais un peu pourquoi mais, apparemment, d’après Nathan qui savait pas causer sans s’exprimer comme si s’était la fin du monde, elle reviendra pas.

-Han…

Mais Evan voulait bien faire la guitare, du coup, ma moue se transforma tout de suite en sourire. Evan, c’était un des meilleurs guitaristes du monde alors c’était super qu’il veuille bien jouer pour nous. T’façon, Nathan laissait pas trop le choix.

Et Peyton était d’accord aussi. Et elle fera même les chœurs, c’est ce qu’elle disait. J’la regardais avec un air étonné. L’étais d’accord de faire les chœurs ? La grande Lola ! Waw ! Ils allaient carrément sauvé le concert en faisant ça. J’regardai Snip’.

-Merci, vieux.

Et puis Peyton.

-Et toi, t’sais que je t’aime ?

Ouais parce que pour qu’elle accepte de faire les chœurs, fallait vraiment qu’elle m’aime. Parce que les rôles de second plan, c’était pas l’truc de ma p’tite-amie.

Et Sydney participera aussi, apparemment. C’était ce que j’crois avoir décodé de ce qu’ils se chuchotaient avec Snip’.

Et Peyton regarda vers la scène où David était toujours planté devant son clavier. J’fis une p’tite moue alors qu’elle demandait à Nathan si David allait bien. J’haussai les épaules.

-Bah, j’crois qu’il va bien… J’crois…

L’a l’air en forme. Enfin, j’crois… L’a fait toute les chansons parfaitement maintenant qu’il bouge pas j’crois que c’était normal aussi. David, l’était pas comme tout le monde.

Peyton était excité comme une puce et impatience de remonter sur scène. L’envoya même un p’tit clin d’œil à Snip’ ce qui me fit sourire. Puis, on grimpa sur scène.

J’retournai à ma batterie laissant Nathan marqué la fin de la pause et expliquer le bazar. Pendant ce temps, j’pris ma bouteille de vodka pour m’envoyer quelques gorgées. Ça picota ma gorge plus que d’habitude mais comme j’étais déjà bien anesthésié, ça me fit pas grimacer.

Fallut le temps que Snip’ se prépare et quand il fut prêt, on redémarra le concert… Le public était en délire. En fait, il l’était depuis qu’il avait vu tout ce p’tit beau monde grimper sur scène. Ça me faisait sourire et j’faisais des clins d’œil à Peyton de temps en temps en me marrant. Elle gérait aux chœurs. Faut dire qu’elle avait plus rien n’à prouver avec sa voix.

Et à un moment, ce fut l’heure de ma chanson avec Snip’. J’étais essoufflé et j’fis signe encore une fois à Nathan de pas enchainé parce que j’avais encore une surprise. J’me déplaçai vers le micro et pris la place de Jerry.

-Maintenant…

Han ce souffle de merde…

-On a encore une p’tite surprise pour vous. Ouais, j’sais, y’en a déjà eu quelques-unes. Mais là, on a encore une p’tit nouveauté à vous montrer. Hein, Snip’ ?

J’lui souris et lui cédai le micro pour qu’il prenne le relais. J’passai devant Peyton pour lui voler un baiser avant de reprendre place derrière ma batterie. Pendant que Snip’ causait avec le public j’tentais de reprendre mon souffle pour sortir quelque chose de correcte.

Bon… fallait qu’on rattrape le coup parce que la guitariste avait déserté. Et Lola m’avait demandé si je savais improviser. Ouais, je savais… Puis Nathan avait semblé soulagé qu’il y ait un plan de secours. Puis moi, je proposai à Lola de faire les chœurs (puis à Syd aussi, tant qu’à faire) pendant qu’Howard, lui, comment dire… il subissait sa vie en buvant de la vodka.

-De rien, mec…

David… heu… J’imaginais que c’était normal qu’il reste accroché à son clavier à fixer le public… C’était probablement s’il se mettait à faire des trucs normaux qu’on devait s’inquiéter, non ?

Je regardai quand même Peyton avec une moue perplexe, cela dit, quand elle dit : « Haaan c’est quand même pas parce qu’on a joué les poulpes devant elle en faisant des blagues de merde que ça la foutue en rogne ? »

Heu… Si… Si et j’ai même la vague impression que c’était un peu fait exprès de ta part, Lola… Mais je n’étais probablement qu’un vieux con aux yeux de la petite diva alors je fermai ma gueule. Mais faut pas me prendre pour un débile non plus. J’avais vécu assez longtemps que pour en voir, des conflits de territoires entre gonzesses et ça se faisait jamais sans qui ait des morts.

Lola s’inquiéta aussi pour David (« s’inquiéter » était peut-être un mot un peu fort, mais j’en trouve pas d’autre), et je haussai les épaules, sans avoir un regard de compassion pour Syd qui était obligé d’entendre les commentaires de Lola. Howard répondis puis j’enchaînai :

-Ça va aller pour lui… Je vais garder un œil sur lui…

Bon, je crois que le roadie à côté de lui était là pour ça mais c’était surtout pour Syd que je disais ça.

Bref, tout ça pour dire que quand on remonta tous sur scène (sauf l’ex d’Howard), le public se déchaîna encore plus que quand il nous avait simplement aperçu à discuter au bord de la scène pour trouver le plan B.

Je pris l’une des guitares de McLagan… La rose tiens, pour bien faire, et le tout en rigolant comme un con parce que, ouais, je trouvais ça drôle. Et un roadie se mit à papillonner autour de moi pour m’aider à me brancher et tout. Puis je fis signe à la régie à l’autre bout de la salle en leur montrant le baffle de retours avant de m’avancer vers un micro pour parler, faisant crier le public rien qu’en disant une connerie du genre :

-Hey… Quelqu’un peut m’éteindre ce truc juste devant moi, s’il vous plait ? Merci…

Putain que c’était bon d’entendre ma voix résonner dans la salle ! Ça m’éclatait déjà ! Je m’approchai du micro encore pour dire en rigolant.

-Ouais moi aussi je suis content d’être là.

Puis je fis signe à Howard que c’était bon et le concert reprit. Putain heureusement que je les avais écoutés tous, les albums de The Burning Fire. Je connaissais la plupart des chansons et pour le reste, bah c’était à l’impro.

Et on s’en tira pas mal ! Et puis Lola gérait les chœurs… Jusqu’à ce que Howard réclame encore une pause. Il s’approcha du micro, le réclamant à Nathan qui lui passa. Je fis une bonne tape dans le dos du chanteur qui était un sacré numéro. T’avais pas l’impression de voir le même gars derrière le micro que dans la vie réelle.

Et Howard d’annonce, le souffle un peu trop court, qu’on avait une surprise, une petite nouveauté. Et j’étais presque en train de sautiller comme un gosse devant ses cadeaux de noël. Puis je m’approchai quand Howard me tendis le micro, lui lançant juste discrètement avant de m’adresser au public :

-Respire… Je vais tirer un peu en longueur, je suis quand même qu’un putain de bavard.

J’approchai alors le micro de ma bouche alors que j’étais toujours en train de rire, la magnifique guitare rose de McLagan me pendant de l’épaule.

-Alors… Salut à tous, ça faisait longtemps… J’en vois parmi vous qui étaient même pas nés quand j’ai quitté la scène pour une petite pause…

Le public rit, applaudit, cria, siffla…

Et moi je marchais de long en large avec le fil du micro qui me suivait. J’allais finir par m’emmêler les jambes dedans et trébucher. Enfin, bref… Je jetais des coup d’œil à Howard pour voir quand il serait prêt.

-Et je suis pas venu tout seul, comme vous pouvez le voir.

Je tendis la main vers Lola.

-J’ai croisé Lola quelque part au milieu du pacifique… entre les USA et ici… Puis on s’est dit : tiens, The Burning Fire a prévu une scène, on va aller chanter dessus. Vous pouvez applaudir la belle, la talentueuse, la très très très attachante… hein Howard ?... LOLA !

Je laissai au public le temps de faire son ovation à la chanteuse, puis continuai.

-Mais… mais, il ne faut pas oublier nos généreux hôtes de ce soir…

Et tour à tour en les désignant :

-JERRY THE KID !...................... DAVID MCAVOY !..........................EEEEEEEEEEET HOWARD STONE !!!!

J’attendis que le public leur fasse leur fête puis ajoutai (j’ai prévenu que j’étais bavard… mais c’était surtout pour permettre à Howard de reprendre son souffle) :

-Et Apolline McLagan que la fiesta d’hier pèse encore un peu sur l’estomac… Vous avez donc toutes ces excuses et vous pouvez faire un procès à Martini.

Je fis un discret signe à Howard qui me fit savoir que c’était Ok… Je revins donc accrocher mon micro pour pouvoir reprendre ma guitare à deux mains. Sauf que j’avais pas fini :

-Et j’ai une amie en coulisse que j’aimerais bien voir monter et nous accompagner sur scène pour cette chanson. Mais elle est un peu timide alors il va falloir m’aider. Vous n’avez qu’à me suivre pour lui montrer ce qu’elle a à faire… Et lui montrer que tout le monde peut le faire… Cette chanson s’appelle Run.

Et je grattai ma guitare.

♫

David… Qu’est-ce qui se passe ?

Tu vois des choses…

Que personne d’autre ne vois.

Sale Junkie !

Je tournai mon regard.

Vers le public.

Qu’est-ce qui se passe ?

Où est-elle ?

Il y a un problème ?

Elle est sûrement malade.

C’est fini.

The Burning Fire.

C’est fini.

Elle va revenir.

Non.

Si je te dis !

Howard c’est le meilleur.

Il y aura encore une autre chanson de Lola ?

Oh c’était troooop bien !

Mes yeux étaient ronds.

Et toutes les…

Voix…

Il ne faut que chanter dans le micro, Syd !

David…

On dirait qu’il va disjoncter tant il a le regard rond !

-David… ne te perd pas…

Je clignai des yeux.

Mais ne quittai pas le public.

Connecté.

-Je suis là…

DAVID MCAVOY !

Je sursautai.

Scott posa sa main sur mon épaule.

-Wow… cool. Calme.

La musique reprit.

Une chanson que je ne connaissais pas.

Mais un son.

Que j’aimais bien.

Et je me calmai.

Alors que mes cheveux se…

Se dressaient encore.

Run, run, run, run

La voix de Peyton…

Puis Syd.

Je me tournai vers elle.

Bouche bée.

Et la chanson…

Parlait de moi.

You better make your face up in
Your favourite disguise
With your button down lips and your
Roller blind eyes
With your empty smile
And your hungry heart
Feel the bile rising from your guilty past
With your nerves in tatters
As the cockleshell shatters
And the hammers batter
Down your door
You better run

Et des monstres qui me poursuivaient.

Alors entre les deux couplets…

Je couvris tout le reste.

Avec mon piano…

Au son déformé.

Puis Syd…

Run, run, run, run

Qui me disait de courir.

You better run all day
And run all night
And keep your dirty feelings
Deep inside. And if you're
Takin' your girlfriend
Out tonight
You better park the car
Well out of sight
'Cause if they catch you in the back seat
Trying to pick her locks
They're gonna send you back to mother
In a cardboard box
You better run

Et le monde explosa.

Malheureusement pour Mclagan, la terre ne va pas cesser de tourner parce qu’elle a eu une crise existentielle ! Elle ne supporte pas qu’Howard ait pu tourner la page, ok, ça peut se comprendre. Un mec comme lui, ça ne court pas les rues. Sauf que la petite Écossaise a agit en gamine en se sauvant, laissant son public pantois.

Première règle, on n’amène pas ses bobos sur scène ! On laisse ça  en coulisse, ou a l’hôtel mais  une fois devant ses fans, plus rien en dehors ne doit nous atteindre.  Si elle n’a pas encore compris ça, alors c’est qu’elle n’est pas faite pour ce genre de vie.

Heureusement pour Timmy Evans, son groupe compte des membres aux talents infinis et des amis ayant la capacité d’improviser sans peine. Donc Sniper remplacera Apolline à la guitare et moi, avec les chœurs.  Même Sydney viendra, enfin, j’crois qu’elle viendra, elle ne semble pas très certaine quand Sniper le lui demande.

À peine est-il sur scène que la foule hurle à tue tête, n’en revenant pas de le voir prendre la place de Mclagan, et s’esclaffe quand il prend la guitare rose. J’assure avec les chœurs, jetant de temps en temps des petits regards cers Sydney, lui faisant signe d’approcher mais elle reste toujours sur le bord des coulisses et si elle pouvait se liquéfier et entrer sous les planches, elle le ferait.

Après quelques chansons, Howard choisit ce moment pour annoncer la nouvelle surprise mais mon pauvre amour est à bout de souffle. Nous arrangerons cela à notre retour car je ne lui laisserai pas le choix de voiture un médecin.

C’est Sniper qui lui vient en aide en y allant de tout un speach, me gratifiant de beaucoup d’éloges avec un petit clin d’œil pas si subtil que ça à notre idylle, à Howard et moi. Bon quoi ? Nous n’avons pas le droit de vivre nos premiers mois de bonheur sans nuage comme n’importe quel autre couple sans que ce soit ridiculisé ?

Des jaloux !

Ils sont tous des jaloux !

Peu importe !  Si ça amuse les fans,  et c’est de bonne guerre. Les gens connus sont toujours dans la mire et il faut savoir se faire une carapace, autrement… ben autrement on fait comme l’autre et ça, je refuse de tomber aussi bas !

Il y a une belle complicité entre Howard et Sniper qui, d’un regard se comprennent et lance la chanson.  J’ai l’impression de tirer Sydney à moi avec un lasso transparent mais je parviens, je ne sais trop comment, à faire avancer la jeune femme qui, loin d’être à son aise, joue le jeu, tenant les manches de son pull dans ses mains, comme si elle s’y accrochait.

Nos voix, leur musique, les applaudissements de la foule.

Tout est parfait en ce moment.

Ils ont tous filés sur scène, me laissant seule avec  ma pièce de monnaie imaginaire que je flip  mentalement à savoir si je me risque ou non.  D’un côté, je n’ai pas très envie de sortir de ma zone de confort, même pour les beaux yeux d’Evan, parce que je suis au fond une très grande timide et que je n’ai jamais aimé avoir tous les regards tournés vers moi. Bien évidement qu’ils vont tous me regarder, quand ils vont se demander qui est cette femme à l’allure quelconque, parce que je n’ai pas non plus pensée à enfiler une tenue moindrement sexy pour assister à un concert depuis les coulisses, qui bouge comme une marionnette  qui se serait  empêtrée dans ses propres fils et qui ne possède aucunement le sens du rythme. De l’autre côté, j’ai envie d’essayer, de mettre de côté ma timidité et d’aller m’amuser moi aussi et puis, les gens ici qui auraient une mauvaises opinion de moi ne me connaisse pas le moins du monde. SydG pour eux, ça ne veut strictement rien dire alors…

Pour tout de suite, le spectacle reprend avec Evan qui s’arme de la guitare rose d’Apolline et qui amuse de public qui en redemande.  J’arrive à peine à détacher mon regard de lui, non sans un certain sentiment de culpabilité.  C’est un peu malaisant que de me retrouver entre les deux hommes qui occupent mes pensées, alors que je viens d’en laisser un et que j’ai dit à l’autre que je rentrais avec.

Quel jeu dangereux suis-je entrain de jouer ?

Il faut que je me secoue un peu, que je place tout ça de côté, parce qu’en somme, je ne fais rien de mal. Je n’ai pas laissé David pour Evan, et que ce dernier ait été là o non ne change strictement rien à la situation. Ce qui est arrivé entre David et moi serait tout de même arrivé parce que nous en étions là.  Je me répète, je sais, mais ce n’est pas parce que je ne l’aime plus, que j’ai décidé de le laisser, mais parce que mon amour est mal calibré, que nos besoins respectifs sont en total contradiction.

J’avance et il recul.

Je recul et il avance.

Peut-être est-ce l’effet de la schizophrénie, ça n’aide certainement pas, mais je crois, et j’en suis même certaine, qu’il s’agit plutôt d’un écart envahissant de perception. Nous ne nous comprenons bien que lorsque nous ne sommes pas physiquement ensemble. Et ça aussi, y’a que David et moi pour le comprendre…

On me sort de mes pensées, Evan par son petit préambule sur sa chanson et Peyton qui ne cesse de planter son regard sur moi, comme si ça allait suffire à me faire avancer jusqu’à elle.  Bah, contre toute attendre, ça fonctionne.

Bon, mon cœur bat à deux cents mille à l’heure et je tire tellement sur les manche de mon pull pour en tenir les poignet de tissus fermement dans mes mains qu’on dirait une gamine qui vient de se faire prendre la main dans le sac et qui risque de se faire gronder. J’ai la gorge sèche et je déglutis avec difficulté.

Je n’ose même pas regarder vers David, je ne fait que fixer le micro devant moi pour éviter de penser qu’il y a toute une foule en effervescence qui s’égosille devant moi, que Lola danse comme une déesse en rythme et qu’Evan, beau comme un Dieu, donne tout un spectacle et surtout, pour me concentrer sur ce que je dois faire !

- Run, run, run, run…

Ça semble même pas être chanté, on dirait que je viens de cracher une boule de poil et que  je ne vais pas survivre ! J’aurais dû rester en coulisses sauf que…

- Run, run, run, run !

Oh ! Ouais ! Ça c’était un peu mieux !

- Run, !! Run!! Run !! Run !!

Ça y’est, j’y arrive !