Après ma magnifique journée en compagnie de Rafaela Torres, j’avais fait un petit détour par le disquaire au coin de ma rue. Dans sa vitrine, le nouvel album de The Lightening. Un titre claquant, une pochette qui voulait tout dire ! Le titre BITCH ! en grand et en gras, le corps lubrique de la pin up lovée sur une rampe d’escalier laissés à vue, sans aucune pudeur. Mais son visage, à cette salope, caché sous le logo de la censure.

Ouais, je voyais bien le message. Car le pire dans les femmes, ce n’est pas leur corps, ce n’est pas les noms d’oiseau qu’on peut leur donné, non. Le pire, c’est leur esprit à elle.

Bon, ok… C’était pas le jour pour que je disserte sur la gente féminine. C’était déjà mal parti ce matin quand je m’étais levé au bout d’une nuit blanche après m’être fait larguer dans la soirée précédente par Alexie. Puis ça avait été pire quand je m’étais retrouvé à devoir me coltiner une jeune flic qui voulait absolument faire ses preuves alors que… tout ce qu’elle avait à faire, tout ce qu’on lui demandait de faire, c’était son job. Point barre.

Et c’était ce qu’elle avait fait. Merci, au revoir. Y a pas de médaille du mérite pour faire ce qu’on te demande.

Qu’elle soit une putain de gonzesse, une native américaine ou une putain de martienne, le monde n’en avait rien à kicker.

Et moi encore pire que tous les autres.

J’avais acheté le disque, puis j’étais rentré chez moi. Je l’avais fait tourner, une fois, deux fois… Puis à la troisième fois, je m’étais laissé tomber dans le lit, la musique un peu plus fort qu’en bruit de fond, et j’avais décroché le téléphone de la table de nuit.

Fallait que je parle à quelqu’un. J’aurais pas dérangé Duncan si Conrad avait été là. Mais Conrad était en train de se transformer en baril de Guinness en Irlande. Il m’avait proposé d’aller avec lui, c’était ça, le pire ! Et c’était un voyage que j’aurais pu me payer sans problème ! Mais j’avais dit « Non, vieux… Alexie peut pas venir avec à cause des tournages de son émission… Je vais rester avec elle. »

Résultat, je me retrouvais là, planté tout seul comme un con. Et son émission ? A la trappe aussi, pour la putain de troisième fois. Et d’après les médias, la chaîne de télé lui avait bien fait comprendre, ce coup-ci, que les conneries, c’était terminé. Si elle suspendait l’émission, c’était pour de bon.

Bah tiens ! Faut pas se foutre de la gueule des gens, non plus…

Il y avait eu quelques tonalités avant que Duncan ne réponde. J’avais aucune idée de l’heure qu’il était en Australie, j’y avais même pas réfléchis. Et dans la pénombre de ma chambre, seul le bout de ma clope rougeoyait.

-Hey Dunk ! Ça va ?

Je soufflai une longue bouffée de fumée…

-T’as entendu le nouvel album de The Lightening ?

@ Billy Lighter

La tournée australienne avait commencé sur les chapeaux de roues. Pas plus tard qu’hier, The Burning Fire avait organisé une fête dans leur couleur et ça avait duré jusqu’au bout de la nuit. Je ne savais pas combien on était à cette fête mais il y avait, je crois, à peu près tous les roadies et même d’autres clients de l’hôtel qui n’avaient rien n’à voir avec nous et qui profitait de l’ambiance, de la musique, des gens et de l’alcool.

Après ce qu’il s’était passé lors de la tournée asiatique, ça avait été une vraie bouffée d’air ! L’ambiance semblait, enfin, être revenue dans le groupe principal de cette tournée et ça ne pouvait être que tout bénéfice pour BleedingHeart.

Bref, je voyais toujours le bon côté des choses mais la fête d’hier m’avait vraiment donné un coup de boost au moral parce que cette première tournée, même si elle était enrichissante et pleine d’émotions, n’était aussi pas simple pour nous qui faisions ça pour la première fois.

On avait bien fête mais je m’étais réveillé avec une gueule de bois mémorable. Ce n’était pas la première fois, en tournée, que je me réveillais avec l’impression de m’être fait passer dessus par un camion. Je buvais beaucoup plus en tournée que quand j’étais à Los Angeles. C’était un tout autre train de vie.

Le réveil fut dure et… Il était déjà presque 13h !!! Il y avait du monde dans ma chambre dont tout monde groupe mais, aussi, quelques roadies. Je ne savais pas comment on en était arrivé à tous dormir ici… Le principal c’est que j’aie dormis avec Leia et pas quelqu’un d’autre… Ce qui était le cas à première vue.

Je me frottai les yeux quand le téléphone se mit à sonner. Le son amplifiait mon mal de crâne alors je ne tardai pas à répondre. Et je reconnus tout de suite la voix de mon frère à l’autre bout du fil ce qui m’arracha un sourire.

-Salut Jordan… Oui… Oui, ça va… Gueule de bois… Et toi ?

Ma voix était un peu endormie. Je me frottai la tempe de ma main libre Je pouvais entendre Jodan fumer à l’autre bout du fil… Je me demandais quelle heure il était à Los Angeles. Je savais qu’il y avait pas mal d’heures de décalages… Mais avec tous ces voyages aux quatre coins du monde, je commençais à être perdu au niveau des heures.

Je me redressai un peu dans mon lit en essayant de ne réveiller personne alors que Jordan me demanda si j’avais entendu le nouvel album de The Lightening. Je souris.

-Oui… Je l’ai entendu hier. Un roadie avait acheté la cassette avant de partir. C’est un bel album… Les paroles sont un peu dures mais c’est dans le style de The Lightening. Je suis sûr que ça va faire beaucoup de bruits. Les critiques de tous types vont pleuvoir dans tous les sens.

Et rien que ça, ça contribuera largement au succès de l’album qui, musicalement, était très bon. Je n’étais pas d’accord avec toutes les paroles mais ça ne m’empêcher pas d’apprécier à fond leur œuvre.

-Tu l’as écouté aussi ? T’en pense quoi ?

Je souriais. Mon frère avait dû adoré, j’en étais sûr.

@ Billy Lighter

La première chose que j'entendis quand Duncan répondit à l'autre bout du fil, ce fut son sourire. Ok, sa voix était rauque, il avait l'air qu'il venait de se réveiller, ou que je venais de le réveiller. Mais malgré ça, il réussit à m'arracher un sourire, ce qui était pas une mince affaire. Pas que je sois moins souriant qu'un autre, non. Moins extraverti, ouais, mais pas au point de tirer la gueule à longueur de temps. Enfin sauf depuis hier soir quoi, mais ça allait bien finir par me passer, non?

Duncan, lui, c'était le contraire. Un chien avec un chapeau ça le faisait marrer. Bref, j'étais content de l'entendre parce que c'était certainement pas l'enthousiasme manifeste de Torres qui aurait fait le job de redorer le blason de la gente féminine après que je me sois fait plaqué comme une merde.

J'en étais dans la phase où je pensais de toute façon que rien ne pourrait les faire remonter dans mon estime. Pas que j'allais virer ma cuti, faut pas déconner, mais pour moi, le bonheur ressemblait fort à une vie extrêmement solitaire, là tout de suite.

Duncan avouait avoir la gueule de bois et ça me fit ricaner.

-T'as bien raison, va...

Qu'il profite de tout ce que la vie avait à lui offrir! C'était tout ce que je lui souhaitais. Et forcément, il me retourna ma question, mais je mentirais si je disais que je lui sonnais pas un peu, voire carrément, pour qu'il me pose cette question-là.

Il enchaîna direct sur The Lightening sans me laisser y répondre mais c'était ma faute, j'avais un peu lancé le sujet direct. Sauf que c'était pas tout à fait dénué de sens. The Lightening hurlait dans son album exactement ce que j'avais envie de hurler moi-même.

Mais je répondis d'abord à sa première question, non sans souffler encore une fois une bonne bouffée de fumée, allongé sur mon lit tout habillé, mes combat shoes encore aux pieds, en regardant le plafond.

-T'es en Australie, Conrad est en Irlande, j'ai tué un type parce que cet imbécile a pas lâché son arme quand je lui ai demandé et pour couronner le tout, j'ai dû me taper une gonzesse susceptible comme pas deux comme "partenaire" toute la journée. En résumé? Je suis crevé...

Je souris en coin...

-Et concernant l'album, je viens de l'écouter... Je l'écoute encore. J'en suis à ma troisième fois et je ne suis pas d'accord avec toi. Les paroles ne sont pas dures... Ou si elles le sont, c'est peut-être que c'est la vérité qui est trop dure à entendre.

Je me redressai pour écraser mon mégot dans le cendrier sur la table de nuit avant de me laisser retomber sur mon lit, le cornet coincé entre ma joue et mon épaule pour allumer une autre clope.

-Alexie est partie. Hier soir. Elle m'a dit... "J'ai d'autres projets." J'ai été ravi d'apprendre que j'étais un projet. Lighter et Izbel ont raison.

Je haussai les épaules, même si Dunk ne pouvait pas me voir.

-Mais bon, je dois voir le verre à moitié plein, pas vrai? Alors y a de l'amélioration, celle-là ne s'est pas ouvert les veines dans notre baignoire. Elle est au moins partie sans faire de taches...

@ Billy Lighter

Je rigolai à mon tour quand Jordan déclara que j’avais bien raison d’avoir fait cette fête qui avait comme résultat de me donner la pire gueule de bois de toute ma vie.

En gros, j’allais bien et je m’amusais. Mais je voulais savoir si c’était le cas pour lui aussi. Je ne lui laissais pas vraiment le temps de répondre à ma question que je donnais déjà mon avis sur le nouvel album de The Lightening vu que Jordan avait lancé le sujet. J’étais heureux de pouvoir entendre à nouveau des titres de ce groupe même si je n’étais pas forcément d’accord avec les paroles. Le son, les mélodies, le rythme… Tout ça restait exceptionnel.

Jordan revint à ma première question. Et il n’allait pas vraiment bien, en réalité. Enfin, il s’ennuyait parce que je n’étais pas là et que Conrad avait pris des vacances. Les deux étaient inséparables alors je pouvais comprendre que ça rendait Jordan un peu de mauvaise humeur de devoir travailler avec quelqu’un d’autre que son meilleur ami. Surtout que c’était une femme qui avait dû faire équipe avec Jordan… Je me retins de rire parce que ce n’était pas vraiment drôle en soit vu que Jordan avait dû tuer quelqu’un. Il fait un métier compliqué souvent incompris par les gens…

-Sale période… Mais Conard va bientôt revenir, Jordan… Tu vas voir, ça ira mieux quand il sera là.

Je ne fis pas de commentaire sur la femme flic. Je savais que Jordan avait du mal de concevoir ce genre de chose. Il avait fait l’armée. En gros, il avait toujours été dans un environnement masculin où chaque chose était à sa place. Et dans sa conception des choses, une femme flic n’est pas une femme à sa place. Je ne partageais pas sa conception des choses mais je n’avais pas eu la même vie que lui. J’étais un punk qui avait une fille comme batteuse dans son groupe. Je savais que les femmes étaient aussi forte que nous et que de les cantonner à certaine fonction est complètement stupide.

Les opinions des gens s’expliquent par ce qu’ils ont vécu et où ils ont vécu. Si tout le monde pensait pareil alors le monde serait profondément ennuyant.

-Et je suis désolé que tu ais eu à tuer quelqu’un… Ça doit être horrible.

Mais il n’avait pas eu le choix. Il avait laissé la possibilité à l’homme de lâcher son arme. Le type savait ce qui risquait d’arriver s’il n’obtempérait pas.

Jordan revint alors sur l’album qu’il disait avoir adoré ce qui ne m’étonnait pas. Mais je ne m’attendais pas à ce qu’il dise que les paroles soient source de vérité totale. Je m’attendais à ce qu’il soit quand même plus nuancé.

-Maman te tuerais si elle t’entendait dire ça.

J’esquissai un sourire sachant que Jordan exagérait sûrement et que s’il disait ça, c’est qu’il y avait une raison. C’était peut-être simplement à cause de cette femme flic, qui sait…

-Les femmes ne sont pas toutes comme ça. Tout comme les hommes ne sont pas tous des enfoirés non plus. Il y a juste des gens sympas et des gens moins sympas. C’est mon avis. Mais de là à dire qu’elles sont toutes comme ça. Non… Je connais plein de femme extraordinaire et notre mère est en tête de liste.

Jordan ne pourra pas me contredire. On a des points de vues différents mais je sais que quand on commence à débattre, j’arrive toujours à lui afficher les meilleurs arguments.

Je souris tout de même avant que mon sourire ne s’efface quand Jordan déclara qu’Alexie l’avait plaqué. Voilà le nœud du problème… Mais ça m’étonnait quand même de la part d’Alexie. Il vit alors le bon côté des choses en faisant référence à la mort de Roxxy. Mes lèvres se pincèrent.

-Elle t’a plaquée comme ça ? Juste parce qu’elle avait d’autres projets ?

Ok, ce n’était pas du tout sympa… Elle aurait pu discuter, expliquer plus les choses. Mais non, elle semblait être partie comme ça. Du moins, c’est comme ça que je percevais les choses dans le récit de Jordan.

-Je suis désolé pour ça… C’est moche… Je comprends mieux pourquoi tu es remonté sur les femmes.

On faisait facilement des généralités dans cet état d’esprit.

-Mais Jordan… Pourquoi est-ce que tu ne prends pas quelques vacances ? Viens me rejoindre ou va rejoindre Conrad… Tu ne crois pas que ça te ferais du bien ?

Faire avaler des congés à Jordan, ce n’était pas facile…

@ Billy Lighter

Sale période… Ouais, c’était le moins qu’on puisse dire… Et j’avais la sale impression que ça allait pas aller en s’arrangeant, ces conneries… Que l’absence de Conrad (qui n’allait de toute façon pas s’éterniser) et le fait que le recrutement fasse n’importe quoi, allait bientôt devenir le cadet de mes soucis professionnels…

-Ouais… plus que quelques jours et il sera là…

Je passai une main sur mon visage et tirai fort sur ma clope. Je voulais surtout savoir si Conrad allait ressentir et voir les mêmes choses que moi… Des détails, mais c’était des putains d’enfoirés de détails…

La voix de Duncan, pour l’instant, m’aidait quelque peu à me remettre les idées en place. Mais surtout, avec lui, j’osais dire des choses que je n’oserais avouer à personne d’autre. Il était mon frère, ce n’était pas n’importe qui. On avait grandi ensemble, pour ne pas dire que je l’avais carrément élevé, avec ma pauvre veuve de mère qui faisait de son mieux.

Ça, c’était une vraie femme. Une vraie femme qui te bouffe trois Torres au petit-déjeuner. Elle avait élevé quatre gars sans jamais ciller, ni perdre son humanité. Et de mon point de vue, elle avait pas trop mal réussi son coup.

-Ouais… C’est horrible…

Je soufflai une longue bouffée de fumée, laissant un blanc dans la conversation… Ce coup de fil allait me coûter un pont, mais j’en avais rien à foutre.

-Mais ce sera pas le premier et… j’imagine que ce sera pas le dernier. J’ai pris une balle, je te garantis que j’en prendrai pas deux.

Ça faisait trop mal et encore aujourd’hui, mon épaule faisait des siennes : trop chaud, trop froid, trop sec, trop humide, trop vite, trop fort, trop lourd, trop ci, trop là. Ras le cul.

Alors question de passer à quelque chose de plus léger… ouais, non en fait… mais toujours est-il qu’on causa de l’album de The Lightening parce que non seulement, il était tout neuf, mais en plus, j’avais l’impression que Lighter était venu puiser les paroles dans mon cerveau frustré de type qui vient de se faire larguer.

Et mon avis sur l’album fit toquer mon petit punk de frère… Maman me tuerait, qu’il disait… Puis il développa presque avec un ton de politicien démocrate en devenir. « No Future » peut aller se rhabiller…

-Ouais mais maman, c’est pas pareil. Puis Faith m’écartèlerait sûrement mais elle non plus c’est pas pareil.

Parce que je les connais. Parce que je les aime bien. Alors c’est pas pareil.

Mais alors, je m’expliquai un peu plus, lui dévoilant où j’avais vraiment mal et ce pourquoi l’album de The Lightening agissait sur moi comme un baume. Alexie était partie. Elle était partie quand moi, j’avais dit à tous les autres que je restais à L.A. pour elle.

PUTAIN ! NON ! C’était comme si quelque chose en moi se tournait et se retournait, se battait parce que c’était pas d’accord ne fut-ce qu’avec le concept qu’elle ne soit plus là. Qu’elle ne m’aimait plus.

Parce que moi, je l’aimais encore !

-Ouais… elle m’a plaqué… juste comme ça.

Ok ! Je sais ! Ça finira par passer ! Mais c’est encore un peu tôt là tout de suite.

Alors je crache ma haine pour ne pas chialer, si vous voulez tout savoir.

J’écrasai mon mégot et rallumai une clope pendant que Dunk affirmait qu’il comprenait pourquoi j’étais remonté.

-Mmm…

Puis vint la question à 1000$... Pourquoi tu ne prends pas des vacances, Jordy ? Hein ? Pourquoi tu ne t’arrête pas ?

Je frottai mes yeux… La grande différence avec ce que les gens me disaient habituellement, c’était que Duncan ne me proposait pas uniquement de prendre congé, avec ça allait de pair de quoi m’occuper, ce qui faisait que je ne pouvais pas lui répondre mon habituel : « Si je m’arrête, j’aurai le temps de cogiter sur ce qui ne va pas. »

Et je détestais cogiter sur ce qui n’allait pas.

-Ouais… ben figure-toi que s’il n’y avait pas eu Alexie, j’y serais, en Irlande !

Ouais parce que je serais pas resté au boulot avec Conrad en congé deux semaines, hein ! J’aurais pris congé en même temps que lui. Mais comme il partait, que Duncan était en Australie et que Alexie travaillait la journée (et que donc j’allais pas resté tout seul à la maison comme un con pendant ce temps-là), j’avais choisi de rester pour elle, de bosser mes journées et le tout pour pouvoir la retrouver le soir !

Sauf qu’elle m’avait plaqué !

-Je suis resté pour elle, nom de Dieu… Et maintenant…

Je laissai encore un blanc… Puis continuai…

-Et maintenant, j’ose pas prendre congé parce que j’ai un sale mauvais pressentiment.

Je me mordis la lèvre, calant ma clope entre mes doigts et regardant plus attentivement le plafond.

Des détails… Des sales putains de détails… Depuis des jours… Peut-être plus mais je ne l’avais probablement pas remarqué tout de suite pendant les patrouilles… Cet espèce de calme avant la tempête… J’avais déjà, sur mes années de service, « vécu » plusieurs guerres de gangs… ou des remaniements internes aux gangs… Et juste avant… il y avait comme une sorte de silence lourd… De calme malsain qui s’installait.

Où étaient les Pequeñas Manos ? Depuis des jours, je n’en avais pas vu un seul traîner dans les rues… Pourquoi les latinas de l’Eastside ne comméraient-elles plus des heures sur le pas de leurs portes ? Pourquoi toute la communauté latine de l’Eastside donnait-elle l’impression de se replier et d’attendre ?

-Quelque chose va arriver… Je ne sais pas quoi… Mais quand ça va péter, je veux en être.

Pas que je sois prétentieux assez que pour penser que ma présence fera une différence. Non… Non c’était autre chose… Quelque chose que j’avais déjà connu au Vietnâm et pourtant Dieu sait que j’avais haï et haïssais encore cette sale guerre.

C’est con à dire… Mais prendre congé maintenant, ça aurait été comme manquer un épisode de Keeping Our Lands.

@ Billy Lighter

L’absence de Conard, sa collègue temporaire et le fait que Jordan ait dû tuer quelqu’un en service était autant de données qui rendaient l’humeur de mon frère assez maussade. Je pouvais le comprendre… Déjà, tuer un homme ne devait pas être facile même si c’était pour le bien de tous et par légitime défense… Mon frère trouvait ça horrible autant que moi mais disait que ça n’était pas le premier, ni même le dernier… Je soupirai comprennent mon frère.

-Oui… De toute façon, le principal, c’est que tu rentres en vie…

C’était le principal pour moi. Même si je ne souhaitais la mort de personne, si c’était à choisir entre la vie d’un criminel et celle de mon frère, c’était tout choisi. Les criminels choisissent leur vie et savent quels sont les risques…

C’est la triste réalité… Une réalité que j’essayais d’améliorer par les contestations que je faisais dans mes chansons. Parce que tant qu’il y aura des gens dans la misère, il y aura des crimes.

Puis on en vint à l’album de The Lightening… Et je trouvais mon frère très remonté contre les femmes. A un point où je me demandais s’il n’y avait pas anguille sous roche. Je savais que mon frère était légèrement macho mais pas à ce point-là. Il respectait tout de même les femmes surtout notre mère qui ne serait pas contente de l’entendre parler comme ça. Mais il disait que Maman, ce n’était pas pareil et Faith non plus. Je souris un peu.

-C’est bien pour ça que dire que toutes les femmes sont comme ça c’est un peu con. Parce que Maman et Faith, quand tu parles comme ça, se sentiraient visées parce que ce sont des femmes.

C’est le problème de faire des généralités… Et si je devais reprocher quelque chose au nouvel album de The Lightening, c’est ça. Le manque de nuance. Même si je comprenais que le message, dans chaque chanson, était fait à chaud.

Mais le discours de Jordan ne venait pas de nulle part. En fait, il s’était fait plaqué par Alexie sans cérémonie ce qui expliquait pourquoi il était remonté contre les femmes. Mes lèvres se pincèrent alors que j’étais désolé pour mon frère. Il ne méritait pas d’être jeté comme ça.

Mon frère avait besoin de souffler, je le sentais. Alors, je lui proposai de prendre congé et de rejoindre Conrad ou bien même moi en tournée. Je pourrais toujours financer son voyage… L’argent n’était pas un problème pour moi. Plus depuis que BleedingHeart vendait des disques. Jordan rétorqua que s’il n’y avait pas eu Alexie, il serait en Irlande avec son ami. Mes lèvres se pincèrent à nouveau. Jordan était resté à L.A. pour elle…

-Ça, c’est râlant…

Je sentais que Jordan s’énervait sur la situation et sur Alexie en particulier. Mais rien ne l’empêchait de prendre congé maintenant… Sauf que si… Il y avait bien quelque chose. Jordan avait un mauvais pressentiment. Je fronçai les sourcils. Je ne savais pas pourquoi mais ça ne me disait rien qui vaille…

Jordan ajouta que quelque chose allait arriver mais qu’il ne savait pas quoi… J’avais envie de lui dire : « justement, raison de plus pour partir ». Mais mon frère voulait être là pour voir. Je soupirai plus profondément fermant momentanément les yeux avant de les rouvrir.

-Jordan… J’espère que tu te trompes et que ce n’est que ton imagination… Mais s’il se passe vraiment quelque chose, j’espère que tu n’y seras pas. J’ai pas envie qu’il t’arrive quelque chose moi…

Je ne comprenais pas pourquoi il voulait tant en être… C’était stupide et égoïste. L.A. pouvait parfois être dangereux avec toutes les guerres de gangs… Jordan m’avait déjà raconté des trucs effrayants. Sans compté la fois où il s’était retrouvé à l’hôpital à cause d’une balle.

-La dernière fois, tu as eu de la chance… Faut pas la pousser trop loin.

Je voulais insister et lui dire de venir me rejoindre mais je savais que c’était peine perdue.

@ Billy Lighter

Duncan me trouvai un peu con… Et ça me fit sourire. Pas vraiment un sourire amusé. Plutôt un sourire mauvais. Il le savait, pourtant, que si je disais ça, c’était qui avait une raison. Tout comme il savait plus que probablement aussi qu’essayer de me tempérer maintenant, c’était peine perdue.

-Non… Elles se sentiraient pas visées, parce qu’elles me connaissent aussi.

Bah quoi, c’est vrai. C’est comme ça que ça marche. Et pas autrement. Je savais que ma mère le prendrait pas mal. Qu’elle lèverait juste les yeux au ciel en souriant et que Faith me mettrait juste une claque derrière le crâne pour m’apprendre la vie. Mais qu’elles le prendraient pour elles ? Non…

Non, ça c’est du Duncan Keller qui tente de me faire voir les choses comme lui les voit. Et c’est jamais gagné ça. Parce que Dunk et moi, on a pas la même vision du monde. Pas que je suis pas d’accord avec ce qu’il revendique dans ses chansons, que du contraire. Enfin dans la mesure où je comprends tout parce que j’admets que c’est pas toujours le cas. Duncan était plus instruit que moi sur certaines choses…

Mais de tout façon, quand Duncan comprit le nœud du problème, tous les beaux discours sur la société (ou ceux visant à la détruire), laissèrent place à ce qui se cachait vraiment derrière tous ces grands mots : Alexie m’avait plaqué et je l’avais mauvaise. L’histoire s’arrêtait là.

Alors mon frère me proposa de me changer les idées, de partir, de venir le rejoindre ou d’aller rejoindre Conrad… mais je n’avais envie de faire ni l’un, ni l’autre. Parce que de toute façon, Conrad allait revenir dans quelques jours seulement et je ne me sentais vraiment pas de faire 17 heures d’avion.

Mais il y avait autre chose. Quelque chose était en train de couver à Los Angeles. Je reconnaissais les signes avant-coureurs. Et quand j’en fis part à mon frère, ça ne manqua pas de l’inquiéter.

-T’inquiète… je prendrai pas de risque.

Je fis rouler mon épaule à laquelle j’avais été blessé en grimaçant un peu… Comme pour me rappeler ce qui m’étais arrivé la dernière fois. Alors même que j’avais pas cherché la merde… je m’étais juste trouvé au mauvais endroit au mauvais moment.  

-Je me rappelle plutôt bien de la dernière fois. J’ai pas l’intention de me jeter dans la mêlée… Je laisse ça à nos petits super-heros-wanna-be…

Je mordis ma lèvre puis tirai sur ma clope.

-Je veux juste voir si j’ai raison. S’il se passe quelque chose… C’est pas nous les cibles. On le saurait.

Ça arrivait parfois quand on faisait une descente assez fructueuse… Après, il y avait quelques vengeances où les flics étaient pris pour cibles… Où des gosses de membres de gangs qui avaient fini en taule trouvaient intelligents de prouver leur valeur en poignardant l’un ou l’autre collègue.

Je soufflai la fumée…

-Non… je crois que ça se passe entre eux, ce coup-ci… Faut juste pas s’interposer.

Je réfléchissais plus tout haut que je ne parlais réellement à Duncan. Finalement, je secouai la tête, sortant de mes rêveries.

-Bonne chance pour votre concert, petit frère. Amusez-vous bien et passe le bonjour à Leïa…

Preuve que je leur en voulais pas tant que ça, aux gonzesses.

@ Billy Lighter

C’est vrai… Maman et Faith n’en tiendrait pas rigueur à Jordan parce qu’elle savait qu’il ne prenait pas les paroles pour elle mais pour un certain genre de fille. En gros, il ne voulait pas généralisé même si c’était ce qui semblait être le cas d’un premier abord. Mon frère n’est pas méchant. Il respecte les gens… Mais quand il est fâché sur quelque chose ou sur quelqu’un, il sait très bien le montré. Même si, parfois, sa colère faisait qu’il généralisait.

Comme ici… Parce que j’appris bien vite que s’il avait tant apprécié et approuvé les paroles de The Lightening, c’est parce qu’il s’était fait plaqué. J’étais désolé pour lui… Il était réellement très amoureux d’Alexie et ce faire larguer de la sorte était injuste. Même si toutes les autres femmes de cette Terre n’en pouvait strictement rien.

Mais si je lui proposai de prendre des vacances pour pouvoir se vider la tête et penser à autre chose, lui voulait rester à L.A. parce qu’il avait le sentiment que quelque chose allait s’y passer. Quelque chose de grave… Quelque chose qui avait un rapport avec son métier. Rien pour me rassurer, en fait. Jordan avait déjà été blessé dans une fusillade et je n’avais pas envie qu’il se retrouve dans le même état, voire pire…

Il déclara qu’il ne prendra pas de risque.

-Tu as intérêt…

Et je ne disais pas ça pour blaguer. Je ne voulais pas que mon frère prenne des risques stupides. Il confirma qu’il ne ferait rien d’inconsidéré laissant ça à ses collègues qui voulaient jouer aux héros. J’hochai la tête soupirant quand même parce que ce qu’il m’avait dit ne m’avait vraiment pas rassuré. Jordan avait de l’instinct. Il savait quand quelque chose allait mal aller… Il avait souvent raison pour ce genre de chose… Et c’était bien ça qui m’inquiétait.

En gros, il voulait rester pour savoir s’il avait raison. Il essaye de me rassurer en disant qu’ils n’étaient pas les cibles. Je soupirai quand même.

-Essayez de ne pas être les dommages collatéraux…

Parce que je n’étais pas dupe… Je savais qu’il parlait de règlements de comptes entre gangs de rues. Et il pouvait toujours il y avoir des dégâts collatéraux dans ce genre de règlements de comptes. Mais, pour Jordan, il suffisait de ne pas s’interposer.

-Ok… Fait quand même très attention.

Que pouvais-je dire de plus ? Il était quand même décidé à rester là-bas au milieu du danger qu’il voyait venir. Je ne pouvais pas changer mon frère en un claquement de doigts, ni même le forcer à venir.

Il me souhaita ensuite bonne chance. Je retrouvai un peu mon sourire.

-D’accord, je passerais le bonjour à Leia. Merci et fait vraiment attention…

Après ça, on raccrocha chacun de notre côté. Et je soupirai une dernière fois espérant vraiment qu’il n’arrive rien à Jordan.

@ Billy Lighter